« Oups ! » s’exclama Nestor, l’androïde, en tendant son bras prolongé d’une main sacrément bien articulée pour repêcher l’éponge qu’il venait de faire tomber dans le fond de la baignoire. Nestor était un modèle de dernière génération. Avec pile au plutonium, garantie trois mille ans et une capacité de résolution de 11 millions d’équations du troisième degré à la pico-seconde. Ses propriétaires en étaient en-chaaaaan-tés.
Mais s’il y a une chose de spéciale que Nestor aimait par dessus tout – c’était d’assister au bain de sa maîtresse. Et il ne savait pas pourquoi.
Par quelque mystère bio-électronique profondément enfoui dans le fond de sa RAM, le contact de la peau de cette dernière produisait en lui une vibration picométrique de certains de ses capteurs. Et quand celle-ci s’extirpait du bain pour qu’il la sèche avec son séchoir intégré, sa vue engendrait de minuscules étincelles bleutées en quatre points de jonction différents de ses fibres optiques.
Et la maîtresse appréciait énormément Nestor : il était attentionné, patient, méticuleux, son enrobage de peau synthétique était doux et chaud.
De plus, même s'il n’était qu’un cyborg, un être sans vie, animé par un micro-bioprocesseur, il savait pourtant la savonner, la sécher, lui passer la crème et la masser sans lui adresser les regards lubriques d’un homme tel que moi ni ceux jaloux de ma louve d’amour ni même emplis d’envie de Cristalle B36. C’est comme si elle était seule.
Mais pour Nestor, de telles vibrations et de tels micro-courts circuits étaient bizarres. Il n’arrivait pas à comprendre ce qui lui arrivait lorsqu’il percevait le parfum de sa maîtresse flottant dans la salle de bain. Ou même, quand, certaines nuits, elle lui demandait de rester assis près de son lit pour lui lire d’antiques romans du 20ème siècle au lieu de descendre au sous-sol pour y défragmenter son disque dur dans son cabinet de maintenance.
Nestor, qui depuis son arrivée dans cette demeure, lui avait toujours apporté son déjeuner au lit, depuis deux semaines rajoutait tous les jours une rose fraîchement coupée disposée à côté du café. Et depuis une semaine, il la réveillait avec des sonnets de Rimbaud tirés de son répertoire audio MP275.
Un matin de printemps, tandis que toutes les fenêtres de la maison étaient grandes ouvertes, sonna l’heure du bain. Tandis qu’il aidait sa maîtresse avec le shampooing et le savon, les circuits de Nestor atteignant le rouge et ses bases de données affolées de trop d’ordres contradictoires, il ressentit soudain torpeur et confusion. Au moment exact où elle sortait de l’eau, une risée glacée s’engouffra dans la pièce de l’extérieur et la peau de sa maîtresse subit une mutation que Nestor connaissait : le léger duvet qui la recouvrait par endroits se hérissa et elle se prit de tremblements : Le froid !
Le cyborg, voulant bien faire, détecta rapidement la zone de sa maîtresse la plus affectée par cette baisse de température. C’est pourquoi il lui recouvrit gentiment les seins de ses deux paumes tièdes. Quand Nestor déplaça ses capteurs d’images en direction du visage de sa maîtresse et eut terminé de régler le focus, il s’aperçut que celle ci avait les yeux fermés lorsqu’elle s’exclama : « Oooh, Nestooor… » Ce qui se passa ensuite, le cyborg ne put jamais le contrôler et encore moins l’analyser.
Deux ans ont passé. Nestor et sa maîtresse sont heureux. Mais le cyborg a détecté quelque chose qu’il ignorait jusqu’alors : les humains vieillissent puis meurent. Et lui sait que son processeur ne survivra pas à la perte de sa maîtresse. C’est pour cela qu’il a tout prévu dans son cabinet de maintenance au sous-sol : l’incubateur, les bouillons de culture, les cathéters et le microscope électronique. Cette nuit, après lui avoir brossé les cheveux, il prélèvera divers poils pris dans la brosse et les descendra en bas. Il a calculé qu’il y trouvera assez d’ADN pour initier le clonage.
