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22 nov. 2024

977. Dans la certitude, abstiens-toi !


DANS LA CERTITUDE, ABSTIENS-TOI !

L'air était ni chaud ni froid. Mais il soufflait en bourrasques comme si qu'il éternuait. Une seconde de calme, la seconde suivante un vent puissant envoyait les feuilles d'automnes dans un tourbillon de bruns, de jaunes, d'oranges et de cramoisis. Le vent à cette époque de l'année laissait ceux qui étaient curieux se demander quel type de jour, hiver précoce ou été implacable qui s'éternise, allait apporter ce dernier. Mais froid ou chaud, l'air laissait toujours derrière lui une traînée de muscade et de cannelle. Octobre apporte beaucoup de choses, mais surtout il apporte du changement.

Les journalistes qui se rassemblaient devant les grilles du manoir Kermadec attendaient depuis midi, le crépuscule approchait et la raison pour laquelle ils avaient été convoqués n’était toujours pas connue. Perceval Cosmao de Kermadec, le propriétaire de la grande maison de style géorgien de la rue Bodélio, avait brusquement appelé toute une floppée de reporters, de gratte-papiers et de journalistes à l’extérieur de son manoir majestueux pour être témoins de « la découverte la plus incroyable de toute l’histoire de l'humanité ». Ils étaient donc là, à attendre, à regarder le ciel gris se couvrir de traînées violettes et rouges comme des coups de pinceau sur la toile céleste. Ce sentiment était partagé par la douzaine de journaleux qu'attendaient là depuis près de 6 heures. 

Le correspondant local du journal régional arriva avec des thermos de cidre chaud pour ses confrères agités. Des rumeurs commencèrent à se faire entendre quant à la raison pour laquelle la presse avait été convoquée. Et 'convoqué' était généralement le terme approprié quand on parlait de Kermadec. La famille Cosmao de Kermadec était étroitement liée à l'histoire de la ville depuis sa fondation en 1123. La plupart des quartiers nord-ouest de la ville ainsi que celui de l'hôpital avaient été achetés au domaine des Kermadec en 1834. Perceval de Kermadec souhaitait depuis son plus jeune âge ne pas être perdu dans l'histoire familiale de la grande lignée des Cosmao. Les Cosmao avaient fourni d'éminents hommes d'État, des amiraux, des peintres, des philosophes, des hommes d'affaires, des révolutionnaires et même un musicien. Mais Perceval, lui, avait opté pour la science. 

Ce n’était pas la première fois que Perceval faisait appel à la presse pour voir sa dernière découverte. La première fois, il n'avait que 16 ans, il avait montré un ensemble de membres artificiels articulés qu’il avait fabriqués pour sa petite sœur qui, un an plus tôt, avait perdu l’usage de ses jambes à cause de la polio. Ensuite, il y avait eu un majordome motorisé, capable d’accomplir n’importe quelle tâche qu’on pouvait lui demander. Puis ce fut le tour de plantes ne nécessitant ni eau ni soleil, mais qui pouvaient pousser de la graine au fruit mûr en un peu moins d’une semaine. Des pilules pour faire repousser les cheveux, un sérum pour rendre votre chien plus intelligent qu'un poulpe, des lunettes pour voir le futur, une petite boîte en cuivre qui pouvait communiquer avec les morts et un remède contre la vérole (ce qui fut plus tard démystifié comme n’étant qu’un traitement à court terme) – toutes ces inventions, ainsi que quelques autres découvertes plus ou moins extravagantes, conduisirent à la convocation des journalistes. Il n’était que rarement question de savoir s’ils devaient venir ou non, selon lui, s’ils manquaient ça, c'est leur avenir dans la presse qui serait foutu. 

Le cidre de pomme chaud contribua grandement à apaiser le malaise que beaucoup d'entre eux ressentaient en se tenant devant les grilles. Beaucoup n'avaient pas remarqué que les lampadaires étaient allumés ou que les habitants des maisons de l'autre côté de la rue allumaient des bougies pour les fourrer dans des citrouilles. Le crépuscule s'éternisait et la patience commençait à s'épuiser. Qu'avait-il pour eux aujourd'hui ? Du lait qui ne périmait pas ? Une machine qui contrôlait le temps ? Peut-être une machine volante capable d'atteindre une autre galaxie ? Toutes les idées étaient possibles quand on pensait au génie léonardin du professeur Cosmao de Kermadec. 

