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Aujourd’hui, c’est MA journée. Je débarque chez LU comme stagiaire, la Mecque du biscuit, avec l’assurance d’une diva prête à faire plier le monde sous mes talons. Tête haute, démarche de star (bon, peut-être un peu plus « cane boiteuse » que « top model »), je suis là pour montrer à ces bureaucrates en costard que je suis la reine du compte-rendu.
Ma mission ? Rédiger les minutes de leur réunion hebdomadaire. Fastoche, non ? Je m’attendais à des débats sur la quantité de beurre dans les Véritables Petits Beurres. Grosse erreur. J’ai plongé tête la première dans un épisode de Black Mirror scénarisé par un parano sous caféine.
La salle de réunion paye pas de mine, pas plus grande que nécessaire. Les chaises raclent le sol comme des ongles sur un tableau noir, et l’ambiance est si pesante qu’on dirait un enterrement… ou un rituel sacrificiel. Au centre, les PDG-ères, deux Cruellas d’Enfer version sœurs siamoises et Reines des Neiges : cheveux blancs, vêtements blancs, boucles d’oreilles blanches, et des lèvres rouges qui crient « je bois du sang de stagiaire au petit-déj' » . Elles toisent tout le monde par-dessous leurs sourcils qui sont tout noirs, comme si elles pouvaient lire dans vos pensées… ou dans votre historique Google.
Le directeur des opérations, le mec en charge, un blondinet bouclé tout droit sorti d’une pub pour L’Oréal, arrange ses dossiers avec la précision d’un serial killer alignant ses couteaux. Sérieux, mec, arrête un peu, tes papiers sont plus droits que ma vie sentimentale ! Puis, il lâche la bombe :
" Premier point à l’ordre du jour : le cancer. Allez-y, Christian, montrez-nous ce que LU sait faire !"
PARDON ?! Je m’attendais à un débat sur la saveur vanille ou chocolat des langues de chat fourrées, pas à un plan machiavélique pour booster les stats de l’oncologie !
Un petit bronzé, rajustant sa cravate pourtant si parfaitement droite qu’elle pourrait servir de niveau à bulle, se lève et balance, fier comme un coq sous Red Bull :
" On planque des substances cancérigènes dans les teintures de vêtements. Les toubibs ? Ils capteront rien avant des lustres. Objectif : +2 % de cancers en 2026. Oh, et petit bonus : le Pr Luc Montagnard, ce casse-pieds qui bossait sur des traitements anti-cancer, a eu un accident de voiture. Ses freins ont lâché. Mort sur le coup. Oups, quel manque de bol !"
Hein ? QUOI ? C'est pas possible ! Ce mec là à dû se planter dans les voyelles, se prendre les guiboles dans les syllabes ! Ou bien j’ai dû rater le dernier métro mémo, genre « Bienvenue chez LU, maintenant c'est nous les méchants du prochain James Bond ».
Le bronzé bombe le torse, tout content de son PowerPoint diabolique. Et la PDG de droite, cette sorcière des neiges, minaude :
" Excellente nouvelle. J'assume qu'on ne trouvera sous le capot aucune trace de vos sales doigts provenant de chez nous. ".
Excellente nouvelle ?! ELLE VALIDE UN MEURTRE DÉGUISÉ EN ACCIDENT ?!
Sa siamoise rajoute, avec un rictus de vipère :
" Variez les méthodes, d’accord ? Les accidents de voiture, c’est has-been. Essayez une fuite de gaz ou un suicide la prochaine fois, c’est plus tendance."
Mes notes ? Un gribouillage digne de ceux de mon enfoiré de dentiste nazi. Mon cerveau ? En mode « erreur système : réalité introuvable ». Dans mon coin, je m’accroche à ma chaise comme à une bouée dans un ouragan. Respire, Monique, respire. Mais non, ça empire.
Un type blême, genre vampire recalé au casting de Dracula, se lève pour parler natalité. Et là, c’est du grand n’importe quoi :
" On a fait flamber le coût de la vie pour freiner les naissances. Mais ça, c'est du passé. Maintenant, on passe au niveau supérieur : on spame les réseaux avec ‘tous les mecs sont des ordures’ – big up au département féminisme pour ce coup de génie. Et surprise, on glisse des produits haute-fertilité dans nos cornflakes. Résultat ? Plus de gosses, plus de mères célibataires, plus d’adoptions pour nos clients… disons, amateurs de ‘chair fraiche’."
