La rédaction tient à remettre les pendules à l'heure. Si Cristalle B36 a souhaité mettre un terme à l'interview d'hier soir, ce n'est nullement la faute ou le comportement de M56 qui est remis en cause mais bien une fuite au niveau de l'entrejambe de notre journaliste préférée comme elle l'a elle même reconnu plus tard. Nous l'avons donc équipée d'une culotte anti-fuites et d'un lot de couches de protection et sommes heureux de vous présenter la fin de cette interview. Nous tenons tout de même à souligner à nos aimables lecteurs que Meltingblog56 est un atelier de libre pensée, pas une société de plomberie.
[Cristalle B36 et M56 son assis à quelques mètres de distance dans une pièce entièrement tapissée de papier aluminium, sol et plafond inclus. Cristalle et M56 portent tous deux un pantalon serré autour du crâne, quoique l’on puisse clairement voir que celui de Cristalle B36 est de marque Versace.]
Cristalle B36 : Bonjour. Pour des raisons que moi même, Cristalle B36, ai encore du mal à m’expliquer, je me retrouve de nouveau aujourd’hui dans ce studio virtuel pour tenter une nouvelle et dernière fois d’interviewer M56 de Meltingblog56.com. Après une nuit complète de négociations et tractations complexes, nous sommes parvenus à dissiper la kyrielle de malentendus qui ont entravé notre interview d’hier soir et vous ont empêchés d’obtenir les informations que vous mourrez tous d’éclaircir le concernant. Nous ne ferons pas mention de ces négociations ni de notre tentative d’interview avortée de la veille, quel que soit notre désir de le faire, pour des raisons que, j’en suis convaincue, vous comprendrez tous.
Ceci étant dit, ne perdons pas de temps précieux. Bienvenue M56. D’abord, veuillez accepter mes plus vifs remerciements pour avoir accepté de me rencontrer une nouvelle fois. Nous commencerons, si vous le voulez bien, par une question toute simple. Pourriez vous nous parler succinctement de votre premier maître d’école à votre entrée en classe primaire et des souvenirs que vous gardez de cette époque ?
M56 : Hem. J’en serais très heureux, Cristalle. C’est marrant, mais en fait mon premier maître lorsque j’entrai au cours préparatoire était en fait une horrible harpie du nom de Mme Magnol. Elle et moi avions dès le premier abord ressenti une haine immédiate l’un pour l’autre et ce dès le jour de la rentrée alors que j’étais arrivé en retard pour une raison qui s’est depuis perdue dans les couloirs du temps. Elle décida alors que je devrais me tenir debout sur le côté gauche du tableau, face au mur, pendant quinze minutes et devant toute la classe pour compenser ce retard. J’en souffris d’autant plus qu’elle me demanda de le faire en récitant l’alphabet … à l’envers. Quelle vieille grincheuse puante! Je la détestais.
Cristalle B36 : Comme c’est étrange ! Voilà qui me rappelle ma toute première institutrice, mademoiselle Cécile. Je me souviens de ce jour où je lui proposai, pour l’assister, de distribuer pour elle des copies à l’ensemble de notre classe mais où elle demanda à Louis Marie de le faire à ma place ! Pourquoi pas moi ??? Je ne comprenais pas ce qu’elle pouvait bien avoir contre moi. J’étais intelligente, attentive, jolie et plus grande que les autres enfants, alors pourquoi ne me remarquait elle pas ? Je veux dire, j’étais si jolie !
Hem… , euh. Bien, reprenons le fil de cette interview. M56, si mes notes sont exactes, vous avez trouvé le moyen de concilier une carrière maritime et l’écriture en ligne quand tant d’autres s’y étant essayés avant vous ont échoué lamentablement et parfois même coulé leurs bâtiments. Dîtes moi, qu’est-ce qui vous a incité à vous rapprocher de l’informatique pour écrire et qu’est-ce donc qui vous rend si différend des hommes de votre trempe et de notre temps ? [M56 ouvre la bouche pour répondre.] Non, attendez avant de répondre – Je viens de me rappeler autre chose concernant mademoiselle Cécile. Elle avait les jambes les plus longues que je n’ai jamais vues ! Des jambes d’une longueur extraordinaire. Je les regardais des heures et des heures durant. Hmmm. Peut-être est-ce là la raison pour laquelle je devins presque lesbienne…
M56 : [Quelque peu déconcerté par sa soudaine déclaration, M56 hésite un instant afin de s’assurer qu’elle en a terminé avant de répondre.] Bien, hem…, pour en revenir à l’écriture en ligne… j’ai commencé à tripoter les ordinateurs dès que j’ai mis un terme au projet de carrière que j’envisageais à l’époque ; le cinéma et la comédie. En fait, avant ma première entrevue avec un ordinateur parisien, je n’avais jamais touché un producteur… Si bien que me mettre à travailler avec un PC pour m’exprimer n’apparaissait pas encore dans le scope radar de mes projets.
