J'ouvre les yeux et regarde l'horloge.
Pourquoi je continue à le faire ?, je me demande.
Chaque matin, je dois me réveiller à six heures pétantes. c'est programmé en chacun de nous, nous avons donc tous reçu la bonne quantité de sommeil sur ce méridien. Nous n’avons plus aucun contrôle sur la quantité de sommeil que nous prenons une fois qu’ils ont inséré la puce sous notre peau.
" Nous sommes vos nouveaux dieux, car il n’y a jamais eu de vrai Dieu ", je me souviens qu’on m’ait dit. " Nous savons ce qui est le mieux pour vous. Votre vie sera bien meilleure puisque nous sommes d'une engeance supérieure."
Les années ont passé, mais je me souviens de cette déclaration comme si que c'était hier.
Aurais-je dû la refuser ? Aurais-je dû refuser le puçage ? Je serais probablement mort. Comme tant d'autres.
Je me sors du lit qui me convient pas trop mal puis je m'occupe de mes affaires. Aujourd'hui, je me souviens qu'il faut pas que je tire la chasse d'eau. Le faire me coûterait quelques secondes de douleur extrême. Ne pas gaspiller. Nos ancêtres ont gaspillé tellement de choses par inadvertance, mais nos élites savantes ont réglé ce problème.
J'enlève mon pyj et je mets mes vêtements de travail. Aucun travail n’a été effectué hier, il n’a donc pas été nécessaire de gaspiller de l’eau pour en extirper la crasse. Je me regarde dans le miroir et je frotte mon crâne chauve. Avant le puçage, il était recouvert de poils bruns, mais trop gras, donc je devais les laver tous les jours. C'est plus le cas aujourd'hui car nos élites se sont occupées du problème. Définitivement, en nous injectant un truc faisant tomber les poils, ceux du haut comme ceux du cul. Mettre fin au gaspillage d’eau et de produits chimiques nocifs dans les égouts.
Je quitte la salle de bain, les lumières s'éteignent automatiquement. Au bout du couloir jusqu'à la cuisine où la lumière s'est allumée toute seule. J'ai changé tous mes appareils électroménagers pour des manuels moins destructeurs pour la société. Pour le climat. Tout est beaucoup plus petit et ça prend généralement beaucoup plus de temps pour faire quoi que ce soit, mais c'est pour le mieux. Je ne remets pas en question nos élites car c'est elles qu'ont la science.
Je prépare le petit-déjeuner requis qui freine le mieux mon appétit. Des criquets assez fades mais sans danger pour la terre et la vie animale comme pouvaient l'être les œufs, les saucisses ou le bacon. En plus, parait que ça va me sauver d'une mort prématurée.
"Nous savons mieux que quiconque ce que vous devez digérer dans votre corps", indiquait le communiqué. " Vos ancêtres souffraient de diabète. Nous veillerons à ce que vous restiez à l’écart de certains aliments et boissons. De cette manière, nous n’aurons pas à dilapider de précieuses ressources pour entretenir vous préserver de vos maladies."
Je réfléchis à la raison pour laquelle ils s'en soucient. La vie est bon marché. De nombreuses vies ont été sacrifiées pour faire chuter la quantité de population. Des vies indésirables emmenées dans l’obscurité. Des maladies graves ont coûté des vies dans l’obscurité. Ceux qui étaient inutiles à la société ont été emmenés du côté obscur. Tant de gens ont été emportés dans l'obscurité. Au début, les virus ont éliminé les plus faibles. Pas assez létaux donc des virus plus puissants apparurent. Mes parents furent emportés. L'humanité, comme des moutons, s'est laissée conduire au massacre. Trop tard pour combattre les loups déguisés en moutons. Beaucoup ont essayé, mais les élites ont désormais le contrôle.
Je m'assois sur mon fauteuil inclinable. Une faible lumière s’allume car il faut peu de lumière pour manger.
Pendant que je grignote ce petit-déjeuner croustillant, je pense à mon frangin Ludo. Un nom que je n'ose jamais prononcer à haute voix. Il est plus que probable que je veuille même pas penser à lui de peur de m’attirer des ennuis. Probablement pas tout de suite, puisque je suis programmé pour devenir l'un des sacrifices qui plaisent tant à nos élites.
Je me souviens du jour où que Ludo m'a rendu visite. Un coup frappé à la porte m'avait alarmé, car les bruits forts ne sont plus désirables de nos jours. Les trans-visiteuses dominicales doivent seulement passer leur poignets devant le scanner devant ma porte pour la faire coulisser, m'informant que ma récolteuse de semence hebdomadaire est arrivée.
Qui pouvait bien faire un tel boucan ? je m'étais demandé. Quelqu'un cherchait des ennuis ou quoi ?
Je m'étais dirigé vers la porte et j'avais appuyé sur l'interrupteur, ce qui avait fait coulisser la porte.
" Ludo?" je m'exclamai, surpris. " Content de te voir, mais pourquoi que t'as frappé ?
- Je peux entrer ?" il me demanda d'une voix frénétique, ce qui m'alarma.
" Bien sûr," je lui fis, " on ne doit jamais refuser à quelqu’un ce qu’il veut faire ou dire, quel que soit son sexe genre.
