Bienvenue, curieux voyageur

Avant que vous ne commenciez à rentrer dans les arcanes de mes neurones et sauf si vous êtes blindés de verre sécurit, je pense qu'il serait souhaitable de faire un petit détour préalable par le traité établissant la constitution de ce Blog. Pour ce faire, veuillez cliquer là, oui là!

29 oct. 2022

682. Manta

 

Manta

Sur l’onde enivrante d’un océan limpide,
Tandis qu'un air livide en mon âme vacante
Résonnait en coulisse aux sons de mes pensées,
Je vis percer du nez, jaillissant de l’abysse,
Ce mythique poisson qu’on ne voit qu'une fois
Et dont l’unique doigt distille le poison.

Son gigantesque dos tout de brun recouvert
S’éleva dans les airs tel au vent un faisceau,
Un ange à double face, Ariel ou Satan,
Car en moins d’un instant elle fit volte-face,
Divulguant sous les cieux la blancheur éclatante
Que sa pause ascendante masquait à mes yeux.

Ce losange d’argent louvoya silencieux,
Son envol orgueilleux tel un vol de diamants,
Mille larmes de spume essaimant de ses ailes,
Gélatineuse oiselle extirpée de l’écume,
Aquatique tantale au dard vif comme un fouet,
Pour enfin replonger en un plat magistral
Dans les antres cachés du royaume abyssal.

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27 oct. 2022

681. L'attrape-rêves



L'attrape-rêves

Deux hommes occupent une pièce d'aspect plutôt stérile avec des murs peints en blanc, des chaises de même couleur et ce qui ressemble à une lampe très puissante et perçante montée sur un bras métallique articulé. 
Un homme est debout, vêtu d'une chemise, d'un pantalon et de chaussettes bleu clair. Un regard de curiosité intense se lit sur son visage. À ses pieds se trouve un masque ressemblant à la toile du masque à Spiderman sauf qu'il est pas rouge et noir comme celui de ce trapéziste de haute voltige mais transparent et cousu de fils bruns qui s'entrecroisent. 
L'autre bonhomme est assis. Il est habillé très différemment, portant un costume devant coûter la peau du cul et une cravate en soie à peine moins chère et assortie au costard de tout à l'heure. 
Il n'y a aucune intensité sur son visage. Il a l'air fatigué, comme si qu'il venait juste de se réveiller il y a peu de temps sans avoir eu le plaisir de s'envoyer un expresso et regrettait déjà le passage du sommeil. L'ampoule de la lampe est pointée en direction de sa tronche, éteinte maintenant depuis un court instant. 
Rompant le silence qui s'était attardé dans la pièce depuis cinq bonnes minutes, l'homme debout, celui qu'est fringué en bleu clair qui coûte pas cher, se met alors à parler.

"Voici ce que j'ai vu quand je vous ai cherché et trouvé. Vous vous teniez presque complètement caché derrière une ribambelle de grandes bennes à ordures à roulettes noires dans une renfoncement sans issue sombre et lugubre percé entre trois immeubles de briques sales. Au début, je pouvais pas voir ce que vous teniez plutôt fermement dans votre main droite. Mais ensuite, vous avez levé cette dernière jusqu'à ce qu'elle soit au niveau de votre tête, et j'ai pu voir que ça ressemblait à une pierre très ronde de la taille d'une orange que vous teniez. Il y avait autre chose que vous teniez dans votre main gauche, mais je ne pouvais pas voir exactement qu'est-ce que c'était à ce moment-là. Il est surprenant que sa nature soit un mystère dont je vous parlerai plus tard."

En réponse, l'homme toujours assis se contente de hocher la tête en signe d'accord, mais sans rien dire. Puis l'homme debout continue de commenter ce qu'il a vu récemment.

" J'ai regardé aussi loin que possible sur la gauche et j'ai vu une femme à l'air plutôt en colère avec des cheveux roux étroitement bouclés s'approcher, ses mains serrées en deux poings rageurs, ses jambes bougeant plus vite que j'aurais pensé qu'elles étaient capables de le faire. Elle se dirigeait droit sur vous. Je dirais qu'elle le faisait avec une intention, pas des plus pacifiques, bien définie. Ensuite, vous avez retiré votre main, manifestement avec une sombre intention, mal définie, à l'esprit, comme si que vous vous prépariez à lui balancer la pierre en pleine poire. Alors j'ai vu la chose la plus étrange. Ce que je pensais être un caillou m'est soudainement apparu comme étant en fait une balle en mousse. Vous l'avez lancée, et elle l'a balayée d'un mouvement rapide de sa main ouverte, accompagné d'un rire sinistre qui s'est prolongé et s'est attardé dans l'air. Je peux encore l'entendre maintenant dans mon esprit, cela m'a fait une forte impression et laissé un goût amer dans les gencives."

L'homme assis sur la chaise parle enfin, en disant " Absolument. Il en a toujours été ainsi." L'homme debout continue alors de raconter ce qu'il a vu et entendu.

" Elle a alors cessé de rire, a ramassé la balle en éponge et lentement, s'est approchée de vous. Quand elle est arrivée à portée de bras, elle a poussé brusquement la balle en avant de manière à vous en frapper en plein milieu de l'estomac. Je jurerais qu'à ce moment précis la balle ressemblait de nouveau plus à un caillou qu'à une balle en éponge. Son rire est alors revenu, et c'était tout aussi obsédant que la première fois. Alors j'ai pu voir ce que vous teniez dans votre main gauche. Ça avait la forme d'un cœur, du moins pour sa partie supérieure, c'est tout ce que je pouvais voir. Mais de la même manière que je l'ai vu, elle l'a vu aussi. Sa main droite a jailli et l'a arraché de votre main gauche. Un grand sourire est apparu sur son visage. Je pouvais voir maintenant que c'était un objet en forme non seulement similaire à l'image populaire d'un cœur stylisé genre ceux dont on décore les vitrines à la Saint Valentin, mais plus encore comme un véritable cœur humain. Après l'avoir attrapé férocement, elle s'est dirigée avec audace vers l'une des bennes à ordures à roulettes, en a soulevé le couvercle, a fourré votre "cœur" dedans, puis elle a claqué le couvercle avec plus de force que nécessaire. Je ne peux qu'imaginer ce que cela vous a fait ressentir."

