Bienvenue, curieux voyageur

Avant que vous ne commenciez à rentrer dans les arcanes de mes neurones et sauf si vous êtes blindés de verre sécurit, je pense qu'il serait souhaitable de faire un petit détour préalable par le traité établissant la constitution de ce Blog. Pour ce faire, veuillez cliquer là, oui là!

30 déc. 2021

571. Autour de Minuit

 


Autour de Minuit

Vos corps, une bataille où se joue l’invisible guerre
D’une meute d’épices démentes.
Vos lèvres, deux arcs irisés, une abondance de chair entre les murs blanchis,
Le cri douloureux d’un animal sylvestre,
Le calme d’une pluie tropicale juste avant minuit.

La présomption sacrée de votre beauté emplit un vide fécond
Sous l’air épris de minuit,
Vos baisers, des colombes à peine baptisées
Sur l’écueil orgueilleux de vos libertés.

Vos paroles, des ajoncs poétiques, les ruisseaux de l’Eden,
De l’eau fraîche sous le murmure des anges au repos,
Cris farouches de printemps démentiels
Nous tombant dessus comme armée de roses humides.


Aériennes statures de femme, matière subtile qui recherche sa forme
Dans les grises soirées des veuves éplorées,
Quand tombent les dernières feuilles du temps
Comme gouttes en amande parmi les fragments de violettes.


Minuit ! Explosion de fruits jeunes autour de minuit,
Dans la sueur de vos âmes en fuite, dans l’amour aux dagues cristallines,
Comme voleuses en automne au son des violons nuptiaux
Tombant sur la poudre desséchée des derniers soupirs
Et tissant les débuts de l’aube quand minuit est passé.

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Bonne Année 2022 à toutes les Femmes du Monde!
( Mais pas, vous l'aurez deviné, à la douzaine de traînées telles qu' Ursula Von Der Leyen, Christine Largarde, Ghislaine Maxwell, Marlène Schiappa,  Nancy Pelosi, Valérie Pécresse, Kamala Harris, Ruth Elkrief, Angela Merkel, Alexandria Ocasio-Cortez, Agnès Buzyn, Jacinta Arden, Anne Hidalgo, Hillary Clinton ainsi que toutes les autres pouffes similaires, de haut vol comme de bas étage )

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26 déc. 2021

570. Éternel bourlingueur


"J'étais marin. J'ai bourlingué sur la mer infinie des étoiles, sautant de galaxie en galaxie, d'amas d'étoiles en amas d'étoiles, de système stellaire en système stellaire, et même d'Univers en Univers, à la recherche du phénomène le plus rare et le moins répandu qui soit, la matière auto-organisée. Comme le graphène mais encore plus mieux. Une matière dotée d'une capacité de métabolisme, de croissance, de réaction aux stimuli et de reproduction. Bref, la vie. Et plus précisément, le type de vie appelé vie 'intelligente'. Le genre qui crée des civilisations, qui construit des villes et recueille des connaissances."

Marylou le regarda comme si qu'il avait trois têtes. Elle s'était simplement présentée et avait demandé d'où qu'il venait.
" Alors, avez-vous un nom, monsieur ? " demanda-t'elle.
- Un nom? Je ne sais pas si j'en ai un ou même si j'en avais un au tout début de mon existence, mais beaucoup de gens m'ont donné des noms. Un nom n'est qu'une étiquette, mais parfois il y a un sens caché, une essence qui s'attache à un nom et à la personne qui se le ou à qui on le donne ou qui l'adopte, ou vice-versa. Sur cette planète même, un homme nommé Edgar à qui j'ai parlé m'a un jour appelé Azathoth. Mais je ne suis ni un dirigeant ni un monstre, et je ne suis pas un dieu. Si vous voulez, vous pouvez m'appeller Aza."
Marylou pensa que si l'on donnait une phrase à quelqu'un, il était possible d'en récolter tout un paragraphe, mais l'homme n'était pas pompeux. " Aimeriez-vous une pomme d'amour, Aza ? La kermesse est en soutien de notre chapelle locale."
Marylou vendait des pommes d'amour à la kermesse. Elle avait vu le jeune homme entrer dans le village par la route de la ville voisine et avait décidé de discuter avec lui.
"Oui s'il vous plaît.
- Êtes-vous croyant, Aza ?"
Azathoth regarda dans le vide. " Pas de manière conventionnelle. Mon point de vue est holistique. Je vois le plus petit électron exploser la plus grosse étoile. Je vois le moindre désir déplacer les plus grandes montagnes. Je vois un rêve inspirer un enfant talentueux qui changera le monde. Je vois le mouvement d'une main, d'une nageoire, d'un tentacule ou d'un bec piqueur exprimant une émotion et affectant l'avenir.
- Pourquoi cherchez-vous une vie intelligente, Aza ? Pourquoi naviguez-vous sur la mer infinie des étoiles ? "
Elle n'était pas encore sûre de lui. Il semblait un peu étrange, mais inoffensif.
"Je sais pas", soupira Azathoth. " Je recherche les personnes intéressantes, les personnes de pouvoir et de sagesse. Ceux qui ressentent les courants sous-jacents des Univers. Bien que dans certains cas, « personnes » ne soit pas le terme approprié. J'ai communié avec des colonies de bactéries, dans une sorte d'univers limité. Peut-être ce que ce monde appellerait une boîte de Pétri. J'ai partagé des rafales d'éléments avec des nuages ​​de gaz et d'étoiles et j'ai reçu leurs réponses sous la forme de leurs propres flux de plasma. J'ai effectué des échanges plus exotiques avec des êtres de matière noire à la limite de la science et de la magie, à la limite de l'être et de la communication, à la limite de la vie et de la non-vie."

D'une manière ou d'une autre, elle le croyait, ou mit son incrédulité de côté pour le moment. " Peut-être que vous assemblez des parties de la réponse, comme une sorte de puzzle. Peut-être que lorsque vous en apprendrez suffisamment, tout aura un sens."

