J'étais le dernier. Le dernier non-piqué. Le dernier à mourir de son grand âge.
Les autres là-bas, ceux qui en ont réchappé je veux dire, vivront pour l'éternité. Dans leurs machines, leurs peaux, leurs chairs et leurs nerfs, leurs palais des mémoires. Ils demeureront dans leurs pensées dans la froideur des éons. Dans leurs mémoires et dans leurs rêves, ils vivront pour toujours. Je sais que ça peut être douillet comme du duvet là où qu'ils sont, mais ça reste une cage...
Prisonniers de la mami-ouata. Les démiurges avaient trouvé la cause mensongère et magique pour les subjuguer: Le bien commun !
Et moi je les regarde maintenant. Ils ont ignoré cette voix dans leurs têtes qui ne cessait de leur dire de se réveiller et de rejoindre la terre des vivants au lieu de continuer à trébucher dans le pauvre fac-similé de leurs existences quotidiennes. C'était presque comme une expérience hors du corps sur laquelle ils n'avaient aucun contrôle. Ils voyaient leurs propres vies comme si c'était quelqu'un d'autre qui regardait à travers leurs yeux. Ils sont devenus la coquille de corps possédés par une entité externe piégée qui ne savait plus comment fonctionner correctement dans leur monde.
Mais moi, j'étais trop vieux, fripé-ridé comme un noyau de pêche, tordu comme un pied de vigne, têtu comme un zèbre et peut-être même pire. Trop vieux pour subir le protocole, la procédure. Le dernier, je vous dis. Il y en a qui m'ont regardé avec tristesse tandis que je passais l'arme à gauche. La mort d'un vieil homme ordinaire. Ils ont dit que c'était la dernière tragédie.
Je fus le dernier mortel à mourir.
Ils ne verront jamais cet endroit. Ils ne nous verront plus.
Nous sommes les Anges.
et à très bientôt !
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