Il faisait presque nuit quand les portes du manoir s'ouvrirent enfin. La foule se tut lorsque Perceval fit son apparition sur le perron. Il portait un costume marron et un gilet assorti, avec une chaîne de montre en or. Comme d'habitude pour ces événements, Perceval portait son haut-de-forme en peau de castor qui lui donnait si fière allure. Une rafale de vent souffla un tourbillon de feuilles devant lui comme si c'était arrangé. Il fit son premier pas, ses pieds écrasant quelques unes de ces dernières. Il s'arrêta et passa sa main dans l'entrebaillement de la porte et une main blanche et brillante s'avança vers la sienne. Une silhouette suivait la main, d'un blanc éclatant, exagérée par les nuances orange et grises du ciel crépusculaire. Cette silhouette était vêtue d'une robe blanche flottante, avec de longs cheveux blancs argentés flottants également. Les mains et la tête de la silhouette étaient évidentes, mais le manque de mouvement de sa robe laissait à penser que cette silhouette flottait plutôt qu'elle ne marchait.  

Perceval et la silhouette s'approchèrent du podium monté là pour l'occasion. Les journalistes furent repoussés en arrière par l'ouverture vers l'extérieur des portes de la propriété lorsque le propriétaire des lieux appuya sur sa télécommande, puis comblèrent rapidement l'écart des deux battants qui s'élargissait dès que ce fut sûr. Il prit un moment pour laisser à la foule le temps de s'imprégner de la silhouette à ses côtés. Perceval, étant lui-même d'une stature assez grande, était éclipsé par cette dernière atteignant près de 2,50 mètres de haut et dégageant une blancheur éclatante, en fait pas tant une lueur qu'une aura. 
Les caméras commencèrent à photographier cette grande silhouette. De près, les spectateurs pouvaient voir clairement son visage. Réunis devant les portes pendant plus de 6 heures, certains des rédacteurs les plus astucieux que le grand-ouest avait à offrir se trouvaient là, mais aucun ne parvenait à s'entendre sur l'apparence du visage de cette silhouette. Beaucoup se débattirent avec leur crayons et leurs calepins pour en faire une description ou une esquisse, pour ensuite en chercher une différente ou une meilleure avant de lui jeter un autre coup d'œil. Dans la description la plus conservatrice, la silhouette était banale. Ce qui veut pas dire qu'elle était laide ou si banale que ça, loin de là. Lorsque la foule contemplait le visage de ce personnage mystérieux, elle ressentait de la beauté et du bonheur en elle. Un sentiment de jubilation et de bien-être jaillissait en elle comme celui d'un bébé qui regarde sa mère dans les yeux pour la première fois. Elle ressentait de la chaleur mais ne pouvait toujours pas donner de description. 

" Mesdames, messieurs", commença Perceval, " ce n’est un secret pour personne que je vieillis. Dans quelques semaines, ce sera mon 85ème anniversaire et, quand je mourrai, je laisserai cette terre sans aucun héritier susceptible de perpétuer mon héritage." 
C’était vrai, Perceval avait passé la majeure partie de sa vie tellement absorbé par les progrès de la science, de la technologie et de la race humaine qu’il n’avait jamais pris le temps de profiter de l'instant présent et de trouver une partenaire appropriée avec laquelle copuler pour se reproduire. Un enfant peut offrir un regard sur l’avenir. Ce sont eux qui portent votre héritage. Mais Perceval, ayant passé la plupart de sa vie en seul à seul avec la science, n'avait rien voulu laisser de côté. 

" Étant d’une curiosité perpétuelle, je voulais savoir ce qui m’attendait. Que se passe-t-il après la mort ? Où allons-nous, qui voyons-nous ? Je me suis consacré à la recherche de cette vérité." 
Il avait en effet consacré beaucoup de temps et d’énergie à essayer de répondre à la question que la religion théorise depuis des millénaires : après la mort vient l’au-delà. Commençant modestement et en faisant des recherches, il avait assisté à de nombreuses séances, en avait même tenues quelques-unes chez lui. Il avait consulté divers chefs religieux et professionnels de la santé. Il avait voyagé dans les sites les plus sacrés du monde entier pour essayer de trouver une explication plausible. Il avait passé beaucoup de temps en Suisse à travailler avec des physiciens théoriciens du CERN, désireux de déchiffrer les théories sur le transfert d’énergie. Enfermé chez lui pendant des mois et des mois, Perceval avait appliqué toutes les connaissances qu’il avait acquises au cours de ses voyages. Et maintenant, en cette nuit de fin octobre, il révélait sa dernière découverte au monde. 