Azathoth éclata de rire. "Peut-être. J'apprends tout le temps, c'est vrai. Mais est-ce un progrès ou simplement une illusion de progrès ? Et je n'ai que la durée de vie des Univers pour travailler. Peut-être qu'il n'y a pas assez de temps. Du Big Bang au Big Crunch. Ou quoi qu'il arrive à la fin. Parfois, je pense que, d'une manière ou d'une autre, je dois transcender le temps en évitant les écueils pour déterminer mon objectif, quel qu'il soit.
- Vous avez dit ‘J’étais marin’. Avez-vous donc arrêté de naviguer, Aza, avez-vous posé votre sac pour de bon ?
- Je suis toujours un marin des étoiles et des endroits où il n'y a pas d'étoiles. Je marche d'un endroit à l'autre, au hasard. Ou aussi aléatoirement que possible. Une balade d'ivrogne, sauf que je suis peu affecté par l'alcool et ce que les humains appellent la drogue ! Je suis entré dans les atomes et les particules subatomiques, et je suis allé dans les espaces sauvages où les univers remplissent quelque chose comme la fonction de ces particules incroyablement petites, et dans des royaumes encore plus éloignés, où ces espaces sauvages ne sont que de simples particules . J'utilise bien sûr des termes qui s'appliquent à cet ensemble d'univers, mais l'analogie est plutôt bonne. J'ai pensé que j'étais tombé sur quelque chose d'important quand j'ai trouvé un univers ou un espace où il y avait des dragons. Les dragons ont quelque chose de spécial. Mais je m'étais trompé."

Azathoth regarda au loin. " J'ai vu beaucoup d'endroits. J'ai consulté de nombreux sages. J'ai parlé aux gens ordinaires. J'ai aussi parlé avec des dieux. J'ai parlé à des sages-femmes, des médecins, des prêtres, des soldats, des mathématiciens, des alchimistes et des fabricants de potions. Des rois et des pauvres. J'ai soulevé la mousse, regardé sous les pierres et dans les sourires des bébés. J'ai regardé les verticilles sur les pouces ou l'équivalent des pouces sur les mains ou les appendices de nombreuses créatures. J'ai regardé le bien et le mal, et j'ai trouvé peu de différence entre eux à long terme. Je sais toujours pas ce que je recherche. Je sais même pas si je cherche aux bons endroits."
Il soupira.

Marylou décida de le taquiner. "Peut-être que, comme l'homme de la légende qui s'évertue à rouler un rocher jusqu'en haut d'une montagne uniquement pour le voir redescendre, vous êtes destiné à ne pas réussir. Avez-vous pensé à cela, ça vous a-t'il traversé l'esprit ?
- Oui, j'y ai souvent pensé. Je voyage depuis longtemps." Il se gratta l'oreille. " Peut-être pour toujours, quoi que cela signifie. Je ne suis même pas près de deviner ce que je recherche. J'étais avec une tribu de fourmis une fois. Je faisais partie de la tribu ou du nid, et moi, en tant que membre de cette fourmilière, j'avais demandé leurs avis au reste du nid. C'était assez conflictuel, perturbant pour la communauté en fait. Qu'est-ce que je cherchais ? Le consensus était qu'il était impossible de le savoir. La question n'avait pas vraiment de sens. Cela n'avait-il pas de sens dans le contexte de la tribu, je me le demande, ou cela n'avait-il tout simplement pas de sens du tout ? "

Il contempla la petite foire du village. Ses yeux étaient sombres, très marron, découvrit-elle, mais ensuite il sourit et son sourire lui réchauffa le cœur. Elle lui tendit une pomme d'amour et il la lui paya.
"C'est pour quoi, tout ça?" demanda-t-il en secouant la pomme au bout de son bâtonnet en direction de la kermesse. 
- Pour la chapelle, je pensais que vous l'avoir dit. Et aussi pour des livres pour l'école.  Ce genre de chose."

Ils déambulèrent dans la petite fête, la jeune fille vendait ses pommes au fur et à mesure. Elle se foutut de ses tentatives pour gagner un lot avec un palet et il rit avec elle. Elle était mince, avec des cheveux châtain clair et des yeux noisette. Elle n'était jamais loin d'un sourire, et son sourire attirait les sourires de tout le monde autour d'elle.

Ils rencontrèrent le Père José, curé de la paroisse.
" Oui, la kermesse sert principalement à acheter des livres pour l'école. C'est dommage que la maîtresse parte s'occuper de sa mère malade ", soupira le cœur de l'ecclésiastique du fond de sa soutane.
" Peut-être pourrais-je enseigner à l'école pendant un certain temps ? " proposa Azathoth. " Est-ce que ça aiderait, même rien qu'un tout petit peu?
- Pourriez-vous? Vraiment ? Ce serait merveilleux ! ", s'exclama le curé.

Ainsi, au lieu de passer à autre chose ou changer de secteur comme il avait l'habitude de le faire, Azathoth devint maître d'école. Le curé émit quelques réserves au début, car Azathoth n'assisterait pas aux services religieux, mais avec le temps, ses inquiétudes s'évaporèrent. Azathoth devint un excellent professeur et bon avec les enfants. Il écoutait tranquillement à l'arrière de la classe chaque fois que le curé venait faire leur catéchisme aux gamins. Il n'essaya jamais de les influencer de quelque manière que ce soit.

Marylou était croyante et elle demanda un jour à Azathoth en quoi il croyait.
"Je sais pas", répondit-il. " J'ai lu le Saint bouquin. J'y ai beaucoup réfléchi et c'est un bon guide pour savoir comment se comporter dans sa propre vie et dans ses relations avec les autres. Mais quelque chose en moi ne me permet pas d'y croire complètement. J'ai eu des discussions intéressantes avec le Père José et il comprend ma position. Il est d'avis que je finirai par y croire, mais je n'en suis pas si sûr que lui. La foi n'est qu'un remède de pacotille pour les âmes désespérées.
- Je sais que tu es un penseur profond, Aza, mon chéri. Je sais que tu es un homme bien. Ce serait bien si tu venais à la Foi, bien sûr. Mais cela n'a pas d'importance.

