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27 sept. 2025

1119. Conte à la mormoilneu


 CONTE À LA MORMOILNEU

Créature avait eu un nom, il y a bien longtemps, bien avant que la date inconnue des calendes grecques ne soit rendue publique. Un nom prestigieux, il en était sûr. Il se souvenait des beaux vêtements qu'il avait portés lorsqu'il avait été abandonné, métamorphosé, dans la forêt foldingue. Il y avait eu des anneaux d'or, du brocart raffiné, une couronne torsadée ornée d'une pierre de lune. Assurément, toute cette parure avait été liée à un nom prestigieux.

Créature n'a donc plus de nom. On s'adresse généralement à lui sous formes de « ARRGGHH ! » ou de « Pitié, non, je vous en supplie ! »
Avec son nom, il avait aussi abandonné ses vêtements et ses bijoux. Les objets brillants furent ramassés par des corbeaux et des jacasses. Les vêtements furent déchiquetés et ajoutés aux nids de ces volatiles. La créature n'en avait nul besoin, avec son épaisse fourrure. Le seul éclat qu'il portait encore résidait dans l'éclat de ses yeux et celui de ses ratiches. Et un tel éclat ne signifiait qu'une chose dans la forêt foldingue : une mort sanglante, rapide et assurée.

Parfois, alors qu'il se blottissait sur son lit de glace et s'enfouissait dans la neige grise, il se demandait à quoi avait ressemblé Créature quand il avait encore un nom. Il se demanda s'il avait été fort au sens où les humains l'entendent. Il se demanda s'il avait aimé. Et s'il avait été aimé en retour.
Mais ensuite, il dormait sans rêver. À son réveil, il avait les crocs et toutes ses questions existentielles se figeaient à l'arrivée de cette faim tenace.

" Tu as un petit quelque chose... je te jure... juste là ! " Le béret rouge fit un geste circulaire et joyeux en direction du corps de Créature.
   
Créature regarda Robin, le Troll coiffé de son machin écarlate, qui était assis trop haut dans un arbre voisin pour qu'il puisse l'atteindre.
   
" T'as compris ? Je te dis ça parce que t'es couvert de tripes et de boyaux de la tête aux pieds."
Créature ne moufta pas.
" Tu es cradingue, c'est tout ce que je dis ", ajouta Robin avec indolence.
   
Créature continua de l'ignorer. Techniquement, la mort lui revenait à lui et à Robin, mais Créature choisit de ne pas reconnaître le « travail d'équipe », comme aimait à nommer ça Robin.
 
Les chasseurs venaient de plus en plus souvent sur son territoire, dans la forêt foldingue, pour tenter de récupérer sa tête afin de l'offrir en cadeau, en talisman, en trophée ou autre connerie de ce genre. Créature ne s'en souciait généralement pas. Il était bien nourri grâce à eux. Mais dans ce cas précis, il y avait eu trois chasseurs. Des rusés, en plus de ça. Ils étaient équipés d'une sorte de protection qui bloquait le contact glacial de Créature. Frustré, l'un d'eux lui avait infligé une entaille au-dessus de l'œil droit, le rendant partiellement myope.
   
Robin, le curieux, était resté à proximité, comme d'hab. Tandis que Créature éliminait de ses crocs les deux hommes qui l'attaquaient avec des épées, Robin s'était jeté sur l'archer resté en retrait.
   
Maintenant, béret rouge était assis sur sa branche, balançant ses jambes grêles, mâchonnant joyeusement, pour en extraire le jus, le bras sectionné de l'archer. Les gants du malheureux, en lambeaux, sans doigts, étaient collants de sang et de terre. Il fredonna un air que Créature tenta de couvrir en enfonçant son visage plus profondément dans son repas.
   
Une fois son festin terminé, Créature leva son visage vers l'épaisse canopée. " Putain, on se gèle les couilles" dit-il en se les grattant. La forêt était toujours crépusculaire, prise qu'elle était dans l'humidité de l'automne qui succombait à l'hiver. L'air était chargé de moisi, légèrement frais, étouffé. Créature avait l'impression que la seule clarté de la forêt était sa propre énergie, tandis qu'elle tourbillonnait dans ses poumons et gelait le bout de ses oreilles et de ses orteils. Des flocons de neige gris tourbillonnaient autour de son museau, de contentement, tandis que son corps se délectait de son repas.
  
Après un gros rot, Robin tourna son visage vers l'astre du jour planqué derrière les nuages, lui adressant un célèbre quatrain remontant lui aussi à bien avant les calendes grecques: 

"  Ô Soleil,  toi qui fais gonfler les courges, les citrouilles, 
Pourquoi ne réchauffes-tu pas la peau de ses couilles ? 
Dis-le moi donc, Soleil, toi qui fais bronzer la peau des prunes, des kiwis, 
Ne doreras-tu pas celle de ses glaouis ? "

Puis tournant de nouveau son regard en direction de Créature : " Mais pourquoi que t'en as encore de toutes manières ? T'en as même pas besoin vu qu'y a pas de Créature femelle dans le coin et que je peux pas te donner d'enfant non plus. Ça me semble du gâchis, du superflu. Tu devrais les échanger contre quelque chose de plus utile."

Créature fronça les sourcils et se mit à se lécher le pelage pour le nettoyer. Et pas seulement parce que Robin l'avait traité de « cradingue ».
" Tu pourrais les échanger contre une brosse à cheveux", poursuivit Robin. " Une de ces jolies brosses nacrées pour te lustrer le poil."
   
Créature tourna le dos au béret rouge. Depuis sa malédiction, il n'avait jamais rencontré de créature plus chiante et irritante.
   
" Ou une jolie ceinture. Ça mettrait en valeur ta silhouette, hein ? Moins genre Bouddha repus, plus genre rat d'opéra."
  
Créature se leva et s'éloigna, abandonnant toute tentative de détente après son repas. Ses pas crépitaient légèrement tandis que de la glace se formait sous ses coussinets et autour de ses burnes. Derrière lui, le sol se mit à trembler, la forêt aspirant le sang et les os.
   
" Tu pourrais t'acheter un chapeau aussi. J'aimerais tellement en avoir un moi aussi."
Créature grogna. " Tu as déjà un chapeau. Tu portes le nom d'un chapeau."
Robin sauta à terre et le suivit. " Oh, bien sûr, c'est ce que la société veut que je porte. Mais c'est pas un chapeau, c'est un béret de parachutiste. Pourquoi pas une casquette bleue ? Ou jaune fluo ?"
- Fous moi la paix."
Robin porta ses mains à sa bouche et souffla de l'air chaud dans ses paumes. " Tu sais ce que tu pourrais échanger contre ces burnes que tu te gèles ? Un joli cache-burnes bien chaud. Ce serait un bon deal.
- Pourquoi", grinça Créature, incapable de s’empêcher de demander, " que j'aurais besoin d'un cache-burnes si j'ai plus de couilles ?"
La langue de Robin gratta un bout de cartilage coincé entre ses dents de devant. " J'sais pas. Ça me semble juste pratique, avec toute cette neige et cette glace dont tu te plains tout le temps."
Créature se mit à marcher plus vite. " J'ai même pas froid."
Robin continua. " Normal, t'es recouvert de fourrure. Mais tu te pèles tes couilles chauves quand même." Il enfouit ses mains dans la chaleur de ses aisselles. " Quel genre de malédiction a bien pu te frapper, au fait ?"

Créature ferma les yeux un instant, presque comme si une voix venue d'autrefois l'appelait. Un nom noble et princier. " Un nom magnifique ", répondit-il.

