Bienvenue, curieux voyageur

Avant que vous ne commenciez à rentrer dans les arcanes de mes neurones et sauf si vous êtes blindés de verre sécurit, je pense qu'il serait souhaitable de faire un petit détour préalable par le traité établissant la constitution de ce Blog. Pour ce faire, veuillez cliquer là, oui là!

29 juin 2021

512. Comme un oiseau sans ailes.


Ce fait divers vous est pas gracieusement offert grâce au soutien financier 
de la banque BNP Paribas.

Le mois de mai est, parait-il, le mois de l'oiseau qui se moque plus connu sous le sobriquet de merle moqueur. Ben je déclare que le mois de juin pourrait être celui du ara qui rit. Et je vais vous dire pourquoi.
C'était la Sainte Clotilde, alors je vois pas bien le rapport mais j'avais décidé ce jour là que j'avais envie de me bouffer une bonne choucroute. Et tandis que je me préparais à sortir au marché à 30 mètres de chez moi pour acheter ce qui faut pour la préparer, un homme vivant dans l'immeuble bordant ce lieu de vie s'est pris d'une toute autre envie: le temps vécu jusqu'à présent lui avait apparemment suffi pour se rendre compte que cette vie ne méritait pas la patience qu'il exigeait. 

Il était en short et en marcel quand il jaillit de chez lui de très bon matin, et un soleil encore cuivré brillait à travers la fenêtre de ma cuisine mêlé au bruit du quartier. Le même bruit qui atteignit mes oreilles alors que j'allais fermer la porte de mon logis, mi-confus et mi-endormi, presque sans prêter attention au son étrange, sec et froid, qui monta du bas de la rue, suivi d'un lent silence, jusqu'au pavillon de mes oreilles. 

En descendant de mon salon situé au premier, j'avais été comme convaincu que quelque chose  d'inhabituel et de terrible devait m'attendre dehors. 
Quand je fus sur le trottoir, je regardai en direction du marché. Une foule avait commencé à s'agglutiner aux abords du café du coin m'empêchant de voir l'objet de son attention. Les gens se pressaient les uns contre les autres dans un silence déconcertant, leurs visages se relevaient et s'abaissaient mécaniquement, comme simultanément mis en mouvement par un bouton magique. 

Avant même d'avoir eu le temps de me mêler à la petite foule, une ambulance des pompiers a déboulé au coin de la rue, toute sirènes hurlantes. Le bouton magique actionna une retraite commune des badauds vers l'un ou l'autre des trois autres coins. 
Puis je l'ai vu, pas très frais, la peau du visage et des mains toute boursouflée, entre deux ages et petit, avec une expression calme et une posture reposée. Le suicidé était allongé à côté d'une des tables de la terrasse, où il était tombé après avoir rebondi sur l'auvent rouge du café fréquenté par les turcs du coin.
Son visage tuméfié, sa peau couverte de cloques, semblaient soulagés par la fraîcheur de ce matin de printemps, luisant au milieu de la foule sombre et des chaussettes multicolores. L'un des ambulanciers tenait la main rougie, comme cuite de l'intérieur, du malheureux. 
Une dame pressait contre son ventre le visage décomposé d'un jeune homme qui sanglotait sur la seule chaise qui restait occupée sur la terrasse. Un africain ou antillais dit l'avoir vu sauter depuis le sixième étage, d'une manière inexplicable, car qu'est-ce qui pouvait causer tant de mal à un petit blanc qui possédait tout ? 
Un vieux turc ému, pensant peut-être à son propre fils dans la panique, l'a réprimandé puis est parti en trombe et plein de dégoût, alors que d'autres ambulanciers essayaient de faire revivre le décédé. L'attente et l'espérance étaient inutiles. 

J'ai pénétré sur le marché et, sans oser remettre en question mon programme, j'ai acheté mes saucisses de Francfort, un bout de lard et ce qui me fallait de choucroute pour mettre autour. Quand je suis ressorti, le soleil brillait encore plus que tout à l'heure sur la foule qui commençait à se disperser; laissant tomber sa lumière de juin cuivrée avec violence ou peut-être ressentiment, sur une couverture blanche pudiquement déposée sur la vilaine flaque cramoisie échappée du crâne explosé de celui qui avait voulu joué les Icares.

Un peu plus de trois semaines plus tard, je rencontrai David, un proche du suicidé, sur le trottoir, qui se dirigeait vers le marché avec son cabas à roulettes. Vu que j'avais une furieuse envie de bouffer des artichauts, je décidai de l'accompagner. Il me raconta en chemin la lecture du testament de son cousin. D'après ce qu'il m'en dit, les personnes présentes, plus crues que circonspectes, ne s'attendaient pas à de grandes surprises. Il y en a eu, cependant. De la grande fortune que le défunt avait soit-disant amassée dans des obligations d'illusion universelle, les héritiers ne verraient pas l'ombre d'un kopek. 

En fait, selon le notaire du défunt, une telle infortune avait été acquise par une mauvaise manipulation des gènes  gains du suicidé, et avait plus d'existence sur les papiers à en-tête de la BNP Paribas que dans la réalité. La banque ne paierait pas non plus l'assurance-vie du défunt à cause du double suicide, le premier par défenestration, le second par double-vaccination Covid comme l'attestèrent son pass-sanitaire et les brûlures visibles et autopsiées sur tout son corps. 
Ou serait-ce pas plutôt l'inverse ? Un genre de Seppuku ou d'Hara-Kiri en tous cas, où l'assistant - le vaccinateur - avait tenu son rôle dans la première phase du cérémonial plutôt que dans la suivante ...
Cerise Merde sur le gâteau, son test PCR s'étant révélé positif à la morgue, son nom fut même rajouté à la longue liste préfabriquée des morts de la Plandémie. 

Ce fut un coup dur pour les bénéficiaires supposés de l'héritage, qui avaient espéré conserver au moins une partie de la fortune dont on parlait tant en chuchotant dans la famille. 
Mais ce n'est pas tout. Le même notaire n'avait pas tardé à découvrir l'existence, longtemps cachée, d'un énorme passif en lettres de prêts et d'usure, en sentiments d'appartenance et de foyer, ainsi qu'en dépendance physique et spatiale, qui fut partagé à parts égales entre ses héritiers alors même que les plaintes et autres reconnaissances de dettes impayées continuaient à affluer. 

Le pire était réservé pour la fin. Après la décevante distribution des biens, qui s'était avérée des plus coûteuses, est venue la clause de dépossession de cette dernière ressource des endeuillés : les bons souvenirs. 
Au moyen d'une formule immédiate et infaillible, l'actif des souvenirs heureux, déjà compté comme intouchable dans les comptes personnels des héritiers, s'était changé en doutes et en suspicions, en mélanges insolvables d'évocations sordides que personne, ou du moins aucun d'eux, n'avait soupçonnées. C'était la clause de la vérité nue, et son application était irrévocable. En ressortant du marché, et en regardant l'endroit où le défunt avait laissé ses dents, David a lancé d'une voix acerbe et emplie de fiel  : "Fils de pute, espèce(s) de grosse(s) salope(s) !"

Vu que ça sonnait pareil, j'ai pas pigé s'il avait dit ça au singulier ou au pluriel alors j'ai pas osé lui demander si ça s'adressait à son défunt cousin, à son banquier, à son vaccinateur, au notaire de la famille, aux quatre à la fois ou à Mbappé pour son exploit de la veille à Bucarest...

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