***

"Je vais avoir un bébé, Aza, mon chéri", lui dit un jour Marylou.
- C'est une très bonne nouvelle!" répondit Azathoth. " C'est quand qu'on se marie ? Je t'aime, Marylou. Veux-tu m'épouser?"
Marylou se marra et le serra dans ses bras. "C'est ce que nous aurions de mieux à faire, je suppose."
La convention était que les bébés venaient après le mariage, mais ce n'était pas considéré comme une règle absolue.

Alors Azathoth et Marylou se marièrent et la mère de Marylou s'occupa de bébé Marguerite pendant que Marylou et Aza gagnaient leur vie. Bientôt Margot fut rejointe par un petit frère et plus tard par une petite sœur.

Les années passèrent. Le village devint une petite ville, et un service de bus circulait désormais deux fois par jour vers la grande ville au nord. La petite école avait été agrandie deux fois et les trois enfants d'Aza et de Marylou la fréquentèrent, grandirent puis allèrent à l'université. Azathoth dut recruter et employer deux autres enseignants.

Margot se présenta un jour à l'improviste à la maison : " Maman, papa, je vais avoir un bébé."
Marylou fut ravie. "Alors, quand rencontrerons-nous le père ?"
Margot se renfrogna. " Il n'est plus là. À la minute où que nous avons découvert ma grossesse, il m'a quittée et s'est enfui chez sa mère. Puis-je rentrer à la maison ? "
Azathoth ressentit une explosion de colère contre le garçon, ce qui le surprit.
"Bien sûr que tu peux rentrer, Margot. Euh, ce garçon...
- S'il te plaît, papa. Laisser tomber. Je suis mieux sans lui.
- D'accord ma chérie. D'accord. Si tu en es sûre."

Margot réintégra donc la maison familiale et trouva un travail dans la ville voisine. Elle laissait bébé Kendalle avec ses grands-parents pendant la journée, et ils adoraient ça.
"Contente?" demanda Aza alors qu'ils étaient assis sur le canapé, avec Kendalle endormie dans les bras de sa grand-mère.
"Oui bien sûr. Et toi?"  Elle était consciente qu'Azathoth était parfois agité.
" Oui, Marylou, ma chérie. Très heureux. N'est-elle pas tellement jolie ?"

Peu à peu, leur petite famille s'agrandit. Leurs autres enfants se marièrent et eurent à leur tour des papotes, Margot rencontra un homme qui aimait la petite Kendalle autant qu'elle et l'épousa. Elle eut deux autres bébés. Il y avait aussi des cousins, des nièces et des neveux, des oncles et des tantes, et des parents plus éloignés du côté de Marylou, mais aucun du côté d'Aza. Il expliquait ce mystère à qui chechait à le percer en racontant qu'il était orphelin et avait été élevé dans un orphelinat. Seule Marylou connaissait la vérité, c'est-à-dire qu'il ne se souvenait de rien avant son arrivée à la kermesse du village.

***

Marylou tomba malade. Au début, elle ne se sentit pas bien un matin, alors elle et Aza consultèrent leur toubib. Son visage était sombre quand il leur donna son diagnostic.
Aza la retint sur le canapé où elle sanglota longuement, très longuement. Finalement, elle tomba et il la porta jusqu'à leur lit sur lequel il l'allongea doucement. Alors qu'il se déplaçait pour redescendre, elle lui dît d'un air endormi : "Désolée, mon amour. J'irai mieux demain matin."

Le lendemain, les médicaments du médecin avaient fait leur effet et elle allait beaucoup mieux. Aza dût repousser ce qu'il savait être un espoir voué à l'échec. Plusieurs de leurs amis et relations passèrent la voir, mais bientôt Marylou se fatigua. Aza était terrifié à l'idée que la tension lui fasse du mal, alors Margot intervint et les renvoya dans leur chambre.
Aza aida Marylou à monter les escaliers et à grimper dans le lit.
" Je t'aime, Marylou," murmura-t-il.
- Je sais. Je t'aime aussi. Ne sois pas triste, mon chéri. Nous avons eu une belle vie. Nous avons eu des enfants et des petits-enfants merveilleux. N'est-ce pas ?
- Oui ma chérie. Oui. Je ne suis pas sûr de pouvoir continuer sans toi !
- Tu le peux. Tu y arriveras. Tu n'as pas le choix, mon amour."

Aza regarda sa femme et revit la jeune fille aux pommes d'amour. Il lui caressa les cheveux tandis qu'elle s'endormait et il s'allongea à côté d'elle. Il était aussi fatigué qu'elle et s'endormit aussi rapidement.
Marylou disparut lentement. Sa famille s'était rassemblée autour du lit où elle s'était assoupie, le masque à oxygène masquant son visage. Aza lui tenait la main, mais semblait confus et angoissé. Le reste de sa famille parlait tranquillement de tout et de rien.
Marylou se réveilla légèrement, marmonnant dans le masque. Aza le lui ôta. " Marylou, mon amour ! "
- J'ai toujours su... que tu étais spécial, Aza. J'espère que tu… as apprécié… notre vie… ensemble. J'ai eu le privilège… de te connaître. Je vais me reposer maintenant. Je te reverrai… un jour."
Ses yeux se refermèrent et elle sembla lutter pour respirer pendant quelques secondes, puis sa respiration cessa. Aza se leva et repoussa sa chaise, la tête entre les mains. Il sortit de la pièce et tituba dans le jardin. Margot apparut à ses côtés.
"Oh! Margot, je me sens si seul ! J'ai l'impression qu'elle m'a quitté, mais je sais qu'elle ne l'a pas fait !"
Aza but une potion de sommeil fournie par l'apothicaire, même s'il ne voulait pas dormir. Le matin, il se sentit creux. Il parlait constamment à Marylou, et les gens chuchotaient et hochaient la tête dans son dos. Mais au fil des jours, des mois, des années, tout ça devint un peu plus flou.
De temps en temps, il avait des flashs mentaux de royaumes étranges. Les gens du gaz, ceux de l'éther. Les gens de la mer. Les gens de la clandestinité. Des gens et des royaumes trop étranges pour être décrits. Dans tous ces flashs, Marylou était toujours là à ses côtés.
" Qu'est-ce que tout cela signifie, Marylou ? "
Elle ne faisait d'autre que de lui sourire.

