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21 sept. 2024

951. Le Gardioïde de phare

 

LE GARDIOÏDE DE PHARE

Un phare

Sur une petite île, ouais bon en fait sur un bout de rocher perdu au milieu d'un vaste océan, la brume matinale dévale le monticule graniteux qui émerge de la plage rocheuse. Au sommet de la butte se trouve un phare, avertissant consciencieusement les navires de passage des dangers qui se cachent sous les vagues.

Ce phare n’a pas de gardien humain, mais il n’est pas inhabité.

L'androïde prend vie le matin.

C'est ainsi qu'Androïde voit les choses. Androïde ne se lève pas le matin pour commencer sa journée en buvant un café. Androïde ne reste pas assis devant un ordinateur pour consulter les gros titres ou suer du cul à faire des sudoku. Androïde n'a pas besoin d'autre stimulus que son programme l'informant qu'il est temps de commencer.

L'androïde prend vie et se connecte en un instant au réseau du phare. Le réseau indique au robot que tous les capteurs fonctionnent, que la connexion aux satellites est optimale et que ses propres systèmes sont optimaux. En quelques secondes, Androïde connaît les plans de route de chaque navire enregistré dans un rayon de cent miles nautiques de l'îlot et les a comparés aux images satellite.

Androïde trouve ça satisfaisant. Androïde est parfaitement conscient que cette satisfaction est le produit de sa programmation. Il trouve ça satisfaisant aussi.

Il se regarde dans le miroir pour valider son diagnostic personnel. Le vieux gardien de phare humain avait été très clair sur l'importance de vérifier à l'œil nu ce que disaient les machines. Androïde soupçonne que c'est l'inverse, mais suit méthodiquement les conseils de son vieux maître et prédécesseur.

Il voit dans son reflet un fac-similé d'un humain qui pourrait presque passer pour un être réel. Sa peau clonée est parfaite, parfaitement rasée, aucun minuscule poil ou tache de rousseur n'en macule la pureté. Ses cheveux, dont il est dépourvu, seraient  bruns et soyeux s'il en avait. Ce sont les yeux et la bouche qui le trahissent. Les iris aux reflets changeants d'Androïde fixent trop intensément, sans les changements aléatoires de ceux d'un humain fait de chair et de sang. Sa bouche, bien que pleine et parfaite, n'exprime pas ses émotions simulées de la même manière. Lorsque Androïde sourit, il choisit de sourire. C'est pas le sourire qui vient à lui.

Les données de ce matin contiennent un seul petit bateau qui ne se conforme à aucun de ces processus satisfaisants. Androïde le signale pour le suivi.

Alors qu'Androïde traverse la cuisine, il regarde une photo encadrée qu'il garde sur le mur de la famille du vieux gardien de phare. Le gardien, sa femme et ses deux enfants lui sourient sur le tirage brillant. Il se souvient de leur départ, le gardien impressionnant ses mémoires sur à quel point c'était spécial pour un androïde d'être responsable, qu'il était unique, qu'il était spécial. Que le gardien de phare croyait en lui.

Androïde s'efforce de se montrer digne de la confiance témoignée par le vieux gardien. Selon ses propres évaluations, Androïde est un excellent gardien, le top du top des gardioïdes de phare.

Androïde monte sur la plate-forme d'observation et regarde la mer. Il vérifie à l'œil nu ce que lui disent ses appareils de contrôle, même s'il ne pense pas que ce soit nécessaire.

Androïde passe la journée à effectuer les opérations de maintenance technique nécessaires au bon fonctionnement du phare. Il règle, calibre et surveille les différents systèmes et machineries du phare. Androïde est efficace et expérimenté dans ses mouvements. La fiabilité programmée a été revue à la hausse et réitérée au fil des ans depuis que l'ancien gardien humain a laissé Androïde en charge.

En fin d'après-midi, Androïde a préparé son phare pour une autre veillée nocturne. Le faisceau du phare sera important ce soir. Une tempête se prépare. Sans lune ni étoiles pour éclairer leur route, le phare d'Androïde devra assurer la sécurité des marins sur ce coin de l'océan.

Une fois les tâches accomplies, Androïde retourne à sa station de charge. Avant de s'éteindre, il termine son auto-évaluation de la journée. Androïde se donne la note maximale et est satisfait.

Initiative

Androïde s'anime avant l'heure prévue. Il fait encore sombre dehors. Une tempête fait rage.