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Être une fée marraine ne se résume pas qu'à se présenter et à agiter une baguette magique. Ça implique aussi une performance et une cérémonie. Il faut planifier et créer la bénédiction ou le sortilège idéal.
Et ça n’inclut certainement pas le babysitting.
  
" Es-tu sûre que tu ne vas pas envisager ce gentil prince comme époux ? " demanda à nouveau Ficelle. Elle suivait la princesse sous sa plus petite forme, pas plus grande qu'un papillon scintillant, et voletait près de l'épaule de la jeune fille.
Diane coupait les ronces avec l'épée de son père. Chaque tige sectionnée hurlait de protestation et se tordait de colère. " Duquel tu me causes ?" halèta Diane, sans regarder la fée. " De celui qui ignorait le fonctionnement des couleurs primaires ? Ou de celui qui m'a dit, et je le cite : « Montre-moi la tienne et je te montrerai la mienne » ?" 
Ficelle soupira. " Un peu de magie n'y arrangera rien, ma chère.
- Je veux pas de magie, Fée Marraine." Diane essuya la sueur et le jus de mûres dégoulinant sur son front. " Père veut tellement la tête de cette bête qu'il est prêt à me livrer au premier pèquenot qui s'en chargera. Eh bien, attends que je lui dépose cette tête au pieds de son trône."
Ficelle lèva les yeux au ciel. " Tu ne veux pas de ma magie, hein ? Je file, alors ?
- Tu sais ce que je voulais dire. Je ne veux pas de ta magie pour une union heureuse. Je veux une bénédiction qui fasse de moi une grande guerrière et qui me permette de tuer cette chose, mais puisque tu refuses de me la donner… 
- Ça semble tout simplement assez extrême", l'interrompit Ficelle.
- Je vais devoir trouver une bénédiction ailleurs.
- C’est pas comme ça qu’on fait habituellement les choses", grogna Ficelle.

Les ronces finirent par apprendre à se tenir à distance de l'épée de Diane et s'écartaient pour laisser passer le couple enchanté. 
" Je sais", dit Diane d'un air penaud. " Merci quand même de m'avoir aidée."

Ficelle s'indigna de la tendresse qui lui chatouilla la poitrine. Elle grogna. " On y va. Cet endroit est terriblement lugubre."

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Robin lança une autre pierre à la tête de Créature. Elle l'atteint en plein entre les deux yeux. " Réveille-toi ", beugla Robin d'un ton pressant. " Réveille-toi, réveille-toi."

Créature gémit, se donna des coups de pattes au visage puis cambra l'échine comme un chat. " Je vais te bouffer ", grogna-t-il.
Robin serra les poings sur ses hanches. " Personne ne t'a jamais dit qu'on ne mange jamais ses amis ?
- Tu n’es pas mon ami."
Les sourcils broussailleux de Robin disparurent sous son béret rouge. " C'est très impoli, ce que tu viens de dire.
- Qu'est-ce que tu veux, Robin ?
- Eh bien, je sais même pas si j’ai envie de te le dire maintenant.
- Super. Alors laisse-moi roupiller." La créature tourna autour de son nid de givre et commença à se réinstaller pour finir sa digestion.
" Attends, attends ! Bon, d'accord. Des chasseurs, ils viennent de l'Est. Ils sont à une journée de marche, peut-être."
Créature bâilla. " Laisse-les venir."
Robin tira les bords de son béret sur ses longues oreilles, ses grands yeux bruns pétillants d'inquiétude. " Ils sont nombreux cette fois. Apparemment, une princesse idiote s'est aventurée dans la forêt foldingue, et il y en a deux douzaines qui viennent pour la sauver. De tes crocs . "

Une princesse ? se demanda Créature. Par tous les dieux, ces choses sont plus irritantes que Robin … Créature soupira lourdement, son souffle faisant tournoyer des flocons de neige. Il avait beau être grand et féroce, même lui ne pouvait retenir autant d’humains. " Très bien. Je me lève.
- Bien ! " Robin sautilla aux côtés de Créature qui s'éloignait de son nid. " On va pouvoir poser des pièges ?" demanda Robin avec impatience.
" Oui."
Robin applaudit. " Le genre avec des fosses ? Ou le genre avec des pieux ? Oh, ou le genre avec des fosses hérissées de pieux ? "
La créature étouffa son gémissement et ses regrets grandissants. " Oui, ça me parait très bien." 
   
Robin redoubla ses applaudissements et se mit à courir en gesticulant de joie. Quelque chose piqua les commissures des lèvres de Créature – une expression perdue au fil des décennies menaçant de refaire surface.

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Ficelle sut qu'ils étaient proches lorsque qu'elle vit la vapeur de leur souffle s'élever devant eux et que la chair de poule lui parcourut les bras. Elle agita sa baguette et maintint un rayon de soleil braqué sur eux, mais impossible d'échapper au cruel vent hivernal qui leur enveloppait les oreilles et le cou.
    
" Dis-moi, bonne fée marraine ", dit doucement Diane, les mains agrippées à la poignée de l'épée devant elle. " Que sais-tu de cette créature des glaces bannie dans la forêt foldingue ?"
Ficelle fouilla dans sa mémoire. " Eh bien, je crois que c'était un conte de fées classique. Un prince gateux gâté tomba amoureux d'une princesse, mais échoua à son test chevaleresque pour gagner son amour, bla bla bla. La princesse était une sorcière déguisée et pouf ! Un monstre glacé de l'intérieur. "
Diane fronça les sourcils en regardant Ficelle qui voletait près d'elle. " C'était vraiment inutile."
Ficelle haussa les épaules. " Je suis là depuis longtemps, ma chère. Toutes ces malédictions et ces forêts foldingues se mélangent dans ma caboche. Bref, quelle que soit la malédiction de cette bête, elle l'a probablement méritée."
Diane s'arrêta brusquement, l'air incrédule. " Et si ce prince n'avait pas mérité cette malédiction ?
- Je te demande pardon ?
- Ficelle, et si cet homme était innocent ? On tombe tout le temps sous le charme de sorcières et de fées maléfiques."
Ficelle haussa les épaules. "J'imagine que, de toute façon, il restera maudit jusqu'à ce que la malédiction soit levée.
- Pourrais-tu lever cette malédiction ?
- Oui, peut-être. Pourquoi…" Ficelle s'interrompit, soudain prise de conscience. Des paillettes scintillèrent dans ses cheveux tandis qu'elle secouait la tête avec fureur. " Non, Diane. Ne sois pas sotte."

Mais le visage de Diane était marqué par une détermination héroïque, du genre qui mène à des décisions stupides. " Si nous découvrons que la bête est innocente, je veux que tu prennes la bénédiction que tu me destines et que tu la lui donnes. Je veux que tu lèves sa malédiction."
Les mots résonnèrent lourdement tandis que Diane changeait la direction de la bénédiction de Ficelle. Ficelle se boucha les narines, irritée. " Merde !"

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Le rire de Robin était incessant. " Regarde-les, non mais regarde-les ! Oh, vous êtes si mous, bande d'humains stupides !"
  
Créature interrompit le cri d'un chasseur en lui arrachant la gorge. Il regarda Robin qui repoussait un autre chasseur d'un coup de latte en plein nombril. Le chasseur poussa un cri en tombant dans l'une des fosses hérissées de pieux que Robin appelait affectueusement « Fosses hérissées de la mort ».
   
Quelques chasseurs s'enfuirent en direction du marais. Créature les laissa partir.
La tourbière s'occuperait d'eux.
Créature se redressa parmi les morceaux de corps éparpillés et la quantité incroyable de piques, de flèches et de lances (certaines fichées dans des troncs d'arbres, d'autres plantées dans le sol, et bien sûr, les innombrables trous qui vont avec). À certains endroits, le sol aspirait déjà des membres et têtes sectionnés avec des bruits de succion et de faim.
    
