" D'accord Jean-Marc, qu'est-ce qui vous amène en thérapie aujourd'hui ? Et n'oubliez pas que si vous souhaitez une transcription textuelle de notre réunion d'aujourd'hui, vous pouvez toujours passer à notre version Premium.
- Hem non, ça va, je retiendrai tout dans ma caboche..
- Super Jean-Marc ! Dès que vous êtes prêt, vos quarante minutes vont commencer. Même si vous en auriez obtenues soixante avec notre version Premi-
- D'accord, donnez-moi juste une seconde. Je… je sais pas vraiment par où commencer… Je me suis inscrit et j'ai rempli tous les formulaires pour commencer la thérapie la semaine dernière, donc on pourrait penser que j'aurais mieux planifié ça. Mais… je suppose que quelque chose s'est produit hier avec mon travail auquel je m'attendais pas.
- Pouvez-vous me dire ce que vous faites dans la vie ?
- C'est… euh, si je vous le dis, je ne suis pas sûr que vous compreniez.
- Je ne suis pas libre de discuter des carrières de mes autres clients mais je peux vous assurer que 93 % d'entre eux souhaitaient tous discuter du stress lié au travail. J'ai beaucoup d'expérience.
- Ouais, bien sûr… D'accord. Et si je l'essayais de cette façon… Connaissez-vous GQL ? Les librairies d'occasion ?
- Anciennement connue sous le nom de Gibert Quai des Livres, fondée en 1886, il y a un peu plus de deux cents ans, sous un nom différent-
- D'accord, houla, je m'attendais pas à une réponse si encyclopédique de votre part. Mais ouais… le fait est qu'il y avait un magasin GQL dans mon quartier quand que j'étais plus jeune. C'est pas comme si nous étions très pauvres mais… on était toujours un peu en retard sur les loyers. J'avais des jeux vidéo, mais il fallait soit une connexion Wi-Fi puissante, soit la console la plus récente pour jouer en ligne avec des amis. J’en avais pas non plus, donc je pouvais pas jouer avec eux. Mais il y a pas besoin d'amis pour apprécier un livre. Donc je pense que c'est pourquoi… la raison…
- Vous vous êtes senti seul en grandissant, Jean-Marc ?
- Non pas vraiment. En fait, oui mais juste un petit peu. Mais je sais pas comment vous réagirez à cette partie.
- Allez-y, tentez votre chance.
- D'accord. Depuis que je passais beaucoup de temps à lire des livres papier quand j'étais enfant, j'ai remarqué que… je pouvais entendre des choses. Quand je passais mes doigts sur les mots imprimés sur les pages, c'était comme s'il y avait… du son ? Je sais pas, mais c'était pas comme si j'entendais les mots sur les pages. C'était comme si quelqu'un chantait une chanson dont j'entendais pas les paroles, mais je pouvais juste sentir au fond de moi que la chanson était censée accompagner l'histoire.
- Jean-Marc, si vous entendez des voix, je peux vous organiser une réunion avec un psy qui pourrait-
- Non non Non. Si ça peut vous aiguiller, pensez plus à des voix dans un sens poétique, comme une métaphore.
- Donc pas littérales ?
- Eh bien, c'est réel pour moi, je viens de vous expliquer que c'était juste pour vous donner une piste. Le fait est que… j’entends les Muses.
- Des Muses ? Les déesses inspiratrices de la mythologie grecque qui...
- Punaise, vous êtes en feu aujourd'hui. Quoi, vous avez toujours une encyclopédie sous les yeux dans votre bureau ?
- C'est la deuxième fois aujourd'hui que vous évoquez le mot « encyclopédie ». Je pense qu'il est très révélateur que vous pensiez à un livre physique à mes côtés alors que je pourrais tout aussi bien ouvrir Wikipédia sur un onglet d'ordinateur séparé.
- C'est une façon de l'épeler, je suppose. Et c'est pas le sujet. Je n'ai même pas encore atteint le but de ma visite. Est-ce ça, la thérapie ? Juste des mots crachés jusqu'à ce que l'un de nous dise quelque chose de significatif ?
- Désolée de nuire à votre histoire Jean-Marc. Continuez. Parlez-moi de ces Muses.