" L’automne est la période transitoire de l’année. Les plantes comme les animaux comprennent que cette période de l’année est celle de la préparation à la mort en hiver et à leur renaissance éventuelle au printemps. L’automne est le moment idéal pour se débarrasser du passé afin de se tourner vers l’avenir. Nous devons accepter l’inévitabilité de notre mort, mais en sachant ce qui nous attend, nous pouvons nous préparer au voyage." 
La troupe de journalistes était naturellement inquiète et confuse quant à la direction que Percival voulait prendre avec son discours. Ses allocutions révélatrices avaient tendance à être décousues de fil conducteur, mais on pouvait suivre la logique de sa découverte. Mais maintenant, alors qu’il parlait de mort et de renaissance avec un géant brillant de 2,50 mètres debout à côté de lui, ils étaient déconcertés. 

" Après un temps considérable, des efforts innombrables et une conviction inébranlable en mes croyances, moi, Perceval Cosmao de Kermadec, je me tiens ici devant vous avec la preuve de l’existence d’une vie après la mort." 

Cette déclaration provoqua un certain émoi dans la foule, et immédiatement les questions commencèrent à se frayer un chemin jusqu’au podium. 

Il continua : " En utilisant une technologie avancée de ma propre conception, j’ai créé une machine capable non seulement de scruter l’au-delà, mais aussi de s’y promener et d’en revenir. Je me suis retrouvé à marcher dans le plan éthéré, me prélassant dans le palais de Dieu." 
Les questions venant de l'audience se firent de plus en plus pressantes à chaque phrase prononcée par Kermadec. Normalement, la foule des journalistes laissait Perceval terminer ses présentations avant de commencer à poser des questions, mais cela devenait trop fantastique pour qu’ils restent tranquilles. Beaucoup d’entre eux commencèrent à reconstituer le lien entre le discours et l’étrange silhouette qui se tenait silencieuse à côté de Perceval. " Est-ce un ange ?" demanda finalement le plus téméraire.

" Oui, en effet", répondit fièrement Kermadec, " je vous assure qu'il s'agit bien d'un ange, son nom est RâsMoudjinn. Lors de mon dernier voyage, RâsMoudjinn s’est approché de moi, curieux de savoir d’où je venais et comment j’avais réussi à arriver là."

L'attention se détourna alors de Perceval et les questions se dirigèrent vers RâsMoudjinn. Les journalistes ne furent pas surpris de constater que RâsMoudjinn comprenait et parlait parfaitement le français. Parmi les nombreuses questions qu'ils lui posèrent, il put répondre à quelques-unes.

" Le paradis est-il vraiment un paradis ?
- Oui, je pense que c'est un paradis, on n'y manque jamais de rien et c'est le plus bel endroit de tout l'univers."

" Vivez-vous sur un nuage ?
- Certains d’entre nous vivent dans les nuages, mais beaucoup vivent en contrebas, sur une surface verdoyante. Les collines s’étendent à perte de vue, traversées par des rivières fraîches et propres.

" À quoi ressemble Dieu ?
- Je n’ai jamais rencontré Dieu.

" Pouvez-vous voler, avez-vous des ailes ?"
RâsMoudjinn étendit ses bras sur le côté, et sa robe flottante s'anima comme si un vent soufflait en dessous, le soulevant à 3 mètres au-dessus du podium avant de revenir au sol. 

La foule fut submergée à ce moment-là et Perceval tenta de les calmer. En vérité, c'était la première fois depuis longtemps qu'une de ses inventions ou découvertes suscitait autant d'enthousiasme de la part du monde de la presse. Il conclut la conférence de presse et ramena RâsMoudjinn à l'intérieur du manoir. 

L'obscurité était alors totale et la température avait considérablement baissé, comme c'est souvent le cas au milieu de l'automne. Les journalistes commencèrent à se disperser, leurs spéculations et leurs gros titres étouffés s'élevant au-dessus du bruit des tas de feuilles sèches qu'ils piétinaient. 

Comment le monde allait-il réagir à la présence d'un ange du paradis ? Quelle allait être la réaction humaine face à la preuve qu'il existe un autre niveau après la mort ?