Il y eut un autre hochement de la tête qui émergeait du col du costard qui valait la peau du cul, accompagné d'un visage attristé qui pendait comme une feuille au milieu de l'automne juste avant qu'elle ne s'envole, emportée par une bourrasque. Mais il ne pipa mot.

" J'ai dû arrêter de la regarder pendant un moment, mais je l'ai pas vue quitter les lieux. Peut-être existe-t-il un autre moyen de sortir de l'impasse qui contenait les bennes à ordures et qu'elle est partie par cette sortie cachée. Mais j'ai vu une autre personne s'approcher, lentement, prudemment, comme si qu'elle avait un peu peur de s'approcher trop près de vous. Elle s'est arrêtée un moment et a attendu que vous regardiez dans sa direction. Quand vous l'avez fait, vous avez souri, tout comme elle. Votre sourire a dû l'encourager, alors qu'elle reprenait sa marche dans votre direction. Elle a tendu les deux mains, tout comme vous, et vous avez tenu vos quatre mains les unes en face des autres."

Il y a une brève pause.

"Alors, est-ce que c'est bien ce que vous avez rêvé quand je vous ai drogué jusqu'à l'inconscience, que la lumière bleue était dirigée vers votre tête et que je portais le masque récepteur ? Je pense pas avoir inventé tout ça avec ma propre imagination pourtant très actifertile. Qu'en dites-vous ?
- Oui, vous avez raison. C'est exactement ce que j'ai rêvé dans ma stupeur défoncée. Et juste au cas où que vous vous poseriez la question, la première femme qui est apparue, la méchante rouquine salope et frisée, était ma première femme. Il n'était pas difficile pour moi d'imaginer qu'elle aurait fait ce que je l'ai vue faire dans mon rêve. Bien sûr, la deuxième femme était ma seconde épouse actuelle. Encore une fois, c'est exactement ce qu'elle aurait fait dans la vraie vie. Donc, en réponse à la question que vous ne m'avez pas encore posée, oui, je soutiendrai financièrement votre invention du scanner de rêves. Je peux voir très clairement ses applications pratiques, devant les tribunaux et dans les hôpitaux, mais je soupçonne que ce serait une énorme atteinte à la vie privée si les citoyens lambda étaient autorisés à l'utiliser. Maintenant, avez-vous dit que le masque était aussi un appareil enregistreur ? Je me rappelle plus trop. Si c'est bien le cas, j'aimerais que ma femme voie ce dont je rêvais. Je vous promets, et je le mettrai par écrit si vous l'éxigez, que personne d'autre ne le verra, pas même ma première femme, même si j'adorerais montrer à cette salope ma vision de ce qu'elle était.
- Oui, il y a une fonction d'enregistrement de rêves sur le masque. Maintenant, la partie de la séquence dont je vous ai pas parlé est celle où que vous montriez l'enregistrement à votre première femme, celle que vous considérez comme une salope. Je pense qu'une déclaration écrite préalablement établie devant un huissier de justice sera nécessaire avant que je vous en parle."

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24 oct. 2022

680. Le canard aux arachides

 

Le canard aux arachides

Nous avons passé l'après-midi au bord de l'étang au Duc à essayer d'attraper quelques volatiles aquatiques en prévisions des pénuries alimentaires programmées par notre gouvernement.  Mais en fait, il y avait tellement de monde - probablement venus faire, mine de rien, la même chose que nous - que nous avons passé des heures à nourrir une famille de canards de cacahuètes grillées au lieu de les appâter avec. 

C'était amusant de regarder le père canard, la mère cane et leurs deux canetons plonger précipitamment leur bec dans l'eau, essayant d'attraper les cacahuètes avant qu'elles ne se perdent dans le fond boueux de l'étang. 
Les petiots, avec leurs becs inexpérimentés, échouaient à la plupart de leurs tentatives. Lorsque l'un d'eux réussit enfin à attraper une des graines, ils essaya de l'écraser avec des mouvements comiques, et finit par la laisser retomber et la perdre irrémédiablement.
La température était de 20 degrés. Le long de la berge, une colonie d'enfants criait de joie sous le ciel clair. En file indienne ou en rond, ils tournaient autour de l'étang d'où la famille de canards, pendant les pauses intermittentes de la pluie de cacahuètes, les regardait sans intérêt.

Le temps tombait rythmiquement sur la douceur de cette fin d'après-midi d'automne, il s'enfonçait dans la pénombre à-venir comme les graines oléagineuses grillées, il cherchait tranquillement le fond inconnu de cet immense étang où flottait l'enveloppe déjà inutile du jour.
Est-ce que tous les jours sont les mêmes ?, ai-je demandé au père canard, qui avait l'air d'un type serein et réfléchi. En réponse, l'emplumé a donné la cacahuète que je venais de lui jeter à sa compagne, puis s'est approché d'elle et lui a grignoté le cou avec son large bec. Les plumes d'une de ses deux pattes se sont soulevées, puis la patte s'est éloignée. Le canard me dévisagea, comme pour s'assurer qu'il avait bien reçu toute mon attention.