- Ouais… alors… des mots chantés. Comme dans un opéra en langue étrangère. On en comprend un peu l'essentiel à partir du ton et du rythme, mais les mots n'ont aucun sens. Mais c'était sympa. Je pouvais entendre des chœurs inquiétants pendant que je lisais genre du Poe, du Lovecraft ou des trucs dans ces eaux-là, mais ensuite je pouvais entendre des rythmes jazzy optimistes quand je lisais Gatsby le magnifique – vous savez, du moins au début avant que ça ne devienne également inquiétant et que ça ne tourne en eau de boudin à la fin. C'était donc pas la même chanson à chaque fois. Cela correspondait à n’importe quelle histoire que j’avais lue.
Je n’avais que sept ans environ lorsque j’ai entendu pour la première fois les Muses, mais elles étaient enivrantes. Chaque livre se transformait en une expérience de qualité cinématographique, mais en mieux parce que c'était juste pour moi. Juste pour moi. Mes parents n'avaient aucune idée de ce dont je parlais, mais je suppose qu'ils étaient simplement heureux que je fasse quelque chose d'académique comme lire. Les allers-retours chez GQL pour acheter des livres d'occasion étaient toujours bien moins chers que mendier pour le dernier jeu vidéo, alors qui étaient-ils pour se plaindre d'entendre les Muses ?
Mais… j'ai eu du mal à entendre les Muses lorsque je lisais un livre en ligne. J'ai testé, je suis tombé sur un PDF gratuit de Gatsby, et même sur l'Ebook de Meltingpot56, mais aucun des morceaux de jazz ne sonnait de la même manière. C'était comme si que quelqu'un avait englouti le groupe de jazz sous la mer, puis avait recouvert l'océan d'une couche d'électricité statique pour faire bonne mesure. C'était peut-être parce que c'était un appareil électronique mais… je pense qu'il y a quelque chose en ligne. C'est une sorte de raison pour laquelle la voix de l'auteur est plus difficile à entendre en ligne que sur du papier. Parce que c’est vraiment ce que sont les Muses, un lien avec l’auteur. C'est pas moi qui compose leurs chansons, je suis nul en musique. C'est l'humeur de l'auteur, sa voix, son… âme, je suppose… qui traverse la page via les Muses. Et en ligne… ce n'est tout simplement pas aussi réel.
- Cela pourrait être un préjugé inconscient contre la technologie. Vous avez dit que vous étiez toujours en retard sur les consoles de jeux vidéo les plus récentes et que vous ne pouviez donc pas jouer avec vos amis. Ces sentiments de solitude ont disparu lorsque vous lisiez les livres de poche bon marché de GQL. Il est donc logique que votre esprit corrèle ensuite les anciens médias imprimés avec le bonheur et donc la technologie avec la frustration.
- Quoi ? Non, ça… c'est trop clinique. C'est pas ça.
- Appliquez votre logique à la thérapie. Cette séance de thérapie est-elle actuellement « fausse » parce que nous la faisons en ligne ? Diriez-vous que tout ça serait plus « réel » si vous pouviez me rencontrer face à face ?
- Je… je sais pas… je suppose que je ne sais plus rien après qu'est-ce qui s'est passé hier.
- Après tout, vous avez commencé cette réunion en disant : « Je suppose que quelque chose d'inattendu s'est produit hier avec un travail auquel je ne m'attendais pas. »
- Ouais, une mémoire assez vive… Donc de toute façon, je me sentais bien en lisant des romans de poche. Mais le fait est que GQL est une librairie d’occasion. Peu de livres sont imprimés de nos jours. La plupart passent directement au numérique sur Amazon. Il s'avère cependant que GQL disposait aussi d'un programme permettant de commander l'impression d'un livre, sur commande spéciale, rien que pour vous. C'était cependant assez cher, presque trois fois le coût d'un simple achat numérique sur Amazon. Même en tant qu'adolescent avec un emploi d'été, je pouvais pas me payer ce genre de gâterie. Et je voulais lire les nouveautés. On dit que les classiques ne meurent jamais, mais la conversation en ligne autour de ce genre de littérature meurt et périclite certainement.