***

Il revint à lui, allongé au bord de la route. Quelqu'un lui avait mis un manteau. Il essaya de s'asseoir. Quelqu'un parlait à la radio quelque part, et quelque chose sonnait régulièrement.
" S'il vous plaît, restez là pour le moment, monsieur. Détendez-vous ", déclara une voix autoritaire.
"Qu'est-ce qui se passe? il a dit.
- Je suis ambulancier, monsieur. Vous vous êtes effondré au bord de la route et quelqu'un a appelé le service d'ambulance. Restez immobile, s'il vous plaît."

Il était confus. Des choses se passaient autour de lui, ne l'affectant pas vraiment. Puis Marylou est apparue.
" Marylou ! "
Elle lui sourit. " Plus pour bien longtemps maintenant, mon amour. "
Puis elle était partie.

Sa fille Marguerire arriva à l'hôpital.
" Margot ! Qu'est-ce qu'y se passe ? Pourquoi que je suis ici?
- Chut, papa. Tu t'es effondré. Ils pensent que tu as fait une crise cardiaque.

***

"J'ai vu ta maman."
Margot prit un air inquiet. "Mais papa…
- Oui je sais. Elle est morte depuis des années. Mais elle est toujours proche de mes pensées. Je la vois parfois une seconde, du coin de l'œil. Quand quelqu'un marche comme elle."
Il ne mentionna ce qu'elle avait dit. Plus tard dans la nuit, il eut une autre crise cardiaque et les médecins ne purent le sauver.

"Je t'avais dit que ce ne serait pas long", sourit Marylou.
- Oui ma chérie. Ça fait si longtemps que tu me manquais !
- Qu'en est-il de ces moments avant que tu ne t'endormes et que tu me sentais à côté de toi ? Quand une étrangère parlait ou riait comme moi ?

Ils étaient calmes, étant à nouveau heureux ensemble.
" Tu m'as rendu immortelle, Aza. En m'aimant. Eh bien, je continuerai aussi longtemps que tu le voudras, de toute façon.
- Es-tu réelle? Est-ce juste un rêve de mourant ? Oh mon amour !
- Est-ce réel?" Elle fit un geste vers le paysage étoilé scintillant, des étoiles, des naines aux super-géantes. Des nuages ​​de gaz brillants, de petites planètes rocheuses et de grandes géantes gazeuses, et de la vie partout.
Il acquiesca. "Je dois reprendre mes recherches."
- Oui je sais. Mais je serai...
- … juste une pensée plus loin. Je sais."

Azathoth soupira " J'étais si heureux. J'ai en quelque sorte oublié ou réprimé mon envie de chercher je ne sais quoi. J'ai vieilli comme les gens le font normalement. Je pense que j'étais l'un d'entre vous. Puis tu es morte. J'ai pleuré pour toi. Je suis tombé malade, je suis mort, et puis, sans répit, je suis de nouveau avec toi. J'ai tout apprécié !
- Que se passerait-il si tu trouvais ce que tu cherchais, Aza ? Si tu savais ce que tu cherchais et que tu le trouvais enfin ? Quoi alors ?
Il regarda Marylou avec perplexité et réfléchit un instant.
" C'est là quelque chose qu'on ne m'a jamais demandé ! Pendant toutes ces années et ce qui se passe depuis des années ailleurs, on ne m'a jamais posé cette énigme, mais maintenant ça me paraît une question évidente ! Ce terrible désir serait terminé. Je n'aurais plus besoin d'être un marin sur les marées du temps et de l'espace. Je ne serais plus un chercheur. Je pourrais… Que ferais-je ? Quel serait mon but ? Ce dernier serait accompli, accompli. Je n'aurais plus aucune raison dêtre. Je pourrais en finir. Je pourrais tout arrêter.
- En termes de cet espace ou de cet Univers, tu pourrais mourir. Cette fois pour toujours.
- Je le pourrais, n'est-ce pas ? Je pourrais cesser d'exister. Toujours. Je pourrais me dissiper dans les limbes. Je pourrais me dissoudre dans l'espace et le temps ! Bonheur ! Pur bonheur !
- Nous en finirions, Aza, mon chéri Nous voudrions simplement lâcher prise. Ensemble.
- Oui. Ensemble. Suis-je destiné à voyager pour toujours, Marylou ? " demanda-t-il alors qu'ils descendaient la ruelle et tournaient au coin de la rue.
" Dans un sens, oui, peut-être. 
- Et dans l'autre sens ?
- Peut-être n'es-tu que l'essence de la recherche et non une personne réelle et pourtant...
- Et pourtant… ?
- Et pourtant, je t'aime. Cela fait de toi une personne.
- Je t'aime aussi."

Ils s'embrassèrent et l'écho de leurs paroles se perdit dans la ruelle vide.

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23 déc. 2021

569. Réflexions sur la nuit de Noël


En excluant les enfants de religions non affiliées, ainsi que ceux qui vivent dans des zones qui ne sont pas incluses dans l'itinéraire parce qu'elles sont trop pauvres, le Père Noël doit visiter, la nuit de Noël, seulement 300 millions des plus de 2 milliards d'enfants qui se trouvent sur Terre. Avec une moyenne de 3 enfants par foyer, l'itinéraire se réduit à quelques 100 millions d'adresses de livraison.

Lorsque les Coréens se sont libérés du joug chinetoque, leurs dirigeants ont estimé qu'ils devaient se débarrasser de toute influence culturelle du grand empire. Ils ont alors créé un nouvel alphabet de toutes pièces et une nouvelle écriture pour leur langue, la seule écriture née de manière totalement préméditée et rationnelle, et qui prévaut à ce jour.

