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5 mai 2023

760. Le robot qui (se) plantait carrément


LE ROBOT QUI (SE) PLANTAIT CARRÉMENT

Loïc Quéméner leva les yeux vers le ciel alors qu'un aéroglisseur survolait sa maison. Se basant sur les teintes arc en ciel qui en recouvraient la carlingue, Quéméner supposa que le véhicule était un de ces véhicules de plaisance plaisirs, probablement rempli d'un petit groupe d'hommes et de trans se livrant à une débauche grossière tandis que le véhicule autonome qui leur servait de baisod d'orgiodrome se propulsait dans le ciel. L'engin fut soudain pris de secousses  et se trémoussa de manière arythmique tandis qu'il volait en direction de la ville woke et balnéaire de La Baule-les-Pins La Gaule-les-Pines, où encore plus d'activités sodomites et insalubres de ce genre les attendaient au casino. 

Quéméner secoua la tête d'exaspération et tourna à nouveau son attention vers le sol. 

Devant sa maison se trouvait une petite parcelle de terre brunâtre. Il avait passé toute la journée de la veille à enlever des mauvaises herbes noueuses qui s'étaient accumulées pendant des décennies de négligence et de pêche au chalut sur les bancs de Small ou de Porcupine. Une seule de ces salopes restait à arracher. 

Quéméner se mit à genoux et, enroulant ses doigts autour de la base des tiges, il se mit à tirer dessus. La mauvaise herbe n'offrit que peu de résistance - immédiatement, un claquement' retentissant fit écho dans la cour lorsque la tige se brisa. 

Quéméner jeta l'herbe de côté et fixa tristement l'endroit où qu'elle avait poussé. Les racines étaient encore piégées dans le sol. S'il la laissait pénarde, la plante envahissante repousserait et répandrait probablement son engeance dans la cour désormais propre. 

À l'aide de ses doigts et d'un caillou acéré en mode pointe de silex qu'il trouva à proximité, Quéméner commença à creuser la terre autour de la racine pour créer un effet de levier pour ce qu'il prévoyait être une traction atroce. Il était sur le point de commencer cette partie du boulot lorsqu'il sentit une ombre l'envelopper. 

Flottant à quelques centimètres de la tête à Loïc se trouvait un robot dont l'apparence ressemblait à celle d'une araignée difforme. Son corps était blanc et hémisphérique, avec six appendices noirs et articulés qui sortaient de son ventre obscur. 

Une voix douce et monotone s'éleva dans le haut-parleur de la machine. "Bonjour, Monsieur Quéméner," dit-elle. "Comment allez-vous par cette belle matinée ensoleillée ?"

Quéméner réprima un gémissement. Il détestait le fait que cette machine connaisse déjà son nom, mais tous les robots du Pouliguen, même les plus simples modèles de maintenance publique, étaient équipés d'une technologie de reconnaissance faciale. Je suppose que je dois juste m'y habituer, se dit-il. 

Quéméner reporta son attention sur le sol. " Je vais très bien aujourd'hui, euh..." 

Sa voix traîna. Il voulait s'adresser à la machine en disant 'Monsieur', mais se sentait mal à l'aise de lui parler comme il le ferait avec un humain. 

Le robot sembla saisir son incertitude. " Vous pouvez m'appeler K-8145.
- Merci. Je vais très bien aujourd'hui, K-8145." 

Quéméner grimaça en commençant à tirer sur la racine enterrée. 

La voix du robot frappa à nouveau les oreilles de Loïc. " Mr. Quéméner, qu'êtes-vous donc entrain de faire ? "
La voix de Quéméner était tendue tandis qu'il continuait à tirer. " J'arrache des mauvaises herbes, ça se voit pas ?
- Mais pourquoi faites-vous cela, Mr. Quéméner ? Vous semblez mal à l'aise."

Quéméner dut grimacer pour ne pas rouler des billes. " Cette fichue merde est moche. Elle fait tache sur mon terrain. Je veux planter un jardin ici. Je veux planter des roses, des lys et des trucs dans ces eaux-là. Cette mauvaise herbe volera leurs nutriments et boira toute leur flotte. Je dois m'en débarrasser le plus vite possible."