Nous nous sommes levés et sommes partis. La famille de palmipèdes nous a regardés nous en aller sans montrer le moindre signe de tristesse. En regardant par dessus mon épaule, j'ai vu les humains s'agiter en se criant dessus bruyamment. Secouant la tête et en souriant, j'ai candidement balourdé à l'eau les dernières cacahuètes de mon  paquet.

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22 oct. 2022

679. Le petit livre bleu


Le petit livre bleu

"Allo ? Frérot ?"
- Oui, Youenn,c'est Kevin…
- Ouais… bien, je suis content que t'aies répondu. Fallait que je cause à quelqu'un en qui j'ai confiance.
- Comment que ça se fait que tu m'appelles en vocal… et pas en vidéo ? J'aimerais bien voir ta bouille.
- Eh ben... hem, j'ai été suspendu de tous mes comptes de réseaux sociaux.
- Pourquoi ?
- ...
- Youenn… tu m'as entendu ? Je t'ai demandé pourquoi ?
- ... Je t'ai entendu, Kevin... C'est juste que... je sais pas trop comment te répondre.
- Qu'est-ce tu veux-tu dire tu sais pas ?
- Eh bien... j'ai reçu une notification me disant pourquoi, mais je ne suis pas d'accord avec elle.
- Que disait cette notif' ? 
- Que mes comptes ont été suspendus pour violation des conditions d'utilisation.
- Ils ont dû te dire ce que tu peux faire pour récupérer ton accès, gamin. Ne t'en fais pas trop, ça m'est déjà arrivé à moi aussi. J'ai juste eu à supprimer une publication ou un commentaire et j'ai récupéré mon accès après un jour ou deux.
- ...
- T'as entendu qu'est-ce que je viens de te dire, Youenn ? T'inquiète pas.
- ... oui, frangin, je t'ai entendu... le truc, c'est que... je m'en tape si je récupère ou pas mon accès.
- Quoi ? Comment ça, tu t'en fous ?
- Je m'en fous. Ils suppriment déjà tout ce qu'ils veulent de toutes manières. Je vais pas m'abaisser et leur faire le plaisir de le faire pour eux.
- T'abaisser ? Peu importe… supprime-le simplement.
- Non.
- Mais Youenn, c'est juste stupide. Qu'est-ce que t'as posté sur la toile ?
- ...
- Gamin… qu'est-ce que tu as posté de si craignos ?
- Je peux pas rentrer dans les détails au bigophone… parce que je veux pas que ça te cause des emmerdes, mon frère.
- Qu'est-ce que tu veux dire, gamin ? Pourquoi que tu m'as appelé dans ce cas ?
- Je voulais juste savoir si t'accepterais une conversation en personne.
- En personne ? Tu veux dire en face à face ? Sérieux ?
- Comme un Pape. Oui, je suis sérieux.
- T'es au courant qu'on est en plein confinement, tu le sais ?
- Confinement? Nous sommes tous soumis à des restrictions de mouvement depuis environ un mois après ton départ.
- Exactement ! Comment, au nom de l'Esprit Universel, est-ce que je pourrais même voyager aussi loin pour te rencontrer physiquement et entre quatre z'yeux… même si je le voulais ?
- ...
- Youenn ?
- ...
- Youenn ?
- Rejoins-moi au parc public en face de la gare. C'est à deux rues de la porte de ton immeuble.
- Quoi? T'es à Nantes ? Dis-moi d'abord ce qui se passe, et si c'est vraiment urgent, je descendrai te trouver.
- ... d'accord mon frère, puisque tu me le demandes. Eh ben, j'étais à la manif à Paris, et… 
- À la manif ? Tu veux dire à l'émeute ?
- T'inquiète pas. Je n'y ai pas participé… j'étais juste là pour voir comment que c'était. Je suis curieux, tu me connais. Bref, pendant que j'étais là-bas, j'ai eu l'occasion de parler avec un des manifestants. Il agitait un drapeau jaune avec un coq noir dessus. Quoi qu'il en soit, il m'a affirmé que son drapeau était le drapeau d'une nation qui existait quand y avait encore des nations… tu sais, avant la  réinitialisation.
- Youenn, tu sais très bien que le Nouvel Ordre Mondial est la seule autorité planétaire… et ça depuis avant ta naissance et celle de nos parents.
- Je le sais, mon frère, mais écoute… il a dit que le gouvernement de la nation au drapeau du coq était fondé sur un document appelé Constitution -<BLIP>.
- Youenn ? T'as entendu ça ? Ils viennent de nous avertir… c'est ça que tu avais posté sur la toile ?
- Ouais, en gros… j'ai diffusé ma discussion avec ce type sur la toile. Je vais tenter de n'utiliser aucun des mots qu'il a utilisés. Ce blip était automatique… Je pense pas qu'ils surveillent encore notre appel. Je peux continuer ?
- ...
- Kevin ? Je peux continuer ou tu préfères me rencontrer dans le parc ?
- C'est bon, continue. juste... essayons tous les deux de pas prononcer un des mots bannis de leur liste.
- Okay, ça roule. Ce document était essentiellement une liste de choses que les pouvoirs en place pouvaient et ne pouvaient pas faire.
- Mais il y a littéralement rien, Youenn... Je veux dire, il n'y a rien qu'ils ne puissent pas faire.
- Je sais… mais avant… AVANT il y avait des limites. Il m'a parlé spécifiquement du droit à une procédure régulière… et de la vie privée… et du droit à la libre expression <BLIIIIIIP>.
- ...
- … Kevin ?
- … Youenn ? C'est le deuxième coup qu'on se fait blipper. On marche sur de la glace maintenant.
- Désolé, Kevin, je vais essayer d'être plus prudent.
- Peu importe, gamin. À quoi que tu veux en venir ? De toute façon, on ne peut rien faire… et pourquoi c'est si important ?
- Tu comprends pas, mon frère ? Nous vivons dans la tyrannie ! Nous sommes esclaves de l'État ! Ce type m'a ouvert les yeux, Kevin… mais le début de l'histoire qu'il m'a racontée n'est rien comparé à ce qu'il m'a dit ensuite.
- Houla, Youenn, tu commences vraiment à me faire flipper.
- Il m'a parlé d'un livre... un livre interdit... un livre que personne ne connaît.
- Houla… quel est le titre de ce livre, Youenn ?
- Je peux pas le dire… mais je peux te montrer. Tu vois, après cette conversation dans la rue et après mon bannissement des médias, j'ai parcouru les bases de données de la bibliothèque publique à la recherche de ce document dont il m'a parlé… ainsi que du livre. Je pensais pas les trouver, mais j'ai quand même essayé. J'ai même pas trouvé une seule référence à l'un d'eux… nulle part !
- Mais… tu as dit que tu pouvais me montrer… Comment, Youenn ? Comment que tu peux me montrer ?
- Laisse-moi finir, Kevin. Après ça, j'ai commencé à fouiller dans les magasins d'antiquités et les boutiques de collection. Il y avait plein de livres papier disponibles, mais même là, je soupçonnais que je trouverais jamais qu'est-ce que je cherchais.
- Putain ! T'es sorti chiner physiquement pendant le confinement ? Je te crois pas.
- En fait non, pas au début… J'ai fait la majeure partie de mes recherches sur la toile, mais j'ai finalement trouvé un endroit qui entreposait un tas de vieux bouquins. Des vrais. Le proprio allait fermer quand que je suis arrivé. Je pouvais le sentir derrière moi mais il m'a laissé parcourir sa bibliothèque en paix pendant qu'il mettait de l'ordre avant de fermer sa boutique. Quoi qu'il en soit, après presque une heure, j'ai trouvé un livre de poche avec une couverture en carton bleue. Le titre sur la couverture était La Grande réinitialisation de Klaus Schwab.
- Et alors, Youenn, tout le monde connaît ce livre. Il est même pas interdit.
- Ouais je sais, Kevin, mais cette copie n'était pas tout à fait une copie standard. La couverture, et environ le premier chapitre, étaient en effet la Grande Réinitialisation, parlant de 4ème révolution industrielle et autres, mais plus loin la police et le texte ont carrément changé. Le reste du bouquin de Klaus Schwab manquait, et à sa place se trouvaient les pages d'un autre bouquin !
- Nous y voilà... est-ce que c'était le livre dont tu voulais me parler ?
- Exactement, Kevin. C'était le livre sur lequel une grande partie de la constit-, de ce putain de document historique était basée.
- D'acoooord. Mais quel était le titre de ce livre ?
- Je devrais pas… non… je dirai simplement que c'était un ensemble de mini-livres regroupés qui commençaient par un tas de prénoms, comme Matthieu, Marc, Luc… et…
- Il y avait pas de titre ? Juste des prénoms ?
- Si, Kevin, il y avait un titre, mais... mais... oh merde, il s'agit du seul vrai Dieu... et ça s'appelle la Bible du Nouveau Testament- <BLIIIIIIIIIIIP>.<Attention... cette ligne est maintenant sous surveillance informatique pour utilisation de mots interdits.>

