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16 avr. 2024

889. La fabuleuse performance d'un péquin ordinaire

 


LA FABULEUSE PERFORMANCE D'UN REQUIN PÉQUIN ORDINAIRE

Dans la cité tentaculaire de Pékin Rennes – une ville qui se targue pas d’être aussi moyenne qu’un pluvieux mardi après-midi d'automne – un phénomène particulier se produisit qui allait ébranler les fondements mêmes d’Internet et tester les limites de la crédulité humaine, si tant est que de telles limites existent bien. Le catalyseur de cette tempête numérique ? Une tof. Mais pas n’importe laquelle des photos.

Voyez-vous, Rennes comptait parmi ses habitants un dénommé Jean-Louis, un comptable municipal, chauve et d'âge moyen, ayant un penchant pour les costumes parfaitement mal coupés et une vie si banale que même son poisson rouge se mettait à bâiller dès qu'il le voyait. Jean-Louis, de l’avis de tous les wokes socialos qui l'entouraient à la mairie, menait une vie aussi passionnante et trépidante que celle de regarder sécher la peinture d'une façade un jour de pluie.
Jusqu’au jour où qu'il devint, involontairement et du jour au lendemain, une sensation virale.

Un mercredi exceptionnellement ordinaire – si ordinaire, en fait, que même ce sale temps breton n'avait pu se donner la peine de se servir d'un bout de savon – Jean-Louis décida de pimenter sa vie en se commandant un casse-croûte dans une nouvelle épicerie fine du centre-ville au lieu de son jambon-beurre-cornichons habituel, fourré d'un fromage du crémier du coin dont le propriétaire avait perpétuellement l'air d'avoir été le témoin du déclin de la civilisation occidentale. 
Ce casse-dalle, un assemblage avant-gardiste d’ingrédients connus de peu et maîtrisés par encore moins de monde, avait pour nom « L’énigme gastronomique ». Il contenait des couches de viandes et de fromages exotiques, une sauce secrète soi-disant préparée à la lumière de la pleine lune et des légumes verts que Jean-Louis soupçonnait être simplement de la laitue ordinaire faisant de son mieux pour paraître venir de Srinagar.

Jean-Louis, dans un élan de spontanéité sans précédent, décida de commémorer l'occasion avec une photo. Il se tenait là, à côté de son bureau, orné de rien d'autre qu'une agrafeuse et d'une plante en pot fanée, découragée, tenant en l'air « L'énigme gastronomique ». Le sandwich, par un coup du sort, ressemblait remarquablement à un sourire narquois. 
Un collègue complaisant prit la photo, que Jean-Louis, ressentant un mélange particulier de fierté et d'enthousiasme, s'empressa de télécharger sur ses profils Twitter récemment rebaptisé X et sur TikTok et rarement visités avec la légende : « Braver l'inconnu. #DéjeunerAventures ».

Ce qui se passa ensuite équivalut au jet d'une allumette enflammée dans un baril de mortiers d'artifice. D'une manière ou d'une autre, la photo de Jean-Louis, un homme ordinaire sur le point de se livrer à l'acte extraordinaire de manger un sandwich trop ambitieux, captiva l'imagination collective d'Internet. Peut-être était-ce la façon dont l'éclairage fluorescent auréolait sa calvitie, ou peut-être le charisme indéniable de « L'Énigme Gastronomique », mais la photo transcenda ses origines banales pour devenir du jour au lendemain une sensation virale.

Les mèmes proliférèrent comme des lapins gorgés de viagra. Des gens de tous horizons commencèrent à recréer la scène avec leurs animaux de compagnie, leurs bébés et leurs grands-parents déconcertés. « Faire un Jean-Louis » devint un raccourci pour se lancer dans une aventure mineure, comme essayer une nouvelle marque de dentifrice ou s'aventurer à aller draguer dans les nouvelles toilettes non-genrées et unisexe de la mairie.

Alors que la popularité de la photo atteignait son apogée, les philosophes et les critiques de salon commencèrent à lui donner une profondeur inattendue. Ils virent dans le casse-croûte de Jean-Louis un symbole de la quête éternelle de l'humanité vers l'inconnu, une caricature de notre désir collectif de trouver un sens au banal. « La vie elle-même n’est-elle pas une énigme gastronomique ? » proposa un expert particulièrement prétentieux lors d’un segment télévisé de fin de soirée.

