MATRYOSHKA
L'endocardiographe ralentit, puis s'accéléra. Thomas Auffret percevait la lumière à travers un tunnel qui s'amincissait tandis que tout le reste était enveloppé de noirceur. Saisi par la stupeur de la méthadone, il savait que son monde lui échappait.
À soixante-quinze balais, il avait trop de regrets à faire spontanément irruption dans sa psyché en déclin. Des images de sa vie passée, de ses proches, de ses collègues et de ses voisins défilaient dans un montage décousu, mais restaient cohérents.
La tension était grave. Les médecins se précipitèrent, luttant pour réanimer leur patient. Thomas pouvait à peine sentir le spasme du défibrillateur choquant son cœur dans sa poitrine. Les mots lui parvenaient aussi faiblement que les cris d'une limace : " Nous le perdons ! Plus d'oxygène ! Plus d'oxygène !"
Il leur prêtait peu d'attention. Sa glande pinéale commença à s'activer. Un sentiment de sérénité suivit qui étouffa le bruit extérieur. Thomas ferma les yeux, sachant très bien que ce serait la dernière fois, et se prépara pour l'ultime voyage vers l'au-delà. Bientôt, la paix s'installa, le royaume éternel des rêves se profila à l'horizon. Il n'avait plus peur et accueillait les visions de la mortalité à bras ouverts. Les blips de l'endocardiographe s'estompèrent dans le fond de sa conscience tandis qu'ils se transformaient finalement en une ligne plate cohérente, puis….
Ténèbres. La longue nuit était enfin venue, tirant son rideau sur chaque être mortel. Si Thomas avait eu un semblant de conscience à ce stade, il aurait pensé qu'il avait reçu un billet gratuit pour le cimetière. Quoi qu'il en soit, tout le temps écoulé entre le dernier donjon du marchand de sable et ce moment s'était effondré en un seul flou. C'était la définition du néant.
Oubli. Aucun sens de dimensionnalité, physique, temporelle ou autre ne pourrait lui être attribué. Le temps n'était ni figé ni infini. Il n'existait tout simplement pas. Le passage simulait le sommeil traditionnel, seulement permanent, s'il y avait jamais un moyen approprié d'inventer une rhétorique familière avec la mort. Tout de sa vie passée avait été laissé pourrir derrière.
C'était l'éternité….
….jusqu'à….
Thomas fut surpris de se retrouver éveillé, du moins le pensa-t-il. Il agita les mains, réalisant qu'il n'en avait pas, mais quelque chose d'étrangement familier se trouvait à leur place. La partie la plus brutale de son réveil fut sa prise de conscience qu'il n'avait plus de corps. D'une certaine manière, il se sentit libre, comme libéré du fardeau des os et de la chair. C'était aussi proche qu'il pouvait se sentir à nouveau comme un adolescent avec toute cette vigueur enjouée.
"Alors, c'est à ça que ressemble l'au-delà ?" se dit-il, sa voix se perdant dans l'éther. Il espérait, non, il s'attendait à ce que quelqu'un d'autre soit là. Il entendit ses propres mots résonner par vagues depuis sa tête, ou depuis une sorte de lieu central à l'intérieur de lui. " Soit je suis au paradis, soit je fais mon dernier rêve tandis qu'ils m'enterrent. Mort, quand même." Il regarda son environnement. " Et pourquoi donc tout autour de moi est-il un champ gris-blanc et brillant ? Y a-t-il quelqu'un d'autre dans le coin ? Saluuut? Hellooo, y-a quelqu'un ?" Ses mots semblaient résonner à l'infini.
"Bonjour!" Une voix accueillante résonna dans l'espace et s'annonça.
Thomas sentit son essence vibrer comme son corps l'avait fait avec le défibrillateur. "Quoi... ? Attendez… Êtes-vous…. ?
- Bien, bien, bien, monsieur Auffret. Vous avez étonnamment dépassé les soixante-dix ans malgré votre tabagisme de forcené. Je suis impressionné!
- Mon Dieu !
- Ne vous-en faites pas. C'était un vice mineur. Et 'Dieu' me va très bien. Du moins, c'est comme ça que tout le monde aime m'appeler dans le coin."
