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14 mai 2023

765. Le récit de l'agression russe "non provoquée" s'effondre


Le récit de l'agression russe "non provoquée" s'effondre
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Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, rencontre des troupes de l’OTAN sur une base aérienne à Tallinn, le mardi 1er  mars 2022. [AP Photo/Leon Neal]
Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, la Maison-Blanche et l’ensemble des médias américains clament que le conflit est une «guerre non provoquée», déclenché le 24  février 2022 par un seul homme, Vladimir Poutine.

L’expression «non provoquée» est devenue omniprésente dans la description de la guerre par les médias américains. Le Washington Post, le New York Times et les journaux télévisés l’ont utilisée des centaines de fois, ainsi que tous les médias de masse - et de merde - français.

Dans une tribune publiée mercredi, Thomas Friedman, transcripteur en chef des notes de renseignement de la CIA pour le Times, écrit: «Depuis le début de cette guerre, il n’y a qu’un seul endroit où l’on puisse être pour comprendre son calendrier et sa direction – et c’est dans la tête de Vladimir Poutine… Cette guerre est sortie entièrement de là».

Le mantra de la «guerre non provoquée» est devenu pour l’Ukraine ce que les «armes de destruction massive» ont été pour la guerre d’Irak, ou «Souvenez-vous du Maine» pour la guerre hispano-américaine.

L’idée qui sous-tend cette répétition sans fin est la théorie que «plus le mensonge est gros, plus il est facilement cru». Le public est censé accepter qu’il s’agit de la première guerre de l’histoire sans antécédents historiques ni motifs économiques, la première guerre entièrement basée sur la psychologie d’un seul homme.

Mais mardi, le Washington Post a publié une interview du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui a déclaré que la guerre en Ukraine «n'a pas commencé en 2022. La guerre a commencé en 2014».


Stoltenberg a poursuivi: «Et depuis, l’OTAN a mis en œuvre le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide… Jusqu’en 2014, les alliés de l’OTAN réduisaient leurs budgets de défense. Depuis 2014, tous les alliés européens et le Canada ont considérablement augmenté leurs dépenses de défense… C’est là une énorme transformation de l’OTAN qui a commencé en 2014».

Ainsi, selon Stoltenberg, la guerre n'a pas commencé en février 2022, avec l'invasion russe de l'Ukraine, mais en 2014, huit ans plus tôt.

Cet aveu confirme deux choses que le World Socialist Web Site n’a cessé de souligner depuis le début de la guerre. Premièrement, le conflit a un arrière-plan historique. Deuxièmement, l’invasion de 2022 était une réponse désespérée aux efforts croissants de l’OTAN pour placer l’Ukraine dans son orbite.

Stoltenberg déclare que la guerre a commencé en 2014, mais il n’explique pas ce qui s’est réellement passé. L’année a commencé avec l’opération de changement de régime soutenue par les États-Unis en Ukraine et qui a renversé le gouvernement du président Victor Ianoukovitch. Celui-ci s’était opposé aux mesures visant à intégrer l’Ukraine à une association politique et un pacte commercial avec l’UE, qui préparait son intégration dans l’OTAN.

Le coup d’État a été financé par «plus de 5  milliards de dollars» de fonds américains, comme s’en est vantée la vice-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland.

Le renversement du gouvernement Ianoukovitch a été mené par des organisations fascistes et férocement anti-russes, dont le Secteur droit et le parti Svoboda. Dans les années qui ont suivi, le gouvernement de Petro Porochenko, installé après le coup d’État, s’en est pris par la violence et la répression à la population russophone de l’est de l’Ukraine, entraînant la mort de plus de 14.000  personnes entre 2014 et 2022.

L’opération de changement de régime soutenue par les États-Unis et l’OTAN, comme l’a noté le WSWS en 2014, avait «l’intention de provoquer une confrontation avec la Russie».

Le coup d’État a provoqué une réaction du Kremlin, qui a compris qu’il allait céder à l’OTAN le contrôle de la péninsule de Crimée, où se trouve la flotte russe de la mer Noire. Les États-Unis pouvaient ainsi stationner leur propre flotte dans le port de Sébastopol, ce qui leur permettrait de dominer militairement la mer Noire.

En réponse, la Russie a annexé la Crimée à la suite d’un référendum au cours duquel l’écrasante majorité de la population de l’enclave s’est prononcée en faveur d’une sortie de l’Ukraine.

Tout en affirmant publiquement soutenir un cessez-le-feu dans le cadre des «accords de Minsk», les puissances de l’OTAN ont systématiquement œuvré à acheminer des milliards de dollars d’armement en Ukraine en vue d’une guerre dont l’objectif serait la reconquête de l’est de l’Ukraine et de la péninsule de Crimée.