Il grimaça en touchant accidentellement une entaille qu'il avait reçue au cou. Outre des blessures plus profondes, il avait plusieurs flèches plantées dans le dos. Il aurait probablement besoin de l'aide de Robin pour les retirer. Il soupira.
  
" Nous formons une sacrée équipe ", fit Robin quelque part sur sa droite.
" Nous ne sommes pas une équipe ", rétorqua Créature, mais il y avait comme un dégel dans sa voix quand il le dit, un ressort timide et doux.
" Tu as raison !" admit Robin d'un ton enjoué. " On est bien plus que ça. On est… "
   
Sa voix fut interrompue par un cri aigu et le bruit familier d'une peau déchirée.
Créature se retourna pour voir une fille humaine avec une énorme épée entre les mains, l'extrémité pointue traversant complètement le ventre de Robin.
   
" NON ! " rugit Créature. Il se précipita et repoussa la fille, les mains de cette dernière s'envolant de l'épée qui demeura fermement plantée dans le ventre du béret rouge. Il ramassa ce dernier. " Non, non, non. "
Le béret rouge vit quelque chose sur le visage de Créature qu'il n'avait jamais vu et il sourit. " Tu vois ? " dit-il fébrilement. " Je t'avais dit qu'on était amis."
  
Ficelle et Diane étaient bouche bée. La bête imposante se blottit contre le béret rouge comme s'ils étaient mère et enfant. Mais couverts de sang. Et hideux.
    
" Regarde comme il s'est soucié de moi ", fit Diane en essayant de ne pas avoir de haut-le-cœur. " Il ne m'a même pas violentée. C'est un homme bien."
Ficelle secoua la tête. " Tu ne vois donc pas tous ces corps autour de nous ? La disposition des morceaux de barbaque humaine a l'air vraiment festive et joviale."
Diane refusa de bouger. " Non, il se protégeait, lui et son compagnon." Elle rejeta les épaules en arrière et avança. " Dis-donc, la bête !"
  
Créature l'ignora, marmonnant quelque chose au béret rouge dont l'expression était à la fois horrible et insupportablement triste.
   
" Bête, je vois que tu es un homme noble sous les atours de cette malédiction et… Oh, mon Dieu, est-ce que c'est de la matière grise cérébrale qui dégouline sur ton visage ?" Diane se détourna vivement, prise d'un haut-le-cœur.
Après quelques instants, elle reprit ses esprits et lui fit face à nouveau. " Je suis venue pour apporter ta tête au roi comme récompense, mais je vois… S’il te plaît, pourrais-tu l’essuyer ? Juste un petit coup de brosse… non ? Laisse tomber." Elle s’éclaircit la gorge. " Je suis ici pour te libérer de ta malédiction."

Tout ce bavardage finit par attirer l'attention de Créature. " Tu es une sorcière ?"
Diane tourna les yeux vers Ficelle, puis le regarda de nouveau. " Eh bien, non. Mais j'ai amené ma bonne fée et je lui ai ordonné de lever ta malédiction… 
Créature se leva et tendit aussitôt le corps inerte de Robin en direction de Ficelle. " Guéris-le. Guéris-le, et j'irai avec vous auprès du roi."
Ficelle pinça les lèvres. " Je suis très irritée par le nombre de personnes qui pensent s'y connaître mieux que moi en pouvoirs magiques.
- S'il te plaît", implora Créature, et quelque part dans ses yeux sombres, Ficelle put presque voir l'homme qu'il avait été. " Laisse-moi donner la bénédiction de la jeune fille à mon ami. "
Le cœur de Ficelle se serra bêtement. " Je ne peux pas le ressusciter", dit-elle doucement. " Il est déjà presque mort. Même si je le guérissais… 
- Alors je donnerai tout ce que j'ai, jusqu'à ma propre vie."
Ficelle leva les yeux au ciel. " Mon Dieu, c'est tellement dramatique. Si tu me laissais finir, je te dirais que même si je le guérissais, il mourrait quand même, à moins qu'une partie vitale ne soit échangée contre la sienne.
- Mais c'est ce que je viens de proposer !
- Non, tu as dit que tu donnerais tout. Il n'en aura besoin que d'un tout petit peu. C'est pour ça qu'il faut toujours écouter avant de parler. "
   
Créature fronça les sourcils mais hocha la tête en signe de compréhension.
Ficelle se secoua vigoureusement et dans le nuage de paillettes qu'elle expulsa, elle grandit jusqu'à atteindre sa taille réelle, la même taille que la princesse qui, heureusement, demeurait silencieuse.
  
" Veuillez retirer l'épée du corps de votre ami", ordonna Ficelle à la bête, détournant le regard jusqu'à ce que l'acte soit terminé. Une fois le bruit répugnant passé, elle invoqua sa baguette et la pinça entre le pouce et l'index.
" Maintenant, restez tous tranquilles. C'est un sort terriblement grave." Elle leva sa baguette, puis leur adressa un clin d'œil. " Et ce sera absolument indolore."

Créature détourna le visage des rayons de lumière solaire qui jaillirent de son entrejambe ainsi que du ventre de Robin. Un lointain souvenir lui revient à l'esprit : un doux lever de soleil et la chaleur de l'été. Ce souvenir disparut lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux et vit Robin le fixer d'un air suffisant. À la place de sa blessure béante se trouve une cicatrice en forme d'ovale grossier.
  
" Tu n'as plus de couilles, tu ne pourras plus me niquer maintenant, mon ami", dit Robin d'une voix groggy.
- J'ai rebouché la blessure et le trou fait par l'épée avec tes bijoux de famille" expliqua la fée à l'intention de Créature.
" Elles me manqueront ", grogna ce dernier, mais un sourire s’étendait sur son visage, nouveau et timide.
" Eh bien, si c'est tout ", dit Ficelle sèchement, laissant sa baguette disparaître dans un éclat de lumière " j'aimerais beaucoup partir d'ici."
Créature regarda Ficelle. " Merci, bonne fée. Quant à toi... " Il se tourna vers la princesse qui arborait un sourire larmoyant. " Quant à toi, sors de ma forêt, sale petite pute !"
  
La princesse pâlit et s'enfuit en courant.
 
Ficelle s'éloigna à sa poursuite puis stoppa net, se retourna et leur fit face. " C'est une grande gentillesse, une grande bonté, que vous avez manifestée par amour pour votre ami, Créature. Un tel exploit mérite toutes sortes de gratitude. Peut-être même la levée d'une certaine malédiction."

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L'espace d'un instant, Créature s'imagina sortir de la forêt foldingue, vêtu de beaux atours et portant un nom prestigieux. Il pensa à la lumière du soleil sur la peau nue de son visage et à un corps libéré de l'hiver.
 
Robin se dégagea des genoux de Créature et se tint sur le côté. Il enfonça son béret sur ses oreilles. " T'as fait une bonne affaire ", dit-il d'un ton trop enjoué. " Un magnifique cache-burnes, en brocard bleu orné de fleurs de lys, la classe ! Quel dommage que t'aies plus rien à mettre dedans."
Puis se tournant vers Ficelle. " Puis-je vous demander une faveur ?

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- Je trouve ça trop mignon ", fit Diane en s'éloignant du lieu du massacre et de leurs deux nouveaux amis qui y vivaient. " Un cache-burnes royal fourré de deux couilles en or et d'étoupe que son ami pourra pavaner et faire palper à tous les habitants du bois foldingue ! C'est adorable."
Ficelle fronça les sourcils. " Oui, je suppose. Mais n'en parle à personne. Ce serait indigne de son altesse."

