" Notre remorqueur stellaire et sa barge ont franchi comme prévu et sans dommages la frontière tant redoutée. En passant par le trou noir géant central de notre univers connu et en en ressortant par le cul blanc de l’anti-univers où jamais la main de l'homme n'a jamais mis les pieds. Nous nous trouvons désormais dans ce lieu constitué d’antimatière. Nous pouvons donc d’ores et déjà confirmer que notre bouclier antigravitationnel fonctionne parfaitement même dans l’antimatière. L’espace intersidéral se révèle d'une blancheur lumineuse constellée de galaxies, constellations et d’astres noirs bleutés, un peu de la couleur des ventres de ces petits scarabées noirs que l'on rencontre fréquemment sur les chemins de terre bretons par temps de pluie. Nous nous dirigeons actuellement vers cette extrémité de l’anti-voie lactée où devrait se trouver, par effet miroir, la jumelle de notre planète la Terre. La température extérieure de l’anti-espace intersidéral approche le chaud absolu de 272 degrés Celsius mais elle descend rapidement de plusieurs centaines de milliers de degrés dès que notre vaisseau passe à proximité de quelques unes des milliards d’étoiles obscures ou des petits soleils noirs peuplant cet immense vacuum et se trouvant sur notre trajectoire. Une vision grandiose, un peu comme si on l’avait fait tournoyer au bout d'une fronde, dans toutes les orbites possibles et imaginables, un pinceau gigantesque saturé d'encre de chine, parsemant et constellant de points sombres la blancheur laiteuse éclatante de ce cosmos.
La planète que nous venons d'observer à distance,
XRZX003, est inimaginable pour un esprit habitué à voyager dans un univers constitué
de matière. Ici, tout relève de la fantasmagorie. De jour, un ciel d'un orange
vif de clémentine est obscurci d'un œil sombre et violet dont les rayons vous
glacent la peau. Les noires et brûlantes « glaces » des banquises polaires,
plantées d’une forêt primaire violette et
luxuriante font s’évaporer les eaux qui
les bordent. Juste en dessous des pôles, le mauve des forêts tropicales septentrionales s'allie
presque avec le rouge orangé des océans à l'écume noire et la température y est
déjà plus tiède, fraîche même en été. À la surface de ces derniers, les voiles
des navires ne sont pas gonflées ou poussées par les vents comme dans notre
univers, elles y sont comme ...aspirées.
Entre équateur d'un froid polaire aux pôles aux
températures équatoriales et, en partant
de l’équateur couvert de glaces, on rencontre des prairies de mousses et de
lichens, des toundras bleues marine souvent
traversées de bandes noires neigeuses, en descendant ou en montant encore vers
les zones tempérées, les premiers conifères aux tons carmins apparaissent, suivies de forêts de feuillus mauves et de
prairies d’herbes vermillon, puis en descendant encore, l’herbe commence à côtoyer
la caillasse qui se prolonge par des déserts
de sables couleur de pistaches plus ou moins grillées ou à celles d’un lait teinté d’un généreux nuage
de sirop de menthe, puis des buissons et des prairies rougeâtres apparaissent ça et là, se condensant de plus en
plus tandis que l’on s’éloigne de l’équateur polaire et qu’on approche les
pôles équatoriaux à l’air saturé d’humidité et à la végétation d’une rougeur luxuriante.
De nuit, lorsque la lune, entre mauve et fuchsia, y
pointe sa rondeur dans les cieux blancs nâcrés, la lumière s'obscurcit encore plus et les
habitants de ce monde utilisent alors des paralunes à l’ombre desquels les ombres se font encore plus
lumineuses.Les humanoïdes qui peuplent cette anti-planète sont
l’exact inverse de leurs homologues de la Terre, comme si l’on avait tranché puis
déplacé la face avant de leurs corps pour la placer derrière eux après lui avoir
fait effectuer un demi tour sur elle-même, puis déplacé pour ensuite recoller
la face arrière sur l’avant de la même manière, de sorte que, même s’ils possèdent
en apparence une morphologie semblable à la notre, ils sont en fait nos exacts
opposés.Ils n'obéissent à aucune de nos lois, passent aux
feux rouges et s'arrêtent aux feux verts. Les hommes y sont efféminés à
outrance, et les femmes, portant souvent moustaches - car c'est ici la dernière
mode -, y sont pratiquement les seules à porter costards cravate ou uniformes. Elles sont d'une violence inouïe avec les hommes travestis, et il n'est pas
rare d'en observer un groupe se jetant sur des hommes isolés pour jouer avec
leurs sexes. Après quoi, elles les laissent là, couchés à terre et pantelants,
riants de bonheur ou pleurant tels des serpillères hilares des flammèches de
joie, en attendant que les vertes ambulances des pompiers ne viennent ramasser
leurs épaves vidées tandis que les violeuses sont congratulées par les badauds.