" T'as entendu ça, Youenn ? Maintenant on est baisés !
" Je suppose que j'ai… Oublie d'essayer de me rencontrer. Je vais t'envoyer le bouquin… Je vais de le glisser dans ta boîte aux lettres. Garde-le bien caché… et… 
- …et ?"
- ...
- ...et quoi ?
- ...
- Youenn !

< BZZZZ… cette conversation a été interrompue pour violation des règles de décence publique. Ne cherchez pas à vous enfuir. Le quartier est bouclé et les robocops de sécurité sont en route.>

"...
- ..."



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20 oct. 2022

678. Un tout petit fragment


Un tout petit fragment.

Quand l'équipe de sauvetage retrouva le point d'impact de l'OVNI qui s'était crashé en plein milieu du désert de Xoroämz, ils ne récupérèrent presque pratiquement rien.
Presque - sauf pour un tout petit fragment d'une espèce de disque dur.
Il fallut douze années aux plus grands geeks chercheurs du BRWX pour découvrir comment lire ce qu'y avait dessus. Et quand ils y arrivèrent, les données étaient fragiles, incomplètes et corrompues, un peu comme celles récoltées sur les tests XGL un siècle auparavant pendant notre grande plandémie do KokoWa 28. Ils ne purent en extraire que très peu d'images fixes.
Mais putain, quelles images !
Des métropoles de tours de métal gigantesques dont les toits atteignaient le ciel, resplendissantes de promesses. Des machines dont la fonction était inconnue, mais dont les courbes et les contrôles laissaient deviner une énergie subtile et des capacités sidérantes.
Des intérieurs habités de personnages gracieux entrain de poser, aux vêtements finements tissés à la perfection. Même si ces derniers paraissaient vraiment aliens avec seulement deux yeux sur le devant de leurs têtes, leur pouvoir d'attraction était indéniable.
Parfois, ces images ne pouvaient être vues qu'une fois avant de se dissoudre tellement les fragments étaient fragiles. Mais un simple coup d'œil furtif à ces images suffisait à laisser une impression profonde et durable à ceux qui les avaient vues.

