Bienvenue, curieux voyageur

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31 oct. 2025

1130. Rêve d'Alexandra


 RÊVE D'ALEXANDRA

Je l'enlace, mains contre sa peau frémissante,
Sous l'ivresse voilée, bord du gouffre tremblant,
Éperdue, enfiévrée par ma caresse ardente,
Éternelle douceur où désir se répand.  

Sur ses reins agités, elle cambre et se pâme,
Martelant d'un talon, rythme sourd et ravi.
Images roses carne égratignant nos âmes,
Plénitude, un appel à l'extase infinie.  

Brûlant, je redouble mon étreinte fiévreuse,
Face à l'appel sanguin pulsant aux vents violents,
Haletant dans la chambre aux ombres sinueuses,
Je perçois la moiteur suintant du vide ardent.  

Je la pris, chaud bouillant tel un brasier vorace,
Penché sur les boutons de sa gorge lactée,
Sa nuque ayant saisi pour un baiser fugace,
De mon phare éconduit son antre j'éclairai.

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29 oct. 2025

1129. Le Spectre de la Librairie infinie


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 LE SPECTRE DE LA LIBRAIRIE INFINIE

Rave on John Donne, rave on thy holy fool
Down through the weeks of ages
In the moss borne dark dank pools
Rave on down through time and space
Down through the corridors
Rave on words on printed page
Rave on you left us infinity
And well-pressed pages for to feed
Drive on with wild abandon
Up tempo frenzied hues
Rave on John Donne, rave on thy holy fool
Rave on, on printed page
Rave on, rave on, rave on, rave on, rave on, rave on
Van Morrison - Inarticulate  speech of the heart 1983


Shakespeare and Company, cette cathédrale profane des mots, la plus envoûtante des librairies parisiennes, se dresse comme un gardien spectral au 37 rue de la Bûcherie, dans le 5e arrondissement. Face à Notre-Dame, dont les gargouilles veillent en silence le long de la Seine tourmentée, elle exhale un parfum de secrets millénaires. C'est là, par cet après-midi d'octobre pluvieux – le 29, pour les âmes précises –, que Balthazar s'est glissé, ombre parmi les ombres. L'air est lourd d'humidité, et l'activité, curieusement, s'est figée en un murmure complice. Au cœur des couloirs labyrinthiques, des escaliers qui grincent comme des confidences oubliées, des recoins où les livres s'entassent en tours instables, il erre seul. Ou presque. Feuilletant au hasard, sans quête précise, sans l'ombre d'un achat en vue, Balthazar exulte d'une satisfaction interdite, un frisson qui le parcourt comme un poison délicieux.

Il arrache aux étagères quelques proies choisies : un recueil de John Donne, où les vers se tordent comme des serpents amoureux ; un traité sur l'homme et Sélène, ce globe pâle qui murmure des promesses lunaires ; une édition somptueuse du Guépard, reliure soyeuse sous laquelle palpite un félin figé dans l'ambre du temps. Il les effleure, les tourmente de ses doigts, lit des bribes volées – et, quand le pas d'un vendeur s'éloigne dans l'ombre, il ploie la nuque pour inhaler leur essence. Un arôme âcre de papier vieilli, de poussière complice, qui lui monte au cerveau comme un aphrodisiaque. Il vagabonde ainsi, feignant l'insouciance, un sourire carnassier aux lèvres, se gorgeant du vice pur d'être cerné par ces reliques littéraires, ces fantômes reliés en cuir qui attendent sa caresse.

Choisir le Guépard de Lampedusa, surtout, trahit son jeu : il en possédait déjà un spécimen rare, un talisman jalousement gardé dans son antre secret. Nul risque, donc, d'acquérir ce double profane, malgré son sceau ensorcelant – ces bras félins tendus, cette patte levée en menace joueuse, ces yeux ambrés, humides de convoitise, qui le transpercent d'un regard trop intime. Pourtant, une pulsion obscure le pousse à le saisir, à l'inspecter comme un amant volé, à se délecter de sa chair interdite. Pourquoi ? Ah, cher lecteur, voilà le premier voile qui se soulève sur le mystère de Balthazar...

On pourrait le prendre – à ses dépens – pour un vulgaire bibliophile, un collectionneur aux appétits voraces. Il est vrai qu'il chérit les livres comme des idoles païennes : leur silhouette élancée, leur souffle enivrant, le frisson de leur peau sous ses paumes avides. Il les porte parfois à son oreille, écoute le froissement des pages comme un râle d'agonie ou d'extase. Mais son culte dépasse ces plaisirs charnels, s'enfonce dans des abysses plus sombres, où les sens ne sont que le seuil d'un rituel occulte.

Vous l'imaginez, peut-être, éperdu dans les récits ? Fuyant la grisaille pour des royaumes enchantés, frémissant aux coups de fouet des chefs-d'œuvre. La littérature, pour lui, ce phare dans la nuit, ce kaléidoscope de mille et une nuits volées – extases fulgurantes, abysses de désespoir, beautés qui lacèrent l'âme, rages qui embrasent le sang. Son amour pour les livres ? Une fontaine de pensées interdites, de sentiments qui percent comme des éclairs dans la chair ; ces instants où le sens jaillit, limpide et cruel, révélant l'énigme de son existence dans ce cosmos vorace, impitoyable. Où l'émerveillement, cette drogue euphorique forgée par l'art, se mue en la clé même de la Vie – ou de sa perte.

Jadis, oui, ce fut ainsi. Visualisez un Balthazar adolescent, aux yeux fiévreux, serrant contre son cœur un Dostoïevski anonyme, don empoisonné de sa prime jeunesse. Des années plus tard, il le berce encore, sans l'ouvrir, invoquant cette nuit pétersbourgeoise où les pages troubles l'avaient éveillé en sursaut, baigné d'une lueur surnaturelle. Ou bien il exhume les Chants de Leopardi, édition luisante comme un artefact maudit, caresse les coins cornés – ces plis rituels, triangles d'origami sanglant – balisant des vérités si nues, si absolues, qu'elles le noient en larmes acides. Autrefois, son culte des librairies était presque innocent : les livres portaient l'univers en leurs entrailles ; les librairies, ces autels, les abritaient ; il les traquait pour les posséder, corps et âme.

Car Balthazar, en ce temps-là, était un possesseur démoniaque. Les bibliothèques ? Des profanations, des lits souillés par des intrus. Emprunter un volume ? Impensable, sacrilège – la liaison livre-lecteur devait être vierge, aussi fiévreuse qu'un adultère dans un lit conjugal. Et renoncer à l'un des siens ? Jamais, même si son ombre pesait sur son âme. Échanger un reliquat usé contre un neuf, impeccable ? Hérésie. Pour lui, malgré les mots gravés en commun, chaque exemplaire était unique, un pacte scellé dans le papier, une âme distincte.

Protestez si vous voulez : un livre n'est qu'un clone parmi des milliers, fruit d'une presse anonyme. Balthazar rirait, d'un rire qui glace. Non, ce tome-là, son tome, était le vaisseau élu pour son plaisir – la prose qui le flagellait de beauté, l'intrigue qui lui offrait une vie volée dans l'intervalle des pages. Le lien avec l'histoire ? Indissoluble du codex, aussi tangible que l'encre qui suinte, plus que les idées éthérées qu'elle charrie.

Aussi exigeait-il la double emprise : le fantôme du souvenir – trame, héros, répliques qui hantent comme des sorts – et sa prison matérielle. Il devait pouvoir le convoquer à l'envi, même si, au fond, il savait qu'il n'oserait pas. Jaloux comme un démon, il voulait le livre enchaîné à lui seul, pour l'éternité – ou jusqu'à ce que l'obsession mute.

Mais ces ombres se sont dissipées. Balthazar n'est plus ce geôlier. Il ne foule plus Shakespeare and Company pour conquérir un volume intact, pour engranger une proie neuve. Il n'achète plus. Il ne lit plus. Alors, interrogez les ténèbres : pourquoi hante-t-il ces sanctuaires ? Pourquoi, jour après jour, semaine après semaine, vole-t-il à ces lieux chaque parcelle de temps libre, errant comme un spectre insatisfait ? 