Le plus surprenant est l'habitude qu'ils ont de
marcher sur les mains à l'extrémité de leurs deux bras, tandis que leurs deux
pieds en l'air, dotés de lentilles reliées à leurs yeux par des périscopes
allant de diverses tonalités de rouges et d'oranges en passant par le vert
fluo, scrutent le paysage ou lèchent le bas des vitrines avec leurs langues
couleur mirabelles plus ou moins mûres. Les quartiers chics y sont peuplés de
peaux sombres tandis que les peaux claires y font les basses besognes. En été,
leur soleil devient d'une noirceur bleutée si intense que les habitants doivent
chaudement se couvrir afin de se protéger des givreux rayons ultra-jaunes et se
protéger les extrémités des gerçures et des morsures glaciales de ses rayons.
En automne, les premières pluies de flammèches bleu
marine et tièdes font leurs apparitions, puis en hiver, la terre se couvre
d'une cendre noire et très chaude dont les enfants font des statues à leur
image dans le milieu des visages desquels ils plantent des carottes bleues
outremer.Lors des mouvements sociaux, les hommes vêtus de
gilets violets absorbant la lumière et coiffés, pour certains d'entre eux, de
chaussures de sécurité, jettent des bouteilles et des bombes d'eau en papier
sur les forces de l'ordre, à soixante pour cent féminines, que les pompiers
s'empressent de congeler avec leurs lance-flammes montés sur leurs véhicules
verts ou bleus roi; tandis que des bandes de BlancBloks isolés lavent des
vitrines, repeignent les portes cochères et envoient des bisous grivois et des
bouquets de roses d'un vert profond aux femmes des forces de l'ordre. Ces mêmes
forces de l'ordre utilisent aussi des lance-flammes sous pression sur la foule
et il n'est pas rare d'observer une meute d'hommes entièrement congelée comme
si ces derniers jouaient au jeu des
statues. Les horloges y tournent à l'envers et les véhicules automatiques
roulent à reculons.
Les hommes et les femmes se nourrissent en ingurgitant
divers nutriments pestilentiels, dont les déchets, sortes de gros chewing-gums
archi mastiqués et verts clairs à l'odeur exquise, sont expulsés plus tard dans
des récipients dédiés. Ces déchets sont ensuite collectés puis recyclés sous formes de pastilles que l'on peut
écouler contre quelques plaisants services dans les Green Light Districts des
grandes métropoles ou échanger contre des heures de travail. Ils adorent les
oeufs miroirs pour leurs petits déjeuners, aux violets bien crémeux sur leurs
nappes noires qu'ils salent également d'un sel noir qu'ils soutirent des océans
prés des régions polaires où la température est plus tropicale, là où les eaux
sont les plus chaudes et le soleil le plus bas.
Ils accompagnent parfois ces œufs de tranches d'un
bacon vert pâle et croustillant et de verres de jus d'orange d'un bleu profond.
Les œufs qu'ils consomment sont dotés d'une certaine forme d'intelligence, en
effet, ces derniers ont trouvé le moyen de transformer une partie des leurs en
poules et coqs, leur permettant ainsi de se reproduire sans efforts et ce
système a l'air de parfaitement fonctionner.Tous les biens de consommation y sont gratuits, et
tout acquéreur d'un bien reçoit gratuitement un pécule qui lui permettra,
comme avec les pastilles vertes, de s'acheter des heures de travail ou d'aller
s'amuser au district. La crainte et la perspective d'un refroidissement
climatique intense font que leurs gouvernements ont demandé aux populations
plus de productions, plus de consommation et plus de rejets de gaz à effets de
serre pour tenter de retenir le plus possible le carbone dans leur atmosphère
et ainsi réduire la chute drastique des températures globales… "
- Oh mais arrête, Phil, ce que tu racontes est complètement débile et aucun éditeur un tant soit peu responsable n'voudra te publier !
- Et qu'est-ce t'en sais, toi, Ô divine Marylou, j'savais pas que t'avais bossé au CERN?
- Phil, y a pas besoin d'avoir fait le cours Florent pour savoir que la Gravité et les Photons sont immuables dans la matière comme dans l'antimatière. Rapport à l'invariabilité de l'électrodynamique sous la symétrie C, donc les effets visibles restent les mêmes si l'on change les particules en antiparticules. Aller, va refaire spinner tes gravitons, 'spèce de taré misanthropique aux neurones atrophiés !
A ce moment là, j'aurais bien voulu pouvoir rétorquer quelque chose à Marylou, lui écrire ici même, mais je trouve pas les mots, les putains de mots.
J'crois qu'ils ont p'têtre pas encore été inventés. Même en langue antimatière,
comment tu vas trouver les anti-mots des mots que t'arrives même pas à déterrer
dans ta propre langue, hein ???