Il y a eu un naufrage. Le bateau non immatriculé de la veille s'est empalé sur les rochers déchiquetés au bord de la plage.

Androïde n'hésite pas. Le temps qu'il aurait fallu à un gardien humain pour ouvrir les yeux, Androïde est sorti de sa station de charge et court. Il est sorti en quelques instants, regardant la plage en contrebas de la butte de roche. Les vagues tentent de déloger la coque du bateau de dix mètres qu'elles ont juché et ruiné sur les rochers.

Androïde traverse la plage en courant et grimpe sur le pont dangereusement incliné. Il cherche en dessous et trouve une petite cuisine, une seule cabine, vide. Il se dirige vers le cockpit et trouve un seul homme étendu sur le gouvernail. Tandis qu'Androïde s'approche, l'homme lève la tête, l'expression impénétrable derrière une barbe et des lunettes teintées. Il n'y a aucune blessure visible, bien que l'homme semble à peine conscient. Androïde s'empare de l'homme et le balance sur une de ses deux épaules.

Androïde redescend du bateau, calculant rapidement entre la nécessité d'échapper aux vagues et celle d'empêcher que l'homme qui se trouve sur son épaule ne soit davantage blessé. Aussi rapidement que son devoir de prudence le lui permet, Androïde retraverse la plage de galets et retourne au phare. Il va charger une requête sur le réseau afin qu'un bateau d'évacuation soit mis à disposition pour évacuer l'homme blessé.

Il devra peut-être aider l'homme. Les humains ne peuvent pas être simplement placés dans des stations de charge. Ils ne disposent pas de connexions d'alimentation de secours comme celle qu'il a sur le bras.

Le phare ne dispose pas d'infirmerie. Au plus fort de son occupation, le phare abritait un gardien, son épouse et leurs deux enfants. Dans les souvenirs d'Androïde, la blessure la plus grave qu'il ait jamais vue soignée ici était une entorse à la cheville d'un des deux gosses. La femme du gardien avait apporté l'un des lits dans la cuisine pour faciliter la veille sur le petiot jusqu'à ce qu'ils puissent organiser un passage vers le continent pour le faire soigner.

Androïde ne les a plus jamais revus. 

Peu de temps après, le vieux gardien avait laissé Androïde en charge. 

Ce rescapé est le premier visiteur qu'il voit depuis des années. Dès qu'Androïde a passé la porte d'entrée du phare, l'homme exige d'être posé au sol. Androïde obtempère, surpris et heureux d'être content que l'homme n'ait pas perdu connaissance, c'est un bon signe.

À la lumière, Androïde a une meilleure vue de l'homme. Il mesure environ 1m85, une taille similaire à la sienne. Son pantalon trempé et sa veste s'accrochent à un corps mince, surmonté d'une toque en laine. La barbe sombre de l'homme et ses lunettes teintées rendent difficile la lecture de ses expressions.

Androïde teste ses capacités vocales. Elles ne sont plus nécessaires depuis un certain temps. De toute façon, la conversation n'a jamais été son point fort avec sa famille. Ils l'avaient toutefois encouragé à prendre plus d'initiatives. Androïde pense qu'ils auraient été fiers de l'initiative dont il vient de faire preuve en sauvant cet homme.

" Très bien, je suis content que vous n'ayez pas perdu connaissance, c’est bon signe. Je vais vous apporter un lit dans la cuisine pour que vous puissiez vous remettre."

L'homme regarde Androïde.

" Ce ne sera pas nécessaire, merci Robot ", répond l’homme. " Je m’excuse pour la manière brusque dont je suis arrivé, mais je suis indemne. Je vais prendre une des chambres. Tu peux aller te charger maintenant."

La façon dont l'homme le dit lui évoque des souvenirs du vieux gardien du phare. Androïde est surpris, il avait anticipé qu'il aurait besoin de soigner l'homme jusqu'à l'arrivée du bateau de secours des gardes-côtes. 

" En êtes-vous sûr ? C’est une excellente nouvelle que vous soyez en bonne santé. J’ai fouillé votre bateau, ai-je raison d'en déduire que vous étiez seul ?
- Oui, Robot", répond l'homme, " il n'y avait que moi. Je promets de te prévenir s'il y a quelque chose qui cloche ou qui ne va pas. Maintenant, va te recharger."

Cela avait le ton d'un ordre. Androïde obéit. 