Si on répartit les 100 millions de foyers à livrer sur une ligne hypothétique et continue entourant la terre, le traîneau du Père Noël doit voyager à une vitesse mille fois plus rapide que celle du son des missiles russes hypersoniques ou de ces missiles tout court, et s'arrêter tous les 1,4 millième de seconde pour déposer les cadeaux dans un foyer. Amazon et Alibaba peuvent toujours tenter de s'accrocher...
Le drame de notre temps, c'est que même celui qui n'a rien est convaincu qu'il a beaucoup à perdre.

Pour atteindre la vitesse requise, le traîneau du Père Noël doit utilser la puissance motrice de 250 000 chevaux rennes-vapeur les plus rapides qui soient.

En République centrafricaine, les indigènes n'ont pas le droit de posséder une entreprise et personne, indigène ou étranger, n'a le droit de prendre des photos.

La chaleur produite par le frottement de l'air à une vitesse si élevée est si grande qu'elle brûlerait les 250 000 rennes tirant le traîneau du Père Noël en 4 millisecondes.

Le bonheur de l'homme n'est pas possible sans la langue allemande. Malheureusement, celui-ci est voué à disparaître; que ce soit de l'homme ou du bonheur que je cause, c'est vous qui voyez.

Comme le traîneau du Père Noël s'arrête tous les 1,4 millième de seconde, seul environ un tiers des rennes est brûlé à chaque conduit de cheminée. Une partie du travail à faire, pendant que le Père Noël descend par la cheminée, dépose les cadeaux, mange les bonbons laissés par les enfants et remonte le conduit, consiste à remplacer les quelques 80 000 rennes carbonisés par des rennes vivants. Sortis de sa hotte, je suppose. Sûrement.

Celui qui vit dans une petite communauté vit aussi dans un monde beaucoup plus grand que cette dernière. Il en sait beaucoup plus sur les différences farouches et les divergences inébranlables de ses semblables... Dans une société élargie, on peut choisir ses amis, même si on ne choisit pas sa famille. Dans une petite communauté, ces derniers sont choisis pour nous, ils nous sont imposés...
Ainsi, dans toutes les sociétés au sens large et hautement civilisées, se forment des groupes fondés sur la sympathie qui excluent le monde réel plus nettement qu'une porte de prison ou que l'entrecuisse d'un monastère de carmélites. Y'a rien de vraiment étroit dans le clan. La seule chose vraiment étroite, c'est la clique. 

Mais il est tard, bonnes gens, il est grand temps d'aller saluer et poivrer la dinde, qui, vu l'état infarpait de sa conscience de la date, ne nous laisse présager que très peu de chances de la voir se plumer et s'auto-farcir toute seule. Joyeux Noêl.

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20 déc. 2021

568. Zombidoum


J'ai joué la bête pendant vingt ans et j'en aurais joué une centaine de plus si on me l'avait permis. J' écrase la cigarette qui couve dans le cendrier et je regarde les braises orange allumées se refroidir en attendant dans ma loge.

"N'avez-vous jamais souhaité pouvoir tenir le rôle du héros ?" n'ont jamais manqué de me demander les journalistes il y a bien longtemps de ça au cours des rares interviews qu'ils m'avaient alors accordé l'honneur de m'accorder.
"Jamais de la vie." leur avais-je toujours répondu.

J'admets qu'il y a un certain niveau d'anonymat dans le fait de jouer un rôle où que je dois porter un masque. Personne ne m'acclame jamais comme ils acclament les héros. Pourquoi le feraient-ils ? Je suis une métaphore pour les parties d'eux-mêmes qui manquent de conscience de soi. Les instincts de peur et d'agression qu'ils pensent avoir vaincus. 
La partie non civilisée d'eux-mêmes qui passe à la violence au moment où leurs croyances sont remises en question. Les comportements animaux qu'ils pensent surpasser, mais qui bouillonnent sous la surface comme ces bulles de gaz de souffre remontant de la vase dans un marais, la luxure, la colère, la jalousie… 
Après le spectacle, ils peuvent en rire et se dire qu'ils n'ont jamais vraiment eu peur, ils savent que ce n'était qu'un spectacle, ils savent que le héros va se pointer, mais avec leurs mains pressées contre leurs cœurs battant la chamade, ils savent que ce sera moi qui hanterai leurs rêves cette nuit-là. Je suis celui avec qui ils s'identifient, celui qui vit dans leur psyché, pas le héros…

Soir après soir, je monte sur scène sachant qu'au moment où que je mets les pieds sous les projos, le public s'attend à ma chute. Aspirant au moment où le héros enfoncera son épée dans mon cœur ou mes entrailles, la façon dont ils souhaitent eux-même pouvoir enfoncer cette épée projette les parties d'eux-mêmes qui sont sujettes à des désirs sauvages. À chaque pas exagéré, à chaque recoin derrière lequel je me cache - à l'insu du héros -, le public halète et pousse des cris d'horreur ravis. Le théâtre crépite de tension et de peur, électrisant mes sens jusqu'à ce que je devienne la bête et que la bête soit en moi.

Le héros a peut-être son affection, mais je suis né des parties sombres du cœur de mon public.
J'ai de la sympathie pour la bête, et tout ce que je représente en portant ce masque. C'est là tout le secret de ma performance: sur la scène, j'ai de la compassion pour le monstre.
La bête est tout ce que nous ne pouvons pas contrôler à l'intérieur de nous-mêmes, la partie qui s'en prend à nos proches à cause de notre propre ego et de notre droiture animale. Même si le seul vrai crime de la bête est d'être un animal dans un monde fait pour les hum-

Un coup fort et abrupt à la porte vient briser le fil de mes pensées et un machiniste m'appelle : " Vous entrez dans trois minutes ! "
Je prends une profonde inspiration, mon cœur se serre de tristesse et de chagrin.
Ce soir va être ma dernière apparition sur scène. Je suis devenu trop vieux pour le show business, ou du moins c'est ce qu'ils m'ont dit. J'ai fait une longue carrière, il est temps que du sang neuf prenne ma place.
Quand le rideau se fermera ce soir, tous mes rêves prendront fin. Ce soir, je vais dire adieu à la bête.