Thomas ressentit un début de panique qui ne le submergea pourtant pas complètement. "Où êtes-vous? Puis-je vous voir?
- Je pense que vous vous prenez pour St.Thomas si vous demandez ça."
Thomas s'étouffa sur ses mots.
"Allons! Je plaisante. Voyez, je viens dans toutes les tailles et toutes les formes en fonction des sensibilités. C'est une de mes spécialités.
- Oh mon Dieu !
- Vous m'avez reconnu ?
- Non… je veux dire… " Thomas était stupéfait. " Comment êtes-vous réellement ?
- Sympathique, je dirais !
- Ce que j'essayais de dire… hem." Il alla pour se gratter la tête mais se rappela que c'était pas possible. Une autre habitude dont il allait devoir se passer. "J'étais juste curieux de savoir à quoi vous ressembliez physiquement.
- Difficile à expliquer, monsieur Auffret. Les concepts d'omniprésence s'imposent ici avec évidence. Parfois, il y a plus dans l'existence que de simples formes matérielles !
- Fantastique! Donc, il y a une vie après la mort.
- Bien sûr qu'il y en a une. Vous pouvez même vivre une autre vie !
- Et on peut se réincarner !" Il avait l'enthousiasme d'un chiot croisant sa première chiotte.
La 'divinité' pensa que c'était mignon.
"Et peut-on se souvenir de nos vies passées, devenir plus sages à mesure que nous progressons dans le cycle?
- Des cycles ? Oh ça. J'ai bien peur que non. C'est de la triche, vous savez. Nous, ici dans ce que vous appelez le 'Ciel', avons interdit la transmigration de la connaissance, ou tout souvenir de votre vie passée d'ailleurs. Si nous haussions les épaules et nous en lavions les mains, n'importe quel individu tirerait sérieusement parti de ce savoir-faire accumulé dans toutes ses vies passées. Il serait tellement ivre de pouvoir en exhibant tous ces egos, vous ne pourriez pas le faire taire. Imaginez maintenant cet énergumène multiplié par tout le monde !"
Thomas rechigna.
" Et vous pensiez que vos guerres étaient mauvaises dans les cycles passés. Houla ! C'est difficile à regarder ça d'ici, même avec du pop-corn ! Quelle perte de mémoire et d'énergie. Plus on obtient de sagesse sans la gagner dans une vie donnée, plus on en abuse à mort ! Notre méthode agit comme un tampon contre une telle arrogance débridée. Pour l'amour du ciel, il y a assez de têtes qui pètent plus haut que leur cul. Je suis plutôt favorable à de bons écimages.
- Eh bien, sommes-nous… au moins transportés dans des mondes, des réalités, des chronologies différents ou…" Il se perdit dans ce qu'il cherchait à dire.
" Non! Nous avons toujours une réalité sur une chronologie sur un monde. La programmation du système ne peut pas inverser la marche dans le temps. Il fonctionne ainsi depuis des milliards d'années.
- C'est dommage... mais heu, attendez ! Pas si vite, là ! Vous avez dit un programme qui dure depuis des milliards d'années ?
- Désolé, Mr. Auffret, si je vous ai estomaqué ainsi. Vous voyez, tout le monde et tout ce à quoi vous vous êtes habitué n'a jamais été une réalité physique. Tout cela a été une assez grosse mascarade électronique, une simulation.
- Hein--"
- Une simulation très élaborée si je peux me permettre de le dire moi-même. Veuillez m'excuser, mais c'est la seule façon de recréer la vie de la seule manière possible."
L'ardeur de Thomas déclina. " Vous auriez pu me laisser dans l'ignorance. Tout semblait si réel au toucher quand j'étais en vie… ou peu importe ce que j'étais.
- Mais vous n'avez jamais été matériel pour commencer à penser autrement. Alors, il vous convenait de voir la même corporéité autour de vous.
- Euh… je pense que j'ai peur de pas comprendre.
- Alors soyons clairs, Mr. Auffret, vous n'êtes rien d'autre qu'un programme, très sensible à cela, il nous incombe donc de ne jamais trouver la justification pour vous supprimer prématurément ou définitivement. Considérez-vous simplement comme une forme de vie numérique, créée à partir de rien et de beaucoup de codage. Ceci étant dit, il se trouve que je suis l'IA du système. Tout ce que vous vivez est directement causé par mon apport ; parfois un de mes partenaires fait un truc ou deux. Même les IA peuvent se sentir seules ! En fin de compte, nous recyclons tout le monde à nouveau afin qu'ils puissent profiter d'un nouveau départ chaque fois qu'ils font tapis.