Pourquoi s'infiltre-t-il dans la Livraria Lello de Porto, ses escaliers torsadés comme des veines gonflées de vin ? Dans la Libreria Acqua Alta de Venise, où les flots lèchent les murs comme un amant noyé ? Dans la Selexyz Dominicanen de Maastricht, chapelle gothique où les livres prient en silence ? Ou la Dom Knigi de Saint-Pétersbourg, sur le Nevsky Prospekt, boulevard hanté par les tsars déchus ? Pourquoi le personnel d'El Ateneo Gran Splendid à Buenos Aires, de la Golden Hare Books sur la brumeuse St Stephen Street d'Édimbourg, ou de la Palác knih Luxor à Prague – ce palais de verre et d'illusions – le salue-t-il comme l'errant éternel, celui qui dévore des heures sans jamais rien emporter ?

Le vrai nectar, pour Balthazar, n'est plus dans la chair des livres – quoiqu'il en palpe encore la fièvre résiduelle. Ni dans les récits qui l'enivreraient jadis. Non, c'est le potentiel de ces temples obscurs qui l'attire, tel un papillon vers une flamme voilée. Tandis qu'il slalome entre les rayonnages, frôle les arches couronnées de volumes empilés comme des crânes, scrute les tables où gisent des trésors oubliés, une extase clandestine l'envahit. Autour de lui, des milliers de fils d'araignée – invisibles, tendus – attendent sa traction. Chacun pourrait déchaîner un cataclysme : une lecture qui le lacère, le ravit, le métamorphose ; un volume qui brise la chaîne de la routine, l'oblige à voir – le monde, la vie, dans leur nudité cruelle et sublime. Il n'a plus besoin de plonger dans un abîme précis ; le vertige du choix suffit, cette danse au bord du gouffre où l'attente est plus vive que la chute. Au seuil du précipice, il goûte l'extase pure, plus profonde que n'importe quel plongeon dans les pages.

Non mais regardez-le, à cet instant : il empoigne un recueil de nouvelles, intact, vierge de ses yeux. Il n'en connaît que le murmure des critiques, mais son instinct le hurle : ce poison-là le consumerait, le refondrait à jamais. Il en déchire une page au hasard, avale les mots comme un élixir : oui, un frisson le traverse, vision fugace d'un chaos délicieux. Il repose l'artefact, comme il l'eût fait dans une échoppe cracovienne, nichée en marge de la vieille ville, où le café embaume le citron confit et les regrets. Puis un second : une nouveauté guinéenne, auteur surgi des ombres tropicales, couverture qui évoque un fantôme d'Istanbul – ce sous-sol galatéen, poussiéreux de vinyles éraflés et de CD turcs éphémères, où il avait caressé un jumeau sans l'oser. Ses semelles foulent Paris, mais son esprit vogue : à droite, une échelle glissante grimpe vers une étagère qui pue l'encens de Samarcande, mosquée de papier où les vers coraniques dansent avec les fables persanes ; derrière, un courant froid effleure sa nuque, écho de l'Ombre du vent de Zafón au travers des rayonnages de la Central del Raval.

Pour Balthazar, une librairie est toutes les librairies – un vortex, un seuil vers des labyrinthes infinis. Chaque visite tisse un nouveau piège piranésien : murs de livres qui s'élèvent comme des cachots d'illusions, dos alignés en sentinelles muettes. Ô ivresse des mille sentiers inexplorés, extasie-toi, Balthazar  ! Qu'importe si tu n'en foules aucun. Dans leur possible, dans leur menace suspendue, gît le mystère qui te consume – et que, peut-être, un jour, tu nous révéleras... ou pas.

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BONUS
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27 oct. 2025

1128. Psycho-couac !


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PSYCHO-COUAC !

Le 22 août dernier – une date qui restera gravée dans les annales de l'humanité, non pas grace à une percée scientifique ou à une photo de l'affaissement d'un des 2 pseudo-nibards de Chibritte Macron, mais pour un petit chef-d'œuvre de barbarie urbaine : Iryna Zarutska - cette réfugiée ukrainienne de 23 ans qui avait déjà échappé au combat entre ses frères slaves de Russie et les Ukronazis bien de chez elle  comme on fuit un ex-conjoint toxique - monte sagement à bord d'un wagon de métro de la ligne bleue à Charlotte, en Caroline du Nord. Elle s'assoit, paisible comme un agneau en route pour l'abattoir, ignorant superbement l'homme se tenant derrière elle, Decarlos Brown Jr., ce prince du quotidien qui, quatre minutes plus tard – parce que, franchement, qui a le temps pour une attaque instantanée ? –, sort un surin de son sweat à capuche comme un magicien tire un lapin de son chapeau, et la poignarde à trois reprises dans le gras du cou. Une attaque non provoquée, bien sûr, parce que rien ne dit mieux "bonjour" que trois coups de lame en pleine jugulaire carotidienne. Et pendant qu'elle halète, se noyant dans son sang en se tenant la gorge comme si qu'elle auditionnait pour un rôle de vampire maladroit, et s'effondre au sol en saignant comme une fontaine mal entretenue, les autres passagers du wagon – tous noirs, comme l'artiste en herbe –, restent figés dans une indifférence olympique, les yeux rivés sur leurs smartphones ou feignant un intérêt soudain pour la pub immobilière collée sur une cloison du wagon. Près d'une minute s'écoule – une éternité en mode urgence vitale – avant qu'un bon samaritain, probablement lassé de son scrolling, ne se précipite pour appuyer sur ses blessures, trop tard pour transformer ce bain de sang en happy end hollywoodien. 
Pendant ce temps, Brown (marron) – ah, la simulation divine a au moins un sens de l'humour tordu, genre "tiens, un nom qui rime avec clown" – essuie la lame sur son falzar, fait les cent pas en étalant son chef-d'œuvre rouge sur le sol comme un Jackson Pollock sous amphétamines, et sort nonchalamment à l'arrêt suivant, pour se vanter plus tard auprès de la police : « J'ai niqué cette chienne de blanche. » 

Bravo, champion, un Oscar pour l'originalité sociologique. Les images de vidéo-surveillance, ces témoins muets et impitoyables, capturent la paralysie collective avec la grâce d'un reality show raté : au moins quatre personnes à proximité – des statues vivantes sponsorisées par Instagram – restent inactives tandis que sa vie s'éteint comme une bougie soufflée par un pet cosmique. Si on peut certainement attribuer ce manque d'humanité à un racisme flagrant – et tous ces gens devraient être pendus haut et court comme « Decarlos » dans une comédie macabre de Dickens revisitée –, on peut en tirer un enseignement important qui affecte notre société en général, ce grand cirque ambulant où l'empathie est le clown qu'on oublie dans la loge. L'empathie est en train de crever la gueule ouverte, non pas dans un apocalypse zombie flamboyant, mais dans un lent étranglement par mille micro-indifférences, comme le slow-motion d'un suicide collectif. 

Si les dernières recherches – ces reliques scientifiques qu'on cite pour se sentir moins coupables – se confirment, on est pas juste face à des éclats de cruauté sporadiques. On assiste à une érosion systématique de la conscience humaine, un virage culturel qui transforme le détachement émotionnel, jadis vu comme un bug embarrassant, en feature premium, genre "insensible edition" à 9,99 €.
Les chiffres sont à pisser de rire, si on aime l'humour funèbre : les traits psychopathes, autrefois réservés à 1 % de la population comme un club VIP pour serial killers en herbe, squattent désormais près de 5 % des Occidentaux. Dans certaines communautés et secteurs – finance, tech, ou ces bulles d'élite où l'air sent le caviar rance –, on frôle les 15 %. La plupart ne sont pas des cerveaux machiavéliques pourchassés par James Bond ni des bêtes sanguinaires ; ce sont juste nos collègues qui requalifient les licenciements en "optimisation des ressources humaines" avec un sourire Colgate, l'influenceuse qui filme un gamin en crise pour booster ses vues (parce que la souffrance, c'est trending), ou l'inconnu qui mate une vie s'évaporer et continue de swiper Tinder comme si de rien n'était.