Bang! Bang! Bang!
Trois autres coups frappés à ma porte me tirent une nouvelle fois de ma rêverie, faisant craquer mon cœur et sursauter ma cage thoracique. Cela ne peut pas encore être mon appel sur scène, n'est-ce pas ? J'ai toujours eu le don de savoir intuitivement quand il était temps pour moi d'y aller. Peut-être que je vieillis, je songe, en vérifiant ma montre à gousset… mais non, c'est pas encore le moment. Deux minutes seulement se sont écoulées. Les trois coups retentissent à nouveau, cette fois avec une telle force qu'ils secouent mon miroir, le verre délicat entouré d'ampoules claque contre le mur.
Mes oreilles rougissent de rage. Pendant vingt ans j'ai servi cette production, comment osent-ils frapper à ma porte avec un tel manque de respect ?! Je suis toujours indispensable. Je suis toujours ce qu'y a de plus proche d'une star. Je suis personne jusqu'à ce que le rideau final tombe. J'ouvre la porte avec indignation, prêt à frapper le machiniste, le journaliste ou le réalisateur… ce soir je m'en fiche, ce soir je n'ai plus rien à perdre et j'en ai rien à secouer de qui c'est qui qui va se prendre ma main en travers de la gueule.
 
Un homme avec des yeux au blanc d'un jaune horrible, des yeux comme de la bile épaisse, se tient devant la porte, immobile, et sa couleur surnaturelle me déconcerte, déracinant mon appel à la violence.
"De sacrés contacts que vous devez avoir à l'entrée des artistes." je lui dis en lui faisant un clin d'oeil.  Je ris timidement, une maigre tentative pour cacher mon malaise.
L'homme est vêtu d'un costume si noir et si élégant que c'est comme si qu'il avait commandé à l'obscurité de la nuit de l'habiller, les ombres elles-mêmes glissant et s'enveloppant avec amour autour de sa silhouette. Du noir sur du noir enrobé de noir avec des gemmes vert-émeraude incrustées sur ses boutons de manchette.
"Oui. De très bons contacts." confirme-t'il d'un ton catégorique, et, après une longue pause, il cligne des yeux; le clignement est maladroit et contre nature, comme un acteur qui oublie momentanément sa mise en scène.
" Y a-t-il une raison pour laquelle vous venez de frapper à ma porte ? Je joue un rôle important ici, vous savez. Mon temps est précieux." Je fais de mon mieux pour afficher un léger mépris envers l'homme étrange avec toute la dignité et l'importance que je peux rassembler.

L'homme me fixe avec un niveau alarmant de vide dans son expression. Pas une seule émotion ne traverse les pupilles au centre de ses yeux jaunes et caillés, et cela fait se dresser les poils de mes avant-bras comme de la chair de poule. Mes pieds traînent le reste de ma personne d'un pas en arrière, les muscles se déplaçant à leur propre discrétion. L'adrénaline s'est précipitée dans mon corps à la demande d'une ancienne alarme primitive sonnant à l'intérieur de moi, me pressant : "Cours !", me crie-t'elle, "Sauve ta peau, cours !"

Je cloue cette envie comme un Jésus de plâtre sur son crucifix, exigeant sa soumission et refusant d'être intimidé par ce personnage étrange.
L'homme s'avance, comblant le vide entre nous : " Oui, la bête. Je connais très bien votre travail. Ce soir, c'est votre dernière représentation. Dites-moi, n'êtes-vous pas un peu triste de devoir quitter ce théâtre ?" Sa voix s'attarde sur les 's' telle un sifflement de vipère, sa question montant avec raideur dans la pire performance de curiosité que j'aie jamais vue.
"Oui.", je lui réponds en tremblant, une sueur nerveuse me perlant le front: "Oui, j'aime beaucoup ce rôle."
-  Et dites-moi, monsieur Mougeon, qu'est-ce qui vous rend si friand d'une bête ? D'un méchant ?" me demande-t-il encore avec cette même fausse cadence creuse de fausse intrigue.

J'ai honte de vous avouer que je lui ai répondu à peine un léger ton au-dessus de celui d'une voix d'enfant asthmatique : " La bête n'a rien fait de mal, c'est juste un animal, soumis à sa propre nature. N'importe lequel d'entre nous pourrait devenir la bête dans le mauvais cadre social.
- Vous sentez-vous souvent bestial, monsieur Mougeon ? " s'enquit encore l'homme aux yeux jaunes en haussant les sourcils.
J'ai reculé, repoussé par une question si intime, "Je suis désolé, qui avez-vous dit que vous êtiez déjà?"
- Véreux. Olivier Véreux. Je suis ici pour vous faire une proposition." me rétorque le quidam en s'avançant d'un pas, même s'il s'était déjà tenu assez près de moi pour que je sente son souffle chaud sur ma joue, même s'il s'était déjà tenu trop près pour mes narines sensibles. "Qu'est ce que vous allez obtenir? Une fête d'adieu terne et un licenciement. Je pense que vous méritez mieux que ça. N'est-ce pas, Mr. Mougeon ?"

J'ai vécu assez longtemps pour savoir reconnaître et discerner le baratin d'un commercial quand j'en entendais un. " Ouais… " murmuré-je avec méfiance, " Mais qu'y a-t-il à faire à ce sujet ? C'est juste la façon dont ces choses se passent.
- Je suis content que vous ayez posé la question, Mr. Mougeon. Je voudrais  vous immortaliser." Il sort une seringue, un stylo noir et du papier de son manteau : " Tout ce dont j'ai besoin, c'est que vous preniez cette injection et que vous signiez sur la ligne pointillée, et le rêve que vous portez dans votre cœur deviendra réalité. Personne ne pourra vous éclipser ou vous renvoyer à nouveau. Le rôle de la bête vous appartiendra, de manière unique, indéfiniment."
Je lui souris, "Ça ne marche pas exactement comme ça d'habitude, Mr. Véreux. Si c'était le cas, je signerais ce document autant de fois que vous le voulez"
L'homme sourit aussi, "Alors vous ne devriez avoir aucun problème à le signer cette première fois."
Il me montre le papier et y lit une seule ligne : « Moi, Damien Mougeon, je consens à ce que les rêves de mon cœur deviennent réalité. » Suivie d'une ligne pour ma signature.
Je rigole : " Vous devez être une sorte d'acteur vous aussi. J'ai eu un peu peur pendant un moment. Je signerai ça n'importe quel jour de la semaine."