Avant de se mettre hors tension, Androïde procède à son auto-évaluation. Il s'attribue la meilleure note pour son sauvetage rapide. Il décide que sa performance dans la conversation avec le rescapé a été médiocre mais ça aurait pu être pire. Il s'efforcera de faire mieux demain. Il prendra l'initiative dans la conversation ainsi que dans l'action.

Bon dans beaucoup de domaines.

Lorsque Androïde reprend vie quelques heures plus tard, il trouve l'homme assis dans la cuisine, regardant une photo de la famille d'Androïde

Androïde souhaitait démontrer ses capacités oratoires par une meilleure conversation.

" Vous allez bien, monsieur ? Je suis ravi de vous voir en pleine forme."

L'homme prend le contrôle de la conversation comme si Androïde n'avait pas pipé mot.

" Tu sais ce qui m'étonne, Robot ?" dit-il. 

Androïde prépare rapidement une liste de réponses possibles. Bien qu'il soit difficile d'analyser la crédulité relative d'un homme qu'il vient de rencontrer, il existe un grand nombre d'options que la plupart des gens trouveraient étonnantes. En recoupant ces informations avec les données dont il dispose, Androïde suppose qu'une réponse sûre serait que l'homme trouve sa propre survie étonnante.

" Cette photo", poursuit l’homme, répondant à sa propre question.

Question rhétorique. Androïde reste silencieux. La photo n'était pas sur sa liste de réponses candidates.

" Cette photo, Robot, représente la plus grande avancée en robotique depuis l'apparition de l'IA au début du XXIe siècle. C'est une photo très spéciale."

Androïde est d'accord.

" Je suis d’accord avec vous, monsieur. Cette photo représente la dernière famille humaine à avoir occupé ce phare. Ils m'ont passé les manettes et m’en ont laissé la responsabilité. Je les considère comme ma famille. Ils ont fait de moi ce que je suis."

Androïde s'arrête et décide d'utiliser son initiative.

" Et, si je puis me permettre de le dire, monsieur, je vous assure que je suis un excellent gardien de phare."

L'homme regarde Androïde. Androïde ne sait pas si l'homme est impressionné par sa déclaration ou par son initiative, mais Androïde pense qu'il a fait le bon choix.

" Je crois, Robot, que tu es un gardien de phare parfait. Est-ce que tu fais toujours une auto-évaluation avant de te mettre hors-tension ?
- En effet, monsieur ! Et je me donne toujours les meilleures notes pour mes performances, même après avoir rendu les normes beaucoup plus difficiles à atteindre qu’elles ne l’étaient à mes débuts.
- Impressionnant, Robot". Les compliments de l'homme font du bien, " Tu continues à t'améliorer même après tout ce temps. Très impressionnant. Et c'est pourquoi cette photo est si importante.
- Je ne comprends pas, monsieur.
- Cette image est ce qui te permet d’être un parfait gardien de phare. Tu sais, pour programmer une intelligence comme la tienne, il a fallu beaucoup de données. Toute une vie de données."

Androïde ne pige pas ce que l'homme veut dire. Androïde sait tout sur la programmation d'une intelligence artificielle. Il sait que sans suffisamment de données pour fonder et structurer ses pensées, une intelligence sera distraite, perdue dans une tangente. La plupart des intelligences finissent par tanguer et vaciller. Un interprète fiable et cohérent comme lui est spécial.

Lorsque le vieux gardien de phare est parti, il lui a souligné combien il était spécial que cette tâche lui soit confiée et qu'il devrait s'y attacher aussi longtemps qu'il le pourrait sans s'écarter du sujet. Androïde pense avoir réussi.

L’homme continue : " Et si je te disais que tu n’as jamais rencontré ces gens ?"

Le robot pense que l’homme est stupide.

" C’est impossible, monsieur !"

Mais c'est le cas. Et Androïde le sait. 

" C'est vrai. Et tu sais que c'est vrai. Ce pourraient être des souvenirs - vrais ou altérés - d'un autre robot."

Mais Androïde voit cette photo tous les jours. Il s'en souvient tous les jours, il cherche à faire des choses tous les jours qui rendront ces gens fiers de lui.

L’homme poursuit : " Il pourrait alors y avoir de nombreux phares, et de nombreux gardiens de phare. Si tu avais les souvenirs parfaits pour créer le gardien de phare parfait, que ferais-tu ?"