Regarder une seule de ces images plus que quelques secondes était une invitation à l'obsession.
Il ne fallut pas des années avant que la vision de ces images ne pénètre la mode, l'art, l'architecture, ouvrant la porte à une nouvelle ère de créativité. Graduellement, ces images transformèrent l'apparence de notre monde. Nos villes changèrent, nos vêtements changèrent, et même nous autres xallaziens nous mîmes à changer.
Et c'est ainsi que, quelques siècles plus tard, quand les aliens revinrent sur notre planète à la recherche de leur vaisseau disparu, nous les accueillîmes à bras ouverts. Ils trouvèrent chez nous un monde qui leur était étranger, mais pourtant étrangement et spécifiquement familier.
Nous les conviâmes à venir examiner le fragment récupéré des siècles auparavant parmis les débris de leur vaisseau.
Il secouèrent leurs têtes, n'en croyant pas leurs yeux.
Ce que nous avions découvert était un pot-pourri des meilleures pubs tirées de leurs catalogues de vente par correspondance.


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18 oct. 2022

677. Pour le plus grand bien


Pour le plus grand bien

"Je me barre !
- A-A-Attends, Bernard,"  Robert se précipita pour l'empêcher de quitter le bureau, "T-Tu peux pas juste démissionner comme ça."

Bernard ne se tourna même pas vers son futur ex-patron qui trébucha à côté de lui, "Je peux et je viens de le faire.
- D'accord, d'accord -attends juste une minute," Robert s'avança devant lui, une main sur sa poitrine, " Une petite minute, s'il te plait, juste une -" il inspira "- Explique-moi, allez Bernard, c'est moi… "

Bernard soupira puis regarda l'irritation qui prévalait dans ses yeux. "D'accord… Bien, parlons un peu alors."

Robert faillit faire un salto arrière en entendant ça. Il accompagna Bernard jusqu'à son bureau, échouant à cacher le saut dans sa démarche. Les autres exorcistes regardaient par-dessus les cloisons de leurs box et se laissaient glisser chaque fois que Bernard leur lançait un regard malveillant. 
Il y avait des rumeurs qui circulaient qu'il allait démissionner, ils les entendaient depuis quelques semaines maintenant, mais personne n'avait jamais cru que ce jour viendrait. Ils étaient tous des exorcistes, des guerriers dans une bataille constante contre le mal. 
Tout le monde parlait de démission, même le concierge menaçait de le faire presque chaque semaine. C'était leur rituel, ça faisait partie du travail. Personne n'y croyait, pas plus qu'ils ne croyaient que les fantômes et les démons développeraient soudainement une conscience et cesseraient d'envahir la terre des vivants.

Même s'ils croyaient que quelqu'un démissionerait de temps en temps, ça ne pourrait jamais être Bernard. Bernard, de toutes les personnes ? Le démon vivant ? Bernard, l'homme qui avait renvoyé Satan aux Enfers ? Le plus grand exorciste du monde ? Pourquoi diable voudrait-il démissionner ?

Les deux entrèrent dans le bureau, Robert s'assit et regarda les photos sur son bureau ; deux de lui et son chien et une autre de lui et de sa femme devant un champ de citrouilles. Le Démon Vivant choisit de se lever. Cela ne prendrait pas longtemps.

"D'accord, alors qu'est-ce que tu as en tête ?" Robert se versa une tasse de café, il n'avait pas l'intention de la boire mais il voulait garder ses mains occupées, mieux valait ne pas les laisser trembler à un moment comme celui-ci et tout le monde savait que des mains qui s'ennuient sont le jouet du Diable. " La porte est fermée, ce sont tous des fouille-merdes mais tu peux être honnête avec moi, personne n'en saura rien.
- J'arrête, terminé, ras-le-cul, je démissionne," soupira Bernard, " je sais pas comment te le dire autrement, je peux aussi te le dire en langue infernale si ça peut t'aider.
- N-Non, non, j'ai pigé cette partie, ce que je veux savoir, c'est pourquoi ?
- Qu'est-ce que tu veux dire pour-
- Merde, Bernard, tu vois ce que je veux dire, pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? C'est quoi le fond du problème ? De quoi as-tu besoin pour rester, que te faut-il ?
- Robert… Est-ce qu'on doit revenir sur tout ça ? Tu le veux vraiment ?  Maintenant ?
- Bernard," Robert se leva, "Bernard, nous nous connaissons depuis que nous avons commencé dans ce putain de trou, nous nous sommes regardés monter et descendre, nous étions - nous sommes une équipe…", il mit une main sur l'épaule de Bernard : " Qu'y a-t-il de si grave que tu ne puisses pas me parler ? À moi, ton ami, ton complice, ton frèrot. C'est les horaires ? Tu veux travailler plus ? Moins ? Est-ce la taille de ton box ? Penses-tu avoir droit à ton propre bureau, parce que tu le mérites et nous pouvons t'arranger ça. Est-ce l'argent...
- Non, bon Dieu, Robert ! " Bernard retira sa main. " C'est pas le pognon, c'est pas le bureau, c'est même pas toi ou quelqu'un d'autre ici.
- Alors c'est quoi-
- C'est moi, Robert... c'est moi."