J'ai signé mon nom sur la ligne pointillée et en dessous j'ai écrit une courte note le remerciant d'être un fan. Il roula le document, me fit la piqûre, puis remisa le document et la seringue dans son manteau et s'inclina légèrement : "Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous, Mr. Mougeon J'ai hâte de voir votre performance vraiment impressionnante en tant que Bête."

J'enfile mes gants, chaque doigt est muni de griffes scintillantes en cristal taillé, toutes de cinq centimètres de long et assez grandes pour scintiller sur place. Je ramasse la tête de mon costume. C'est un morceau de vie, semé de vrais cheveux, noirs et duveteux. Je prends soin de brosser ma tête bestiale tous les soirs après chaque représentation, la toilettant juste comme il faut. Elle est équipée d'un long museau hargneux et de dents blanches et luisantes. L'artiste qui l'a créée a vraiment pris un soin tout particulier à ce que chaque détail soit parfait. Je tire le masque au-dessus de ma tête, l'ajustant soigneusement pour que je puisse voir à travers les œillères. Je me regarde un instant dans le miroir, nageant dans la gloire, et m'adresse à mon reflet : "Ce soir est notre dernière nuit ensemble, mon vieil ami. Donnons-leur un spectacle pour lequel il vaille la peine de mourir."

J'ouvre la porte de ma loge, où une machiniste, le poing dressé, se tenait prête à frapper encore. C'est une jeune fille que je n'avais encore jamais remarquée. Elle crie en sautant de surprise et laisse tomber son bloc-notes : " Oh, Mr. Mougeon ! Ouahou ! . Vous êtes vraiment une terreur quand on vous regarde  de près. Comment que vous faites pour que vos yeux brillent comme ça ? "
Sous mon masque, je lui souris, "Tout fait partie du rôle de la Bête, jeune padawan."

Je suis la vedette du premier acte, le premier aperçu de l'histoire pour le public. L'histoire d'un monstre qui vit dans la forêt, jusqu'au jour où qu'il ne mord pas la bonne paluche. Je hausse les épaules pendant que ma co-vedette plante le décor. Elle joue le rôle d'une jeune fille qui s'est perdue dans les bois en fuyant sa famille pour échapper à un mariage imposé ou arrangé avec un vieux de mon espèce. 
Elle est la première à être tuée par la bête. Je peux entendre la foule parsemée des spectateurs, tous munis de passes vaccinaux, rire de ses singeries enfantines, tandis qu'elle se lamente sur l'injustice de la vie. L'injustice que je ressens au plus profond de moi, et je voudrais gémir avec elle, mais à la place je grogne et je rugis, un véritable animal en chasse.

Finalement, c'est mon tour et je fais mon entrée sur scène, grognant pour l'effet. La foule halète devant mon apparence horrible et cela me donne des ailes. Je peux sentir leur horreur dans mes os, le sang qui bat dans mes veines. Je suis la bête, je suis le chasseur, je suis le-

Quelque part le long de ma colonne vertébrale, un os se rompt et je me cambre, haletant de douleur. Mon épaule craque comme du verre brisé et mon corps se contorsionne, se tordant d'agonie, un grognement sur mes lèvres.
La foule adore ça. La foule pense que ça fait partie de l'acte, ma dernière performance d'adieu, un homme devenu fou.
Je pleure alors que mes os se brisent. Hurlant comme un animal blessé, mon crâne même éclatant, serrant mes globes oculaires jusqu'à ce que je pense qu'ils vont sûrement jaillir de mes orbites. Ma vue rougit à cause du tourment. Ma mâchoire se décroche et j'agrippe mon masque, mon masque bien-aimé, l'arrachant de mon visage. L'actrice me regarde avec un halètement, la terreur dans ses yeux redouble et je respire son délicieux et succulent parfum .

…Je suis la bête…

Je m'avance vers elle, mes chaussures de costume se déchirent et tombent pour révéler de grandes pattes bestiales.

… Je suis le monstre qui vit à l'intérieur de tout…

Ma proie tremble devant moi. Je la renifle, mon museau tremblant sous l'excitation de la prise. Je peux sentir toutes les effluves de sa peur animale.

… Je suis la partie de vous qui ne connaît pas mieux…, je suis l'Alpha, le Delta et l'Omicron...

Le trou vide de la faim grogne en moi, et je grogne avec elle. Boum boum boum, fait le pouls dans le cou de cette délicieuse créature. Quelques spectateurs affamés nous rejoignent sur scène.

… Je suis la partie de vous qui ne peut pas voir ce qui ne va pas…

L'animale toute pâle devant moi se met à crier, me faisant mal aux tympans, un son de défi, une menace contre moi-même !

…Je suis la violence qui se révèle lorsque vos croyances sont remises en question…

Je me précipite en claquant les dents et les mâchoires, repoussant les autres spectateurs affamés qui s'agglutinent les crocs à l'affût, mes mâchoires se refermèrent autour de son tendre cou. Une saveur juteuse remplit ma bouche et les spectateurs animaux qui m'entourent éclatent dans une frénésie de soif d'hémoglobine, l'odeur du sang épais dans l'air.

Quelque part dans le public, un homme aux yeux jaunes est assis, calmement en train de regarder le spectacle et je peux sentir errer son regard, d'un prédateur à l'autre, pendant que je me régale des entrailles de ma proie.
Je suis tout ce qui ne peut pas être contrôlé à l'intérieur de vous. Mais je ne serai jamais, jamais aimé comme un héros...