En 2021, le gouvernement ukrainien a approuvé une stratégie de reconquête militaire de la péninsule de Crimée. Par la suite celle-ci a été codifiée de fait par le partenariat stratégique américano-ukrainien de novembre 2021.

Exigeant, avant le déclenchement de la guerre, des garanties que l’Ukraine ne rejoindrait pas l’OTAN, Poutine avait expliqué que si l’Ukraine devenait membre de l’OTAN, l’ensemble de l’alliance s’engagerait à soutenir l’Ukraine dans une guerre de reconquête de la Crimée. Cela, selon lui, conduirait à une guerre nucléaire entre l’OTAN et la Russie.


L’invasion de l’Ukraine en février 2022 a été la réaction du gouvernement Poutine, qui représente une fraction de l’oligarchie russe, cherchant à défendre ses intérêts tout en espérant pouvoir parvenir à une sorte d’arrangement avec les puissances impérialistes.

Les États-Unis et l’OTAN sont toutefois déterminés à réaliser par la guerre les objectifs qui avaient motivé le coup d’État de 2014. Plus loin dans l’interview du Post, Stoltenberg a déclaré : «tous les alliés de l’OTAN sont d’accord pour que l’Ukraine devienne membre de l’alliance», contredisant ainsi l’affirmation omniprésente des médias et de l’establishment politique américains que les inquiétudes du gouvernement russe concernant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN étaient tout simplement des inventions.

La déclaration de Stoltenberg est en fait une promesse de plonger l'OTAN dans un conflit direct avec la Russie.

Le mensonge de la «guerre non provoquée» a été accepté et promu non seulement par l’establishment politique et les médias contrôlés par l’État aux États-Unis mais encore, de façon honteuse, par la grande majorité des universitaires. En dehors des réunions organisées par l’IYSSE (International Youth and Students for Social Equality – Internationale des jeunes et étudiants pour l’égalité sociale) il n’y a eu aucune tentative sérieuse sur les campus pour expliquer le contexte sous-jacent et les causes de la guerre.

La position férocement pro-guerre et pro-impérialiste adoptée par des organisations prétendument «socialistes» – qui représentent en fait des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure – qui ont complètement assumé le récit de la propagande, est d’une importance particulière.

La publication pabliste et pro-CIA International Viewpoint a par exemple publié le 1er  mai une déclaration du «Mouvement socialiste russe» dénonçant «la demi-solidarité et le faux pacifisme» qui «rend moralement problématique toute forme d’alignement sur les préparatifs militaires de son propre gouvernement».

En d’autres termes, c’est à «la gauche» de soutenir les actions militaires des États-Unis et des puissances de l’OTAN car ne pas le faire reviendrait à servir «d’instrument à l’agresseur» – la Russie. La déclaration se termine par un appel à «l’augmentation des transferts d’armes vers l’Ukraine, ce qui lui permettra de récupérer ses territoires annexés». Sur tous ces points, International Viewpoint ne fait que reprendre les déclarations de Stoltenberg-même.

Toutes les forces sociales qui ont défendu le récit de la propagande de Washington sont démasquées par la guerre. Loin de constituer des actions «défensives» visant à sauver les vies ukrainiennes des attaques russes, les États-Unis sont déterminés à se battre jusqu’au dernier Ukrainien pour atteindre leurs objectifs de reconquête de la péninsule de Crimée et imposer une défaite stratégique à la Russie.

Plus la guerre se poursuit et s’étend, plus son caractère impérialiste apparaît clairement. Il devient clair que l’impérialisme américain, non content de dissoudre l’Union soviétique, cherche à vaincre militairement, à démanteler et à conquérir la Russie, comme prélude à une guerre pour soumettre militairement la Chine.

(Article de Andre Damon paru d’abord en anglais le 11 mai 2023)

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Jacques Baud est un ancien colonel d’État-major général, ex-membre du renseignement stratégique suisse, spécialiste des pays de l’Est. Il a été formé dans les services de renseignement américain et britannique. Au sein de l’OTAN, il a suivi la crise ukrainienne de 2014, puis a participé à des programmes d’assistance à l’Ukraine. Jacques baud y décrit, sources à l'appui, les travaux de la Rand Corporation (Organe de réflexion/Think tank du Pentagone) datant de 2019 décrivant tous les évènements depuis les débuts de l'opération spéciale en Février 2022. Tout était prévu et les conditions  mises en place par les USA et l'OTAN bien avant le début de l'opération spéciale russe en Ukraine. On nage en plein dans la Doctrine Wolfowitz.