DIALOGUE À VENISE
" Ooh, ce qui est en haut serait comme ce qui est en bas, hein ? Queste distinzioni sono arbitrarie, come il passato e il futuro, capito ?
- Mais qu'ist-ce ti racontes ? Couman ça, khouya Marco ? "
Il y avait à peine un chouïa d'ondulation sur l'eau, là où les reflets des étoiles allaient pas tarder à scintiller telles des lucioles flottantes. Une ville rayonnante se dédoublait déjà, le reflet si vif qu'il serait difficile de distinguer ce qui serait reflet de ce qui serait réel dans pas longtemps. Deux voyageurs, contemplant ce paysage, se parlaient doucement.
" Que tu regardes delante o dietro, les due horizons sono inaccessibili, ecco ! Solo lo spirito les touche, capito ? Ils sont uno, uno solo !
- Mais, khouya Marco, li passé, il a dijà passé, wallah ! Li futur, il est pas encore là. L’un, il est figé, l’autre, il change tout le temps.
- Davvero, tu crois ça ? Il passato, il change pas, hein ? Quando cambiamo, les souvenirs, les lieux, le persone che abbiamo rencontrées, tutto cambia, no ? On marche toujours con la testa girata en arrière ! On attend il futuro juste pour qu’il devienne il passato, on recherche il nuovo per ricordare il vecchio. On vit seulement... retrospettivamente, capito ?
- Toi, jamais issayé di vivre dans le prisent, khouya Marco ? Pas dans aucun de ti voyages ?
- Mamma mia, ma qué si, j’ai essayé, per un periodo ! In Oriente, tu sais, beaucoup essayent de faire ça, Questo é un’idea qui t’attrape, qui t’ensorcelle ! J’ai même seguito un gourou, tu le savais ? Ma no, jamais réussi à controllare la mia attenzione. Troppo voyagé, creo. Più je bougeais, più chaque nuovo lieu, je le voyais à travers tutti gli altri que habiamo déjà visto. Ma, in fine, c’est pas une mala cosa, no ?
- Vraiment, khouya Marco ?
- Même i più illuminati, ils restent nel presente solo per quelques secondes ! Et si on pouvait y restare più longtemps, per y fare che cosa ? Una rocca, elle n'a ni passato ni futuro. Elle est là, muette, silenciosa, dans queste momento. On veut être più que una rocca, no ? Regarde ces murs ! Molti poeti ont marché sur questi canali de marbre, imaginant ce qu’ils pouvaient voir. Mais ils oublient que les pierres, elles ont pas de souvenirs, giusto des cicatrices, capito ?
- On grandit seulement en regardant en arrière ? Riponse d’un viritable voyageur, wallah...
- Esattamenté, amico mio ! "
Les deux hommes regardent distraitement une gondole passer sous leurs nez.
" Ji pensais trouver une statue de toi ici, khouya Marco, mais hilas, lashââ ! Au moins, ils ont donné ton nom à l’aïroport.
- Je comprends niente à questi viaggi en avione, porca madonna ! Perché aller diretto a destinazione, senza fare il viaggio pourr y arriver, hein ? Quel sens ça a ?
- Beaucoup di choses ont changé depuis notre ipoque, khouya Marco. Li chemins, trop foulés, ils sont divinus des sillons profonds. Comme l’eau qui discend la pente, tout li monde il prend li chimin li plus facile.
- Peut-être que ce sont le speranze folles d'un vieil uomo, ma mi piace croire qu’il y a ancora avventura à découvrir, eh ! Dans gli deserti, sulle montagne escarpées, nelle dernières forêts antiques... Il existe ancora des luoghi sauvages, capito?
- Hamdullah ! J’ispère que ti as raison, khouya Marco, j’ispère que ti as raison... "
Les deux hommes retombent dans un silence profond. Après quelques minutes, Ibn Battuta regarde autour de lui et trace en l'air l'arche du Rialto avec un doigt.
" Plus je riste dans citte ville, plus ses formes me rappilent mon chiz-moi, wallah.
- Partout où j'ai voyagé, de Tabriz à Xanadu, je pouvais pas m’empêcher de voir Venezzia au milieu de rues inconnues, eh !
- Vrai, ya habibi... On porte nos maisons avic nous, partout où on va. Mais apris un temps, li souvenir de cit endroit précieux, il devient plus important que la rialité. Ji erré des années i des années, toujours rivant de Tanger, mais trop peur d’y retourner. Et si c’itait pas comme dans mi souvenirs, et si tous mi souvenirs n'itaient que di mensonges ?
- Et più on s'absente, più on est sûr que tutto a cambiatto pendant la sua absence, vero ?"
Abu Ibn Battuta se met à gesticuler :
" Ci comme ça que tu t’en souviens, ya khouya Marco ?
- Oui et non" répond ce dernier en penchant la tête, "... oui et non, capito ? Les os, ils sont encore là, je crois. Mais beaucoup de la carne, elle a cambiatto. Il reste un peu de l’anciano spirito. Derrière les bibelots des marchands, sous les ponts bondés, la vecchia dama soupire ancora, eh !
- Aussi belle soit-elle, je comprends pourquoi que ti es parti. Ci l’eau... toujours en mouvement... y en a une agitation dans ci canaux. L’horizon embrumé, il nous appile. Pareil dans le désert, wallah.
- Tu savais où tu allais, quand tu es parti, il y a toutes ces années, amico?
- Ci ce que ji croyais, khouya Marco. C’itait censé itre juste un simple pilirinage. Mais bien avant mon primier voyage, j’itais dijà amoureux du mouvement : li balancement du chameau, l’agitation di caravanes... J’i toujours prifiré partir plutôt qu’arriver. Une fois arrivé à ma primière destination, j’i compris que ji pourrais plis jamais m’arriter. Chaque nouvile porte en ouvrait mille autres.
- Et avant que tu t’en rendes compte, les années ont passé. Des décennies !
- Le temps, ci un voyage à lui tout seul, wallah. Mime apris toutes cis années, y en avait encore tout plein de villes que ji jamais réussi à atteindre."
Le visage de Marco s'illumine d'un sourire.
" Il mondo, il devient più ricco quand tu réalises que tu peux pas tout voir, capito ? Tutte les strade mènent à tutte le destinazioni, mais aucun voyageur ne peut les prendre toutes. C’est à nous de choisir quale strada seguire, è un fatto ! "