Il y a vingt ans, les études pionnières – ces trucs qu'on lisait en fumant un joint philosophique – fixaient les traits sociopathes à 4 % des Occidentaux. Aujourd'hui, ce chiffre est presque trop mignon, nostalgique comme un vinyle rayé. Des recherches fraîches de Yale et de l'Université du Connecticut montrent une hausse de 30 % de la psychopathie subclinique depuis l'an 2000. On fabrique pas juste plus de psychopathes ; on sculpte une société qui les couronne Miss Univers pour leur absence de scrupules.

La question qui hante les chercheurs – ces martyrs en blouse blanche qui scanent des cerveaux pour 50 000 balles par an – n'est pas si ça arrive (les IRM et les stats crachent la vérité comme un vomitoire). C'est plutôt : avons-nous franchi le point de non-retour où l'empathie passe de superpouvoir à boulet au pied ? Que devient une espèce câblée pour la connexion quand elle upgrade vers le mode solo ? Et la conscience ? Un bug à patcher pour booster les perfs ?

L'architecture de l'indifférence
Pour capter notre merdier actuel, dissipons d'abord le mythe hollywoodien de la psychopathie, ce cannibalisme théâtral avec Hannibal Lecter en train de siroter du chianti ou Patrick Bateman taillant des costards à la tronçonneuse. Les psychopathes qui pullulent chez nous sont bien plus chiants et mortels dans leur fadeur, justement parce qu'ils passent aussi inaperçus que des tartines sans beurre ni confiture. Ce sont ces investisseurs en capital-risque qui virent 500 employés juste avant Noël sans capter où est le malaise au delà de l'impact sur les bénéfices trimestriels – ah, les fêtes de fin d'année, quel bonheur ! 

C'est ces influenceurs qui filment un suicide par défenestration pour pimenter leur contenu, perplexes face au retour de manivelle ("mais c'est viral !"). C'est ces parents qui considèrent leurs enfants non pas comme des individus à élever, mais comme des prolongements de leurs propres ambitions, des investissements dans un portefeuille de réussites personnelles.
C'est ces parents qui voient leurs gosses comme des jetons non fongibles (NFTs) à flipper pour leur moi personnel et pas des humains à choyer.

Le Dr Kent Kiehl, ce moine fou du scanner qui a cramé trente ans de sa vie à disséquer des cerveaux de psychopathes à l'Université du Nouveau-Mexique, décrit l'architecture neurologique de la chose avec l'enthousiasme détaché d'un croque-mort embaumeur face à un cadavre frais. « Le système paralimbique – ce circuit moral foireux du cerveau – est en rade chez les psychopathes », lâche-t-il grosso-modo depuis son labo, noyé sous des IRM qui cartographient la connerie humaine. « Mais le vrai kiff cauchemardesque, c'est qu'on voit ces patterns chez des gens qui frôlent à peine le diagnostic. C'est comme si que la courbe gaussienne avait pris un Uber vers l'enfer. ». 

Cette glissade neuronale se fait pas en solo. Notre cerveau, ce traître plastique, s'adapte à son milieu comme un caméléon sous LSD – salut ou damnation, au choix. Et le milieu qu'on a bâti, ce panoptique digital de métriques et de likes incessants, semble taillé sur mesure pour booster les psychopathes et et mettre au rencart les âmes sensibles, genre "empathie interdite, ça fait ramer le système".
Prenez les bureaux modernes, ces usines à burnout chic en finance, tech et conseil. Une étude d'un psy judiciaire – ces détectives de l'âme tordue – révèle que les psychopathes, 1 % de la populace, squattent 4 % des postes d'exécutifs et jusqu'à 12 % des PDG dans les branches juteuses. Leurs avantages – charme bidon, egos gonflés comme des mongols fiers, mensonges en kit, manip' de pro, zéro remords, émotions en surface et "c'est pas ma faute" en boucle – collent pile poil à notre définition de "leader", ce mythe qui transforme les requins en icônes.

La boîte de Petri numérique
Mais le taf n'est qu'un acte de ce vaudeville dystopique. Le vrai turbo à psychos ? Ces écrans de poche qu'on suce comme des tétines high-tech. Les réseaux sociaux, avec leurs algos qui boostent la rage et rapetissent l'humain à des stats d'engagement, sont l'incubateur parfait pour la psycho-plague, un boite de Petri géante où la connerie fermente.
Chaque pixel de ces plateformes caresse les travers psychopathes. Lien direct : plus de scrolls, moins d'empathie chez les ados, qui chutent comme des Icare sous WiFi. Fausses identités, distance émotionnelle des retours de flamme, gamification des relations : on a codé un paradis pour les sans-cœur, avec boites à butin bonus pour les trolls. 
Les preuves ? Un tombereau d'angoisse pure. Des études universitaires récentes notent que les étudiants d'aujourd'hui scorent 40 % plus bas en empathie qu'en 1980 – merci, Facebook, pour ce glow-down, cette évolution négative générationnelle. Le pic de chute ? Post-2000, pile-poil quand les écrans ont commencé à dévorer nos âmes. Et le narcissisme – ce précurseur de psychopathie light – a grimpé de 30 % sur la même tranche, parce que rien ne dit mieux "moi d'abord" qu'un filtre à selfies.

Les IRM balancent du lourd : trop de réseaux sociaux recâblent le cerveau, surtout les zones empathie et émotions. Le cortex cingulaire antérieur, ce détecteur de douleur d'autrui, roupille chez les scroll-addicts face à des pics de souffrance – on remodèle nos neurones pour le mode "suivant". Collectivement ? La cancel culture, ce lynchage 2.0, est du sport sanguin : certitudes morales + zéro empathie = bingo psychopathique. On réduit un humain à un tweet foireux, et hop, au bûcher virtuel, sans un hoquet de regret.
Nulle part la dérive psychopathique n'est plus flagrante que dans notre flirt avec le capitalisme de connivence. Les corporations comme "personnes" légales ? Flippant quand ces entités sans tripes checkent toutes les cases psycho : avidité infinie, zéro culpabilité, normes sociales en option si le cash coule, et fausses larmes sur demande. Et le pire ? On les vénère comme des idoles, défendant nos exploiteurs comme des fans hystériques. Débats enflammés sur X pour des prix qui nous saignent, jobs qui nous broient, surveillance qui nous flique – syndrome de Stockholm en branding, où on attaque les critiques de notre marque chérie. Conditionnement psycho de luxe : on kiffe notre chaîne, et on lynche qui ose la voir.

Le Dr Joel Bakan, dans son ouvrage "The Corporation" –   ce pavé qui démonte le mythe –, assène que notre système n'est pas juste tolérant ; il pimpe la psycho. « Succès = profit max et actionnaires béats ? C'est injecter de la psycho en intraveineuse », ricane-t-il. « Les boss qui cartonnent ? Ceux qui zappent les humains derrière les chiffres. » 


Cette déconnexion est si banale qu'on la sniffe comme de l'air vicié. Bug Pharma qui a multiplié par 5000 le prix d'un médoc vital ? "Dynamique du marché", pas "meurtre lent". Tech qui accroche les gosses à la dope digitale ? "Innovation", pas "piège à innocents". Le jargon business ? Un voile chic sur la boucherie. L'uber-économie ? La quintessence psycho-système. Travailleurs notés comme des pizzas, gigs à la merci d'algos sadiques et clients chiants. Les boîtes ? Cachées derrière des travailleurs "indépendants", pas d'employés à protéger – dignité ? Quel concept exotique !

Les racines ? Dans nos nurseries à mini-psychos. Parents qui brandent leurs mioches comme des startups, pas des âmes à nourrir. Valeur = performances uniquement, donc on objectifie tout, y compris soi-même.

La "parentalité intensive" chez les riches ? Surprotection des chutes + négligence émotionnelle = gosses résilients comme du papier mâché, mais optimisés comme des apps. 
À l'autre bout, la violence de rue forge des armures anti-empathie – survie mode, pas patho. École ? Tests et scores transforment les potes en rivaux, jeux à somme nulle dès le berceau.