Diane esquissa un sourire narquois avant de s'assombrir. " Bon, je suppose que je vais devoir me trouver un autre mari, finalement. Merci quand même d'être venue avec moi. Que ce soit une bénédiction ou non, je te suis reconnaissante d'avoir été là."
Ficelle se tapota les cheveux. " Bien sûr, ma chère. Ça fait partie de mon travail." Elle inclina la tête vers la princesse. " Mais je dois te demander : as-tu envisagé de ne pas le faire, tout simplement ? "
Diane fronce les sourcils. " De quoi parles-tu ?
- De ton mariage, ma chérie. Oublie le mariage. Et toute la partie princesse aussi, d'ailleurs."
La princesse réfléchit si furieusement à ces mots qu'elle s'arrêta de marcher. " Est-ce que je peux faire ça ?"
Le rire de Ficelle tinta comme une étoile. " Bien sûr, ma chère. C'est ça qui est merveilleux avec les choix. Pas besoin de magie."

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24 sept. 2025

1118. Trump & le Virus


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TRUMP & LE VIRUS
 Quand les Wokes, les Gauchiasseux et les Antifas Rencontrent Enfin de la Résistance

Vous avez vu la polarisation galopante de notre chère société ? Tout le monde en cause comme si que c'était une mode passagère, un peu comme ces commejaime.fr qui promettent une taille de guêpe sans effort. On nous serine avec la "culture de l'annulation", la Cancel Culture comme on l'appelle, ce joyeux barbecue où on grille les dissidents au premier pet de travers ; l'emprise des institutions, ces gardiens du temple qui veillent à ce que personne ne pense hors des clous ; et l'effondrement des systèmes méritocratiques, où le CV passe après le bon alignement idéologique.
 
Des tonnes de jérémiades sur notre déclin culturel, et on agite le doigt vengeur vers n'importe quel bouc émissaire : les bulles Facebook qui nous enferment comme des hamsters dans leur roue ; les boîtes "woke" qui virent leurs employés pour un tweet mal luné ; les profs-activistes qui transforment les cours en meetings de trans ; les médias biaisés, ces marionnettes qui récitent leur script comme des perruches sous amphétamines ; et l'endoctrinement universitaire, ce lavabo à cerveaux où on finit de rincer toute trace de bon sens. Toutes ces merdes ne sont que les boutons purulents d'une invasion idéologique bien rodée, un takeover en costard-cravate.

Mais le vrai coupable, le véritable MVP de cette métamorphose où les Occidentaux troquent la réalité contre un mirage fluo, c'est cette soumission béate aux contes de fées progressistes. Pas une once de critique, hein ? Juste un "amen" collectif, comme des moutons qui applaudissent leur tondeuse. Et pourquoi cette génuflexion pathétique ? Parce qu'on nous a gavés d'inclusion à outrance et d'antiracisme taliban, au point que toute opinion un chouïa "sectaire" – genre, dire que 2+2=4 sans pleurnicher – vous colle une étiquette de paria.
 
La logique implacable ? Si tu gobes pas chaque pilule progressiste, amère ou pas, t'es un nazi en puissance, prêt à être lynché sur LinkedIn et viré par les ressources humaines de ta boîte pour "comportement toxique". Bravo, l'égalité des chances ! Ça a muté en terrorisme idéologique pur jus dans nos chères institutions – écoles, boîtes, agences d'État –, où les zélotes du "woke" deviennent les nervis d'un virus mental qui se gave de panique, qui muselle les rebelles jusqu'à ce qu'ils crachent leur démission ou leur CV en lambeaux.
 
On nous bassine avec l'"amplification des voix marginalisées" et "faire le taf" sur notre bigoterie innée – oh, quel sacerdoce noble, les aminches ! – mais qui calcule le coût quand on dynamite la réalité brute et les faits biologiques pour épargner les "sentiments" d'un activiste qui hurle au scandale si on ose rappeler que les mecs ont des couilles, pas des ovaires, et ne se transforment pas en nanas d'un claquement de doigts, ou que les écarts raciaux pourraient – ô horreur ! – venir d'autre chose que d'un complot blanc mondial ?

Appeler ça "progressisme" ? C'est comme rebaptiser un retour en arrière en "aventure spatiale". Ce virus woke nous replonge dans un Moyen Âge 2.0, où douter du dogme saint vous vaut le bûcher virtuel, ou pire, un fil Twitter en mode chasse aux sorcières. Progrès et rétro ? Comme l'eau et le feu, ça fait de la vapeur, pas une utopie. Pour les normaux lambda, c'est la quadrature du cercle : "Mais je veux juste être un brave type, traiter tout le monde fair-play. Où est le mal ?" Eh bien, le mal, c'est que dès que tu oses un "et si... ?", la meute te tatoue "extrémiste d'ultradroite" sur le front, même pour ânonner une évidence biologique comme "les chromosomes, c'est pas du pipeau". Par définition, c'est du sectarisme en kit : un chantage émotionnel qui punit la dissidence comme un gamin qui refuse ses choux de Bruxelles ou ses brocolis. 

Socialement, c'est l'anéantissement programmé de quiconque ose tousser face au virus woke, en le badigeonnant de peinture "monstre moral" pour que tout le village aiguise les fourches. L'Occident ? Une caricature flasque de son ancien moi, et n'importe quel clampin avec deux neurones connectés discerne le fossé béant entre les infectés – ces zombies idéologiques – et les rescapés qui osent encore penser sans béquille woke, luttant vaillamment contre la marée de conneries qu'on leur sert quotidiennement.

Vrais fanatiques ou carpettes affolées, le résultat est le même : étouffement de la dissidence et de la raison par ce fléau woke, indéniable comme un rhume en hiver. Les contaminés ? Pas du genre à avaler leurs incohérences avec un haussement d'épaules. Non, ils pètent un câble. Dans les institutions, ils se contentent pas de balayer tes faits : ils te rayent de la carte, te pissent dessus niveau boulot, réputation, famille – le package complet, avec ruban cadeau.

Pas que les conservateurs soient des anges, hein. Y'en a à droite qui sont des crétins bornés, miroirs tordus de leurs potes socialistes – des intolérants en costard bleu ou rouge, même combat. L'honnêteté intellectuelle ? C'est l'oxygène d'une société. Sans elle, on étouffe dans la glue idéologique.

Je capte, parce que je me remémore l'Âge d'Or – les 90's et les années 2000 –, où l'Occident partageait encore une réalité commune, pas ce cirque fragmenté. On se chamaillait, ouais, mais sur des bases solides : la biologie existait, le mérite primait, la liberté de parole était intouchable, pas un privilège à négocier. Puis le virus woke a piraté le système, mutant des vérités de base en "discours haineux". On a tellement flirté avec l'illusion qu'on confond charité et sabordage.

La politique ? Juste la cerise sur le gateau. Films, bouquins, boîtes – tout ce qui refuse le script woke se fait laminer ou censurer. Mérite et qualité ? Aux oubliettes, place aux quotas et aux leçons moralisatrices qui puent le catéchisme. Remontez les bobines : la "longue marche" des marxistes culturels à travers les institutions, ce plan machiavélique où chaque radical surpasse le précédent, troquant nos valeurs pour un cocktail empoisonné à la sauce école de Francfort. 

Si tu oses rouspéter, bang ! "Réac" tatoué, et au pilori. Le virus woke ne débat pas ; il démolit, crucifiant le sceptique sur l'autel social. Les flics ? Zéro vibe occidentale. Ils voient notre histoire comme un crime de guerre, à déconstruire pour la rebâtir en mode utopie woke.