Ce tourbillon de renommée déconcerta Jean-Louis. Il n’avait jamais aspiré à être un emblème de l’exploration existentielle. Il avait juste voulu se béqueter un sandwich inhabituellement raffiné.
Pourtant, alors que le monde riait, mémorisait et philosophait, quelque chose au fond de Jean-Louis commença à changer. La photo virale, dans sa manière détournée et chargée de mèmes, lui donna un curieux sens de quête. Il commença à voir ses routines quotidiennes sous un nouvel angle, réfléchissant aux aventures inexplorées qui se cachaient dans les coins et recoins d'une vie tout à fait ordinaire.

Mais aussi vite qu'elle avait explosé, la fureur autour de la photo de Jean-Louis commença à décliner. L'attention d'Internet, aussi inconstante qu'un chat dans une pièce bombardée de pointeurs laser, trouva de nouvelles distractions. La photo de Jean-Louis se trouva reléguée dans les annales de l'histoire virale, un bon souvenir de l'époque où un rond de cuir et son sandwich devinrent brièvement le centre de l'univers numérique.

Pourtant, l'histoire ne s'arrêta pas là. Adoptant sa nouvelle perspective, Jean-Louis se lança dans de modestes aventures quotidiennes, racontant chacune d'entre elles avec une photo et un soupçon d'esprit sans intérêt dans ses légendes. Son fil d’actualité sur les réseaux sociaux, autrefois un désert aride, se transforma en un journal d’explorations douces. De « La grande réorganisation de mes agrafeuses » à « S'aventurer au-delà de mon arrêt de bus habituel » jusqu'à « La fin inattendue de mon rouleau de papier-cul », chaque article témoignant de la découverte de l'extraordinaire dans l'ordinaire.

Et puis, un jeudi banal, alors que Jean-Louis documentait sa tentative de tricoter une écharpe (une entreprise qui aboutit plus à un sac de nœuds et à un désespoir existentiel qu'à un vêtement reconnaissable), son téléphone sonna avec une notification. Le Maître des Beaux-Arts et du Spectacle – une figure réputée et connue pour son don de savoir transformer le banal en magnifique – lui avait laissé un commentaire : " Votre voyage capture l’essence de l’esprit humain. Nous feriez-vous l’honneur de venir exposer vos aventures lors de notre prochaine vitrine ?"

Jean-Louis regarda le message, son cœur chantant une samba enthousiaste. Ses aventures ordinaires, capturées dans des photos ternes et associées à des légendes à peine qualifiées de jeux de mots, avaient attiré l'attention d'un extraordinaire connaisseur du banal. La cerise sur le gateau ? L’invitation était, en elle-même, une œuvre d’art performance, un commentaire sur les lignes floues entre le banal et le sublime, le viral et le précieux.

Dans une galerie d'art parisienne loin de l'agitation banale de Rennes un jour de match de foot, les photos de Jean-Louis furent exposées dans des cadres ornés, chacune accompagnée d'une plaque signalétique portant ses légendes originales.
L’exposition, intitulée « L’héroïsme du banal », connut un succès surprenant. Les visiteurs réfléchissaient au profond du prosaïque, trouvant dans les aventures de Jean-Louis un miroir de leurs propres quêtes inavouées de sens au milieu du banal.

Et Jean-louis, le comptable autrefois ordinaire avec une photo sandwich virale, se tenait au milieu des amateurs d'art et des critiques, un sourire perplexe jouant sur ses lèvres. Son incursion dans l'extraordinaire avait commencé avec un simple choix de casse-croûte et s'était transformée en un voyage de découverte de soi et de gloire inattendue.

Alors que l'exposition touchait à sa fin, Jean-Louis reprit le TGV pour Rennes, son esprit enrichi et sa vision changée à jamais. Il se rendit compte que l'aventure n'exigeait pas de grands gestes ou des changements dramatiques ; tout résidait dans la volonté de voir la magie dans le monotone, l'extraordinaire dans le quotidien.

Et le sandwich viral ? Il resta scotché dans le domaine numérique, une curieuse note de bas de page dans les annales de l’histoire d’Internet – un rappel que même les plus ordinaires d’entre nous peuvent susciter un moment collectif d’émerveillement, de rire et peut-être même un chouïa d’introspection.

En fin de compte, l'histoire de Jean-Louis avait conquis le cœur de ceux qui avaient suivi son voyage, un témoignage du pouvoir d'embrasser son propre récit, aussi insignifiant soit-il. Car dans chaque vie ordinaire se cache la capacité d’histoires extraordinaires, attendant juste sous la surface, prêtes à être partagées avec le monde entier.

Et quelque part, dans un pavillon triste de banlieue rennaise, un poisson rouge regardait son propre reflet, ne s'ennuyant plus autant, se demandant si sa propre aventure ne se réduisait vraiment qu'à son seul bocal à poisson.

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