Le robot tendit l'un de ses pattes grêles vers le bas. " Là. Laissez-moi vous aider." 

Quéméner écarta le bras de la machine. " C'est pas nécessaire, j'ai pas besoin d'aide." 

Une rafale d'air s'engouffra entre ses dents serrées alors que Quéméner tirait une fois de plus. Enfin, la terre lâcha prise et le faisceau de racines enchevêtrées se libéra. 

Quéméner soupira de soulagement. " Vous voyez. Je l'ai eue !
- Impressionnant."

Quéméner ignora le commentaire de K-8145 et rentra chez lui. Quand il réapparut, il portait une rose pré-potée dans les bras. Il l'amena dans le coin avant gauche de son jardin, posa le pot à côté de lui et commença à creuser le sol avec une bèche. 

K-8145 plana vers lui. " Mr. Quéméner, si vous vouliez un jardin, vous n'aviez qu'à en faire la demande au Bureau de l'Entretien et de la Satisfaction Pubique Publique. Comme ça, une équipe de robots tel que moi aurait pu planter ce jardin pour vous. En fait, je peux déposer la demande en votre nom. Cela devrait prendre deux à trois jours pour qu'elle soit remplie."

Des perles de sueur commencèrent à couler du front de Quéméner. " Ça ira," dit-il. " J'ai pas besoin d'aide."

K-8145 insista. "Je peux détecter une augmentation du niveau de peptides opioïdes dans votre tissu neural, Mr. Quéméner. Faire le travail soi-même peut évidemment s'avérer douloureux. Je vous conseillerais d'utiliser les services fournis par le Bureau de l'Entretien et de la Satisfaction Publique.
- J'ai de l'arthrite. C'est rien, je suis habitué.
- Il est de mon devoir de veiller à ce que tous les citoyens de la ville du Pouliguen soient satisfaits et heureux. Ma programmation me dit que la douleur est l'antithèse du bonheur. Si vous voulez un jardin planté sur votre propriété, nous pouvons nous assurer que cela se fasse sans aucune souffrance pour vous, Mr. Quéméner."

Loïc secoua la tête. " C'est pas un problème. J'ai travaillé sur des bateaux de pêche toute ma vie. Avant que tout ça ne devienne automatisé, je travaillais constamment avec mes mains. C'est une seconde nature chez moi. En fait, j'aime bien ça. C'est mieux que d'être sous ce maudit casque de Réalité Virtuelle." 

K-8145 commença à trahir un soupçon d'inquiétude. " N'êtes-vous pas satisfait de la programmation disponible ? Peut-être n'avez-vous tout simplement rien trouvé qui corresponde à vos goûts. Il y a tellement de chaînes dans le cloud de Réalité Virtuelle qu'il peut être difficile de trouver quelque chose de spécifique qui vous convienne. Cependant, si vous disposez de quelques minutes pour remplir un court questionnaire, je peux vous aider à trouver quelque chose que vous aurez de fortes chances d'apprécier."

Quéméner reposa sa bèche et enfonça ses doigts dans la terre de la rose en pot à côté de lui. Quand il sentit les vrilles vaporeuses des racines de la plante effleurer sa peau, Quéméner, avec des mouvements lents et doux de ses dix doigts, commença à la sortir de sa prison d'argile. 

" Ça ira," dit-il. " je pense pas que je pourrais supporter plus de programmation de Réalité virtuelle, pour être honnête. Cette merde me déprime plus qu'autre chose.
- La dépression est causée par de faibles niveaux de sérotonine", expliqua K-8145. "Si vous ressentez à nouveau les symptômes de la dépression, vous pouvez demander une injection immédiate de sérotonine synthétisée comme traitement. L'effet sur votre humeur se produira instantanément. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des utilisateurs se déclarent satisfaits de ce service." 