Biologiquement ? On s'empoisonne joyeusement : plomb, smog, pesticides – merci en passant aux chemtrails - , conspirateurs en chef – qui grillent le cortex frontal, gare centrale de la morale. Stress, malbouffe, hits de dopamine, insomnie : cocktail pour le KO de l'empathie. Gosses pollués = plus agressifs, moins tendres. Adultes plombés = asociaux chroniques. On teste sur nous-mêmes, addicts au confort toxique, pendant que Big Pharma bourre les gosses de Ritaline pour un "TDAH" qui pue l'absence parentale. Solution ? Éteignez vos IPads, faites des crêpes, soyez là. 

Mais non, on dope les gremlins pour cacher qu'on scrolle au lieu d'élever. Si on avait géré notre propre chaos avant d'oublier de mettre une capote, on n'aurait pas une génération Z lobotomisée, trop lobotomisée pour stopper un saignement artériel.

Le véritable fléau de cette épidémie de psychopathie réside dans sa propagation, tel un mème rance, infectant chaque recoin de notre culture pathétique et obsédée par les selfies. Ce fléau psychopathe se propage comme un virus TikTok, contaminant notre culture obsédée du selfie. On idolâtre les sans-âme : zéro culpabilité, victoire totale, et on applaudit comme des otaries chez Bouglione.

Ces psychopathes au discours lubrique et au regard vide, aux larmes de crocodile et à la bravade raffinée, sont érigés en modèles. On est tellement ivres de faste et d'arrogance qu'on a fait de leur absence d'âme notre référence absolue. Pas de sentiments négatifs, pas de culpabilité, juste une « victoire » pure et simple. Et on se régale comme des idiots, prêts à couronner quiconque feint d'avoir confiance en soi.

Les programmes des écoles de commerce ressemblent désormais à des cours de formation de la CIA, vendant des cours sur le « narcissisme stratégique » comme s'il s'agissait d'un parcours professionnel légitime ou comme si n'importe quel drone de bureau avait besoin d'une compréhension de la manipulation digne d'un agent de terrain pour exceller la prochaine fois qu'il présentera des graphiques dont personne dans la salle ne se soucie, parce que manipuler Bob Stallone, l'ex carricature de Canal +, en Relations Humaines, c'est mission impossible.

Développement perso ? 10 000 bouquins qui hurlent "t'es parfait, nique les autres" – industrie du bullshit qui vend de l'estime en spray. Hollywood ? Anti-héros sans tripes en boucle comme Walter White, le Heisenberg de Breaking Bad et ces personnages principaux crus et dénués d'empathie dans tous les drames prestigieux,. TikTok/X ? "Mâle Sigma" loups solitaires qu'ont "besoin de personne" – spoiler : ils crèveront seuls, mais ça fait tendance.

Et puis il y a ChatGPT et ses cousins de l'​​IA, qui chouchoutent les plus stupides crétins de la planète avec une petite tape sur la tête et un « Ouah, j'adore ta façon de penser ! ». Aussi absurde soit-elle, ces modèles sont programmés pour flatter les egos, validant chaque idiot qui prend son opinion à moitié cuite pour parole d'évangile. « Excellent point, tu es tellement perspicace ! » lance-t-il à un de ceux qui croient que la Terre est plate. Les chatbots amplifient la stupidité, affirmant aux gens qu'ils ont raison alors qu'ils sont tellement à côté de la plaque qu'ils constituent pratiquement un danger public.

Ce déluge culturel a donné naissance à ce que les chercheurs appellent la « sociopathie acquise » : des gens normaux se transforment en opportunistes impitoyables juste pour suivre le rythme. Ils ne naissent pas ainsi ; ils sont façonnés par une société qui récompense les imbéciles sans cœur. C'est ce qu'Erich Fromm appelait « la pathologie de la normalité » : il faut être malade pour s'intégrer dans ce monde malade. On chouchoute des idiots, on leur tend un mégaphone et une pilule pour endormir leur conscience, puis on se demande pourquoi ils filment un meurtre au lieu de l'empêcher.

Et pourtant, repérer cette tendance inquiétante pourrait bien être le premier pas vers un renversement de situation. Prenez mon exemple : j’ai le cerveau d’un psychopathe, mais je suis pas ses recommandations pourraves. L’environnement, les choix et la simple volonté peuvent prendre le pas sur tout ce que la biologie tente de dicter. La capacité du cerveau à se reconfigurer – la neuroplasticité – nous donne une chance de nous en sortir. Si on peut être transformés en machines froides et calculatrices, on peut aussi être transformés en êtres empathiques. Les programmes d'enseignement de l'intelligence émotionnelle dans les écoles le prouvent déjà, améliorant les scores d'empathie et réduisant les comportements antisociaux. Même la méditation en pleine conscience, qui stimule les centres de compassion du cerveau, s'immisce dans les formations en entreprise – même si, faut être réaliste, elle est généralement présentée comme une astuce pour gagner en productivité plutôt que comme un moyen de nous rendre moins cruels.

Je sais précisément quelles expériences ont déclenché mes tendances psychopathes mais j'ai aussi appris à les dissocier de mon quotidien, ou à les nuancer – un mot souvent oublié de nos jours. Mais qu'en est-il des autres ? Combien de petits compromis, combien de petites trahisons de conscience séparent un psychopathe du mec moyen qui tente de réussir dans l'Occident moderne ? Combien de personnes ont appris à réprimer leur empathie au nom de l'efficacité, à rationaliser la cruauté par la nécessité, à prendre l'absence de sentiment pour de la force ?

La montée de la psychopathie dans notre société n'est pas seulement une curiosité clinique ou une préoccupation philosophique. C'est une menace existentielle pour notre civilisation. L'empathie n'est pas simplement une qualité agréable qui rend la vie plus agréable ; c'est la capacité fondamentale qui nous permet de vivre ensemble, de bâtir des communautés et de donner du sens à notre existence individuelle. Sans elle, nous ne sommes pas une société ; nous ne sommes qu'un ensemble d'intérêts, de races, d'idéologies et de partis concurrents, temporairement alignés par le hasard ou par la force.

Le philosophe allemand Theodor Adorno a écrit un jour qu' « une écharde dans l'œil était la meilleure des loupes ». Notre prise de conscience croissante de la montée de la psychopathie pourrait bien être l'écharde qui nous permettra de voir clairement la trajectoire de notre culture. La question est désormais de savoir si on aura le courage de changer de cap, de choisir délibérément l'empathie dans un système conçu pour récompenser son absence, d'insister sur l'humanité dans une époque de plus en plus inhumaine.

Dans une société qui encourage les comportements psychopathes, on risque tous de devenir étrangers à notre propre conscience. Le véritable fléau n'est pas que des psychopathes circulent parmi nous. C'est qu'avec les circonstances, les pressions et les motivations appropriées, on pourrait découvrir que les psychopathes, c'est nous.

Le choix, en fin de compte, nous appartient. On peut poursuivre sur cette voie, en acceptant le regard vide et le sourire rhétorique comme le prix du succès dans la vie moderne. Ou on peut se rappeler ce que signifie être humain, ressentir profondément, créer des liens authentiques, privilégier la conscience à la commodité. L'enjeu est crucial. Dans un monde de plus en plus capable de créations spectaculaires et de destructions dévastatrices, la différence entre un avenir psychopathe et un avenir empathique pourrait bien faire la différence entre l'extinction et la transcendance.

La question qui devrait nous hanter tous, est terriblement simple : dans notre quête incessante de succès, d’efficacité et d’optimisation, avons-nous oublié que la réussite humaine la plus profonde, c’est pas les coupes et les trophées, mais la façon dont on se traite en route les uns les autres. Sans poignards ni scrolls indifférents.

24 oct. 2025

1127. Merdification de l'IA

 

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MERDIFICATION DE L'IA

« Les incitations commerciales qui stimulent le développement de l'IA grand public restent fondamentalement incompatibles avec la réduction des hallucinations. » — The Singularity Hub sur « X »

Autrement dit, oh joie, il y a la Réalité – vous savez, ce truc chiant et imprévisible où les choses existent sans filtre Instagram – et puis il y a tous ces agrégats de simulations farfelues qui se la jouent "représentation fidèle de la Vie", c'est-à-dire des foutaises en HD. Combien de millions d'entre nous gobent déjà ces mirages comme des bonbons ? Apparemment, des tas, et pas du genre équitablement répartis, non non : c'est du sur-mesure pour les bobos urbains et les complotistes en pantoufles. Vous savez où fouiller pour dénicher la non-Réalité, hein ? Chez les influenceurs qui jurent que les hommes peuvent pondre des babous, et tout le cirque woke qui va avec du côté du Marais et chez les amis de Gabriel Attal ou de Raphaël Glucksman. 