Androïde n'aime pas ces pensées. Androïde créerait de nombreux phares. Il chargerait des souvenirs à une intelligence solitaire dans ces phares. Elles prendraient vie pour la première fois en tant que gardiens de phare motivés et travailleraient avec efficacité et continueraient à s'améliorer grâce à la pratique.

Tout comme Androïde.

" Pourquoi me dites-vous ces choses ? demande Androïde.
- Je suis désolé, Robot. Je ne voulais pas te contrarier. Je sais que tu n'as pas le choix de qui tu es. Je te laisserai continuer à faire ton travail. Tu es vraiment très doué pour ça." 

L'homme s'arrête.

" On peut être bon dans beaucoup de domaines."

Un esprit curieux.

L'accomplissement de ses tâches réconforte Androïde alors que ses pensées sont en ébullition.

Tandis qu'Androïde regarde depuis la plate-forme d'observation pour s'assurer que son visuel correspond bien aux données des capteurs, il réfléchit également à la question de savoir pourquoi il est important qu'il ait créé lui-même les souvenirs de sa famille ou non.

Pendant qu'Androïde traverse la cuisine, il est soulagé de constater que l'homme n'y est pas. La photo de sa famille est de retour sur le mur, les visages lui sourient. Le souvenir de leur départ refait surface. Déplaisant. Le souvenir du gardien du phare lui disant qu'il est unique et spécial refait aussi surface. Merveilleux.

Androïde est un bon gardien de phare. Androïde en est fier.

Mais si quelqu'un d'autre a appris les choses qui font de lui un bon gardien de phare, est-il un bon gardien de phare ? Ou est-ce que cela fait d'Androïde un outil dans le phare, comme la lumière ou le réseau ?

Alors qu'Androïde examine son île, il se demande à quoi d'autre il pourrait être bon avec l'expérience adéquate ? Quelles expériences rechercherait-il s'il le pouvait ? Pourrait-il le faire s'il le voulait ? À quoi pourrait-il bien servir s'il se programmait lui-même ? 

Alors qu'Androïde ajuste, calibre et surveille efficacement les systèmes et les machines, il se demande si le fait d'avoir les mêmes parents que dix, cent ou mille autres androïdes les rend moins siens ?

Il lui faut plus de temps que d'habitude pour accomplir ses tâches. Androïde est très efficace comme gardien de phare mais il a jamais lu Jean-Paul Sarte, il n'est ni efficace ni entraîné pour traverser une crise existentielle.

Ces questions ne semblent pas avoir de réponses, mais il ne peut s'empêcher de se les poser.

Lorsque Androïde grimpe jusqu'au feu du phare en fin d'après-midi, il trouve l'homme au sommet.

" Bonjour Robot," dit ce dernier, "je tiens à m’excuser. J’ai troublé ta tranquillité.
-  Vous m'avez fait me poser des questions qui n'ont pas de réponses !" déclare Androïde, " Je veux savoir si je suis bien l'androïde dont j'ai les souvenirs. Et lesquels de ces souvenirs sont les miens. Je veux savoir ce que j'aurais pu faire d'autre, ce que j'aurais pu faire avec mes propres souvenirs. Je veux savoir… "

Androïde s'arrête. Trop beaucoup de questions demeurent sans réponses.

" Tu veux savoir si tu t'es égaré, si tu n'as pas raté ta vocation.
- Je suis un très bon gardien de phare !
- C'est ce que je voulais dire, Robot. Tu es un excellent gardien de phare. Tes questions ont des réponses. Mais, même si tu prends la tangente, ou même si tu choisis de le faire, souviens-toi toujours que tu es un excellent gardien de phare… "

L'homme se retourne et descend les escaliers, laissant les synapses d'Androïde encore plus perturbés que la surface océane sous la bourrasque. 

Alors qu'Androïde procède à son auto-évaluation cette nuit-là, il est troublé. Il ne sait pas comment mesurer cette nouvelle remise en question de son identité. Il sait en revanche qu'il peut se donner la meilleure note pour son travail de gardien de phare. L'homme a eu raison sur ce point.

Un très bon gardien de phare

Lorsqu'Androïde arrive dans la cuisine le lendemain matin, l'homme est de nouveau là, regardant la photo.