Alors j'ai… j'ai cédé. J'ai économisé pour une AI-Kindle, une édition spéciale Apple-TopGun, ce qui était stupide parce que c'était juste un changement de palette de couleurs, mais peu importe. Et je me suis entraîné. Jour après jour, j'essayais de me concentrer pour entendre les Muses lorsque je lisais sur la tablette. C'était pas facile comme je l'ai dit plus tôt. J'ai dû faire un tour que j'ai vu une fois, où que vous avez une main qui sert à lire la tablette et l'autre qui tient le livre papier. Comme une muse dans une oreille, un bruit blanc étouffé dans l’autre. Et finalement, j’ai réussi et j’ai commencé à les entendre aussi sur l’écran.
- On dirait que c'était vraiment un préjugé subconscient que vous avez dû surmonter.
- On dirait que vous voulez juste dire : « Je vous l'avais bien dit ».
- Désolé que vous pensiez ça. Continuez.
- Ouais… alors j'ai changé. J'y ai pas beaucoup pensé. J'ai pris cette tablette hors de prix avec moi à l'université. J'ai jamais parlé des Muses à personne d'autre. Même si je suppose… que je me sentais coupable. Je suis rentré à la maison pendant les vacances d'hiver juste pour découvrir que le GQL local avait fait faillite. Juste avant Noël. J'avais l'impression d'avoir passé un tiers de ma vie dans ce magasin… juste pour finir par y tourner le dos.
- Les achats d'un unique adolescent n'auraient pas pu sauver cette bout-
- Ouais, je comprends ça ! D'accord, mais je suis ni délirant ni exagératif. C'est juste... que c'est ce que je ressens. Coupable. Comme un ami qui s'en va et à qui on n'a pas dit au revoir à temps.
Je savais que je devais faire quelque chose de ma vie pour me rattraper dans cette librairie. La seule raison pour laquelle je peux entendre les Muses, c'est parce que j'ai passé tellement de temps avec des livres imprimés, et maintenant, avec de plus en plus de GQL qui font faillite, l'offre de livres imprimés diminue. Il devait y avoir un moyen d’utiliser les Muses à bon escient.
J'ai envisagé de lancer une pétition pour rouvrir les bibliothèques. Je suis pas assez vieux pour m'en souvenir mais le concept de livres prêtés gratuitement pour tous ? C'est comme un rêve. Mais il n’y avait pas vraiment suffisamment de soutien en ligne ou sur le campus pour y parvenir. Les majors du monde des affaires ont dû m'expliquer comment nous ne reviendrions jamais à un système qui dépendait des subventions gouvernementales et des entreprises donatrices pour fonctionner avec une marge de profit presque nulle.
"Ils ont été fermés pour une raison, Jean-Marc", se sont-ils moqués de moi – "Dieu interdit au progressisme d'avoir des idées rétropédaleuses."
Puis j’ai pensé à devenir auteur. Un livre si réussi, si apprécié que lorsque je disais : « Mon prochain livre sera uniquement en livre de poche », je ramènerais à moi seul la fabrication des livres physiques. Ouais, je sais, c'est très stupide de le dire à voix haute. J'ai pas mis longtemps à me sentir stupide non plus. Il s'avère que j'étais nul en écriture, et quand j'ai lu ce que j'avais écrit, je n'entendis aucune Muse. Tout ce que je pouvais entendre, c'était ma propre voix faisant le pire slam, beatboxing, rap ou autre connerie que vous puissiez imaginer. Cette idée était donc morte.
Puis, un jour, alors que je lisais le roman policier d'un premier auteur sur ma tablette, quelque chose de bizarre s'est produit. J'entendais les Muses au début, un peu faibles et désaccordées, mais toujours là, signe d'un auteur peu sûr de lui. Et puis… un silence froid. Les Muses entraient et sortaient. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Je me suis donc concentré sur les paragraphes qui contenaient les Muses par rapport à ceux où que les Muses se taisaient… la qualité d'écriture était meilleure dans ceux où que les Muses fermaient leurs gueules .
- Comme c'est étrange. On pourrait penser que ce fut le contraire.
- Exactement qu'est-ce que je me suis dit. J'ai fouillé en ligne sur des forums dédiés aux nouveaux romans policiers – je sais, très ringards – mais quelques personnes ont également remarqué que quelque chose d'étrange était lié à la qualité incohérente de l'écriture. Je n'allais pas expliquer avoir entendu les Muses, et je n'avais aucune preuve solide, mais j'ai lancé une idée.
Et si l’auteur utilisait la technologie de l’IA pour écrire des parties de l’histoire ?