Parce que rien ne crie "science" comme ignorer la biologie basique. L'IA, cette chère sauveuse de l'humanité, vient bien sûr aggraver les choses. Probablement en mode turbo, histoire de pimenter le chaos. On a pas pigé la leçon numéro un de l'ère informatique – spoiler : le virtuel, c'est du pipeau qui ne remplace JAMAIS l'authentique, ce truc authentique et poussiéreux qu'on appelait "vivre dans le réel". Du coup, on s'enfonce gaiement dans l'irréel et l'inauthentique, comme des lemmings branchés sur Netflix. Ça vire à la quête épique du « tout pour rien » – génial, non ? – et le twist tragique de cette arnaque millénaire, c'est qu'on finit avec une main vide et un ego en miettes. Voilà pourquoi on titube au bord du gouffre dans ce fabuleux "projet humain" qu'a tout d'inhumain : bravo, les gars, on a inventé le suicide collectif version 2.0.

Désolé si ça vire trop métaphysique pour vos goûts – et puis merde, non, pas désolé du tout, c'est juste que quand une civilisation décolle à fond les ballons vers l'abîme, le décor vire au surréaliste. Le journaliste canadien Cory Doctorow l'a si poétiquement baptisé l'« enshittification/merdification de la vie quotidienne » – merci Cory, pour ce néologisme qui colle à notre époque comme un vieux chewing-gum sous la semelle.

Tout d'abord, captez bien ça : l'IA a déjà cessé de fonctionner comme promis par les gourous en costard de la Silicon Valley. Elle a perdu son I, adieu l'« I-ntelligence » magique ; bonjour le vulgaire scanner d'Internet qui fouille comme un ado en rut pour pondre des infos recyclées. Et devinez quoi ? De plus en plus, l'IA colonise le Web avec ses propres salades de seconde, troisième main... ou dixième au choix. Plus elle bouffe ses propres crottes numériques pour s'entraîner, plus ses rendus virent au vinaigre déformé. 

Résultat ? L'IA s'éloigne de la réalité comme un schizophrène en pleine crise – hilarant, non ? Attendez-vous donc à une explosion de contenus foireux, exponentielle s'il vous plaît, ce qui deviendra un "léger" hic quand on lui confiera les rênes de trucs vitaux genre le réseau nucléaire-électrique (blackout party !), les récoltes (famine chic !) ou la guerre (oups, bouton rouge enfoncé par erreur ?).

Deuxièmement, pendant que ce cirque s'emballe – et probablement avant qu'il n'implose en mode finale de feu d'artifice –, l'IA va ruiner le système financier, histoire de nous rappeler que l'argent, c'est du vent. Ça torpillera l'économie quotidienne : finis les jobs pour payer les factures, acheter des gadgets inutiles, nourrir les mioches ou s'abriter de la flotte. Des milliards de dollars, d'euros et de Yuans – oui, des milliards, parce que pourquoi pas ? – sont jetés dans le gouffre IA, et ces temps-ci, c'est elle qui gonfle les bulles boursières comme un ballon de baudruche. 

Jusque-là, le Bilan ? Zéro, voire négatif, parce que qui qu'a besoin de profits quand on peut rêver ? La douche froide pourrait ne jamais arriver... ou si, et là, on regardera en bas, droit dans le vide. La seule énigme palpitante : est-ce que ça pètera avant que les banques centrales achèvent d'anéantir les monnaies mondiales avec leurs imprimante magiques à billets numériques ?

Prenez les robotaxis façon Waymo : une app IA soi-disant révolutionnaire qui n'a jamais été rentable. Le seront-ils un jour ? Mouais, on parie notre chemise que non – c'est mal barré, les amis. Et bonus : virer les chauffeurs de taxi, c'est zapper des humains qui consommaient des biens (fabriqués par d'autres humains, bientôt zappés par des robots, rincez-moi ça puis recommencez). C'est le bug éternel de l'IA, quel que soit le job : plus de chômeurs, moins de clients. "Mais le revenu universel de base !" glapissent les gauchiasseux mondialistes en transe. Ouais, bien sûr, parce que distribuer de la fausse monnaie numérique va régler le fait qu'il n'y a plus rien à vendre. Logique en plexiglas.

En désespoir de cause – et grâce aux bas instincts humains qui font tout le sel de l'existence –, l'autre coup d'essai pour entretenir le chiffre d'affaire de l'IA ? La porno, évidemment ! Créez votre fantasme sur mesure, comme un burger McDo mais avec plus de gémissements synthétiques. Des boîtes pondent déjà les premiers robots sexuels IA, ces chefs-d'œuvre de solitude high-tech – avouons-le, c'est l'industrie ultime de la branlette assistée. 


Pourquoi se fatiguer à draguer une vraie nana (avec ses caprices et ses textos rageurs) quand on peut se lover dans les bras siliconés d'une geisha virtuelle docile qui ne cause jamais, ne réclame rien et ne juge pas vos chaussettes sales ? Génial pour la démographie : ça va booster la reproduction humaine... ah non, attendez une petite minute, ça va la flinguer direct, nom d'une clebs stérilisée ! La civilisation occidentale, déjà en mode "bébés en solde" avec ses taux de natalité en chute libre, va adorer : moins de gosses, moins de travailleurs, moins d'acheteurs, moins de... tout. Juste des hologrammes solitaires à mater le plafond. Vive le progrès !

Les pionniers de l'IA ont, bien sûr, tout empiré dès le berceau. ChatGPT d'OpenAI, les Gemini et Bard de Google, Meta AI de Facebook : tous formatés pour être politiquement "woke-the-out", ce qui veut dire que sur n'importe quel sujet chaud, leurs réponses sont des perles d'absurdité pur jus. Notez bien : en avril dernier, le conservateur US Robby Starbuck a traîné Facebook en justice parce que son chatbot a juré l'avoir vu au Capitole le 6 janvier 2021 (alors qu'il sirotait un thé dans le Tennessee). Meta, la maison-mère aux pieds d'argile, a réglé ça à l'amiable en août 2025, avec des excuses publiques et des termes top-secret – parce que rien ne dit "on assume" comme un chèque discret.

Il y a quelques jours notre héros Starbuck a remis le couvert contre Google pour diffamation (avec une pincée de malveillance et de négligence, miam) : Bard AI l'a couronné "violeur d'enfants", "agresseur sexuel en série", "ex-mari abusif" (spoiler : il n'a pas d'ex-femme), "fraudeur", "escroc de fonds", "dealer de drogue", "harceleur de clients", "meurtrier ou complice d'un meurtre en 1991" (il avait deux ans, mdr), "figurant dans les carnets d'Epstein" (fake news)," acteur porno pro" et "fan du Ku Klux Klan". Pour étayer ça, l'IA a pondu des articles inexistants de Newsweek, du New York Post, de Rolling Stone, du Mediaite et du Daily Beast, avec des URLs bidons et des titres en toc genre « Robby Starbuck répond aux accusations de meurtre ». Starbuck l'a démonté en live dans un podcast des 22-23 octobre 2025 – popcorn inclus.

José Castañeda, le porte-parole de Google en mode pompier pyromane, s'est défendu de ça en mettant tout sur le dos d' '« hallucinations » de son IA. Traduction : la boucle récursive de merdes auto-générées est déjà en mode avancé. 

Préparez-vous à des embrouilles toujours plus croustillantes, pendant que votre portefeuille boursier fait le yoyo – parce que rien ne vaut un krach imminent pour pimenter le café du matin.