Kermadec passa les premiers jours à savourer la célébrité que lui avait valu sa dernière découverte. Il était sur la couverture de tous les journaux et magazines, le sujet principal de tous les journaux du soir. Et chaque jour, son message se propageait de plus en plus loin des limites de la ville, de la province et du pays lui-même. Il reçut des lettres, des emails, des appels téléphoniques, des demandes d'interview et des télégrammes du monde entier. Angleterre, Allemagne, Russie, Etats-Unis, Israël, Inde, Iran, Chine, Égypte, Éthiopie, Arabie Saoudite, Brésil - tous posaient les mêmes questions. L'interrogeant sur la légitimité de sa prétention à l'au-delà et à l'existence de l'ange RâsMoudjinn ; il répondait toujours de la même manière : « Le paradis est aussi réel que mon manoir, mais bien plus grandiose, et l'ange est aussi réel que vous et moi, mais en beaucoup plus sublime ».

Perceval se réveilla le septième matin du septième jour et s'assit à sa table de petit-déjeuner avec vue sur le jardin à l'arrière du manoir. Il réfléchit à toute la bonté qu'il avait apportée au monde. Il pensa à tous les gens effrayés, à tous les malades et à tous les mourants, et à la façon dont ils devaient être rassurés de savoir qu'ils se réveilleraient au paradis. Il pensa à tous ceux qui étaient sur le point de perdre un être cher, mais au lieu d'éprouver du chagrin, ils pouvaient ressentir de la joie en sachant que leur parent, leur conjoint ou leur enfant partait dans un endroit meilleur, et être sûrs que c'était vrai. 

Ses pensées se tournèrent ensuite vers lui-même. Comment serait-il reconnu pour un tel exploit ? Des récompenses ? Bien sûr. Un grade de Chevalier de la Légion d'Honneur, d'Officier, de Commandeur ? De l'argent, des terres, des titres ? Certainement. Des diplômes honorifiques ? Oh, j'aurai une chaire honorifique dans chaque université majeure de la planète !, pensa-t-il, peut-être même un prix Nobel ! 
Mais son bonheur et sa bonne humeur ne furent que de courte durée. Son petit déjeuner arriva en même temps qu'une pile de journaux. Il les déchira, comme un enfant ouvrant un cadeau, impatient de voir quels éloges allaient lui être adressés ce matin là.

Une à une, Perceval tourna les pages avec une hâte croissante, jetant le Ouest-France, saisissant le Télégramme, jetant celui-ci pour se saisir du Figaro , puis du Parisien, puis du journal Le Monde, et ainsi de suite. Il les parcourut tous d'un bout à l'autre, et ce n'était rien d'autre que la même chose. Son nom avait diminué jusqu'à ne plus devenir qu'une simple note de bas de page, quelque chose qu'un journaliste ajouterait pour donner du contexte à son article. Une poignée d'articles indiquaient que presque toutes les églises, synagogues et mosquées affichaient une augmentation record de leurs troupeaux. On supposait que la preuve de la vie après la mort avait fait renaître la peur chez les gens, les incitant à protéger à nouveau leurs âmes. 

De nombreux autres articles montraient un côté plus sombre du phénomène. Quelques jours plus tard, une manchette disait « SUICIDES EN HAUSSE ! ». C’était vrai, il s’était attendu à ce que cela se produise, mais pas aussi rapidement ni en si grand nombre. Le nombre de décès par suicide dans le monde avait augmenté de 300 % seulement trois jours après l’annonce internationale de la nouvelle, et la tendance était à la hausse. 

Mais la Une de presque tous les journaux traitait de l'histoire la plus sombre et la plus dangereuse : la guerre. Les chefs religieux du monde entier s'étaient tous ralliés à la découverte de Perceval. Après tout, qu'était une religion sans l'incertitude de l'au-delà ? Les religions reposaient sur la foi de personnes selon laquelle leur dieu était le berger qui les conduirait à la vie dans l'au-delà. Or, Perceval et RâsMoudjinn avaient perturbé tout ça. Cette perturbation avait déclenché puis attisé une flamme sur des broussailles sèches, provoquant une vague incendiaire de feux de forêt sur toute la planète. La Troisième Guerre mondiale avait commencé et c'était une guerre sainte. 

RâsMoudjinn le rejoignit à la table. Ils avaient parcouru le domaine tôt le matin, mais ils étaient revenus pour le petit-déjeuner.  C'est RâsMoudjinn qui brisa le silence le premier. 

" Quelque chose te dérange, Perceval, tu as la mort sur le visage."

Kermadec lui relata les suicides, la guerre et montra à RâsMoudjinn la première page du Parisien , une photo d'un char israélien tirant sur une église à Bethléem. 

