J'ai rien contre les araignées. Du moins tant que ces sqatteuses ne sont ni des mordeuses chroniques ni de borgiaques empoisonneuses. Toutefois ma tolérance à ces bestioles ne s’étend qu’aux spécimens dont la taille ne dépasse pas la taille du pouce de mon pied gauche. Jambes incluses. Une taille au dessus et un début de panique s’installe.
Anna, ma fillotte, les condamne, quant à elle, à la peine capitale quelle que soient leurs tailles, même microscopiques. Contrairement à moi qui tente toujours, à l’aide d’un équipement dont j'ai le secret, de les capturer délicatement avant de les balourder par la fenêtre donnant sur ce petit champ de friches sauvages que nous avons la prétention de nommer notre jardin. Je n’approuve pas le massacre d’êtres innocents, qui, bien que parfois terrifiants, n’ont rien fait de mal sinon tenter de se protéger de la pluie, des lacrymos ou des flashballs. Mais comme je l’ai dit plus haut, il arrive parfois qu’elles soient énormes. Comme l’autre nuit lorsqu’une série de cris stridents tout droits sortis d’un film d’épouvante me firent bondir hors de ma couette en m'arrachant aux tendres bras de Marylou.
Arrivé à son étage, je tombe sur ma fille, dans l’étroit corridor menant à sa chambre, les deux mains sur la poignée de porte des toilettes et un pied sur la cloison, arqueboutée et tirant sur cette dernière de toutes les forces dont la nature l’a pourvue, comme pour empêcher un intrus de l’ouvrir de l'intérieur pour en sortir, continuant à hurler comme si c’était le fantôme de Cthulu qui se trouvait à l’intérieur. « Elle est énoooorme ! » me beugle t’elle entre deux cris.
Comprenant immédiatement de quoi il retourne – je la connais, ma p'tiote -, je lui ordonne de tenir coûte que coûte, jusqu’à la mort s'il le faut, sa position, le temps pour moi de descendre chercher le verre doseur de 500cc et la feuille A4 de papier plastifiée prévue à cet effet, ce genre d’évènement se reproduisant 3 ou 4 fois par an depuis 25 ans.
De retour à l’étage avec mon équipement, je la libère de sa position critique, la félicitant au passage pour sa bravoure et son renoncement de soi , et lui demande où se trouvait le monstre honni quand elle l’a vue pour la dernière fois. « Sur le rouleau de papier toilette, aaaarrg, elle est énooooooorme, aaaargh, tue la, tue la cette salope, aaaaarghhhhh…, écrabouille la !!! », me beugle t’elle au visage, le sien baigné de larmes pire qu'une Madeleine. Je la libère de la porte, Anna se réfugie en courant dans sa chambre où elle s’enferme en continuant de vociférer ses incitations au meurtre en hurlant.
Je pénètre avec intense précaution dans l’antre du monstre, laissant l’évier sur ma gauche, me disant qu’avec les cris d’effrois poussés par ma fille, l’arachnoïde a dû se barrer depuis longtemps en un lieu moins exposé.
Mais non, sur la petite tablette sur le côté de l'évier où sont entreposés deux trois magazines de filles surmontés d’un rouleau de PQ presque neuf posé à la verticale se dessine la silhouette honnie par les arachnophobes de tous poils, et je ne peux que constater que ce spécimen là n’est pas ce qu’on pourrait appeler une naine.
J’approche mon verre doseur au dessus du rouleau que je coiffe délicatement de l’ustensile, puis de ma main gauche, je glisse la feuille plastifiée sous le tout afin d’emprisonner la bête. Tout content d’une opération rondement menée, je soulève mon piège afin d’admirer la bête, et, ô pauvre de moi, j’ai beau retourner l’ensemble dans tous les sens, pas trace de Titsi à l’intérieur de ma prison de verre. Je n’ai fait que capturer un innocent rouleau de PQ et l’intruse a dû se carapater pendant la manœuvre. Me reste plus qu’à annoncer l’horrible nouvelle à Anna, ce que je fais d’un air penaud à travers la porte de sa chambre. « Je l’ai pas trouvée » je lui mens, « Je sais pas moi, tes cris on dû l'effrayer et la faire fuir… »
« Ooooh noooon, ooooh c’est pas vrai… », s’époumone t’elle en jaillissant de sa chambre et en se jetant sur la porte des toilettes qu'elle referme en se cramponnant à la poignée comme tout à l’heure. Elle me fait tellement pitié que je descend en courant chercher une serviette que je roule au pied de la porte. « Voilà, je lui dis, comme ça, elle pourra pas sortir. T’auras qu’à utiliser nos toilettes au 1er étage, je m'occuperai d'elle demain quand il fera jour.» Puis je redescend moi-même rejoindre Marylou pour le restant de ma nuit foutue.