Robert trouvait plus les mots : " Je- je- je ne comprends pas, a-es-tu malade, euh, o-ou as-tu été maudit ? Quelque chose te hante, quelque chose de puissant ? Qu- 
- Regarde-moi, Robert," Bernard le saisit par les épaules, " Regarde-moi et dis-moi qu'est-ce tu vois ?
- Je-je te vois toi," répondit-il, le plus connement du monde, "je vois Bernard, mon ami, je vois le Démon Vivant, le plus grand...
- Non, regarde au-delà de tout ça et dis-moi qu'est-ce tu vois ?
- Oh putain, Bernard ! Me parle pas comme si que j'étais un gamin qui adore les devinettes, je sais pas, je vois un mec je suppose !" Il s'arrêta pour reprendre son souffle, "Je suis désolé d'avoir crié, c'est juste que-
- Je ne suis qu'un mec, Roger," reprit Bernard, " Je ne suis pas le plus grand exorciste qui ait jamais vécu, je suis pas le démon vivant, je suis pas l'homme qui a renvoyé Satan dans ses pénates, je ne suis qu'un homme , un vieil homme.
- V-Vieux ? Diable, t'as bien dit vieux ? " La confusion se lisait sur son visage, " Ne parle pas comme si tu étais un vieillerie de quatre-vingt-dix balais, tu n'as que quarante-cinq ans -
- Me balance pas cette merde de 'quarante-cinq ans' comme si j'étais un vieil excentrique sénile dans un fauteuil roulant, Robert," Bernard piétina jusqu'au fond de la pièce puis revint sur ses pas, " Je suis vieux, je te dis, je suis un putain de vioque ! Arrête, laisse-moi finir," Bernard leva la main, " Et ce vieil homme a des gosses, tu le savais ça, mon pote ?" 

Le regard stupéfait sur le visage de Robert était une réponse suffisante: " Tu connais ma femme ? La poulette chérie en détresse, celle avec qui tout héros fait l'amour à la fin de sa grande aventure ? Eh bien, elle a vieilli elle aussi et elle a des gosses, deux qu'elle en a, Gaby et Raphaël.
- Je suis désolé, je-je savais pas-
- Treize et neuf ans, des enfants et une femme, et sais-tu ce qui leur passe par la tête quand ils me voient partir au boulot ? Aller exorciser des démons et des monstres toute la journée ? Ils ne pensent pas à quel point c'est cool que leur père soit le démon vivant, ou à quel point c'est génial que son mari puisse combattre des créatures maléfiques de l'enfer toute la journée; ils pensent au jour où je rentrerai pas à la maison, au jour où je mourrai en me battant pour le plus grand bien de tous ". La rage se lisait sur le visage de Bernard, des années de rage refoulée. " Je veux être avec ma famille, Robert, je veux voir grandir mes gosses, je veux pouvoir me réveiller et prendre mon petit-déj avec ma femme, je veux pouvoir aller faire les courses avec ma famille et choisir ce que nous allons préparer pour le dessert, bordel, j'ai pas assez travaillé pour ça ? Je me fiche que le diable lui-même revienne pour conquérir le monde, laissez quelqu'un d'autre être le nouvel héritier démon !"

Le visage de Robert vira soudain au vinaigre : " Tu t'en fous ? Tu t'en tapes ? Tu as les capacités, nous avons de la magie pour l'amour du ciel ! Et avec beaucoup de pouv– 
- Oh arrête tes salades," se moqua Bernard, " Arrête avec le grand pouvoir qui amèn-
- Non ! Tu as eu ton tour et maintenant c'est le mien". Furieux, Robert claqua sa main sur le bureau, fit claquer sa main gauche, puis se leva, " Je sympathise avec toi Bernard, vraiment, et tu sais pourquoi ? Tu sais pas que j'ai une femme aussi ?" Il arracha le portrait de lui et de sa femme enceinte devant un champ de citrouilles et le tint devant le visage de Bernard: " Tu te souviens de Lucie, ouais eh bien nous nous sommes mariés, et tu sais qui c'est qui a ignoré l'invitation et qu'est même pas venu à notre mariage ? Ben c'était toi, mon pote !" 
Il jeta le cadre sur le bureau, " Alors désolé si je verse pas une rivière de madeleines ou un torrent de larmes pour ton problème familial mais j'en ai un aussi, mais tu sais ce qui nous rend différents ? Je sais ce qu'il faut faire, je connais les sacrifices que certains d'entre nous doivent faire "