" Qu'est-ce que ça signifie ? Pourquoi votre espèce s'infligerait-elle elle-même cela ? demanda RâsMoudjinn.
- À cause de moi, à cause de toi, parce que les humains ne supportent pas de connaître la vérité sur quoi que ce soit, ils préfèrent rester dans le noir, réconfortés par ce qu'ils pensent être réel, répondit Kermadec.
- Mais quelle vérité connaissent-ils, quelle vérité sur moi pourrait causer toute ces morts, ces meurtres et cette haine. Je suis juste RâsMoudjinn, je ne suis rien, tu es apparu de nulle part et je suis venu avec toi sur cette planète. Que suis-je pour avoir provoqué ça ?
- Tu es un ange, tu viens d'un endroit où nous, les humains, aspirons à nous élever. Nous passons chaque jour de notre vie sur cette Terre à penser à ce qui se passera quand nous mourrons. Et maintenant que nous le savons, nous voulons aller chez toi. Nous voulons rejondre ton paradis. Raison pour laquelle nous nous déchainons et nous entretuons.
- Mais je ne suis pas un ange, qui c'est qui t'as dit une chose pareille ? Et l’endroit d’où je viens ne s’appelle pas le Paradis. Je suis RâsMoudjinn de la planète BarHaTîn. Toi, humain, es apparu chez moi. Je t'ai vu une fois, puis une autre fois, et une troisième fois, j’ai pensé te dire bonjour… et nous voici. Je suis profondément désolé pour la confusion."

Perceval resta sans voix, il sentit son cœur s'arrêter. Qu'avait-il fait ? Non seulement il avait détruit l'humanité, une civilisation qui existait depuis des dizaines de milliers d'années, et tout cela était dû à une erreur de jugement. Que pouvait-il faire maintenant, dire à tout le monde que c'était un extraterrestre ? Non, cela pourrait provoquer encore plus de chaos. Il ne pouvait pas laisser le monde se dévorer de cette façon, tuer et mourir à cause de fausses croyances. Perceval trouva la seule solution logique qu'il pouvait trouver. 

Il appela ses contacts à la station de radio de la capitale et se précipita sur place en TGV. Il n'avait pas le temps de faire sa fanfare habituelle de découverte, mais il avait juste besoin de passer à l'antenne. Il s'assit devant un micro et prononça ces mots à destination du monde entier: 

" Chers amis humains, c’est avec beaucoup de regret que je dois admettre qu’il y a une semaine, ma révélation à toute l’humanité de l’existence d’un ange et du paradis était un canular. Ce n’était pas un ange, et je n’ai pas plus d’informations sur l’au-delà que n’importe qui sur cette planète. Je suis désolé."

Et là-dessus, il rendit son micro et rentra chez lui. RâsMoudjinn était là qui l'attendait.

Désemparé et impuissant, Perceval s'effondra dans un fauteuil à oreilles dans la pièce principale à côté du hall d'entrée. Il ne savait plus où donner de la tête. Toute sa vie, il avait été un Cosmao, ce qui signifiait quelque chose. Et dans cette ville, il était un habitant du coin, pas un héros, mais plutôt une célébrité. Il était respecté, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais maintenant, il était un imposteur, un charlatan, un charlatan, un charlatan de cinéma. Surtout, il était détesté dans le monde entier, car la nouvelle de son canular se répandit sur tous les téléprompteurs d'ici aux antipodes. Il n'avait plus nulle part où aller. Même dans son propre manoir, une protestation grandissante s'amassait devant ses portes. Il était prisonnier sur cette planète. 

RâsMoudjinn, toujours silencieux dans un coin de la pièce, attendait le moment propice pour faire une suggestion. Perceval devait voyager avec lui. Il n'avait nulle part où aller sur Terre alors pourquoi ne pas essayer un autre monde. Il avait construit cette machine, qui s'était avérée être un portail entre les planètes, pour explorer l'inconnu, peut-être que le moment était venu d'explorer.

Sans réfléchir, Perceval et RâsMoudjinn montèrent alors dans sa machine et avec quelques bips et quelques boops, un tourbillon de vent, une explosion d'énergie, les deux étaient partis. Aucun des deux ne fut jamais revu. 

Quant à l'humanité, la nouvelle du canular se répandit rapidement et l'effusion de sang au nom de Perceval Cosmao de Kermadec et de RâsMoudjinn prit fin. Les humains étaient à nouveau sains et saufs, vivant de nouveau entre doute et certitude.

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