La rose, avec le monticule de terre et de racines qui l'accompagnait, était maintenant libérée du pot dans lequel elle se trouvait auparavant. Lentement, il l'abaissa dans le trou qu'il avait creusé. Puis, quand il se fut calmé, il pelleta le sol et reboucha tous les espaces ouverts restants. 

" Je pense pas que j'aurai besoin de ça," dit-il finalement. 
Les paroles suivantes qu'il prononça étaient dépourvues de toute sincérité. " Merci quand même."

Quand il en eu terminé, Quéméner jeta la bèche et se leva pour admirer son travail. Les pétales de la rose brillaient comme des rubis tandis qu'ils scintillaient dans la lumière blanche du soleil de sa bonne ville du Pouliguen. 

Et ce n'est que le début du commencement, pensa Quéméner, triomphalement !

" Vos niveaux de sérotonine ont considérablement augmenté", déclara K-8145. " Pendant toute notre conversation, vos niveaux sont restés stables à cinquante-deux nanogrammes par millilitre. Bien que dans les limites normales, cela reste inhabituellement bas. Cependant, ils ont soudainement bondi à cent cinquante-trois nanogrammes par millilitre."

Quéméner laissa échapper un petit rire dédaigneux. " C'est ce qui arrive généralement quand un homme voit quelque chose de beau."

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Le lendemain, lorsque Loïc Quéméner ouvrit la porte d'entrée de sa maison, il recula de surprise. Sa cour auparavant stérile était désormais ornée d'un affichage criard de pierre, d'herbe et de fleurs. De sa porte d'entrée à la rue se trouvait un chemin de pierre formé de roches de rivière à motifs tourbillonnants qui, en raison du motif irrégulier dans lequel elles étaient posées, apparaissaient comme de l'eau qui coule. De chaque côté, le sol était orné d'une nappe d'herbe qui scintillait comme des émeraudes. Le pourtour de la cour était bordé d'un large éventail de fleurs, y compris des roses, des lys et un ensemble de soucis que Quéméner, d'après leur teinte atténuée, pouvait dire qu'ils étaient génétiquement modifiés pour fleurir toute l'année. 
Quéméner jeta rapidement un coup d'œil au coin sur le devant gauche du jardin nouvellement créé. Une grande abondance de roses pourpres y poussait du sol. Le cœur de Quéméner se serra – la fleur qu'il y avait plantée la veille était méconnaissable au milieu de ses cousines et congénères.

Flottant au-dessus de l'ensemble du tableau se trouvait la silhouette familière de K-8145. Elle plana avec enthousiasme en direction de Quéméner une fois que les yeux de ce dernier furent entrés en contact avec sa silhouette d'arachnoïde. " Bonjour, Mr. Quéméner," dit le robot. " L'augmentation soudaine de vos niveaux de sérotonine hier était si remarquable que j'ai décidé de faire une demande accélérée pour votre jardin. Moi et quelques autres robots subalternes sommes venu le planter durant la nuit. Comme ça, vous avez pu éviter la douleur et le travail de créer ce jardin tout en éprouvant la joie que sa beauté apporte. Qu'en pensez-vous ?"

Quéméner hocha la tête d'un air absent. " C'est génial… " dit-il avec hésitation. " Merci… 
- Comme c'est étrange," dit K-8145. " Vos niveaux de sérotonine sont au repos à cinquante-sept nanogrammes par millilitre. C'est un niveau normal, mais je suis surpris qu'ils n'augmentent pas plus après avoir vu la beauté de votre nouveau jardin. Y a-t-il quelque chose qui ne va pas, Mr. Quéméner ? Ai-je planté des fleurs qui ne vous plaisent pas ? Dites simplement un mot et je peux corriger ça immédiatement."

Quéméner soupira. Le jardin que K-8145 avait fait était magnifique. C'était probablement la plus belle chose qui ornait désormais les rues du bord de mer du Pouliguen jusqu'à La Gaule-les-Pines. Loïc Quéméner se maudissait seulement de ne pas l'avoir planté de ses propres mains.

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