CROCK OF GOLD
A FEW PINTS WITH SHANE MacGOWAN (1957-2023)
Le chanteur des Pogues, décédé à l’âge de 65 ans, aura marqué l’après-punk avec sa verve alcoolique et une certaine idée de la grandeur dans la décadence.
C’est au milieu des années 1980, alors que dans les cendres du punk ne résistaient que quelques braises, et que nouveaux romantiques et gothiques rivalisaient en falbalas en se crêpant mutuellement le chignon, que les Pogues ont débarqué d’une zone de la musique jamais encore explorée. Et pour tout dire peu ragoûtante au regard de l’esthétique aseptisée de l’époque. Avec, au beau milieu de la photo, la bouille hilare et édentée de Shane MacGowan, leur chanteur, à l’allure digne d’un personnage jailli des bas-fonds londoniens de l’ère victorienne, de ceux plus prompts à s’essuyer la morve du nez sur un revers de manche qu’à sortir un mouchoir en titubant vers la prochaine taverne une goualante aux lèvres. (Les Inrockuptibles)
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Shane MacGowan, chanteur de The Pogues et des âmes enivrées, est mort en Novembre dernier.
Shane MacGowan, chanteur du groupe de punk celtique The Pogues, décédé à l’âge de 65 ans, usait de sa voix de barde ivre pour interpréter des ballades provocantes sur les opprimés et marginaux.
Trainant son allure échevelée, son sourire largement édenté, Shane MacGowan, qui disait n’avoir jamais été sobre depuis ses 14 ans, titubait régulièrement sur scène, comme en écho aux personnages dont il chantait les déboires.
Ses paroles, marquées par les légendes celtiques, racontaient la vie des Irlandais et de leur diaspora, sur une musique mélangeant rythmes irlandais et énergie punk.
Avec The Pogues — dont le nom vient de l’expression en gaélique irlandais « póg mo thóin » (« bise mon cul / kiss my ass») — qu’il a formé en 1982 avec le joueur de « tin whistle » (une flûte traditionnelle des îles britanniques) Spider Stacy, il connaît le succès dans les années 1980.
Le plus grand succès commercial des Pogues est Fairytale of New York, un duo de 1987 entre Shane MacGowan et Kirsty MacColl, qui raconte une romance entre deux marginaux. Cette chanson est devenue un classique de Noël en Irlande et au Royaume-Uni.
Mais les dépendances à l’alcool et à la drogue du chanteur ont rongé toute sa vie.
En 1988, le groupe est invité à faire la première partie de Bob Dylan en tournée aux États-Unis, mais Shane MacGowan, trop saoul n’arrivera jamais à prendre l’avion.
« De sa voix […] tour à tour incohérente et lyrique, à son style de vie insouciant, en passant par la rude tendresse de sa vision du monde, il est un véritable anti-héros insouciant », disait de lui le critique musical Liam Fay.
Punk en devenir
Shane Patrick Lysaght MacGowan est né en Angleterre de parents irlandais le 25 décembre 1957, qui, avait-il affirmé, lui donnaient deux bouteilles de Guinness le soir dès ses cinq ans.
Adolescent, il obtient une bourse pour rejoindre la très élitiste Westminster school de Londres, mais en est expulsé pour possession de drogues.
À 17 ans, il est envoyé en cure de désintoxication pour une dépendance au valium.
Il se fait ensuite connaître sur la scène punk londonienne sous le nom de Shane O’Hooligan, imitant la mode des pseudonymes en vogue à l’époque chez les chanteurs, comme Johnny Rotten, Sid Vicious ou Billy Idol.
Il crée un premier groupe, The Nipple Erectors (Les érecteurs de têtons), avant de fonder en 1982 The Pogues.
Leur premier album, Red Roses for Me, sort en 1984 et le groupe fait la première partie des Clash, suivi en 1985 par Rum, Sodomy and the Lash, décrit par Spin Magazine comme contenant « une des poésies les plus pures de l’histoire du punk rock ».
