Plage de Grève
J'aimerais tant, avant de quitter cette grève
Hystérique, outrageuse et si remplie d'horreurs
Pour d’autres horizons où lumière s’élève,
Laisser là sur l’estran les fruits de ma rancœur.
Qu’une onde purifiante emporte au loin ces fèves,
Nauséeuses pensées qui me souillent le cœur
Et m'embrument les yeux, que leurs maux parachèvent
D'irascibles visions et de sombres torpeurs.
Mais avant de partir, je vous dirai un rêve,
N’épandrai pas en legs que graines de douleur,
Si je veux offrir à ma grise âme une trêve,
Il me faudra aussi partager ce bonheur:
À l’heure de franchir l’invisible Neguev,
De me disséminer aux songes du Rêveur,
Je sèmerai aussi sur ma plage de Grève
Les rires libérés de mon moi déserteur.
Touareg, espadon, plus jamais Porte-Glaive,
Quand j'aurai tourné dos à tous les naufrageurs
De l’esprit, ces démons dont nous sommes élèves
Et serai libre enfin des sommes de vos peurs.