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16 févr. 2025

1014. Le Cimetière des Âmes Perdues


LE CIMETIÈRE DES ÂMES PERDUES

Il était une fois un homme, ombre parmi les ombres, connu des veuves éplorées comme de leurs défunts maris sous le nom de Gardien du Cimetière. Son existence se confondait avec les pierres froides qu'il frottait sans relâche, les tombes qu'il repeignait avec une dévotion macabre, les fleurs qu'il semait comme des offrandes aux morts. Chaque jour, il s'asseyait parmi les stèles, murmurant des mots que seules les pierres semblaient entendre. Et chaque jour, une pierre différente devenait sa compagne de casse-croûte, comme si que les morts partageaient son pain.

Les vivants le trouvaient effrayant, cet homme vêtu de sombre, toujours dans son épaisse combinaison de travail, même sous le soleil brûlant de l'été. Il semblait perpétuellement prêt à assister à un enterrement, comme si la mort elle-même l'avait choisi comme témoin silencieux. Il observait de loin ceux qui osaient franchir les grilles du cimetière, se cachant derrière les arbres, une cigarette tremblante entre ses doigts. Sa toux rauque, semblable à un râle d'agonie, résonnait dans l'air, signalant sa présence invisible. Tous savaient qu'il était là, tapi dans l'ombre, veillant.

Il accomplissait son travail avec une précision funèbre, nettoyant, réparant, protégeant. Pourtant, personne ne le remerciait, personne ne le reconnaissait. Sa famille était un mystère, son passé une énigme. La nuit, il errait parmi les tombes, un spectre vigilant, prêt à chasser les jeunes vandales qui osaient profaner le repos des morts. Mais il devait rester prudent, car ces intrus étaient bruyants, nombreux, et peut-être armés. Il se contentait de réparer les dégâts au petit matin, jusqu'au jour où tout bascula.

Des jeunes vinrent, brisant les pierres tombales, creusant la terre pour exhumer les cercueils et les corps qu'ils contenaient. Le lendemain, on le retrouva mort, allongé parmi les débris des stèles qu'il avait si chèrement entretenues. Sa tête reposait dans son seau d'eau, l'eau même qu'il utilisait pour nettoyer les tombes. Quelqu'un l'avait noyé, avec une intention précise, une vengeance froide et calculée. Des rumeurs circulèrent, accusant le Gardien d'avoir blessé des enfants, mais c'étaient des mensonges. Je suis l'inspecteur Hector Chaulmes, et cette affaire est devenue mon fardeau.

Deux choses étaient claires : c'était un meurtre, et je savais qui l'avait commis. L'homme que je soupçonnais venait de sortir de prison après cinq ans pour un meurtre passé. Son casier judiciaire était vierge avant cela, mais il avait changé. Le gardien portait des marques d'étranglement, des coupures sur les côtes, une blessure profonde à la gorge. Son assassin avait voulu s'assurer qu'il ne survivrait pas. L'ADN récolté sur la scène du crime correspondait à celui de l'homme que je soupçonnais. Des traces de crasse sous ses ongles, des griffures laissées dans un combat désespéré, tout pointait vers lui.

Cet homme, en liberté conditionnelle, vivait chez sa mère, entouré d'un groupe d'amis aussi violents que lui. Le taux de criminalité avait explosé depuis leur retour. Mon partenaire, Yann Voltson, et moi avions espéré arrêter le coupable avant Noël, mais la tâche s'annonçait longue et ardue. Nous ne passerions pas les fêtes en famille, mais c'était le prix à payer pour protéger cette ville en décomposition.

Le cimetière, autrefois entretenu avec soin, était désormais envahi par la végétation. Les pierres tombales, sales et brisées, disparaissaient sous les vignes. Nous avons interrogé le suspect, mais il a refusé d'avouer, même face à l'évidence. Il prétendait que le gardien avait tenté de lui rouler une pelle, qu'il avait posé ses mains sur ses fesses, mais qu'il était vivant quand il l'avait quitté. Un mensonge flagrant, car le gardien ne s'approchait jamais de quiconque et l'homosexualité ne faisait pas partie de sa religion.

Nous avons trouvé des empreintes de pas, des chaussures correspondant à celles du suspect, mais il restait impassible, même sous la pression de l'interrogatoire. Nous lui avons montré les photos de la scène du crime, mais il a détourné les yeux, son visage de pierre ne trahissant aucune émotion. Finalement, nous avons obtenu un mandat, fouillé ses affaires, et trouvé l'arme du crime, planquée à l'intérieur d'un coussin abandonné sur le toit de l'armoire de sa chambre. Il ne montra aucun remords, aucun regret. Son regard était vide, comme celui d'un homme déjà mort.

Il a été emprisonné, attendant son procès pour meurtre. Mais le cimetière, lui, reste abandonné, un lieu hanté par les souvenirs du gardien et les ombres de ceux qui l'ont trahi. La ville continue de pourrir, et je me demande parfois si nous ne sommes pas tous déjà morts, prisonniers d'un monde qui a perdu son âme.

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