- Peu importe", dit-il en entrant dans mon appartement.
Il pénétra dans mon cubicule et posa une boîte sur ma table basse. Il fouilla à l'intérieur et eut l'air d'appuyer sur des interrupteurs. Les lumières clignotèrent pendant une seconde sur mon plafonnier. Puis il se tourna vers moi.
" On devrait être tranquilles pendant quelques minutes", me fit-il avec un sourire. " Assieds-toi, assieds-toi. Il faut que je te dise un truc.
- Qu'est-ce que tu as fait?" lui demandé-je en posant mon cul en face de lui.
" Les supérieurs ne peuvent pas nous entendre pendant un moment, mais ils découvriront vite que leurs appareils de surveillance ne fonctionnent plus et seront donc bientôt en route. À ce moment-là, je serai parti et tu pourras leur dire que ça devait être un problème technique indépendant de ta volonté.
- Je veux pas de problèmes", lui dis-je. " T'aurais pas dû faire ça. Qu'est il arrivé à ta main ?"
Ludo leva sa main gauche, enveloppée dans un bandage.
"Je me suis débarrassé de la puce", me fit-il avec enthousiasme.
- Quoi ?! Mais à quoi pensais-tu ? Tu es toujours en vie ? Essayer de l'enlever libère un poison mortel. Tu devrais être mort.", dis-je en commençant à hyperventiler.
" Calme-toi, frérot. J'ai un gadget qui neutralise la puce. Pendant une minute seulement, j'ai donc dû la retirer rapidement. Maintenant, elle est dans ma poche, donc elle est toujours avec moi.
- Ce que tu as fait est interdit ? Ils vont t'envoyer dans les ténèbres.
- Ça me convient", me dit-il en levant les mains. " J'en ai marre de voir ces soi-disant élites diriger nos vies. Tu veux connaître un secret sur les supérieurs.
- Ouais.
- Je les citerai pas tous, mais la plupart d'entre eux étaient du genre à être victimes de harcèlement lorsqu'ils étaient plus jeunes. Ce sont eux qui ont eu une vie misérable dès le début, alors ils ont décidé de rendre chiante la vie de tous les autres. Ce sont eux qui étaient nuls en sport, alors ils s'en sont plaints et les faibles l'ont interdit. Aujourd’hui, tous ces gens qui se prennent pour des dieux tentent de gouverner le monde. Ils méprisent le vrai Dieu parce qu’ils pensent qu’Il les a abandonnés. Ils espèrent éteindre toute croyance en une entité autre qu’eux-mêmes. Tu me suis ?
- Je sais pas," répondis-je, tentant de suivre le fil de son discours.
- T'aimerais pas lire un livre qui te fasse triper ? T'aimerais pas arrêter de te laisser sodomiser par les visiteuses qui ne font ça que pour te ramollir le cerveau ? Ça te plairait pas de manger de la nourriture qui te plaise ? Est-ce que des activités te plaisent ? Trouver une meuf et fonder une famille ? Écrire des histoires qui te travaillent l'esprit ? Faire autre chose que ces trucs ennuyeux et desséchés qu’ils veulent tous que nous fassions ?
- Les supérieurs savent mieux que nous ce qui est bon pour nous.
- Les supérieurs sont des perdants. Des loosers qui veulent tout contrôler. Ils se disent qu'ils font ce qui est bon pour ce monde. C’est un groupe misérable. Un groupe dangereux, puisqu’ils peuvent éliminer n’importe lequel d’entre nous.
- Nous devons juste respecter leurs lois, et tout ira bien", dis-je, ce qui fit marrer Ludo.
- Écoute frérot. J'ai un autre gadget. Je laisse celui-ci ici. Tu es ma seule famille. Il est temps de te révolter. Rejoins-moi et d’autres se joindront à nous pour éliminer cette racaille.
- La violence n'est pas tolérée.
- Sauf si tu es une élite, me fit-il.
- Ils savent mieux que nous.
- Ils savent de la merde. Ils pensent que oui, mais ils sont aussi simples que n'importe qui d'autre, mais ils se font croire qu'ils sont d'une intelligence supérieure. Ils sont assis sur leurs trônes. Je vais faire tomber ces connards. Les supérieurs ont essayé à travers les âges d’avoir un contrôle total. Cette fois-ci, la technologie les a aidés à progresser plus que jamais, mais ils finiront quand même par tomber. Quoi qu’il en soit, je dois y aller."
Ludo se leva d'un bond et se dirigea vers la porte.
" Fais-le", me fit-il en désignant la boîte. "Rejoins la résistance."
Puis il se barra.
Et aujourd'hui je suis assis là en train de bouffer mon terrible petit-déjeuner. La boîte à Ludo est toujours sur la table. Je la regarde. Oserais-je y réfléchir ? Ma vie est en jeu. Les supérieurs seront contrariés. Je prends une profonde inspiration, puis tends la main vers la boîte. Soudain, ma porte d'entrée coulisse.
Putain, j'avais oublié l'heure de ma visiteuse transgenre dominicale obligatoire pour mon vidage de couilles hebdomadaire...