Cristalle B36 : Comédien ? C’est étonnant parce que j’adoOore les acteurs et les comédiens! Quelle heureuse coïncidence ! Mais d’un autre côté, cela ne m’étonne pas si j’y réfléchis un peu, parce que j’ai toujours été attirée par les acteurs. Alors, avez-vous joué dans quelque film ou quelque pièce que j’aurais pu voir ? Comme Shakespeare ou le mime Marceau, ou quelque chose dans ces eaux là ? [M56 la fixe comme si elle avait trois têtes. Après quelques instants de silence inconfortable, il fait doucement ‘non’ de la tête.] Oh, quel dommage ! Je suis sûre que vous devez être redoutable dans des collants, euh… je veux dire dans Shakespeare.
Hmmm… bien, où en étais-je ? Ah oui, l’écriture en ligne. Un instant, je viens juste de penser à quelque chose, alors nous reviendrons à l’écriture dans une minute… Bien, comme je le disais, j’aime beaucoup les acteurs. Même les comédiens qui n’ont jamais joué aucun rôle, mais qui sont sexy et ‘comédiens’ à leur manière. Ne trouvez vous pas les acteurs et les actrices quelque peu sexy, vous aussi ?
M56 : [Il semble désormais complètement paumé.] Euh… quelques unes oui, sans aucun doute.
Cristalle B36 : Oh ! Et autre chose, quel est votre film préféré ? Avez vous un jour rêvé de tourner dans un film? Parce que moi oui ! Je veux dire, je ne dis pas que j’ai rêvé de tourner un jour dans un film ; je veux dire que je rêve de vous voir un jour dans un film. [Toux] Avec moi. [Toux. Elle rapproche petit à petit et subrepticement son fauteuil de celui de M56 tandis qu’ils parlent. Elle pense que personne ne s’en aperçoit.]
M56 : [Tournant son visage du côté de la glace sans tain virtuelle derrière laquelle se tient la production, M56 soulève un sourcil interrogatif. N’obtenant pas de réponse de la rangée de spots lumineux virtuels qui en parcourt la base, il se retourne vers Cristalle B36 pour tenter de répondre à ce qu’elle vient de lui dire. Pour sa part, Cristalle B36 se tient littéralement sur le rebord de son fauteuil en anticipation de ce qu’il va dire. Ses yeux brillants de fièvre le fixent si intensément qu’on peut clairement la sentir le déshabiller intérieurement.] Hem, oui. Je pense qu’il m’est parfois arrivé de penser à tourner dans un film. Je veux dire, qui ne l’a pas fait ? Mais je ne me souviens pas l’avoir fait avec une autre qu’une star médiatisée. Vous savez, quelqu’un comme Sophie Marceau, Angelina Jolie ou cette super minette dans Basic Instinct. Non, pas avec Sophia Loren bien qu’elle soit très chaude. Je parle de l’autre là, plus jeune. Je crois qu’elle s’appelle Zazie ou quelque chose comme ça. Vous savez, celle qui a tourné dans les Enfoirés. Ouah, elle est tellement bonne, teeeellement chaude ! [Sa respiration s’accélère tandis que ses yeux se perdent dans le vide avec un sourire lubrique éclairant son visage. Au bout de quelque instant, des perles de sueur commencent à mouiller ses tempes.]
Cristalle B36 : Oui, il est indéniable que Sophie et Zazie sont des plantes magnifiques. Mais ne trouvez vous pas que, quand on y réfléchit bien, c’est la beauté intérieure qui compte avant tout ? [Ses yeux se baignent de larmes minuscules. Elle tire sur une manche du Versace qui lui coiffe la tête et s’en sert de mouchoir pour s’essuyer le coin des yeux et en profite pour se moucher bruyamment.] Je veux dire, vous savez… les beautés de la télévision et tout ça. Elles établissent des standards physiques tellement ridicules qu’il serait impossible de vivre avec, qu’importe la quantité de soins pré ou post-alimentaires. [Elle jette un œil sur l’endroit où se trouve approximativement son estomac, puis, subrepticement, se soupèse les seins.] C’est vrai, enfin ! Personne ne peut posséder un ventre pareil, si plat et si parfait, sans se laisser mourir de faim ! Et ces seins, si pleins et si faux ! Qui voudrait porter des seins siliconés ? Je pense honnêtement que les miens sont plus jolis, pas vous? Quoique j’avoue avoir déjà contemplé une chirurgie une fois ou deux. Mais j’ai vite réalisé que ce devait être douloureux, et je ne crois pas que j’aurais assez de patience pour supporter la convalescence. Aussi pensé-je que…, bien, il n’y a rien de tel que le naturel, n’est-ce pas ? Je suis certaine que M56 sera d’accord avec m… Oh, un instant ! Je…, hem, je crois que nous nous sommes un peu écarté du sujet là. Nouvelle question ! Alors M56, racontez nous, si vous le voulez bien, le déroulement d’une de vos semaines typiques.