Ces temps-ci, c'est l'emballement : tout pouvoir – compagnies, État – slalome autour des "non-woke", s'agenouille devant les "privilèges" imaginaires et booste les voix qui crachent sur l'Occident d'antan, tout pour éviter la foudre woke. On doit jurer sur la Bible antiraciste pour garder notre gagne-pain. Une injustice à sens unique : le pékin lambda contre les commissaires woke qui tiennent nos systèmes en laisse. C'est la recette des tyrannies, les manuels le disent. Sur le papier, leurs réclamations sonnent bien : traite les gens décemment, botte le cul aux vraies injustices. 

Ce blog est là aujourd'hui pour tenter de sauver la gloire occidentale tout en patchant ses bugs – je préfère la méritocratie aveugle à la couleur de la peau. Mais avaler des bobards pour esquiver les "racistes !" de la part de gens qui me haïraient quand même ? Jamais, mon neveu. Quand les écoles bourrent le crâne des gosses en leur faisant croire que leur teinte les rend coupables ou que la biologie est une fake news, le chœur Twitter hurle : soutiens-les, ou t'es complice des fachos !

C'est comme ça qu'on enterre une civilisation, avec un sourire complice. La "Théorie Critique de la Race dans les classes ? Tu t'y opposes ? T'es pour la suprématie blanche, facho !" D'où cette gymnastique mentale ? Vous avez refilé au rabais l'âme de vos mômes à des vendeurs de bile. Le dogme woke squatte tous les manuels. Histoire ? Trop chiant ; place à la propagande express.

Depuis qu'on a échangé excellence contre "équité", l'école s'effondre comme un château de cartes bourré. Parents en rogne pour la baisse de niveau ? Les boss de l'éducation nationale durcissent le ton : "Racistes !" Et hop, chantage larmoyant pour plier face au virus.

Les relations toxiques, on connaît : isolement, huile sur le feu, "t'es le méchant si tu résistes". Pareil ici. Chaque fois que les Occidentaux s'excusent d'avoir vu clair ou musellent la vérité pour éviter le badge "raciste", c'est du replay abusif. Si tu gobes que les maths oppriment les gamins, que les mecs squattent les JO féminins, que les politicards préfèrent les étrangers aux locaux de souche, que l'embauche méritocratique est du suprématisme car "équité = sacrifices forcés", pourquoi le virus freinerait ? 

Pourquoi pas des délires plus barrés encore ? Exiger des standing ovations pour leurs délires ? Refuse les arguments et les débats, braille juste "nazi !" jusqu'à ce qu'ils craquent ? Cette capitulation empoisonnée leur file un blanc-seing pour retaper la réalité à leur sauce. Vous avez sacralisé les mensonges, et quand un récalcitrant cogne avec trop de brio, c'est le woke qui chiale, victime de sa connerie, pas les tyrans qui squattent les leviers du pouvoir.

Souvenez-vous de 2020 aux USA : villes en feu, milliards cramés, dizaines de macchabées, PME en cendres. Mais sous bannière "justice raciale", on exigeait des "bravo !" ou l'étiquette "suprémaciste". Même script pour chaque hystérie woke, feu vert à la dinguerie. Aujourd'hui, avec le sang de Charlie Kirk – lié aux flux gauchistes qui carburent Antifa –, la fatwa terroriste de Trump sur leurs gueules trace la ligne rouge. Vœu pieux de pourchasser les cellules qui ont applaudi son tueur, qui ont torché Portland, qui se gavent de chaos.
 
Vrai de vrai : excuser ces loubards en "activistes" n'a fait que gonfler la bête, des braises 2020 au carnage estival, et la calomnie globale des médias sur Kirk – "extrémiste", qu'ils disaient – n'est qu'un allume-feu de plus. "On change pas sans bordel, la casse c'est le prix du futur", qu'ils gazouillent, oubliant le sang et les vitres pétées.

Toute âme pas encore trop lobotomisée voit que c'est le carburant des révoltes. Le virus woke plie face à la vraie baston. Qu'est-ce qui bloque la contre-attaque ? La mollesse des conservateurs, qui agitent un drapeau "vertu" comme un Kleenex dans un ouragan, pendant que la gauche cogne : émeutes, doxxing, assassinats – Kirk en est le dernier trophée du poison impuni.

La gauche tape sans gants – rues en flammes, vies en ruines – ; la droite s'accroche à sa "morale" comme à une bouée percée dans un bain de requins. Trump taguant Antifa ? Alarme max : la droite doit aiguiser ses griffes, balancer des procès qui saignent les fanatiques, des lois qui les étranglent financièrement, une résistance en acier trempé. Les woke stopperont pas sans KO. Raflez les écoles, tribunaux, culture – et là, on causera éthique. 

D'ici à jouer les gentlemen dans une boucherie woke, c'est du suicide assisté. Il faut raviver la moelle qui a forgé l'Occident. Pas par barbarie brute, mais par guerre totale contre ce virus taré. 
C'est un cancer qui fait de la vérité un sacrilège, mais pas immortel. Le décret Trump ? Une allumette. Pas assez. À nous de forcer les portes chez nous, d'arracher nos bastions aux griffes de ces pyromanes qui crameront tout avant de lâcher un iota. 
Je le revois, cet Occident où la raison matait la fureur, où le mérite éclipsait le catéchisme, où on mentait pas comme un arracheur de dents pour garder sa peau. Pas de vendetta, non. Juste sauver notre legs, sculpter un futur où les gosses chopent un Occident vibrant, pas un zombie woke pourri aux idéaux médiévaux. La ligne est tracée. Montez au front ou crevez comme des lâches.

23 sept. 2025

1117. Voici vos ennemis



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VOICI VOS ENNEMIS

Le meurtre de cette Ukrainienne hyper blonde et super blanche, Iryna Zarutska, a vite été éclipsé par l'assassinat de Charlie Kirk. Le premier a fait la une des canards parce que c'était une dinguerie de fou, genre complètement au hasard sinon pour la couleur de la peau de la victime, et le second parce qu'il était bien vicelard et surtout, hyper ciblé. 

En à peine deux semaines, Charlie Kirk est devenu le symbole de la lutte mondiale contre la dinguerie post-moderne des radicaux de gauche qui veulent nous mettre tous à genoux. La réaction des gauchos à l'annonce de la mort de Kirk ? Plus que dégueulasse, franchement. Leur joie tordue a été punie direct, sévère, avec plus de 1000 gauchiasseux de merde qui se sont retrouvés au chômage aux USA. En fait, la droite a copié-collé les tactiques des gauchiards : ils ont balancé chaque post jubilatoire aux patrons, aux écoles, etc. Aux USA, des milliers de connards ont perdu leur job pour avoir applaudi la violence politique. La revanche est lancée, et le karma, il rigole pas, il tape fort.

Le reste, c'était du grand n'importe quoi, du bordel total. Théories du complot, « explications » foireuses, récits à dormir debout, la plupart basés sur l'idée que le tireur arrêté ne serait pas le vrai coupable ou qu'il bossait pour des intérêts encore plus pourris en arrière plan.
Les hypothèses qui tournent :
- Les Sionistes l'ont eu parce qu'il a fait volte-face contre Israël.
- Les conservateurs l'ont buté parce qu'il était pas assez pur jus conservateur.
- Les néocons l'ont descendu parce qu'ils le voyaient comme un futur président ingérable pour eux.
- La « gauche » l'a flingué parce qu'il avait trop bien retourné la caboche d'un paquet de jeunes électeurs de la gauche vers le bon côté.