Une aura verte émanait du corps de Robert. " Je sais que si nous ne sortons pas et ne combattons pas le mal tous les jours, alors quelqu'un va souffrir, ou mourir, ou devenir fou, ou quoi que ce soit entre les deux. Tu penses que j'aime faire ça ? Tu penses que j'aime ce qu'on fait ? Me battre tous les jours, rédiger des rapports de blessés, rentrer chez moi dans un état pire que la veille ? Sûrement pas ! Mais nous le faisons parce que c'est pas tout le monde qui peut le faire, nous sommes tous ceux qui se tiennent entre des innocents et les démons de l'enfer." 
Les yeux de Robert commencèrent à s'illuminer d'une brillance verdâtre. " Et tu veux arrêter parce que tu es fatigué ? Parce que tu es vieux ? Bien alors vas-y, dors bien la nuit en pensant à toutes les vies qui sont entre tes mains, à toutes les familles qui ne seront plus là parce qu'elles attendaient que le Démon Vivant vienne les secourir !
- Alors là, c'est le pompon sur la cerise du cocotier, tu ne peux pas me convaincre alors tu vas me culpabiliser pour que je reste ici et que je meure avec le reste d'entre vous ?" Une aura rouge entourait désormais Bernard, " Et où que t'étais ces cinq dernières années ? Assis dans ton bureau confortable ? Envoyant tous les autres mourir pour la cause ? Ça doit être horrible de rentrer à la maison avec une crampe au poignet ou une tendinite à force de gribouiller toute la journée, ou ton pauvre dos courbaturé à force d'être assis sur le cul pendant qu'on est en train de mourir, pauvre petit innocent !
- Pour ton info, je suis assis ici à me battre pour notre existence ! Tu penses que le gouvernement est content de ce que nous faisons ? Tu penses qu'ils sont chiants pour nous laisser courir en lançant des sorts partout ? ! Ils veulent que nous partions ou que nous soyons sous contrôle, et je me suis battu becs et ongles pour nous garder indépendants", Roger se rapprocha de Bernard, " Pour nous garder en sécurité, comme tu devrais le faire !
"Tu n'as jamais pensé que peut-être," Bernard se rapprocha lui aussi, "que nous ne devrions même pas exister ?
-  Tu veux me répéter ça ? " Ses yeux flamboyaient de colère, " Dis-le un peu plus fort pour que tous ceux qui ont été tués ou torturés par un démon puissent t'entendre.
- Tu bosses dans ton bureau toute la journée, je suis sûr que tu lis les analyses," les yeux de Bernard se rétrécirent, "ça empire et ça va continuer à empirer, Robert, même toi, aussi têtu que tu sois, tu dois le voir, ils ne deviennent pas plus forts pour le plaisir… les démons, les fantômes, les monstres, même le diable lui-même… ils veulent se battre, ils veulent continuer cette guerre… ils veulent le défi, ça les excite.
- Est-ce que ça change quelque chose ? Nous continuons à devenir plus forts, nous continuons à nous battre, nous continuons-" Robert s'interrompit et jeta les yeux au plafond. Nous ne sommes que des hommes, Robert, nous sommes des humains, nous vieillissons, nous devenons lents et nous mourons, ils vivront pour toujours et un jour ils gagneront. C'est une guerre que nous sommes destinés à perdre, d'une manière ou d'une autre.
- Si nous abandonnons, ils gagneront". L'aura de Robert se mit à grandir, envahissant la pièce, " Tu ne peux pas croire qu'ils abandonneront simplement quand ils réaliseront que nous voulons arrêter de nous battre, tu ne peux pas être aussi naïf après tout ce que tu as-
- Après tout ce que j'ai fait ? Et qu'est-ce que j'ai fait ? Le visage de Bernard s'assombrit : " Tout le monde parle de moi comme si que j'étais un saint tueur de démons, mais qu'est-ce que j'ai fait réellement depuis que j'ai banni Satan ? Enlève ça et ma carrière n'est pas plus excitante qu'une recrue moyenne, non seulement je suis lessivé, mais je suis rincé depuis plus de vingt ans". L'aura de Bernard s'estompa, " Je sais que quelque part tu as raison, mais je… je m'en fous, Robert, peux-tu essayer de comprendre ça ? S'il te plaît ?"

Puis il se tut, son aura de nouveau en plein essor.
" Je ne peux pas faire ce travail quand je peux pas me résoudre à faire passer les victimes en premier, je ne peux plus faire le strict minimum", Bernard posa ses mains sur les épaules de Robert et sanglota contre sa poitrine, " Je suis désolé , mon pote, je le suis vraiment, m-mais j'en peux plus, je pense plus à les sauver, tout ce à quoi je pense c'est de m'assurer que je rentre chez moi avec ma famille… je-je les ai laissés mourir, Robert," Bernard leva les yeux, " Sais-tu ce que ça fait de savoir que j'ai laissé des gens mourir, juste pour sauver mes propres fesses ? Ça fait mal ! Bon sang, ça fait tellement mal… mais je le referais, et encore, autant de fois que nécessaire si ça signifiait que je pourrais à nouveau rentrer chez moi avec ma Sylvia.
- Alors ne le fais pas pour les victimes, Bernard, fais-le pour ta famille," Robert posa une main sur la tête de Bernard, " Penses-y comme un endroit plus sûr pour ta femme ou tes enfants, penses-y comme si ça les rendait fiers, sûrs qu'ils ne l'apprécieront peut-être pas tout de suite, ils pourraient même le détester, mais un jour ils regarderont en arrière et sauront que tu as fait ce qui était le mieux, ils sauront que tu étais un héros.
- O-Ouais..." Bernard recula, "Peut-être que tu as raison, je-je viens de...
- Bien sûr que j'ai raison, Bernard, tu dois juste me faire confiance, comme je t'ai fait confiance toutes ces années," sourit-il, "Pourquoi que je te mentirais ? Je suis ton ami Bernard, si tu ne peux pas me faire confiance, alors qu'est-ce qui nous reste ?
- Je sais que je le devrais, c'est juste que... je n'arrive pas à me sortir de la tête cette pensée à propos de ma famille à mes funérailles, ça me hante," Bernard s'essuya les yeux, " Les démons le savent aussi... ils me narguent, ils me mettent des cauchemars dans la tête, ils… ils me montrent des visions de Sylvia penchée sur mon corps mutilé et hurlant… de mes enfants pleurant parce qu'ils ne me reverront plus jamais…  
- Crois-moi, Bernard, c'est dur mais un jour ils comprendront, nous devons le faire, nous ne pouvons pas nous arrêter." Il frotta doucement l'arrière de la tête de Bernard, comme un père le ferait avec son fils, " Le plus grand bien, Bernard, c'est pour ça qu'on fait ça, t'inquiéterais-tu plutôt de rentrer à la maison avec un démon qui ravage ta famille ? Leur faire des choses indescriptibles ? Est-ce que cette pensée te fait te sentir mieux ?
- Je… N-Non… ça ne marche pas…. Je-je suppose que tu as raison...
- Bien sûr que j'ai raison, pourquoi ferais-je quoi que ce soit pour te blesser ? Pourquoi je ferais ça ? Tu me connais, Bernard," sourit-il délicatement, bien que ça eut l'air un peu forcéforcé. " Nous serons ensemble jusqu'à la fin, mon pote.
- Ouais, je suppose," sourit Bernard, " jusqu'à ce que la mort nous sépare..." le sourire s'estompa aussi vite qu'il est venu, "N-Non, Robert, je peux pas, je peux pas le faire, je dois y aller, j'ai besoin de rentrer chez moi, avec ma famille." Bernard s'éloigna," Je peux pas continuer à faire cette danse de la mort, vouloir partir mais me convaincre de rester, j'en ai fini, Robert, je suis désolé mais je me barre."