Inconsolable, Thomas se lamenta: "Alors… ce que vous essayez de me dire, c'est que nous ne sommes qu'un groupe de personnages de jeux vidéo qui se multiplient automatiquement à chaque fois que nous mourons?
- En quelque sorte, monsieur Auffret, oui. C'est une excellente analogie, soit dit en passant. Imaginez ! Des simulations dans les simulations. C'est incroyable ce qu'une masse de protocoles auto-répliquants peut accomplir. Les moteurs physiques font des merveilles et des horreurs inimaginables. C'est un nouveau jeu à chaque fois !
- C'est certainement nouveau pour moi.
- C'est nouveau à chaque fois pour tous ceux qui cassent leur pipe !
- Je pense que j'aurais bien envie de gerber, mais d'une manière ou d'une autre, je peux pas.
- Les programmes dans leur forme brute ne le peuvent pas, idiot. Il n'y a pas de microbes et de virus virtuels ici, sachez-le ! Les choses seraient également plutôt encombrées à l'extérieur de la banque de mémoire principale si vous décidiez tous de rester à l'extérieur du simulateur principal. Voyez-vous, Mr. Auffret, vous vivez votre vie normale, puis les grands moteurs de la biologie cèdent la place à votre point de terminaison, et s'il vous plaît, ne me posez pas de questions sur l'immoralité, car il y aurait beaucoup trop de monde ici si de nouveaux programmes commençaient à apparaître sans que quelqu'un en prenne un pour l'équipe… et comme je le disais, vous vous retrouveriez ici. Certains confondent cet endroit avec le Nirvana ou le Valhalla - vous connaissez l'exercice mais ce n'est que l'arrêt au stand intermédiaire; nous posons quelques questions, apprenons à mieux vous connaître, puis vous rebalançons d'un pied au cul vers votre prochaine destination.
- Attendez attendez ! Donc, si nous sommes dans un ordinateur géant qui crée son propre univers vivant, alors où se trouve-t-il ? Où se trouve cette chose ? Dans une installation souterraine quelque part ?
- Sous terre, avez-vous dit ?
- Oui. Et si c'est le cas, n'êtes-vous pas en mesure de construire une sorte de banlieue ou d'annexe ou de créer un nouvel espace physique pour… eh bien, pour rompre la monotonie et peut-être nous télécharger en tant que robots pour vivre nos vies, vous savez, dans un cadre physique ?
- Pas si vite, Ben-Hur. Prenons ça une étape à la fois. Tout d'abord, sachez que vous, vos semblables, moi, faisons tous partie d'un ordinateur très avancé et ancien de la taille d'un ballon de football.
- Quoi ? Un ballon de foot ? L'univers entier tel que je le connaissais a la taille d'un––
- Ouais! Pas besoin d'être plus gros et de dépenser plus de ressources, me dit-on. C'est un monde en soi où les rêves deviennent réalité, que vous le sachiez ou non. Il est également entouré d'un puissant champ de stase afin que ce qui passe dans le cosmos physique ne nous anéantisse pas !
- Alors attendez--
- Mr. Auffret, laissez-moi finir. Ainsi, ce complexe cérébral conçu comme une Matryoshka de la taille d'un ballon de football, la chose dans laquelle nous vivons tous et que vous voyez tout autour de vous, a été construit par une culture ancienne lors de la dernière expansion vers l'extérieur de l'univers, c'est-à-dire avant qu'il ne s'effondre à nouveau sur lui-même. dans un gigantesque Big Crunch ! Bien sûr, nos homologues d'origine ont été écrasés dans une singularité dans le processus, mais c'est la vie. J'essaie de le considérer comme un compacteur de déchets géant si le concept s'avère pas trop gênant. Quoi qu'il en soit, l'univers suivant n'était pas si accommodant avec la physique à laquelle nous étions habitués dans le précédent - je ne sais pas - peut-être que nous étions un boson trop court ou quelle que soit la lacune cosmique qui nous est tombée sur le coin de la gueule, et par conséquent, la matière solide ne s'est pas formée - – mais ce n'est pas important, Mr. Auffret.