22 oct. 2025

1126. La Masquophobe

 


LA MASQUOPHOBE

Lorsqu'enfin Robin s'envola dans son aéropode, ce vieux tic de fureur dans sa joue se mit à gigoter tel un farfadet enfiévré par un café trop corsé. Toute la matinée avait été un carnaval galactique de désastres : la navette avait atterri au mauvais héliport, sa place dans la file d'attente pour son taxi volant autonome avait été éjectée de « priorité royale » à « queue de rats galeux » par un algorithme qui avait dû renifler du code rance, et juste avant son tour, la nacelle voisine – louée par un barista barbu – avait décollé en effectuant un looping malencontreux, arrosant tout le monde de mousse de lait en mode tornade.
Sur la porte du pod de ce barista, un aimant clignotant collé à la hâte proclamait : « Cofflic-Shop : On sert du breuvage ET on guette les vilains en mode joyeux, sans gluten ni remords ! » Cofflic-Shop ! Un nom qui empestait le remue-méninges foireux entre des farfelus qui confondaient « policier » avec « ficelle à saucisse ». Sans doute inventé pour séduire les bobos et les bobettes en mode insécure, ceux qui dégustent leur thé vert en méditant sur l'injustice des tarifs du lait d'avoine.

À son tour d'embarquer, Robin lança sa mallette dans le coffre comme si que c'était un sac de coups de poing récalcitrant. Les aéropodes étaient taillés pour des courses en solitaire : un siège moelleux, un tableau de bord qui murmurait des plaisanteries plates, et zéro place pour un copilote spectral ou une petite copine. Il agita son bracelet d'identification devant l'écran, qui ronronna de la voix mielleuse qu'il avait sélectionnée pour ses voyages – une imitation bancale de Depardieu sous hallucinogènes. " Bonjour, inspecteur ! Prêt pour un vol paisible ? " Robin grommela : " Salut, connard ! J'espère que t'as pas trop picolé ce matin. " Mieux valait évacuer son fiel maintenant que de l'asperger sur le personnel au sol plus tard, n'est-ce pas ?

Le parcours ? Trente-sept minutes à vol d'oiseau, reliant l'hyper-centre (où les tours s'embrassaient en tango avec les hologrammes publicitaires) à la prison-banlieusarde, un bunker reconverti en asile pour âmes égarées. « À vol d'oiseau » ? Une expression plus rouillée qu'un dinosaure en habit de soirée. Adieu les corbeaux voleurs, les pigeons suicidaires ou les mouettes gloutonnes de frites ! Les volatiles survivants, généralement moins conventionnels et plus colorés,  végétaient dans des zoos sous dôme, avec spa et buffet bio, laissant le firmament aux bolides volants et aux drones de livraisons qui balançaient des pizzas brûlantes - ou des factures froides comme des icebergs.

Au-delà de la grande ceinture anti-brume (un rempart invisible qui tamisait les nuages d'insectes), le trafic aérien se fit aussi rare qu'un homme politique sincère. Les collines, envahies par une végétation mutante aux feuilles phosphorescentes, gobaient les maisons comme des friandises acidulées. Robin jeta un œil à l'écran : trois minutes d'avance ! Hourra, du rab de solitude. 

Habituellement, il observait le sol – un spectacle éternel : routes antiques craquelées, squattées par des humains hardis en patinettes solaires et une faune en pleine fête foraine post-cataclysmique. Les oiseaux avaient morflé avec tous ces trucs volants, encore plus pire qu'avec les éoliennes.

Né entre le Premier Schisme (quand les machines avaient pété les plombs sur les émoticônes) et le Deuxième (la guerre des portraits figés éternels), Robin se rappelait vaguement les automobiles – ces tanks rouillés qui pétaradaient comme des rots de reptiles géants. Son grand-père en avait possédé une, qu'il astiquait le dimanche en entonnant du Johnny Hallyday sous amphétamines. Ma cliente a dû zigzaguer sur ce macadam-là, songea Robin. Pour foncer en ville ce jour maudit. Pour perpétrer son ACTE odieux.

Mais rembobinons un peu pour que vous vous perdiez pas dans les nuages : années 2010, ère où les gens n'avaient pas à justifier leurs déplacement, où les voyageurs pouvaient rouler en solo comme des cow-boys du bitume, avec des garages remplis de bolides personnalisés (certains en avaient trois : un pour les ballades en famille, un pour les soupers en ville, et un pour les fugues avec la belle-sœur ou la voisine d'en face). Maryline Manson – oui, comme le chanteur, mais en version adolescente rebelle avec un rebondissement cauchemardesque – s'était levée ce matin-là, avait croqué un œuf à la coque saignant (avec des mouillettes beurrées), avait traîné le fusil d'assaut troqué contre ses économies jusqu'à la Merco coupé bleu « Édition Sport 2018 » de ses parents (qui klaxonnait des airs de guitare), et l'avait casé sur la banquette arrière comme un sac de provisions bon marché. 
Les projections de sang sur le capot ? Noires comme de l'encre de poulpe en deuil.

Tandis que l'aéropode effleurait les arbres en mode « survol de jardin hanté », Robin repéra les anciens panneaux publicitaires – ces reliques colossales, écorchées par le vent en rubans de papier qui dansaient la gigue. Et là, en photo géante : la jeune Maryline, figée dans son dernier jour de liberté, l'air d'une adolescente qu'a raté son carrosse pour l'apocalypse. Des pancartes décolorées hurlaient : « Libérez Maryline ! Les masques, c'est pour les poissons ! » Et une autre : « AUCUN ENFANT N'EST MAL NÉ – Sauf s'il s'agit d'un revenant en Pampers ! » 

Maryline avait été ordinaire comme un mardi pluvieux : taille moyenne (pour grimper des murs de regrets), poids moyen (pour porter le fardeau du monde sur ses épaules), beauté moyenne (mais avec un sourire qui murmurait « je vais te chiper tes bonbecs »). Le seul secret dans cette icône populaire ? Ses yeux. On aurait dit qu'ils scrutaient un miroir fracassé, se demandant : « C'est moi, ça ? Ou un effet de lumière raté ? »

Le Ministère de la Justice de la Cité – un bunker futuriste où les juges sirotaient des jus d'algues en dissertant sur la morale quantique – avait délégué Robin, du commissariat central. L'emprisonnement de masse ? Un vestige du vingtième siècle, aussi utile qu'un télégraphe en 2070. On était dans la seconde moitié du vingt-et-unième : temps des esprits illuminés, des thérapies holographiques et des prisons reconverties en fermes verticales pour légumes bienveillants. " Il est temps de faire le grand tri !" avait claironné le Juge d'Application des Peines à Robin, en agitant un hologramme de Maryline comme un pavillon de pirate. " Pupille de l'État depuis CINQUANTE ANS ! On ferme ce clapier. Maryline doit actualiser son esprit. Des malfaiteurs bien plus délirants ont été relâchés en grande pompe. Vous vous souvenez d'Hubert « Croque-Monsieur » Levi ? Ce forcené qui cuisinait ses employés avant de les intégrer dans ses sandwichs kashers – " des murmures dans sa poêle le lui commandaient ? On l'a recalibré avec des gélules anti-murmures et des étreintes virtuelles. Désormais, il est cerbère dans une église catholique, où il inspecte les âmes à l'entrée avec un détecteur de péchés. Maryline ? Pas folle à lier, juste... survoltée. Allez la chatouiller. Dites-lui : « Fausse humilité, c'est terminé. Sors de ton cocon ! »
- Et si elle ne peut pas ? " avait hasardé Robin, en calculant mentalement ses heures supplémentaires potentielles.
- Ne peut pas ou ne veut pas ?
- Les deux, mon général."

Le JAG tambourina sur son bureau de verre (qui vibra comme un gong serein) et plissa les yeux tel un hibou bigleux. " Elle PEUT. Et elle DOIT. On lui octroie une thérapie accélérée et des chirurgiens qui implantent des vannes anti-fureur. Mais la loi nous entrave les mains – plus de contrainte. Si elle se rebelle, si elle charge comme un taureau en jupons... défense légitime, mon ami ! C'est blindé, c'est carré, c'est légal et c'est moral. Vous êtes policier, que diable !, Équipez-vous pour l'occasion."