Censure, gloire et déchéance
Le groupe se fait aussi la voix politique des jeunes immigrés irlandais à Londres, anti-Thatcher et anti-censure.
En pleine période des Troubles en Irlande du Nord en 1988, leur chanson Streets of Sorrow / Birmingham Six raconte le drame de six Nord-irlandais condamnés à tort en 1975 pour un attentat à la bombe dans un pub de cette ville de l’Angleterre. Ils seront innocentés en 1991 dans ce qui est considéré comme l’une des plus grandes erreurs judiciaires du pays.
La chanson avait été interdite par le gouvernement britannique.
En 1988, le groupe sort l’album If I Should Fall from Grace with God, puis Peace and Love l’année suivante. Il est alors à l’apogée de son succès avec deux albums dans le top 5 des meilleures ventes de Grande-Bretagne.
Mais le groupe pâtit du comportement erratique et alcoolique de Shane MacGowan et il en est exclu en 1991.
« Je suis heureux de m’en être sorti vivant », confie-t-il en 2004 au journal The Guardian, alors que le groupe s’est reformé pour des concerts.
Dans l’intervalle, Shane MacGowan avait continué de chanter avec un nouveau groupe, Shane MacGowan and The Popes.
En 2016, son épouse Victoria Clarke annonce qu’il est enfin sobre même s’il n’est plus que l’ombre de lui-même, et qu’il a même fait refaire ses dents. Il avait depuis multiplié les hospitalisations.
« Shane […] qui sera toujours la plus belle âme et le plus bel ange, et le soleil et la lune, et le début et la fin de tout, est parti pour être avec Jésus et Marie », a-t-elle écrit jeudi sur Instagram pour annoncer sa mort. (Le Soir de Belgique)
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Pour célébrer la mémoire de Shane MacGowan, décédé le 30 novembre 2023, retour sur l'itinéraire chahuté du leader des Pogues, qui insuffla l'énergie punk dans la tradition musicale irlandaise avant de sombrer dans les excès. Un portrait sans complaisance signé Julien Temple ("La grande escroquerie du rock’n’roll").
Né en 1957 de parents irlandais installés en Angleterre, Shane Patrick Lysaght MacGowan est encore enfant lorsqu'éclate à la fin des années 1960 le conflit nord-irlandais. Décidé à devenir musicien après avoir assisté à un concert des Sex Pistols en 1976, il fonde six ans plus tard The Pogues, qui s’impose vite comme l'un des groupes majeurs de la scène rock européenne grâce à un euphorisant cocktail de folklore irlandais mâtiné de punk festif. Auteur, compositeur et interprète, Shane MacGowan devient une figure du rock très populaire... et souvent titubante, entre cuites proverbiales et insouciance lunaire. L'homme au physique de pirate édenté n’hésite pas à chanter les combats de ses compatriotes dans un contexte brûlant d’agitation politique. Au début des années 1990, ses multiples addictions (alcool, amphétamines, acides) font imploser The Pogues. Il forme aussitôt un nouveau groupe, Shane MacGowan and The Popes.
Insaisissable
Ces dernières années, le punk celtique se déplaçait en fauteuil roulant suite à une chute en 2015. Il avait perdu ses dents, mais pas son rire digne d’un personnage de Tex Avery, ni son irascible personnalité. Le réalisateur Julien Temple, réputé pour ses films musicaux (La grande escroquerie du rock’n’roll, The Filth and the Fury, Joe Strummer…) éclaire les multiples facettes d’un artiste insaisissable en réunissant images d’archives et entretiens. Considéré souvent comme peu coopératif avec les journalistes, Shane MacGowan avait néanmoins accepté de répondre à quelques questions – peut-être parce que certaines d'entre elles sont posées par Nick Cave et Johnny Depp. Le portrait d’un survivant, voire d’un miraculé, parmi les plus attachants de l’histoire du rock. (Arte TV)
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