Le lendemain matin, tandis qu’Anna est partie bosser, je me dis qu’il faut vraiment que je trouve cette maudite bestiole sans quoi Anna ne remettra plus jamais les pieds dans ses toilettes. Et comme j’ai pas d’insecticide, je m’empare d’une bombe de désodorisant, et je me dis que le seul endroit plausible où la maudite a pu s’enfuir et se réfugier sans que je la vois hier soir, ce doit être derrière le pied de faïence de l’évier, là où se trouve la tringlerie du bouchon et l’entrée du siphon. Je regarde, et effectivement, il y a là une ouverture par laquelle même une souris pourrait passer. J’y balance donc une pichenette de gaz arôme eucalyptus, et, tonnerre de Zeus, j’ai à peine fini de déclencher le bouton pressoir que la malotrue en jaillit et saute sur le carrelage pour se metttre à détaler fissa de toutes ses huit pattes aussi longues que celles de Marylin en direction du couloir, laissant tout juste le temps aux réflexes de mouche à merde de mon pied droit de bondir pour s’aplatir dessus. Mais pas trop fort !!!! – j’ai besoin d’une preuve sur la mort de la maudite et il me faut un cadavre identifiable pour clore l’affaire.
Je prend une feuille de PQ sur la tablette et je ramasse délicatement la défunte dont le cadavre a conservé sa morphologie d'origine ainsi que toutes ses dents et appendices là où ils se trouvaient de son vivant, n'ayant subi qu'une légère perte de fluides. J’amène le tout sur le balcon ensoleillé de notre living, et je prends un cliché du corps de la malheureuse que je m’empresse d’envoyer par SMS à ma fillotte accompagné du texte « Mission accomplie ! ».
Je ne veux même pas imaginer le cri d’effroi qui a dû retentir dans les cuisines du restaurant où elle travaille quand elle a vu cette photo. Car non seulement elle a une peur abominable des araignées, mais aussi de leurs photos. Même les peluches d’araignée lui font friser l’apoplexie. Mais au moins, elle viendra plus squatter nos toilettes parentales avant la prochaine apparition d’une autre nouvelle octopathe dans les siennes.
Mais bon, tout n'est pas négatif dans cette phobie. Comme l'expliquait le général Franco à ses cohortes d'aficionados, "No hay mal por que bien no venga": Exemple: Autour de minuit, Anna est confortablement - et béatement - installée à la meilleure place de notre canapé entrain de mater un replay de Dance avec les stars, il est tard et je trouve pas le sommeil. J'ai juste à lui reflasher la photo magique ci-dessous et comme par magie, le canapé se libère en un clin d'oeil accompagné d'un grand cri, et j'ai plus juste qu'à zapper sur les enregistrements de my Canal pour mater confortablement et pour la 3ème fois le dernier X de samedi soir et enfin voir tout ce que j'avais raté les premières fois quand je clignais des yeux !
L’Arachnophobie, parait-il, provient d’un vieux restant de mémoire génétique et ancestrale remontant à l’âge des cavernes, peut-être les vestiges de vieux instincts permettant la survie en milieux hostiles, comme nous l'explique Wikipédia.
Et que dire de la Claustrophobie, de l'Achluophobie ou de la Nyctophobie ou peur du noir? Imaginez la terreur ressentie et retransmise tout au long des chaînes ADN jusqu’à nous par les hommes des cavernes lorsqu'ils étaient victimes de l'éboulement de l’entrée de leur grotte ou de l'extinction de leur torche aux fin-fonds d'un labyrinthe souterrain à une époque où les allumettes et briquets Bic n’existaient pas ?
Et qui vous dit qu'il n'en est pas de même de l’Homophobie. Imaginez-vous la terreur ressentie et retransmise à la descendance de ses gènes par l’innocent cueilleur de baies sauvages ou de fruits des bois Néandertalien, assoupi de nuit dans l’obscurité profonde des tréfonds de sa grotte, à l’abri croyait-il, des grands prédateurs, quand soudain le membre turgescent d’un chasseur de mammouth Cro-Magnonais lui perforait la rondelle en s’immisçant au plus profond de ses entrailles, par erreur ou criminellement, nous ne saurions le dire, ou possiblement parce que l’assaillant, dans la noirceur tombale de sa caverne, avait préalablement et par erreur cueilli et accompagné sa côtelette de mammouth crue de champignons psylocybins à l'insu de ses 4 concubines et de son plein gré ?