CHAIR FRAICHE ?! Je suis à deux doigts de rendre mon petit déj' sur la moquette. La PDG, elle, trouve ça « très créatif ». Créatif ?! Picasso, c’est créatif. Ça, c’est un pitch pour Saw version biscuiterie ! Puis débarque Agnès, la nouvelle du rayon biscuits, qui déballe son plan comme si elle vendait des gâteaux à la kermesse :
" Ces dix dernières années, le ministère de l'Alimentation s'est concentré sur la diffusion de substances cancérigènes dans les aliments. Lorsque le public a compris", explique-t-elle en désignant l'homme petit et bronzé, " nous avons réagi en soutenant les projets de naissances et en augmentant le prix des céréales. Notre principal projet cette année concerne la désinformation autour des régimes alimentaires et les bienfaits de la farines de criquets. Cela a déjà été fait, mais nous pensons que ça a encore du potentiel. Et on continue de dézinguer la médecine holistique, parce que, pourquoi pas ?"
- Merci... ? " la PDG de droite plisse les yeux.
" Agnès, madame."
La PDG de gauche plisse les siens à son tour, mais plutôt genre « mouais, peux mieux faire ». Puis elle lance, avec un geste de diva maléfique :
" “Notre vision, c’est quoi, les amis ?"
Et la tablée, en chœur comme des drones lobotomisés :
« LE CONTRÔLE ! »
Je suis à ça de crier « VOUS ÊTES TOUS DINGUES ! » mais ma gorge est plus sèche qu’un biscuit oublié depuis des lustres dans un placard. Mes mains tremblent, mes notes sont un chaos digne d’un rébus, et je commence à me demander si le cancer de ma mère… c’était eux. Mon cœur s’effrite comme un biscuit trop cuit.
Et là, le clou du spectacle : un type poivre et sel se lève pour parler médias. Son topo ?
" Le projet de consommation de l'année dernière a réussi. Il a débuté dans les années 80 et est devenu tellement ancré dans la culture qu'il n'est plus nécessaire de le promouvoir. Aujourd'hui, l'équipe média se concentre sur la croissance organique, laissant le public faire le travail à notre place. Avec suffisamment de fausses informations et de doutes, ils ont commencé à se ronger les sangs. Cette année, nous souhaitons leur faire croire qu'ils ont le libre arbitre. Il y aura une explosion dans une centrale nucléaire mercredi prochain. On a déjà invité des journalistes pour le spectacle !"
Je m’étouffe. La PDG trouve ça « un peu vague mais pas mal ». VAGUE ?! Ils orchestrent l’Armageddon, et elle commente comme si que c’était un devoir de cours moyen 2 ! Le directeur des opérations clôt la réunion avec des banalités, mais je suis déjà en mode panique. Tout le monde se lève comme des écoliers après la sonnerie. La salle est un sauna de psychopathes. Ils tuent. Ils empoisonnent. Ils contrôlent TOUT. Le blondinet bouclé se penche vers moi : " Ça va ?"
Je suis figée, bouche ouverte, cerveau en grève. Il insiste, calme comme un sociopathe : " C’est votre premier jour, non ?"
- Non. C’est mon DERNIER." Je me lève, mes jambes flageolent comme des tranches de flan.
" Vous ne feriez pas de l’hypoglycémie, par hasard ? Allez, venez donc grignoter un pain au chocolat au salon, ça vous requinquera”
- Sans façon ! Et on dit chocolatine, nom de Dieu !" Je serre mes papiers contre ma poitrine et je m’enfuis, m’appuie contre un mur. Imite pas les chevals de course, respire, Monique, respire. Mais non, je m’effondre sur le marbre. Et là, je vois ça : Un logo incrusté dans les dalles.. Un triangle. Un œil dedans. L’œil qui voit tout. L’œil qui nous mate pendant qu’on s’auto-détruit. Comme les yeux pâles des PDGères.
Lorfèvre-Utile, le blondinet, ce démon en costard, me toise toujours : " Un petit beurre, peut-être ?"
Le diable, bien à l'aise en enfer.
C'est pour ça qu'il est si beau, comme un ange.
L'incarnation de l'ange déchu.
Mais ai-je bien lu ? LU ?
LU SAIT FAIRE. Et moi, je sais maintenant que je dois m'enfuir en courant si je veux pas finir damnée.