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30 juin 2020

413. Le meilleur des mondes

Cette histoire ne vous est pas gracieusement offerte grâce au soutien financier de la distillerie "CARDHU"

La présidente, porte-parole de la République, m'invita à m'asseoir dans le fauteuil qui lui faisait face de l'autre côté de la table basse. Elle venait d'y déposer deux verres emplis de trois doigts de scotch mouillés d'un gros glaçon, un de chaque côté de l'énorme narguilé offert par la communauté kurde qui trônait au centre de la surface en acajou.
"Ce pays a vu les plus faibles taux de crimes violents et d'accidents de la route dus à la vitesse depuis la débâcle et l'exode de Juin 40. Et vous me dîtes que tout ça, c'est grâce aux autobus ?"

Elle ôta ses lunettes, se frotta les yeux, et soupira.
Je levai un doigt dans l'air chargé de relents d'encaustique de son bureau. "Non, madame," la corrigeai-je. "Pas que les autobus. Les taxis, les véhicules privés, les transports routiers, maritimes et aériens aussi, et même les véhicules de police et de gendarmerie. Tout ça grâce aux biocarburants."

Elle se leva et alla elle-même ouvrir en grand les deux battants quand je lui demandai s'il était possible d'ouvrir la porte-fenêtre donnant sur les jardins du palais présidentiel, puis elle vint se rasseoir en face de moi. "Et ça représente combien de véhicules en tout ?"
- Oh, entre quatre et cinq  dizaines de millions, madame la présidente."
Elle hocha langoureusement la tête d'un mouvement appréciatif. "D'accord, soit. Expliquez-moi tout ça, s'il vous plait. La conférence de presse est dans une heure et je dois donner du grain à moudre à messieurs les journaleux."
Je souris. "Vous pouvez leur dire que les mesures plébiscitées par le peuple ont drastiquement réduit les taux de criminalité, c'est la pure et simple vérité, madame la présidente."
Je sortis ma tablette de ma sacoche et j'ouvris un graphique. Je tournai l'écran dans sa direction, il affichait deux courbes croisées. "Cette courbe qui descend représente la chute de la criminalité violente," lui expliquai-je en la suivant du doigt. "Cette courbe en augmentation représente le taux de biocarburants dans nos modes de transport après le passage de la loi. Notez, je vous prie, comment ces deux courbes sont le parfait reflet l'une de l'autre."

La présidente oscilla sur son siège, puis bailla en s'étirant les bras. C'était presque l'heure de son massage plantaire. "D'accord, et quelle est la connexion ?" me demanda-t'elle.
J'élargis un peu plus le sourire que je lui faisais depuis le début. "La formule du biocarburant, Madame la présidente." 
Elle ne put s'empêcher de me sourire en retour. Elle avait l'air de me trouver sympathique et je me dois d'avouer que ça me déplaisait pas. "Et de quoi donc est donc constitué ce biocarburant, monsieur le rapporteur ?"
- Oh, une formule toute simple, Madame la Présidente", lui fis-je, avec ce que je pense avoir été comme une étincelle dans le fond des yeux. "De l'huile de chanvre, madame, rien que du cannabinol."

La présidente explosa de rire en frappant ses cuisses parfaitement galbées du plat des mains.
L'odeur pénétrante de l'air parisien parfumé par la combustion et les émissions  de notre biocarburant avait à présent envahi tout le bureau présidentiel.
"Et, et..., et ce n'est pas tout, madame la Prisedente, regardez comme la côte de pipolarité de toutes les amidnistrations est remontée en flèche tandis que celle des partis racistes et commutonaristes est tombée tout en bas de l'écran depuis que nous avons permis au peuple de virer tous les néo-sionistes, les fachos et les  ultralibéraux de la vie politique et des plateaux télé !"
La présidente se redressa, un sourcil relevé. "Pas d'amalgamisme, monsieur le pappoteur, nous parlons bien des seules racailles néo-sionisto-ultralibérales, n'est-ce pas ? N'oubliez-pas que je suis juive moi-même !"
"Tout à fait, personne n'ignore plus que vous êtes de la tribu de Zébulon, et vous êtes trop..., non, vous êtes si bonne, madame la Prisedente ! Nous ne parlons évidemment bien que de ces seuls dangereux et sales teigneux qui tenaient le haut du pavé. Voulez-vous en consulter la liste ?", proposai-je en lui agitant sous le nez une liasse de feuillets, quelques mille cinq-cents noms dactylographiés par ordre prophylactique.
La présidente rejeta mon offre d'un revers de main presque à la limite du désinvolte. " Ce ne sera pas nécessaire, cher vaporeur, laissez donc ces faces de rats avec ceux de cette counasse de Marlène La Pine dans les égouts, lieu dont on aurait jamais dû les laisser sortir. Une dernière chose, où en sont à ce jour les relations entre nos forces de l'ordre et notre bon peuple ?"
- Oh, elles ne sauraient être meilleures, m'dame la prisedente, nos forces de l'ordre surveillent de près les bouches d'égout, veillant à ce qu'aucune race de fât ou néonazillon n'en ressorte, pendant que notre bon peuple leur apporte qui des galettes de blé noir, qui des loukoums ou de l'attiéké selon leurs origines ethniques, accompagnés de coups de cidre, de thés à la menthe ou de vins de palme ! J'en passe, et de plus exotiques de tous les dix coins de l'hexagone. Et des outremers, m'dame...
- Mazel Tov, quel bonheur, enfin une nation unifiée ! Mais..., mais de quoi se nourrissent donc tout ce joli monde dans les égouts ? On ne peut décemment pas les laisser mourir de faim ?
- Oh, je serais vous, je m'en inquiéterais pas, m'dame prisedente. Ces gens là ont toujours su s'engraisser sur leurs semblables auparavant. Ce ne sont pas les rats et autres muridés qui manqueront à ces espèces de cannibales dans les bas-fonds de la capitale.
- Voilà qui est tout à fait fabuleux, dîtes donc, ils vont donc ainsi nous débarrasser à la fois des porteurs de vestes brunes comme de ceux de peste noire ! Mais dites moi encore, sur quoi doit porter le référendum de la semaine prochaine ?
- Oui ou non à la dissolution de 85% de nos forces de CRS et leur transfert à l'agriculture et aux eaux et forêts, m'dame. 
- Et que disent les sondages ? 
- Quatre-vingt dix-huit pour cent en faveur, m'dame prisedente.
- Aaaah, je viens, ne vous arrêtez surtout pas, vilain tripoteur, et avant de continuer dans vos envolées lyriques, soyez un chou, virez moi  de la table ce vieux Cardhu qui pue la merde fumée et qui coûte une blinde aux contribuables et faites nous donc péter une anisette."

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