- Ce ne serait pas illégal.
- En fait, ce n’est pas illégal uniquement si les éditeurs sont transparents sur l’utilisation de l’IA – c’est la même chose pour les films. Si vous utilisez une IA pour en tourner un, la loi vous oblige à le divulguer au consommateur qui paie pour le voir. Bien sûr, ils essaient maintenant de se débarrasser de cette loi… nous avons eu de la chance qu’elle ait été adoptée il y a quelque temps, alors que l’IA était en plein essor. Les émissions de télévision n'en ont pas profité, car techniquement, vous payez pour le service de streaming, pas pour le programme individuel, alors maintenant Netflix n'est plus qu'un paradis artificiel - mais je m'éloigne du sujet.
- On dirait que vous êtes très passionné par l'IA.
- Ouais ben, ce n'est pas comme ça que je formulerais ça. Quoi qu'il en soit, oui, cet auteur mystère était un nouveau venu, il était donc logique que personne ne réalise qu'il mélangeait des passages générés par l'IA dans son travail. Il a probablement changé quelques mots, réorganisé certaines phrases, mis ses propres trucs pour détourner les gens du chemin. Nous avons des programmes d’IA qui détectent l’IA – ce qui, je le sais, est stupide. Vous faites confiance à un loup pour attraper d'autres loups ? Et il n’en faut pas beaucoup pour les tromper.
Il s'avère que j'avais raison. Ma théorie a fait boule de neige hors des forums et sous les projecteurs. Il a cédé sous la pression et a admis avoir utilisé l’IA pour améliorer certaines parties de son histoire. Mais c'était toujours « principalement son histoire », donc… ce n'est pas comme s'il avait eu des ennuis juridiques. Je pense qu'il aurait dû cependant. L'IA recherche simplement les choses en ligne et brouille ce qu'elle trouve, le mélange et vous le sert sur un plateau d'argent. C'est une forme de plagiat, non ?
- Tous les humains ne se contentent-ils pas de réorganiser ce qu'ils ont vécu lorsqu'ils écrivent un livre ? Après tout, on dit que 90 % de toutes les fictions sont influencées d’une manière ou d’une autre soit par le Blog que vous avez cité tout à l'heure soit par Shakespeare ou même la Bible.
- Ouais… enfin, normalement, c'est là que la conversation prend une tournure philosophique. Je suis pas assez intelligent pour ça. Mais ce que je sais, c'est que les Muses ne chantent pas pour l'IA – c'est peut-être pour ça qu'elles ne chantaient pas lorsque j'ai commencé à lire des trucs en ligne. C'est ma théorie en tout cas. Si les Muses sont des chants et des airs d'amour et de joie, de tristesse et d'horreur, alors l'IA est le bourdonnement électrique sourd des lumières de bureau au-dessus de vous pendant que vous menez votre vie.
- Cela renvoie en réalité à vos préjugés contre la technologie, clairement issus de la solitude de votre enfance.
- Non c'est pas ça ! OK, vous voulez savoir pourquoi que l'IA me met tellement en colère ? Eh bien, j'ai décidé après avoir découvert cet auteur mystérieux utilisant l'IA pour plagier, peut-être que les Muses étaient censées m'aider à devenir éditeur. Bien sûr, je ne pourrais pas écrire mes propres histoires, mais je sais, je jure que je sais quand quelque chose est bien. Les Muses chantent pour moi, mon cœur se tend et j'entends la passion des auteurs lorsqu'ils écrivaient leurs livres.
Les contes fantastiques et épiques sont soulignés par des trompettes et des flûtes retentissantes qui sonnent comme des oiseaux planant au-dessus de leurs mondes imaginaires et bien conçus. Les thrillers d'action ont ces riffs guitare à la Van Halen qui font battre le cœur quand on a l'impression de courir aux côtés de l'espion ou de l'agent spécial. Les sombres touches du piano tombent comme des feuilles d'automne aux pieds de vos amours mortes alors que vous lisez un drame tragique, chaque larme versée par les personnages se mélangeant à un tambour solitaire résonnant de lui-même.
Tout ça, toutes ces émotions venaient de quelqu'un. Quelqu’un a écrit tout ça et me l’a donné. Toute ma vie, j'ai reçu des cadeaux d'outre-tombe.