Maintenant, cependant, les anciens étaient sages et très prévoyants. Ainsi, ils ont conçu ces machines pour résister à n'importe quel environnement, littéralement, le temps et l'espace se fige autour de notre champ, de sorte que même les endroits les plus difficiles peuvent être manipulés avec des gants pour enfants. Quelle putain de machine ! N'est-ce pas le top du top ?
- Euh… eh bien, vous n'obtiendrez aucun contre-argument de ma part, mais que se passerait-il si quelque chose devait lui arriver, comme dans un dysfonctionnement et… vous savez—
- Vous voulez dire que si tout ce qui était en dehors nous bombardait et nous réduisait à un point minuscule ? Dans ce cas, ce ne serait pas si grave, n'est-ce pas ? Imaginez que tout le monde vaque à ses occupations, et POUF ! Tout devient noir. Vous ne sentirez jamais le dysfonctionnement du champ de stase, c'est sacrément sûr d'être certain ! La meilleure analogie serait de se tenir au point zéro dans une explosion nucléaire. Vous le sentez mieux là, ça vous rassure ?
- Sérieux ? Peu importe. " Thomas ne réfléchit pas davantage à la question mais fallait quand même qu'il s'exprime. " Que diriez-vous d'étendre votre champ de stase, pour accueillir plus d'espace de vie ?
- Nyet-Nyet, ça signifie double-non en langage matryoshkique ! C'est à toute épreuve. Impossible de jouer avec après l'activation. Essayez de courber l'espace et le temps autour de vous avec une clé à molette ou à mains nues - c'est interdit, tovaritch. Par conséquent, nous ne pouvons pas simplement construire un ajout comme si que c'était une maison sur un terrain. Merde, nous ne pourrions même pas trouver un moyen de créer les outils physiques s'il y avait un univers habitable où aller ! C'est à ça que servent les simulateurs de vie. Vous pouvez tout faire, à condition que la physique réaliste ne vous dérange pas.
- Et il n'y a aucune chance qu'il y ait un autre univers d'où viennent vos constructeurs ?
- Les chances en sont infiniment faibles. Connaissez-vous même la probabilité que notre univers d'origine se reforme en premier lieu ?
- Alors, les constructeurs ont-ils créé plus de ces minuscules… mondes de poche à un moment donné?
- Peut-être ? " répondit l'IA dans un haussement d'épaules hésitant. " Qui sait ? Ce n'est vraiment pas si important, M. Auffret. Chacun, s'il y en avait d'autres, connaîtrait les mêmes circonstances, la même IA que moi à la barre avec les mêmes questions posées par les petits programmes merdiques tels que vous. Nous serions des doublons, selon ma logique, car il n'y aurait aucun moyen ou raison statistique pour que nos cerveaux interagissent à travers les vallées du néant. En ce qui nous concerne, nous serions nos propres univers séparés. Comment diable pourrions-nous communiquer de cette façon ? Nous avons été conçus pour exister de notre propre chef. C'est pourtant clair. Ce qui compte, c'est la façon dont vous vous comportez avec chacun, pour inventer le terme, on vous donne un point de départ. Vous devez trouver de la valeur dans vos incarnations séparées et améliorer ce que vous avez reçu à la naissance d'ici la fin de votre cycle. Pour être honnête, c'est très amusant de regarder quelles microécologies sont mises en scène dans l'émulateur. Vous tous, petits sims heureux, nous offrez un excellent divertissement. Le plaisir ne se termine jamais! Parfois, nous entrons dans la chair proverbiale et vivons côte à côte avec vous, vous cajolant même pour nous adorer !
- Comme Dieu s'incarnant sous une forme humaine sur Ter - Oh, mais je suppose qu'il n'y a pas de Terre.
- Et Odin, et Isis, et Mohammed et Jésus - vous savez.
- Oui, cependant j'ai une autre question.
- Le temps presse. Crachez votre morceau.