Y en a qui disent que tout ça, c'est du flan politique pour nous faire oublier les vrais galères. On est tous dans le show. Nous tous. Des pantins qui dansent en se rappelant plus qu'on a des ficelles qui nous manipulent. L'assassinat ? Les youyous ? L'outrage face aux youyous ? Tout ça, c'est du spectacle. Une tragédie en trois actes où chacun se la joue héros, mais on n'est que des clowns en second plan qui profitent des miettes laissées par d'autres.

Y en a qui jurent que le tireur était sous le contrôle mental - MK Ultra - d'une secte secrète. D'autres appellent à la guerre totale contre l'institution gauchiarde, par ce que c'est clair aujourd'hui : causer tranquille avec eux, c'est mort.
La gauche modérée, choquée par les réactions à l'assassinat de Charlie Kirk, lâche les Démoncrates parce qu'ils ne voient plus ce parti de merde comme leur camp. 
À Londres, des millions d'humains ont fêté l'héritage de Charlie Kirk. Les Maoris ont même balancé un haka en son honneur devant son portrait.
Tandis que sur France TV, une putasse de journalope a osé comparer la cérémonie d'hommage à Charlie Kirk à un meeting Nazi en 1933 et une autre sur LCI à une assemblée de Talibans sur le point de partir au Jihad ! Enfin  ça, c'est de la télé macron et on sait tous ce que valent ces merdes comme ce que valent les putes et vendus qui les animent.

Ce genre de conneries va pas juste couler la gauche US, mais sûrement toute la gauche libérale mondialiste, post-moderne et « woke » de la planète.
CNN, eux, voient dans le meurtre d'Iryna Zarutska une « convergence », genre un truc mystique de l'univers.
Franchement, j'invente pas : voilà à peu prés le titre : « Comment les vies d'une réfugiée ukrainienne et d'un mec de Charlotte avec un casier judiciaire long comme un bras de chimpanzé ont convergé dans une agression au couteau mortelle. »
Iryna est morte parce que Soros pourrit l'Amérique en claquant des millions pour faire élire des procureurs mous du genou sur la criminalité. Qui a raison ? C'est quoi la cause ? Qui ou quoi accuser ? L'État profond ? Le fric sale des milliardaires ? La culture ? La politique ? L'idéologie ? Le destin ?  Une « convergence » malencontreuse ?
La réponse, c'est sûrement un mix de tout. Ces deux merdes vont booster le pouvoir de l'État et l'emprise des ombres qui le manipulent. Même s'ils les ont pas causées, ils vont les exploiter à fond. Comme le 11 septembre à Manhattan, ces événements vont renforcer l'État et sa poigne sur nous. Cette fois, avec les conservateurs en vitrine. Mais bon, je crois qu'on se plante grave.

On a comme l'impression que l'explication de base manque dés le début dans le débat. Faut revenir aux racines de nos emmerdes : « les idées ».
Faut coller nos galères sur des dogmes idéologiques qui déconnent. Faut blamer Rousseau, Marx et Ken Kesey. 
Rousseau parce qu'il nous a balancé le « bon sauvage » et la « volonté générale », l'idée que la civilisation nous pourrissait la morale et que pour réparer, fallait fondre l'individu dans le troupeau. 
Marx, parce qu'il nous a vendu que la volonté passait avant la réalité, qu'on pouvaitt changer le monde même sans le piger. Sa société sans classes (le communisme), c'était le top de la « volonté générale ». 
Ken Kesey, un post-moderne et auteur de « Vol au-dessus d'un nid de coucou », parce qu'il nous a refilé la normalisation de la folie où « tout est permis ».
J'ai vu « Vol au-dessus d'un nid de coucou » quand j'étais plus jeune, un âge où je gobais tout. Vu ma situation perso à l'époque, j'avoue que j'avais kiffé grave.

L'asile de dingues, c'était l'image parfaite de la société entière. Le vrai bordel a commencé quand la société a pris ça au sérieux et a lancé la désinstitutionnalisation. Les asiles psy avaient leur job à faire. Les dénigrer a créé un monde de merde où les tarés mentaux crèvent dans la rue, misérables. Les idées de Rousseau, Marx et Kesey ont pondu le monde qui a flingué Iryna Zarutska et Charlie Kirk. Un monde qui impose une obéissance totale à une réalité qui change tout le temps mais reste floue ; où la victimisation est glorifiée et auto-attribuée ; où les délires et les stories passent avant les faits et le bon sens. Sans ces idées, le tueur fou d'Iryna aurait été bouclé, et l'assassin de Charlie aurait pas eu le cerveau lavé par ses délires transgenre.

Comme l'a balancé Carl Jung : « Les gens ont pas d'idées. Ce sont les idées qui chopent les gens ». Les vrais ennemis, c'est pas les deux tueurs et leurs fans/apologistes ; c'est pas la politique et l'État profond, mais les idées et les institutions qui les laissent faire. Pour rafler la guerre culturelle, faut viser les idées et leurs bastions.
Faut défoncer le marxisme et tous ses sous-produits.
Faut nettoyer les institutions de leur poison.
Faut combattre le déni débile de la réalité. 
Si on y arrive, le reste se calera tout seul.

21 sept. 2025

1116. Lignée de sourires


LIGNÉE DE SOURIRES

La pluie tombait comme un murmure cruel, une bruine qui ne frappait pas mais s’infiltrait, s’accrochant aux vêtements, aux os, aux pensées. Ce n’était pas une tempête qui hurle sur les ardoises et fait plier les arbres, mais un chuchotement insidieux, comme si le ciel lui-même conspirait avec le curé pour nous dire : Baissez les yeux. Soyez humbles. Faites-vous tout petits puis disparaissez dans le silence. 

C’était le jour où ils ont mis ma grand-mère en terre, et le monde semblait vouloir nous ensevelir avec elle. L’église sentait le bois humide et les lys – ces maudits lys, trop blancs, trop lourds, entassés sur l’autel comme une offrande à un dieu qui n’avait jamais écouté. Je me tenais au deuxième rang, les genoux pressés contre le banc lustré, lustré jusqu’à l’usure par des générations de prières et de regrets. Le cercueil, un rectangle de chêne poli, semblait trop léger pour contenir une vie. 

Ma mère, assise à côté de moi, serrait son sac à main comme si elle craignait qu’il ne s’échappe. Ses doigts, écartés, semblaient plaquer quelque chose d’invisible à sa place. Elle hochait la tête, un hochement mécanique, celui qu’elle m’avait appris à imiter: On fait pas de chichi. On mange, on s'essuie les lèvres et le menton, on replie sa serviette puis on s'en va.

Je fixais le recueil de cantiques, mais mes yeux glissaient, attirés par autre chose, quelque chose de plus ancien. Je repensais à la dernière fois où j’avais brossé les cheveux de ma grand-mère. La brosse nacrée, douce comme un secret, glissait dans ses mèches argentées. Elle somnolait, à demi perdue dans un monde que je ne pouvais pas voir, et je comptais les coups de brosse à voix basse. Dix pour la chance. Quinze pour briller. Vingt pour que la nuit connaisse ton nom. Sa voix, même faible, portait un poids, comme si chaque mot était une pierre jetée dans un puits sans fond. Le prêtre psalmodiait, sa voix montant et descendant comme une vague paresseuse. 