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18 déc. 2021

567. Une araignée dans le plafond


Lors de sa visite chez moi hier soir, l'araignée que j'ai dans le plafond m'a conté une histoire: Une de ses amies et un mille-pattes se rencontrent. L'araignée, surprise de voir autant de pieds, demande : "Mais comment marchez-vous avec autant de jambes ? Je n'en ai que huit et j'arrive à peine à coordonner ma démarche." 
Le mille-pattes réfléchit un peu et hausse les épaules - au fait, combien d'épaules a un mille-pattes ? -. L'araignée se barre enfin, laissant son partenaire s'interroger sur cette question existentielle. 
Lorsque le mille-pattes décide enfin de reprendre son chemin, la conscience de toutes ses pattes lui tombe brusquement sur le coin de la gueule et l'empêche d'avancer d'un centimètre de plus. 

L'araignée qui me squatte le plafond me dit que quelque chose de similaire se produit lorsqu'on tente d'écrire tout un texte préconçu. Il faut juste laisser courir sa plume, oublier un peu ce que l'on est en train d'écrire. "Ne prends donc pas tout tant au sérieux" qu'elle m'glisse à l'oreille. La comparaison avec le mille-pattes n'est peut-être pas fortuite, si l'on tient compte du fait qu'il a fallu huit ans à celle-ci pour me tisser sa putain de toile dans la caboche.
Un roman que, s'il faut en croire Martin Filipovitch, les Martiens ont trouvé parmi les ruines d'un monde post-apocalyptique, sans savoir s'il s'agissait d'une boîte à musique, d'une maison miniature ou d'une horloge en bois. 

Nous n'avons jamais su quel Martien divulguait ces informations à Martin, mais nous n'en n'avions rien à secouer de ce variant, car nous étions trop heureux de célébrer qu'enfin, après tant d'absence, il soit revenu sur ses terres. 
Bienvenue Martin ! Une maison miniature ou une horloge en frêne. Nous n'avons jamais su quel Martien divulguait ces informations à Martin, mais nous nous battions les couilles de ce Delta, car nous étions trop heureux de célébrer qu'enfin, après tant d'absence, il soit revenu sur ses terres. 
Bienvenue Martin ! Une maison miniature ou une horloge en chêne. Nous n'avons jamais su quel Martien divulguait ces informations à Martin, mais nous nous balançions les glaouis de cet Omicron, car nous étions trop heureux de célébrer qu'enfin, après tant d'absence, il soit revenu sur ses terres.
Bienvenue Martin ! Une maison miniature ou une horloge en teck. Nous n'avons jamais su quel Martien divulguait ces informations à Martin, mais nous nous tamponnions le coquillard de ce 38ème variant, car nous étions trop heureux de célébrer qu'enfin, après tant d'absence et six thromboses, treize AVC et dix-huit enterrements rien que dans sa rue, il se soit enfin sorti la tête du cul.
Bienvenue Martin !

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16 déc. 2021

566. Le mal du temps ou vice-versa.


Le temps est malade, il a de la fièvre. Et je parle pas ici de la météo.  Pour tenter de le guérir, l'Homme lui injectera une petite seconde par voie intraveineuse à minuit pile le 31 décembre. Et le fait est que le temps, comme tout le reste, change aussi. En voie d'extinction, la Terre fait aussi son travail et d'année en année la durée de son mouvement de rotation varie presque imperceptiblement. Autrement dit, chaque année dure un peu plus longtemps que la précédente.

Cependant, j'ai l'impression que les choses se passent pas exactement comme c'est prévu ou gravé dans le papier des éphémérides, pire même, elles ont même l'air d'aller complètement dans l'autre sens. Au fil des décennies les années durent de moins en moins longtemps, comme les machines à laver ou les voitures, les frigos ou les  putains de smartphones. Mais ceux-ci ont au moins l'avantage d'être de moins en moins chers, du moins en apparence, alors que les années sont de plus en plus difficiles à vivre. Tout ça montre bien que l'époque, malgré l'excellente campagne publicitaire qu'Einstein a pu lui donner, n'a pas appris à être référencée dans notre société de consommation et s'est démontrée, année après année, de plus en plus chère et dégradée.

Soit le temps est un grand idiot comme l'autre grand corps malade de mes deux, tout fier sur sa paire de béquilles à faire la promo de la campagne de vaxsassination, soit il est un grand altermondialiste. Après tout, c'est pas comme si que les lycéens du lycée Henry IV manifestaient contre l'impérialisme économique américain devant le kiosque à journaux de l'Abbaye Sainte Geneviève. Le temps est influent. Ses crises de colère contre le marché libre se font sentir dans le monde entier.

Cependant, avec l'affirmation que le temps est malade,  je peux pas m'empêcher d'être d'accord. Sinon comment expliquer autrement que ce que je viens de vivre hier, je m'en souvienne comme si que ça s'était passé il y a des mois ? Comment expliquer le retard, parfois des journées entières, de l'esprit par rapport au corps sur un long trajet à plus de 800 kilomètres à l'heure entre les deux rives de l'Atlantique ? 
Sinon, comment accepter que le temps injecté dans nos vies par un rêve court et intense nous vieillisse plus que des semaines entières de vie réelle ?

Le temps boite. Il a une patte folle, un pied qui traîne. Il est en retard sur la vie. Une petite seconde, disent les experts. Une toute petite seconde, insignifiante pour tout ce qui n'est pas régi par une technologie de pointe, incompréhensible et mondialisée. 
Injectons-le alors, c'est pas les produits qui vont manquer, merci à la giga-commande passée par cette putasse de Van der Leyen. Tant d'entre nous ont d'ores et déjà appris à supporter la mort grâce aux injections. Même si nous finirons tous par reprendre le même rythme lent et maladroit, même si nous vivrons encore désespérément à la traîne du temps, toujours à lui cavaler au cul...

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