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16 oct. 2021

546. Coup de Jarnac


D'Estroso haleta d'étonnement. Au-delà de la large fenêtre de la salle de contrôle, les énormes réservoirs d'eau de la colonie semblaient des ombres brisées dans la lumière orange, oblique et sombre. 
Mais torride.
Lentement, presque à contrecœur, le dernier d'entre eux s'était à son tour replié sur lui-même et effondré. De blanches volutes de vapeur montaient de là où les dernières flaques, bouillonantes, étaient en train de s'évaporer. D'Estroso frappa la vitre blindée avec son poing: Plus sur la gauche, l'entrepôt congélateur étanche des stocks de vaccins venait à son tour d'être soufflé par une explosion qui expédia ce qui lui servait de toit en orbite. 

Un 'Bang' retentissant lui percuta les tympans. La vitre à travers laquelle il regardait se trouva soudain maculée de sang. D'Estroso baissa les yeux. Sa chemise aussi.
La force dans ses jambes qui le tenait debout sembla fondre comme de la cire et s'enfoncer dans le sol pour disparaître complètement. D'Estroso trouva quand même l'énergie résiduelle qui lui restait pour se retourner et s'adosser contre la cloison, un bras accroché au rideau.
Son chambellan, Bilal, était là, debout, à moitié dans l'ombre d'une alcôve. Il tenait au bout du poing un magnum au canon encore fumant.
"Vous, Bilal, mon plus fidèle serviteur ?
- Désolé, gouverneur," lui rétorqua ce dernier. "J'ai pas eu d'autre choix que de vous tirer dessus."
D'Estroso toussa. Il y avait du sang. "Qu'est-ce que ça signifie ; Bilal ?
- Un coup fumant, ça s'est sûr, mais vous pouvez aussi considérer ça comme un coup d'état, un coup fourré ou même un coup de Jarnac, je vous laisse juge car après tout, tant que vous n'êtes pas mort, vous êtes toujours en vie envié  le gouverneur." répondit Bilal, impassible. Il regarda D'Estroso glisser au sol. "Il faudra deux ans à votre colonie pour synthétiser à nouveau autant d'eau potable. C'est donc la fin des agissements sur cette planète de la Cabale pour laquelle vous administrez tout ce qui s'y passe.
- Espèce de fou, vous allez tous y rester..." gémit D'Estroso. Son souffle produisait des bruits de succion douteux qui laissaient présager des problèmes respiratoires .
- Pas de quoi vous inquiéter pour nous, Gouverneur. Les gars et moi avons mis de côté suffisamment de réserves en lieu sûr pour nous hydrater le temps qu'il faudra. Cela devrait faciliter le terme des négociations.
- Quand la Terre le découvrira -
- Ils feront quoi ?" ricana Bilal. "Ils vont envoyer une flotte spatiale nous bombarder depuis l'orbite ? Nous envoyer les gendarmes mobiles ? La BAC ? Et pourquoi pas la Légion tant que vous y êtes ! Vous savez combien que ça leur coûterait ? Impensable...
- C'est de la trahison, c'est indigne !" toussa D'Estroso, Des bulles de sang sortaient de ses lèvres puis éclataient comme celles du nourrisson repu de lait après son rot.
Bilal émit un rire. "Indigne ? Votre administration n'a jamais vu le potentiel de cet endroit. Nous en avons plus qu'assez de vivre dans un trou à rats que la Terre utilise à seule fin de faire extraire par ses esclaves des métaux lourds. Et plus jamais d'injonctions ni d'injections. Nous allons faire de cet endroit un paradis."
D'Estroso fut frappé par le sourire épanoui, comme enfantin, qui éclairait le visage de Bilal.
Tandis que son monde à lui devenait tout noir.

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