Robert émit dans un petit rire, " Merde, c'est con, je t'avais presque eu cette fois," il agita son doigt vers lui.
"Qu'est-ce que tu me-"
Robert se précipita en avant, son aura rétrécie et concentrée autour de son bras gauche tandis qu'il tendait la main vers l'avant. Bernard se baissa puis posa un poing sur son côté, mais il n'était pas en phase. La main de Robert imprégnée de magie attrapa le visage de Bernard, l'index et le pouce contre ses tempes.
" Vade retro !" L'aura courut du bras de Roger dans la tête de Bernard, virant les yeux de ce dernier au bleu, "Memoria Revisio".

Robert lâcha prise et Bernard trébucha en arrière, se cassant presque la gueule sur le carrelage. Il y eut un moment vide où ni l'un ni l'autre ne bougea un muscle, se contentant de se regarder en chiens de faïence. Bernard regarda autour de lui, une confusion subtile se lisant sur son visage, puis sa main agrippa sa poitrine. " Le démon a dû me jouer un tour, je me souviens même pas d'être venu ici aujourd'hui." Une nouvelle aura lui traversa le corps, " Je me sens mieux maintenant, mais je ferais mieux de vérifier d'abord avec mon toubib, de telles diableries doivent laisser des traces.
- Ouais, juste content d'avoir extirpé le dernier avant que tu ne rentres chez toi," se marra Robert, "Tu devrais te replonger dans tes grimoires, mon pote, peut-être faire quelques tractions aussi, tu vieillis,  mec.
- Je m'en sortirai ", s'étira Bernard, " Je ferais mieux de rentrer à la maison alors, Sylvia a des lasagnes qui m'attendent.
- J'ai compris, si tu te sens bizarre, appelle-moi et je serai là pour toi immédiatement," Robert fit claquer ses doigts.
" Pas de problème," Bernard était sur le point de fermer la porte derrière lui quand il s'arrêta brusquement. Il ne bougea pas, il regarda devant lui ; perdu dans ses pensées. Robert se figea et faillit renvoyer son aura, mais Bernard se retourna et lui sourit:Merci encore, je ne sais pas ce que je ferais sans toi, mon pote, ensemble jusqu'à ce que la mort nous sépare"

Robert lui donna un moment, puis tomba sur sa chaise, laissant échapper un soupir de soulagement extrême, " Bon sang... le sort commence à s'estomper de plus en plus vite, il ne l'a presque pas chopé cette fois." Il tint sa paume ouverte et une orbe d'aura rouge apparut, même si elle était faible et frêle, " Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer comme ça, bon sang..."

Son téléphone sonna. Il le laissa sonner plusieurs fois, le son dur le détendit. Il décrocha à la huitième. C'était le poste de police local qui demandait combien d'exorcistes l'Inquisition, leur compagnie, pouvait envoyer immédiatement. Trois démons avaient attaqué la bibliothèque locale et retenaient des otages, une vingtaine, principalement des enfants. Ce qui pouvait se passer là-bas dedans était une pensée dont il ne voulait pas en ce moment, même si quoi que ce soit, cela ne le surprendrait probablement pas. S'attendre au pire était devenu une seconde nature pour la plupart des exorcistes.

Robert accepta d'envoyer dix de ses meilleurs hommes - à l'exception de Bernard - qui pourraient être là dans les dix minutes; l'entreprise était connue pour ses téléporteurs. L'appel téléphonique se termina et il laissa échapper un soupir encore plus grand.

Le cadre qu'il avait jeté plus tôt attira son attention. Il le tenait, esquissant un sourire tandis qu'il regardait le visage de sa femme. Le sourire s'estompa et il claqua des doigts. Elle lui revint, seule, " Pour le plus grand bien, Robert… pour le plus grand bien…"

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15 oct. 2022

676. L'école des montagnes


 L'École des montagnes.

" Tant de choses que l'on croit certaines dépendent des points de vue d'où on les observe. Le Soleil, cette ligne lumineuse dans le ciel, est en fait un point de lumière tournant à vitesse folle autour de ce monde.
Le truc, c'est que ce truc tourne tellement vite qu'on croit que c'est un arc de lumière qui se déplace vers le sud quand viennent les grands froids puis remonte dans le Nord avec le dégel.
Le gel qui nous recouvre disparait avec chaque dégel. Ce dégel n'est qu'une pensée éphémère pour nous, mais il rend possible l'apparition d'innombrables organismes - trop petits pour que vous les remarquiez, mais je vous assure qu'ils sont bien là. Vivant sur vous - sur chacunes d'entre nous. Il y a en permanence un bestiaire complet de petits choses vivantes sur la peau de nos dos, avec des vies, des pensées et des comportements qui n'appartiennent qu'à eux.
Je sais que tout ça peut vous paraître incroyable et tiré par les crêtes. Notre science vient à peine de déceler leur présence. Il se pourrait même que certaines d'entre elles soient intelligentes comme nous le sommes, vivant de courtes vies hyper rapides et éphémères qui tiendraient dans l'espace d'un tremblement dans un de nos chants.
Difficile d'imaginer que des trucs aussi minuscules soient capable de penser.
Mais l'univers est d'une immense vastitude, hein ouais les enfants !"

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