Un bébé hurla, un cri perçant qui fut vite étouffé quand on l’emporta dehors. Ce silence soudain trancha l’air, comme si quelqu’un avait avalé une vérité trop grande pour être dite. Et c’est là que je l’ai vue. Elle se tenait au fond de l’église, dans l’ombre d’une colonne où la lumière semblait refuser d’aller. Une robe pâle, taillée comme dans un vieux cliché en noir et blanc, flottait autour d’elle. Ses cheveux, relevés en un chignon sévère, brillaient comme si la lune s’y était accrochée. Et son visage… c’était celui de ma grand-mère. Pas la grand-mère de ces dernières années, pas celle sur son lit d'hôpital. Pas celle qui m'avait appris à confectionner des nœuds de rubans ou à écosser des petits pois. Plus jeune. Vingt ans. Des pommettes nettes. Des yeux clairs comme un lac alpin. La ressemblance n'était pas parfaite. Elle était exacte. 

Non, en fait c’était la grand-mère de la photo sépia sur sa commode, avec ses pommettes hautes comme des lames et ses yeux clairs, profonds comme un lac alpin, minutieusement  libellée en cursive à l'encre blanche dans le coin inférieur droit : Marguerite, 1947, Une ressemblance si parfaite qu’elle en était monstrueuse. Mes poumons se figèrent, refusant l’air. Elle n’appartenait à aucune famille que je connaissais, à aucun voisin, à aucune paroisse. Ce visage, je l’aurais reconnu n’importe où – dans un rêve, dans un cauchemar, dans le reflet d’une vitre sale. Elle ne regardait ni le cercueil, ni le prêtre, ni les lys. Elle me regardait moi. Ses yeux glissaient sur mon visage, lents, scrutateurs, comme si elle cherchait une fissure dans une maison qu’elle connaissait par cœur. Puis elle sourit. Pas un sourire chaleureux, pas un sourire cruel. Un sourire qui n’existait que pour moi.

Le prêtre prononça son amen final, et l’assemblée se leva, un froissement de tissu et de chagrin contenu. Ma mère pressa son sac plus fort, comme si elle voulait l’étrangler. Les gens défilèrent, têtes baissées, devant le cercueil, devant les lys que ma grand-mère avait toujours détestés. Dehors, les parapluies s’ouvraient comme des fleurs noires, se heurtant dans la bruine. Nous avancions vers le cimetière, un cortège lent, un serpent d’ombres glissant dans la boue. Je jetais des coups d’œil en arrière, espérant à moitié qu’elle aurait disparu, que ce n’avait été qu’un jeu de lumière, un délire né de la fatigue. Mais elle était là, derrière nous, sa robe pâle intacte malgré la boue, ses yeux toujours fixés sur moi.

Au cimetière, le prêtre lisait, et le vent feuilletait son missel comme pour lui rappeler de se dépêcher. Le nom complet de ma grand-mère fut prononcé – un deuxième prénom qu’elle n’utilisait jamais ainsi que son nom de jeune fille qu’elle avait gardait plié dans le tréfonds d'un tiroir, comme un secret qu’on n’ose pas toucher. 
La femme à la robe pâle se tenait près du portail, sous un cyprès dont les branches semblaient tendre vers elle. Elle regardait la terre s’ouvrir, avec la patience d’un prédateur qui sait que sa proie viendra à lui.

" Sybille, tiens-toi droite, " murmura ma mère, les lèvres pincées. J’obéis, mais mes yeux restaient rivés sur la femme. Nos regards se croisèrent encore. Son sourire s’élargit, à peine, comme une fissure dans une vitre. Et dans cet instant, je sentis le poids exact de la main de ma grand-mère sur mes cheveux, cette nuit où le tonnerre avait déchiré le ciel et où elle m’avait murmuré : « Les noms sont des portes. N’en ouvre aucune si tu n’es pas prête à voir ce qu’il y a derrière. » 

La tombe fut refermée, une couche de planches, puis la terre, puis les fleurs. Ma mère déposa un lys, avec ce sourire efficace qu’elle réservait aux deuils bien gérés. Quand nous nous détournâmes, je regardai en arrière. La femme n’avait pas bougé. Elle était toujours là, immobile, comme si le temps n’avait aucune prise sur elle.

" Elle ressemble à Pélerine." souffla une voix derrière moi, basse, presque amusée. Tante Louise, appuyée sur sa canne, ses yeux plissés comme si elle voyait à travers le brouillard du temps.
" Louise !" siffla ma mère, comme une mise en garde.
" Quoi ?" rétorqua tante Louise, un sourire en coin. " Je n’ai rien dit. Mieux vaut ne pas remuer ce qui dort." 

Ses mots s’enfoncèrent en moi, comme des éclats de verre. Dans la salle paroissiale, l’odeur du café se mêlait à celle de la laine mouillée et d’une tristesse soigneusement rangée. Les tables pliaient sous des sandwichs trop parfaits, des carrés de gâteau découpés avec une précision maniaque. Les gens parlaient à voix basse, se touchaient les coudes, prononçaient des noms de plats comme des prières.

" Assieds-toi, Sybille" m'ordonna ma mère. 

La chaise était froide, hostile. Je m’assis. Mme Lesvêque, celle qui m’avait appris à épeler le mot chrysanthème en CE2, s’approcha. " Comment vas-tu, Sybille ?
-  Ça va", mentis-je, parce que c’est ce qu’on dit quand on veut pas rentrer dans les détails.
" Marguerite t’aimait," continua-t-elle, mâchant un bout de sandwich comme si c’était une formalité. " Elle m’a dit un jour que toutes les femmes de votre famille recevaient… une visite. Elle m'a dit ça comme si elle parlait de la météo et de la possibilité que les prunes soient précoces.. Elle disait qu’il y avait une dette. Pas une dette d’argent, non. Quelque chose de plus ancien."

Mon cœur cogna dans ma poitrine. " Une visite de qui ? "
Elle haussa les épaules, tapota mon bras comme pour effacer ses mots. " Oh, tu me connais, tout ça se mélange dans ma tête." 

Ma mère posa sa tasse si doucement qu’elle ne fit aucun bruit. 
" Sybille, ne commence pas.
- Commencer quoi ?
- Tu sais très bien quoi."

Tante Louise s’approcha, sa canne claquant sur le sol. " Laisse-la," dit-elle à ma mère. " Marguerite lui racontait les mêmes histoires qu’à nous. Les filles doivent savoir nommer ce qu’elles voient." 

Ma mère fixa le bout de ses chaussures, un refuge temporaire. Puis elle se redressa, ramassa un plateau de restes et partit vers la voiture, ses épaules raides comme une armure.

La maison de ma grand-mère sentait la lavande et une douceur cuite, un parfum qui s’accrochait aux murs comme un souvenir. La porte de sa chambre était ouverte, un rectangle sombre qui semblait m’attendre. Sur la coiffeuse, ses objets : la brosse nacrée, un peigne en corne, un plat en verre avec deux épingles et un bouton qui cherchait encore sa chemise. Je m’assis sur le tabouret, touchai la brosse. Mes doigts tremblaient. J’ouvris le tiroir du haut. Des mouchoirs. Une enveloppe jaunie, non scellée. À l’intérieur, une page, l’écriture soignée comme une incantation.
« À la petite fille que j’aime tant, qui n'en sera plus une quand elle lira ceci. La dette doit être portée. J’ai essayé de la refuser, de faire comme si elle n’existait pas. Mais elle revient toujours. Elle porte mon visage, et je ne peux pas la renier. Je l’ai vue dans le miroir la nuit où ta mère est née. Si elle te sourit, il est trop tard. Ne marchande pas. Ça ne ferait qu’alourdir la dette. Lève-toi, souviens-toi de ton nom, et avance. »