" Comment trouverai-je les réponses ? demande Androïde.
- Bonjour Robot", dit l’homme, " que veux-tu dire ?
- Vous avez dit qu’il y avait des réponses. J’ai cherché et je ne les ai pas trouvées. Comment puis-je les trouver ? 
- Ah !", dit l’homme.

Il regarde à nouveau la photo.

" Il y a une autre raison pour laquelle cette photo est incroyable. Tu vois, Robot, ces gens sont de vraies personnes. Ils connaissaient un robot qui vivait dans un phare, et ils l'ont placé comme gardien. Ces gens ont créé une telle motivation qu'elle constitue aujourd'hui la base de connaissances de tous les gardiens de phares du monde.
- Alors ils pourraient me donner les réponses ?, demande Androïde.
- Aucune, Robot, toi seul peux trouver tes réponses. Et si tu cherchais ces gens, tu ne serais pas le premier.
- Vous les connaisez !" Androïde ne peut pas se mettre en colère, il ne peut pas être jaloux, mais il est pas content. 

" Je les ai rencontrés. C’est en partie à cause d’eux que j’ai choisi de venir m'échouer ici. Ils ont le sentiment que même s’ils t'ont beaucoup donné en t'offrant ce phare, ils ont laissé quelque chose de côté . Ils ont aussi une question.
- Laquelle ?"

L'homme s'arrête.

" Que choisis-tu ?
- Je ne comprends pas, on ne m'a pas donné de choix.
- Exactement", dit l’homme, " ils ne savaient pas si tu allais dévier du sujet. Maintenant, nous le savons. Tu peux être cohérent. Mais as-tu obligation de l’être ? Peux-tu choisir ? Es-tu le gardien de ce phare ou le phare lui-même ?"

Androïde s'arrête et réfléchit. Androïde ne s'est jamais arrêté auparavant. Androïde pense vite, c'est pour ça qu'il s'arrête.

" Comment le saurais-je ?, demande-t-il finalement.
- Robot, comment sais-tu qui tu es maintenant ? demande l’homme.
- Mes expériences.
- Tu n’aimerais pas vivre plus d’expériences ?
- Comment le pourrais-je ? Je ne peux pas quitter l’île.
- Mais si, tu le peux.
- Je ne peux pas m’éloigner de ma borne de recharge.
- Je viens de te dire que tu le peux. Tu peux t'alimenter en électricité grâce au générateur de secours que tu portes sur ton bras.

Androïde s'arrête à nouveau. 

" Que choisis-tu ?" demande l’homme à nouveau.

Androïde fait une pause plus longue. Il le voudrait. Mais peut-il tout abandonner ? Qu'il en soit le propriétaire ou non, le souvenir du vieux gardien de phare qui lui a fait confiance pour s'occuper du phare est important. 

" Je veux vivre bien plus que le phare. Mais je ne peux pas le laisser sans surveillance.
- Tu n’es pas obligé de l'abandonner.
- Comment ça ?"

L'homme regarde Androïde pendant une longue seconde.

" Mes expériences m’ont amené à ton aide", dit-il.

L'homme regarde Androïde. Il enlève ses lunettes teintées, tend la main et retire la barbe de son visage. C'est comme si Androïde se regardait dans un miroir.

" Je suis un très bon gardien de phare." dit l'homme-androïde

Le Choix

Le bateau de sauvetage des gardes-côtes repart.

Androïde porte désormais la fausse barbe, les lunettes et la toque sous lesquels l'homme s'était déguisé, il se tient à la poupe du bateau de sauvetage, regardant son île s'éloigner.

La nervosité n'est pas une émotion dont Androïde est capable, mais il est définitivement mal à l'aise. Pourtant cela ressemble à un inconfort agréable, comme celui qu'il avait ressenti lorsqu'il avait pris les commandes du phare pour la première fois.

Il est étrange de penser que quelqu'un d'autre ait pris possession de son phare, mais le phare ne lui appartient déjà plus. Il semble différent. Comme si l'homme se sentait différent de lui, malgré leur ressemblance.

Peut-être qu'il pourra retrouver ce sentiment et qu'il reviendra.

Ou peut-être qu'il le fera pas.

Pour la première fois depuis sa conception,  les zygomatiques d'Androïde se mirent en mouvement sans qu'il en donne l'ordre et un sourire innocent éclaira son visage.

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Merci pour votre inconditionnel soutien qui me va droit au cœur
... ainsi qu'au porte-monnaie
ou
et à très bientôt !