Mais s’il y a une chose de spéciale que Nestor aimait par dessus tout – c’était d’assister au bain de sa maîtresse. Et il ne savait pas pourquoi.
Par quelque mystère bio-électronique profondément enfoui dans le fond de sa RAM, le contact de la peau de cette dernière produisait en lui une vibration picométrique de certains de ses capteurs. Et quand celle-ci s’extirpait du bain pour qu’il la sèche avec son séchoir intégré, sa vue engendrait de minuscules étincelles bleutées en quatre points de jonction différents de ses fibres optiques.
Et la maîtresse appréciait énormément Nestor : il était attentionné, patient, méticuleux, son enrobage de peau synthétique était doux et chaud.
De plus, même s'il n’était qu’un cyborg, un être sans vie, animé par un micro-bioprocesseur, il savait pourtant la savonner, la sécher, lui passer la crème et la masser sans lui adresser les regards lubriques d’un homme tel que moi ni ceux jaloux de ma louve d’amour ni même emplis d’envie de Cristalle B36. C’est comme si elle était seule.
Mais pour Nestor, de telles vibrations et de tels micro-courts circuits étaient bizarres. Il n’arrivait pas à comprendre ce qui lui arrivait lorsqu’il percevait le parfum de sa maîtresse flottant dans la salle de bain. Ou même, quand, certaines nuits, elle lui demandait de rester assis près de son lit pour lui lire d’antiques romans du 20ème siècle au lieu de descendre au sous-sol pour y défragmenter son disque dur dans son cabinet de maintenance.
Nestor, qui depuis son arrivée dans cette demeure, lui avait toujours apporté son déjeuner au lit, depuis deux semaines rajoutait tous les jours une rose fraîchement coupée disposée à côté du café. Et depuis une semaine, il la réveillait avec des sonnets de Rimbaud tirés de son répertoire audio MP275.
Un matin de printemps, tandis que toutes les fenêtres de la maison étaient grandes ouvertes, sonna l’heure du bain. Tandis qu’il aidait sa maîtresse avec le shampooing et le savon, les circuits de Nestor atteignant le rouge et ses bases de données affolées de trop d’ordres contradictoires, il ressentit soudain torpeur et confusion. Au moment exact où elle sortait de l’eau, une risée glacée s’engouffra dans la pièce de l’extérieur et la peau de sa maîtresse subit une mutation que Nestor connaissait : le léger duvet qui la recouvrait par endroits se hérissa et elle se prit de tremblements : Le froid !
Le cyborg, voulant bien faire, détecta rapidement la zone de sa maîtresse la plus affectée par cette baisse de température. C’est pourquoi il lui recouvrit gentiment les seins de ses deux paumes tièdes. Quand Nestor déplaça ses capteurs d’images en direction du visage de sa maîtresse et eut terminé de régler le focus, il s’aperçut que celle ci avait les yeux fermés lorsqu’elle s’exclama : « Oooh, Nestooor… » Ce qui se passa ensuite, le cyborg ne put jamais le contrôler et encore moins l’analyser.
Deux ans ont passé. Nestor et sa maîtresse sont heureux. Mais le cyborg a détecté quelque chose qu’il ignorait jusqu’alors : les humains vieillissent puis meurent. Et lui sait que son processeur ne survivra pas à la perte de sa maîtresse. C’est pour cela qu’il a tout prévu dans son cabinet de maintenance au sous-sol : l’incubateur, les bouillons de culture, les cathéters et le microscope électronique. Cette nuit, après lui avoir brossé les cheveux, il prélèvera divers poils pris dans la brosse et les descendra en bas. Il a calculé qu’il y trouvera assez d’ADN pour initier le clonage.