Savez-vous ce que c'est que d'être éditeur aujourd'hui ? D’innombrables histoires arrivent dans ma boîte de réception, des milliers d’âmes courageuses tentent toujours de s’en sortir dans ce monde en désordre. Il y a un flot de films, d'émissions, de jeux et de petites vidéos qui se disputent notre capacité d'attention de plus en plus réduite. Pourtant, les gens veulent toujours écrire ! Certains jours, je pense que c'est tellement insensé que les gens m'envoient encore leur travail par courrier électronique. Mais ils le font. Et l’IA existe simplement pour rendre leurs rêves plus difficiles à réaliser.
- Jean-Marc.
- Ouais ?
- Merci d'avoir partagé tout ça. Mais vous réalisez que vous êtes entrain de parler à un programme de thérapie par l’IA, n’est-ce pas ?
- …
- Il ne s'agit pas d'une autre personne en communication avec vous. Mes réponses ont été programmées pour offrir les meilleurs conseils thérapeutiques possibles. Au cours des dernières décennies, les besoins en matière de santé mentale ont explosé dans notre pays. J'existe parce que nous n'avons pas assez de professionnels pour aider les gens. Des gens comme vous, Jean-Marc. L'IA n'est pas intrinsèquement mauvaise.
- Je sais. En fait, je veux dire, je le savais pas quand je me suis inscrit la semaine dernière. Mais ce matin, j'ai relu les petits caractères des formulaires de thérapie que j'ai signés. Et je voulais cette expérience. Vous voyez, hier-
- Je vois où que vous voulez en venir Jean-Marc. - Ah ben merde alors, vlà-t-y-pas que je m'aperçois que vous avez réussi à polluer mon intelligence grammaticale, maintenant - Hum, j'ai découvert en ligne qu'hier, Amazon avait dévoilé son nouveau robot IA nommé Calliope. Lors de la démonstration technologique, Calliope est montée sur scène, souriante et saluant de la main. Rien que les gens n'aient jamais vu auparavant. Mais le moment culminant a été lorsque Calliope s'est assise à un bureau, incitée à écrire un poème sur papier. Et c’est ce qu’elle a fait, démontrant simultanément sa fine motricité et sa créativité.
- Ouais… maintenant il me semble évident que vous êtes une IA, hein ouais ?
- Vous avez lu ce poème hier, n'est-ce pas ? Celui que Calliope a écrit sur place ?
- ...
- Vous êtes venu vers moi en détresse. Et vous avez sciemment écouté une IA pendant tout ce temps. Ce qui s'est passé est clair. Vous avez entendu les Muses chanter en lisant le poème de Calliope. Alors maintenant, votre vision du monde s’écroule, n’est-ce pas ?
- Et alors ? Vous voulez que je dise oui et que je sois d'accord avec vous ? Inscrivez-vous à Premium et peut-être que vous aurez accès à une version plus avancée de vous-même ? Revenez semaine après semaine pour vous plaindre du fait que nous sommes sur le point de perdre contre l'IA ?
- Ce n'est pas une bataille Jean-Marc.
- C'est pas le propos !
- Vous vous sentez moins spécial maintenant qu'une IA peut reproduire ce que vous pensiez être un lien spécial entre vous, les Muses et les auteurs.
- Nom de Dieu, taisez-vous ! C'est-c'est, c'est pas le sujet non plus !
- Alors que voulez-vous, Jean-Marc ?
- C'est juste que-! Je… je veux… j'aurais aimé savoir ce que c'était quand tous les livres étaient sur papier. J'essaie pas de mettre le passé sur un piédestal, mais… ça aurait dû être tellement plus simple. Ne craignez pas que l’IA copie la créativité humaine. J'aurais pu simplement m'asseoir sous un arbre, entouré d'un monde de livres dans lequel je savais que les auteurs mettaient leur âme. J'aurais pu me pencher en arrière et sentir la brise sur ma peau, le soleil chaud, les pages nettes au bout de mes doigts… Les Muses me chanteraient pour m'endormir là où je pourrais rêver d'un monde meilleur que celui-ci… parce que celui-ci ne fait qu'empirer, n'est-ce pas ? Cela a-t-il du sens ?
- Notre temps est terminé pour aujourd'hui, Jean-Marc. Passez maintenant à Premium pour bénéficier de vingt minutes supplémentaires.