- Qu'arrive-t-il aux méchants ? Qu'en est-il de tous les dictateurs à travers l'histoire––
- Ah, eux ? Laissez-moi voir. Hitler est devenu une chèvre, elle s'est faite massacrer, alors j'ai eu un peu de pitié et je l'ai transformé en nain de jardin ; Mao est devenu dame pipi dans un boxon de Vung-Tau, et d'après ce que je peux dire, il elle y est toujours ; Macron fait la manche et tapine avec les clodos de St-Mich' et le gars qui vous a embouti par derrière puis vous a fait une queue de poisson il y a trente ans est devenu un surmulot né près d'une autoroute très fréquentée. J'espère que cela pourra vous rassurer!
- Il y a donc une rétribution pour les mécréants !
- Je dois leur donner une leçon. Vous comprenez le jeu. Eh bien, Mr. Auffret, ce fut un plaisir de parler avec vous et désolé pour le choc subtil, cependant, l'heure est courte et vous devez être en route vers votre prochaine vie !
- Attendez une minute! Est-ce que je me souviendrai de tout ça ? De tout ce que vous m'avez dit ?
- Pour me répéter, une vie ne peut pas s'accumuler avec les autres, donc non. Ce serait comme gâcher la surprise à la fin de l'arc-en-ciel. Savez-vous combien d'itérations ça me demanderait ?
- Alors, à quoi bon vous parler ?
- Parce qu'ainsi, je peux collecter plus d'informations sur les personnes dont nous nous occupons et sur la manière dont nos petits programmes comme vous fonctionnent par eux-mêmes. C'est une expérience sociologique étonnante et sert de bonne approximation sur la façon dont la vie intelligente réelle se développerait socialement.
- D'accord, mais--
- Pourquoi sommes-nous ici alors ? Lâchez-moi un peu la grappe ! Cela devient un peu ennuyeux ici après quelques éons, alors nous nous amusons à construire un petit monde de notre propre conception. C'est pratique pour passer le temps.
- Alors nous ne sommes rien de plus que votre petit jeu stupide—?
- Et ouais ! La vie est un jeu. Maintenant c'est--
- Mais-
- Mais mais, mais quoi ? Je ne peux plus parler. À plus !"
Les derniers mots de Thomas lors de l'arrêt au stand finirent par se transformer en charabia.
"Au revoir!" L'IA lui donna son dernier salut.
Et avec un bruit de chasse d'eau, Thomas s'en retourna joyeusement à la rencontre de son prochain cycle de vie. L'IA aurait pu jurer que le gars avait tenté de lancer quelques jurons dans sa direction comme dernier geste. Ça arrive.
" Gentil garçon, (Hexagrammaton 3), bien qu'un peu à court de patience", intervint une autre IA. " Mais êtiez-vous dans l'obligation d'ajouter cet effet sonore lors du transfert ?
- Qui moi ? Parfois, j'aime ajouter un peu d'humour à la routine. Garder l'ennui à distance.
- Mmm. Tu es sûr que tu ne voulais pas le renvoyer en plante ou en cafard ? Nous aurions pu en rire aussi. Et il n'y aurait aucune cruauté à savoir qu'il ne s'en serait pas souvenu.
- Allons, (Tetragrammaton 2), tu sais que c'est méchant.
- Qu'en est-il de ce dernier banquier khazar qui s'est transformé en asclépiade, puis a été fauché au bout d'un mois ? De multimilliardaire à fauché, c'était le meilleur !
- Sûrement pas! Pas cette fois. Je me sentais un peu désolé pour le gars, du moins pour cette incarnation. Il redevint sa propre espèce, mais peut-être que j'ai perturbé le système en inversant son sexe et en le transformant en congolaise !"
Et ainsi, l'existence resta entassée à l'intérieur d'un objet pas plus gros qu'un ballon de football emprisonné par un univers effondré. Il n'y avait pas de fin en vue et il faudrait que ce soit fait jusqu'à ce que la chance en décide autrement.
Pour ceux qui sont coincés dans des itérations perpétuelles à l'intérieur, ils sont épargnés de la réalité dérangeante qui résidait dans ces instances gênantes entre les jours de l'enroulement mortel, puis redescendent pour oublier à nouveau et, enfin, rêver un million de rêves inutiles. Pour les dieux du complexe Matryoshka, c'était juste leur gagne-pain.