Je repliai la feuille, le papier craquant comme une vieille peau. Je pensai au lac, cet été où j’avais sept ans. L'eau était bleu d'acier et semblait calme en surface, mais le dessous avait ses propres plans. Je descendis du rocher juste pour sentir comment le peu de profondeur pouvait rendre une enfant courageuse. Les profondeurs saisirent mes chevilles de deux mains rapides que je ne pouvais voir. Il y a un son bleu très clair qui se fait entendre lorsque le monde devient plus aquatique qu'aérien. Je serais devenue une histoire qu’on raconte pour effrayer les enfants si ma grand-mère ne m’avait pas tirée de l'eau, ses doigts agrippant les bretelles de mon maillot de bain, son souffle rauque me grondant : Respire ! Respire encore ! Quand j’avais enfin repris mon souffle, elle s’était levée, face au lac, et avait murmuré, comme à un vieil ennemi : « C’est payé. »

Elle m’avait fait boire du thé sucré, m’avait brossé les cheveux en comptant jusqu’à vingt, et avait prononcé mon nom comme un sortilège.
Je refermai le tiroir. Je ne voulais pas être celle qui poserait des questions, qui forcerait ma mère à regarder ce qu’elle refusait de voir. Je mis mon manteau, me jurant de ne pas retourner au cimetière. Mais mes pieds, eux, connaissaient le chemin. Elle était là, près de la tombe, la terre fraîchement remuée luisant sous la lune. Sa robe pâle semblait absorber la lumière, intacte, immaculée. Je m’arrêtai, le sol mou sous mes semelles, comme s’il voulait m’engloutir.
" Vous ne devriez pas être ici", lui dis-je, mais ma voix tremblait, creuse. Elle tourna la tête, ses yeux brillant comme des pièces d’argent. 
" J’ai toujours été là. Avant elle. Après elle. Et après toi."

Le froid me mordit la nuque. " Qui êtes-vous ?"
Son sourire s’élargit, un éclat de dents dans l’ombre. " Je suis celle avec qui ta grand-mère a passé un marché. Elle voulait une vie qu’elle n’aurait pas dû avoir. Elle a payé le prix. Tout le monde en paye un. Les noms, Sybille. Les noms sont la monnaie."

Mes pieds s’enfoncèrent un peu plus dans la terre. Je voulais courir, mais mes jambes refusaient. 
" Qu’a-t-elle demandé ? 
- Toi ", dit-elle, et le mot pesa comme une pierre tombale. " Et d’autres choses. Le retour d'un fils. Une fille qui respire à la naissance. Du temps. Les gens pensent que le temps est gratuit. Ils se trompent."

Un frisson remonta ma colonne vertébrale. " Et qu’est-ce qu’elle vous devait ?" 
Elle regarda la tombe, ses doigts frôlant le tissu de sa robe. " Elle devait me porter. Comme tu le feras. 
- Je n’ai rien demandé," crachai-je, mais ma voix sonnait comme celle d’une enfant.
- Non," admit-elle. " mais le sang se souvient. Les noms sont des portes. Et les portes s’ouvrent.
- Pourquoi son visage ?" 

Ma voix tremblait, mais je devais savoir. Elle fit un pas vers moi, et pour la première fois, je vis une fragilité en elle, comme une toile d’araignée tendue au vent. 

" Je porte ce qui m’est dû. Ce que tu reconnais. Ce vers quoi tu tends. Si j’étais une étrangère, tu me chasserais. Si je porte son visage, tu regardes. Et le deuxième regard, Sybille, c’est tout ce dont j’ai besoin car nous sommes liées."

Mon cœur battait trop fort. " Liées à quoi ?
- À la lignée," dit-elle, son sourire s’adoucissant, presque tendre. " Au fil qui vous lie, toi, ta mère, ta grand-mère, même quand vous vous taisez. Vous pensez que c’est une recette, un rire, une façon de pencher la tête. C’est ça. Et c’est moi."

Je voulais crier que c’était pas juste, mais les mots moururent dans ma gorge. La nuit n’était pas faite pour les caprices.
" Que voulez-vous de moi ? 
- Pas grand-chose," répondit-elle. " et pas aujourd’hui." Sa main effleura ma manche, un geste si léger qu’il semblait irréel. " Un jour, tu porteras mon visage."

Cela me terrifia plus qu’une menace. C’était une promesse, douce comme une berceuse empoisonnée.
" Je n’ai pas le choix, n'est-ce pas ?" demandai-je, à moitié suppliante.
" Tout le monde choisit quelque chose," me répondit-elle. " Choisis les mots qui te définissent. Dis ton nom."

Je le dis. Mon nom entier, celui que ma grand-mère murmurait pour me ramener du jardin, celui que ma mère lançait dans la colère ou la fierté. Chaque syllabe semblait ouvrir une serrure. Elle m’observa, comme si elle tissait mes mots dans un motif qu’elle seule comprenait. 
Puis elle hocha la tête. " Bien. Rentre chez toi, Sybille." Elle recula, son ombre s’étirant comme une tache d’encre. " Ne marchande pas, si tu peux l’éviter. Mais si tu le dois, demande rien que des petites choses.
- Je ne veux rien de vous, dis-je, les dents serrées.
- Ça viendra," répondit-elle, sans malice. " Comme pour tout le monde." Elle jeta un dernier regard à la tombe. " Dis à ta mère d’enlever ces lys.
- Elle déteste les lys, murmurai-je. 
- Je sais," dit-elle, et sa voix portait une tendresse qui me brisa, une tendresse pour ma grand-mère, pas pour moi. 

Je dormis mal, hantée par des rêves de lacs sombres et de mains invisibles. Au matin, ma mère m’appela. " Tu viens aujourd’hui ?" demanda-t-elle, comme si c’était une idée nouvelle. Je lui dis oui. Elle promit du café. Nous jouions toutes les deux à faire semblant, et ça nous allait.
Quand j’arrivai, les lys avaient disparu. " Ils me rendaient malade," dit ma mère, l’air plus léger. Elle prépara le café, posa une tasse devant moi, et sa main frôla la mienne, presque un contact. " Elle m’a dit un jour," commença-t-elle, hésitante, " que les femmes de notre famille portent des choses lourdes, très jeunes. Une bénédiction et une malédiction. Je pensais qu’elle voulait juste que je me tienne droite.
- C’est ce qu’elle voulait," dis-je, mais ma voix sonnait creux.

Nous triâmes les affaires de ma grand-mère. Garder. Donner. Jeter. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ma mère frappait le chambranle de chaque porte en quittant chaque pièce, un petit toc, un rituel. Je reconnus le geste. Je l’avais fait, enfant, en quittant cette maison. Prends soin de toi. Je repasserai.

Je m’approchai du miroir de la chambre. Pas par curiosité, mais parce qu’il m’appelait. Mon reflet me regarda, et je souris, un sourire fragile, pour voir ce qu’il ferait. Il s’adoucit, comme un secret partagé. Mais l’air changea, comme une porte ouverte au fond d’un corridor. Mes poils se hérissèrent. Je murmurai mon nom, une fois, par politesse. Une main glissa sur mes cheveux, légère, familière, comme ce jour où ma grand-mère m’avait sauvée des eaux d'une main ferme suivie d'une tasse de thé tirée de sa vieille thermos. La main s’arrêta. C’était une permission. Un poids partagé. Je ne demandai pas à qui elle appartenait.

Le lendemain, la lumière traversant la fenêtre de la cuisine traçait un carré parfait sur la table. Dehors, la pluie avait enfin disparu, partie s'abattre sur une autre ville. Je levai les yeux vers la fenêtre au-dessus de l’évier. Mon reflet me sourit. Un petit sourire, celui de l’église, celui du cimetière, celui du miroir et celui des photos jaunies. Et je ne savais plus à qui ce sourire appartenait.

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