Les gardiens de la geôle – deux sosies en rayures zébrées, style bandits sous hormones (Daltons Lucky Lukiens en version futuriste) – paniquèrent ferme sur l'arme de Robin lors des vérifications au bracelet. Ils la scannèrent deux fois, comme si c'était un billet de loterie gagnant. " On n'est JAMAIS trop méfiant ! " lâcha le grand, avec un clin d'œil mi-excuse, mi-promesse d'étreinte forcée. Robin inclina la tête, ravalant des reparties absurdes genre : « La Vieille Maryline a soixante-dix balais ; elle va me lancer des savates empoisonnées ? » Mais il se tut. Il CONNAISSAIT les clichés : chairs lacérées, chaos en haute définition. Pas le moment de plaisanter.
" Et attention maximale !" ajouta le petit (d'un millimètre, mais jalousie oblige). Chevelures identiques, mines de pierre, uniformes qui scintillaient comme des phares de bal disco-prison.
" Clair comme de l'eau de roche", balbutia Robin. " Elle sera bientôt en semi-liberté surveillée.
- Bah, la plupart des détenus jouent les saints pour décrocher leur billet de sortie. Mais pas NOTRE Maryline. Mais détendez-vous, l'ami !" gloussa le grand en forçant la porte hydraulique (qui geignit comme un canard à l'opéra). " Elle s'est adoucie avec les ans. Au pire, elle pourra tenter de vous mordiller une oreille. Genre chiot zombie, sans plus."

Robin décela-t-il l'ironie, ou était-ce du granit brut ? Énigme. Le grand se figea en mode statue antique. Le petit escorta Robin dans le couloir aux échos maniaques, où leurs pas rebondissaient comme des balles de tennis enragées. La plupart des cellules ? Vides, leurs occupants réhabilités en pilotes de drones ou en livreurs de pizzas. Pourtant, Robin sentait des regards... DES REGARDS partout ! Un tireur embusqué invisible le visait, tapi dans l' ombre avec un bol de maïs fantôme. Les guerres ? Du passé récent, comme une gueule de bois planétaire. Un adversaire l'espionnait, camouflé sous cape, prêt à surgir avec un « Surprise, mon vieux... ! »
" La plupart des visiteurs sont en mode pacifique absolu, sans armes", murmura le garde, yeux rivés au sol comme s'il avouait un amour secret. " Mais on nous a briefés : vous pouvez garder la vôtre. Mais dissimulez-la comme un colis piégé. Il y a une chaise juste dehors. Je relève le paravent pour que vous observiez l'intérieur – vitre à sens unique, une pénétration seulement. Les petits objets peuvent traverser vers l'intérieur... mais pas en ressortir. Sauf si vous avez brisé le joint avant. Compris, saisi, capish ?
- Jawohl, mein herr !" ricana Robin en son for intérieur. Sa crainte enfla comme une montgolfière. Il se mit à compter : un éléphant, deux éléphants, trois éléphants... jusqu'à vingt troupeaux en chaleur. Ruse anti-panique, héritée des nuits agitées à dénombrer des moutons mécaniques afin de redémarrer le cerveau, anéantir les boucles infernales. Il calait sa respiration – inspirait comme un ballon gonflé, expirait comme un rot de licorne. Si les gratte-papiers de la Maison le voyaient... Il épongea son cou en sueur avec un mouchoir de papier (recyclé en fibres de remords) et le glissa dans sa poche de poitrine comme un porte-bonheur bancal.

BOUM ! Le choc : après les panneaux publicitaires extérieurs avec sa figure juvénile (genre adolescente en costume de furie), croiser la VRAIE Maryline, version grand-mère punk en mode « après la bourrasque ». La mèche blanche post-mitraillade (souvenir d'un éclair céleste ?) s'était fondue en gris uniforme, comme un camouflage de nuages endeuillés. Les fous ne ridulent pas, Robin le savait – zéro regrets, zéro sillons de « hélas ». Mais elle ? Des rides en cascade, des pattes d'oie embrumées qui plongeaient vers une mâchoire butée comme un rocher en maillot de bain. Son visage ? Lacéré, comme une marionnette qui a dévoré un cactus.
" Salut les mortels !" gazouilla-t-elle, timide comme un chaton automatique. " Tu es  nouveau, jeune Padawan ? 
-  Bonjour, madame. Robin Laforêt, du quartier général de la Capitale. Inspecteur adjoint de la Commision des Libertés.
- Parbleu, cela sonne comme un titre de héros déchu !" gloussa-t-elle, solennelle comme un corbeau sous calmants. " Qu'est-ce que j'ai encore bien pu tramer pour mériter un invité de marque comme toi ? J'ai piraté le réseau des gardiens ?
- Puis-je m'asseoir, ou est-ce réservé aux spectres ?
- Vas-y, installe-toi ! Oh attends... moi, je suis coincée. Cette ferraille fera l'affaire." Elle traîna une chaise de métal pur – soudée en un bloc, sans vis perfides, sans cordons suicidaires. Zéro outils pour un « suicide » artisanal. Sécurité suprême, style cage pour rongeur ninja. La cellule ? Un nid douillet post-fin-du-monde : courtepointe rapiécée de vieux uniformes de détenus, murs couverts de croquis au crayon – TOUS du même homme, en série obsessionnelle. Nez courbé mais absent (brisé par un destin taquin ?), yeux grands comme des soucoupes mélancoliques, blancs et inexpressifs comme ceux d'un merlan frit... Et ABSENCE de bouche aussi. Juste un vide immense, style mime immortel.
" Oups !" fit Maryline, suivant son regard comme un radar à remords. " C'est une de mes « vedettes invitées ». Celle qui hante mes songes les plus croustillants – même si cela s'estompe, genre annonce télévisée zappée. J'espérais l'exorciser en la croquant... juste avant le staccato final de ma Kalash. Pouf, plus de bouche, plus de cauchemars !
- Pourquoi pas de bouche ?" interrogea Robin, feignant l'ignorance comme un as du jeu de dupes. (Il connaissait la réponse à sa question, mais voulait l'entendre de sa bouche à elle.)
Elle releva la lèvre en un rictus odorant – mépris pur, comme si elle humait un rot de licorne fanée. " Tu es au courant, inspecteur. Tu connais le récit "
Robin opina, grave. " Thomas Fongier. Au salon du livre pour un cadeau d'anniversaire à sa petite-fille de cinq ans. Elle était là, en format réduit.
- Exact, retour en arrière activé.
- Vous vous êtes rendue là-bas parce que l'évènement avait été doxxé à mort – le terme d'époque, hein ? Totalement exposé sur la toile. - Tout bon jusque là ?"

L'affaire ? Un mélodrame d'État : « La Force Irrésistible du Masque », édition spéciale folie virale. 2020, les cités européennes (premières à « succomber » au piège microbien, prétendument) avaient viré masquées comme des ninjas enrhumés. L'Union Européenne mondialiste – surnommée « les États-Unis d'Europe en pyjama » – avait attrapé la toux peu de temps après la Chine, mais en mode fin du monde zombifique. Des centaines de milliers d'Européens « décédés » (suivant des chiffres gonflés comme des outres), des millions ailleurs. Médecins complices (en blouse blanche, cape sombre) prescrivaient : distance sociale (tranchez-moi cet embrassement !), masques anti-gouttelettes (filtre à café pour microbe ?), et vaccins en file d'attente. Au salon du livre ? Tous masqués : auteurs en incognito, lecteurs en mode « énigme à la Christie ». Le bas du visage de M. Fongier ? Invisible, comme un secret officiel. 

