Bienvenue, curieux voyageur

Avant que vous ne commenciez à rentrer dans les arcanes de mes neurones et sauf si vous êtes blindés de verre sécurit, je pense qu'il serait souhaitable de faire un petit détour préalable par le traité établissant la constitution de ce Blog. Pour ce faire, veuillez cliquer là, oui là!

5 juin 2020

407. Défaut de fabrication



Cette histoire vous est gracieusement offerte sans le soutien financier du groupe "Alibaba Express"

Je me trouvais dans une de leurs ruches quand ça se passa. Ils sont tellement précaires, si vous saviez ! Des logements tous construits en surface, comme s'ils avaient la flegme de creuser. Faits de composite minéral avec des morceaux transparents qui laissent la lumière y pénétrer de plusieurs côtés quand y fait jour. Et pas le moindre terrier en vue. 
Y avait pas un chat dans les rues et les avenues, comme si qu'y z'avaient peur de quelque chose, comme si dehors y avait un truc qui craignait. Pas comme l'année dernière où que c'était noir de monde.

Je me trouvais dans une de ces habitations dans l'est du centre ville, collectant des données à l'avant dernier étage. Un tout petit assemblage de cubicules entièrement construit de cloisons grisâtres. 
Ils vivent en petites bandes de six à douze là-dedans, enfin, la variété dominante je veux dire, celle à la peau sombre. Y en a à revendre dans le coin. 
La variété pâle vit plus recluse, dans le centre, dans de la vraie pierre et des pièces plus grandes et plus nombreuses, par groupes de deux ou trois le plus souvent.

Où que j'en étais déjà ?
Ah ouais, j'étais donc à l'avant-dernier étage d'un de ces trucs, chez une famille café au lait, six sur un canapé trois places et deux petiots assis par terre.
Y regardaient une boîte à images, un blondinet sur fond bleu blanc rouge, qui leurs disaient de pas se voiler la face parce que ça servait à rien contre cette saloperie qui s'était inser-minée partout. "Nique ta mère, enculé de ta race !", beugla le plus vieux de la smala en passant un bras protecteur autour des épaules de la plus vieille couverte de tissu de la tête aux pieds.
Ouais, bon, c'était pas de la tragédie grecque - moi, j'adore la tragédie grecque, j'en ai scanné plein déjà -  alors je me téléportai au dernier, juste au dessus. Je me glissai derrière un rideau et me mis en mode sommeil en attendant qu'ils aillent se coucher.

J'étais entrain de scanner pour des données dans leur salon quand je sentis qu'on m'observait. Ça arrive de temps en temps, évidemment. Même avec l'écran d'invisibilité, on peut pas tout le temps être complètement silencieux, ils peuvent alors entendre grincer une latte de plancher ou couiner l'ouverture d'un tiroir. 
Des fois, ça fait peur à leurs juvéniles et leurs parents doivent les réconforter en modulant des sons dans leurs oreilles. Je pense qu'ils leurs disent aussi qu'ils ont dû faire un mauvais rêve, qu'y z'ont été victimes de leur imagination.
Me parlez même pas de leurs animaux de compagnie. Ces putains de boules de poils qui arrêtent pas de me renifler le cervelet bas du dos...

Ah, où que j'en étais encore ?
Ah ouais, juste là: Je me retournai et je me retrouvai face à une femelle, comment dire,  ah oui, bien adulte et toute épaisse, toute noire et bien mouillée, ou l'inverse, et qui me regardait, la bouche toute bien grande ouverte. 
Elle semblait congelée comme une statue, toute bien nue avec un truc noué autour de la tête qui masquait l'espace végétal qu'ils entretiennent au sommet de leurs crânes, le blanc de ses yeux lui sortait presque de la tête. J'avais dû la réveiller. 

Ça me prit un moment avant de réaliser que mon écran d'invisibilité s'était éteint tout seul. 
Bon, j'arrivai bon gré mal gré à conserver un calme olympien - un truc de la tragédie grecque -, puis je lui souris de toutes mes dents, je lui sortis aussi ma corolle la plus écarlate qui soit, en lui agitant ma bilangue en face des prunelles en signe de paix, mais rien n'y fit, ça ne fit que l' épouvanter d'avantage, elle se mit à pointer une main et un doigt gigotant de trouille en direction de ma couronne et ouvrit en grand sa bouche comme si qu'elle allait chanter quelque chose ou faire plein de bruit. 
"Le coco, le vivid, le cocovid..." se mit-elle à gueuler juste avant que j'appuie fissa sur le bouton 'secours' à usage unique de mon écran d'invisibilité.

Bon, je sais pas trop qu'est-ce qu'elle avait essayé de baragouiner, la terrienne,  et je m'éternisai pas pour lui demander. Bzittt, je me téléportai par la fenêtre dans ma soucoupe avant qu'elle aie le temps de rameuter toute la galaxie.
Tout ça montre bien que non seulement j'avais des ressources, - eh ouais, c'est pas tout le monde qu'a sa soucoupe privée - mais qu'en en plus j'en étais pas démuni. Ce qui est bien pratique pour quand qu'on est comme moi exploronaute en terres lointaines. 


"Ceux qui rêvent - ou qui apprennent, je suis plus trop sûr - doivent souffrir.", écrivit le vieil Æschyle, un de leurs fabricants de tragédie grecque que j'avais scanné quelques semaines avant. 
Ben si c'est vrai, j'espère juste pour elle qu'elle apprendra à se souvenir de cette nuit là comme d'une réelle et fugace rencontre et pas comme d'un mauvais rêve qui lui torturera la tête jusqu'à la fin de ses jours.

Bref, quant à moi, ben je retournai dès le lendemain le schmilblick sur le site marchand pour le faire réparer. J'avais eu du bol, il me restait plus que trois jours avant l'expiration de la garantie de soixante-dix jours d'Alibaba Express, cachet de la Poste Intergalactique faisant foi.

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