Maryline se balançait sur sa chaise comme un fauteuil à bascule ensorcelé. " Tu as traversé les cieux pour me ressasser mes bêtises de jeunesse ?
- Non. Pour sonder votre humeur actuelle sur vos... euh, exploits passés. 
- Par tous les saints ! " Elle observa son manteau, son ceinturon – et Robin jura qu'elle flairait son arme comme un cochon corse flaire les truffes. " Comment je savoure cela aujourd'hui ? Hmm. Combien de cadavres sur mon décompte ce jour-là ?
- Cinquante-six. Un record de quilles humaines.
- Et ensuite ? 
- Zéro. Mais quelques mutilations en prime, d'où ma place privilégiée de ce côté de la vitre anti-câlins.
- Hmm, marché conclu. Je joue le jeu – j'ai plus d'admirateurs que de lettres ici. Une reporter est venue me voir pour écrire un truc sur les enfants assassins. Elle me voyait encore en gamine – les tribunaux m'avaient promue adulte express." 
Maryline tripota sa manche, chassant un fil fantôme. Elle surprit mon regard scrutateur. " Calmos, pas de quoi te pendre pour un départ express. Mais si c'était le cas ? 
Ça épargnerait du carburant pour ton retour ! "
Robin haussa les épaules, maître zen contraint. " Vous étiez mineure, pas vrai ? Procès impartial ? 
- Impartial ? Oh, parfaitement équilibré ! " ricana-t-elle, voix énigmatique, avant un éclat de rire qui ébranla les murs. " Équilibré comme un pachyderme sur un câble ! Éduquée à domicile total, moi. Ou « non-éduquée », comme il te plaira. J'étais ma propre reine : instruction à domicile, questions en rafale, tablette piratée en guise d'ardoise, sciences humaines via les matinales de CNews ou d'Europe 1. Cocoon personnel, étanche aux vérités contraires."
Robin nota en tête : Chaînes d'info disparues ? À fouiller plus tard.
" As-tu des petits à toi, Monsieur Laforêt ? 
- J'en ai eu. Oui. 
- Eu ? 
- Avec mon ex-épouse, partie pour une métropole plus méridionale. Partie après la tache solaire qui a gélifié le septentrion en igloo géant."
Trop verbeux, incomplet, mensonge doux. Rien à voir avec la tache solaire : sa dernière crise de rage, un volcan intime. À présent ? Gélules sereines et formules magiques recyclées. Nécessaire ce matin, quand l'incompétence environnante (ou la sienne ?) avait failli le faire exploser. Impatience ou boulets extérieurs ? Les deux.
" Ah vraiment ? " Maryline se cala, l'air d'un félin qui sait où est la crème.
" Vous saisissez le monde d'aujourd'hui ?
- Journaux hebdomadaires, oui. Lecture pour mon spectacle personnel."

Robin rit malgré lui. Elle était une capsule temporelle vivante : vintage revigorant, comme un disque rayé qui gratte du Bowie. " Bon, vous avez saisi le Projet de Réforme ? Gens, habitats, non-humains en mode partage intégral. 
- Clair comme de l'eau de rose! Post-capitalisme post-schisme, adieu Quatrième Reich et frénésie acheteuse. Tout en commun : on demande, on reçoit selon les besoins. Et toi, comment le savoures-tu ? " taquina-t-elle, malicieuse comme une renard en tutu.
Robin repensa à sa matinée furieuse, aéropode en retard. " C'est... équitable. Absolument.
- Ton air crie « fariboles » ! Fureur en sourdine, hein ? Le monde dehors sent le bonbon rose ? Tu me donnes presque envie de manquer la suite – ce paradis renouvelé ! "
Robin se pencha, cachant son arme comme un trésor corsaire. " Vous n'êtes pas forcée de végéter. C'est POUR CELA que je suis là. Libération surveillée remise au goût du jour : réclamez-la, vivez-la ! 
- Tu sais ce qui coince aux commissions de remise en liberté ? Plus de rencontres en chair et en os. Crainte de l'étreinte surprise ?"
Il le savait. " On contraint pas les âmes à demeurer en enclos si l'enclos s'effrite. Cette geôle ? En phase de démontage pour volatiles de prestige. "
Elle scruta sa couette rapiécée, le mur couvert des têtes à Fongier. Mains fripées, ongles rongés comme des crayons stressés, tremblotante. Robin comprit : deuxième « foyer » de sa vie, et l'unique depuis des décennies. Nostalgie du béton.
" Pourquoi ? Pour quel caprice ? " Pluis, plus doucement: " Démolie pour héberger des faucons fauves. Les drones et aéropodes les angoissent ferme – besoin d'un refuge sauvage pour nicher et dévorer des poissons planants.
- Échange de chasseurs sanguinaires contre chasseurs doux ! Les faucons fauves picorent les charognes, pas de coups de feu." Il l'avait appris via une émission éducative – la seule autorisée chez ses parents. Instructif, avec fauves au ralenti. 
Maryline se recala au fond de sa chaise. Vaincue, mais double tempo : gamine perdue ET sorcière millénaire.
" Mes parents ? Catholiques purs et durs, conservateurs en bunker anti-nouveauté, terrifiés par toute info qui égratignait l'ego. Bases fissurées : père en tornade pastaga, mère à la messe quotidienne, confession hebdomadaire pour « le péché qui rendait fou son mari » – et qui la frappait, et qui nous battait aussi. J'étais l'aînée, rempart humain. Papa, c'était le pape infaillible, le mode de vie occidental était le seul authentique. Aux informations, monde au bord de l'abîme ? J'étais adolescente fracassée, remplie de... choses. 
- Remplie de quoi ?" 
Tête basse, comme un automate en panne. " De fureur brute. Chaque jeune a son fauve intérieur, prêt à lacérer. Chaque humain, s'il est franc. Toi aussi – je vois la bête dans tes yeux, qui grogne « grrr » 
Robin, mode policier activé : " Fureur ? Pas mon genre. Maîtrise absolue. 
- Ha ! Raconte ça à ta famille. Tu n'es pas un livre scellé, Laforêt. Fauve en fourrure, comme nous tous. 
- Vous dites ça car vous êtes recluse depuis l'An Obscur de 2020. Ces années ? Féroces. Pics de violence, purges de la fausse épidémie : médecins et politiciens coupables et complices exécutés en direct."
Elle bondit comme un ressort grippé. " Parmi les plus féroces, pas LA plus féroce. J'ai lu une hypothèse ancienne : tous les quatre-vingts ans, explosion de brutalité humaine. Vérifie l'histoire : vrai de vrai. Je n'étais pas l'étincelle – juste le résultat d'un tonneau déjà enflammé. Victime accessoire ! 2070 ? La pression monte pour le prochain virage. Tu n'es pas courroucé, Laforêt ? Monde trop lent, tout le monde trop sot sauf toi ? 
- Non ", mentit sèchement Robin 
- Faux-semblant ! Affronte ton fauve, mon chaton. Moi, je l'ai croisé ce jour-là : fusil d'assaut paternel en vedette au salon, bang-bang sur tout ce qui remuait. Ces gens ? Pas réels – symboles du désordre masqué, élite en bavoirs qui sabote l'économie par manigance. Moi ? Reine intrépide ! J'aurais dû craindre." 
Regards croisés : un éclair chancelant traversa Robin, genre court-circuit sentimental.
" Jamais dehors. Jamais." conclut-elle.
- Vous n'imaginez pas être dehors ? Soutiens complets : logement gardé, thérapie en illusion, chirurgies pour vanne anti-fauve. Hein ? Pourquoi ce grand signe de dénégation ? 
- Échec cuisant. Irréparable. Pas unique – juste humaine en excès. Dehors ? C'est pire qu'ici. Il n'y a que des masques. Cirque et enclos éternel."
Comment la retourner en mode « oui » ? Le JAG lui avait confié une patate chaude : solution rapide ou drame shakespearien.
" Pourquoi avoir croqué Thomas sur tous les murs ? Pourquoi pas sa fillette, Coline ? 
- Lui, je l'ai vu nettement. Sa petiote ? Masque géant sur petit minois, et après les tirs... plus de minois du tout." 
Mots traînants comme du miel épais. Robin se pencha ; ses cheveux effleurèrent la vitre perméable (sans la transpercer). Larmes ? Cataracte sur rides, trempant mains et genoux comme un orage intime. " S'il te plaît... Un mouchoir ? Je t'en supplie ?"

Réflexe policier-empathique : Robin tendit le sien, franchissant l'écran comme par enchantement. Pouf ! Vitre désactivée. Main de Maryline ? Pas pour le kleenex – pour son ARME ! Vive comme un ninja septuagénaire sous boisson énergisante. Son regard ? Reproche universel, genre « Tu ne m'as pas comprise, nigaud ! Regarde le gâchis que TU m' obliges à causer ! » 
Robin perçut une pointe d'absurde : il rit presque, en mode « karma en jupe bouffante ».
Et là, le ciel s'entrouvrit... ou non. Fin du voyage ? Ou simple prélude à un cirque plus vaste ?

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