M56 : [Pas très sûr de la manière avec laquelle prendre le petit faux pas de Cristalle B36, il l’ignore vaillamment et continue comme si de rien n’était. Même si l’index de sa main gauche repose désormais fermement sur le bouton de panique virtuel situé sur le coté de l’accoudoir de son fauteuil et dont la présence faisait partie des conditions préalables à cette interview.] Eh bien… habituellement lorsque je suis à terre, je passe la plus grande partie de mes journées devant mon PC ou dans mon lit avec Marylou. Je travaille sur mon site Web, sur les hanches de ma louve, sur mes poèmes et sur les fesses de ma femme. Parfois, je mange un peu et si je me souviens bien, tous les vendredis je descends au Pub pour mon plein de Guinness. Le samedi matin, je m’autorise une grasse matinée et l’après midi, j’honore Marylou avant et après mon match de rugby sabbatique…
Cristalle B36 : Ecoutez, M56, ce que je voulais savoir en fait, c’était avec qui aimeriez vous passer vos journées type. Je veux dire, à quoi pensez vous toute la journée ? Ou plutôt à qui pensez vous ? Qui est la personne que vous aimeriez connaître plus profondément ? Existe-t-il une personne avec qui vous aimeriez vraiment, peut-être même secrètement, passer quelques moments intimes ?
M56 : [Il paraît désormais tout à fait effrayé.] Eh bien, euh… je ne sais pas…
Cristalle B36 : [Elle rapproche encore un peu plus son fauteuil.] Allons, n’y a-t-il vraiment personne qui vous attire ? Quelqu’un qui vit dans une ville sur le méandre d’une belle rivière ? Une femme de goût peut-être ? Une femme du signe des gémeaux sûrement, qui se parfume à l’Isatis et qui porte des dessous chic en soie ? Quelqu’un à qui vous pourriez enseigner tout ce que vous savez sur l’écriture en ligne et les positions du Kamasoutra ? Vous voyez, une femme folle de désir, mais pas trop quand même ? [Sanglots] Pas que je m’en soucie vraiment, voyez vous, mais en temps que journaliste, je me sens obligée de poser ce genre de questions profondes, vous comprenez ? [A cet instant de l’interview, elle a réussi à rapprocher son fauteuil virtuel à quelques millimètres du sien. Tandis qu’elle achève sa toute dernière question, sa main gauche prend subrepticement la direction de la cuisse de M56. Ce n’est manifestement pas un accident lorsqu’elle vient se poser à moins de deux centimètres virtuels de son entrejambe.]
M56 : Mais par le sang de ma très pieuse mère! Qu’est ce que vous croyez que vous êtes entrain de faire, Cristalle B36 ? Et c’est quoi ces questions indiscrètes? [Bondissant de son fauteuil, il lui arrache ses notes des mains et commence à les éplucher.]
Cristalle B36 : Rendez moi mes notes ! M56, ne lisez pas mes notes ! Il s’agit de recherches tout à fait personnelles vous concernant ! Ne les lisez pas ! Je vous en prie ! [Tout en se tortillant, elle essaie de lui reprendre ses notes. Bien qu’il ne soit pas tout à fait certain qu’elle ne soit pas aussi en entrain de se frotter contre lui et plus spécifiquement sur son bas ventre.] Je vous en prie, M56, ne ruinez pas nos rapports de cette manière ! Rendez moi mes notes ! NNNnnnooonnn !!!
M56 : [Durant la lutte, il réussit à montrer les ‘notes’ à la caméra virtuelle dissimulée dans un coin où l’on s’aperçoit- Il y a assez de petits coeurs sur les notes pour faire rougir la surveillante du dortoir du collège Sainte Marie du Coeur Immaculé et la faire vomir de dégoût – que sur chaque page, au crayon gras, en rouge et soulignés, elle a inscrit ces mots terribles : MORT A MARYLOU ! - CHIENNE DE LOUVE ! – SALOPE DE BRETONNE !] C’est incroyable ! Et vous appelez ça vos notes d’interview ??? Mais qu’êtes vous donc, quelle sorte de chasseresse psychotique en ligne???
Cristalle B36 : [Elle s’écroule en larmes dans son fauteuil.] Vous avez tout brisé, tout ! Si seulement vous n’aviez pas lu mes notes ! Tout ce que je demandais, c’était un peu d’amour, quel mal y avait-il à cela ? M56, je vous en prie, oubliez ce que vous venez de voir ! [Toujours en larmes, elle arrache son DCMM et le lui jette au visage.] Oh, puis à quoi bon ? Je sais bien que vous ne m’aimerez jamais. Allez y, retournez retrouver votre stupide Marylou ! Qu’est ce que j’en ai à faire ? Vous le regretterez! J’allais faire de vous un homme célèbre, M56 ! Mais vous avez tout gâché. Tout. Partez, partez maintenant et que je ne vous vois plus ! Je resterai ici, seule… avec mes souvenirs… [Sa voix est désormais à peine audible.] … de vous.
[Tandis que M56, confus, se lève de son fauteuil, elle presse un bouton sur son fauteuil et le jingle final du HULK INCROYABLE se fait entendre. Secouant la tête d’incrédulité, il quitte le studio avec un soupir abattu sous le regard de Cristalle B36. Elle tient la pause classique des adieux déchirants, penchée en avant, une main tendue doigts écartés comme pour le retenir. Tandis que la porte se referme derrière son dos, Cristalle B36 presse un autre bouton et un titre des Talking Heads inonde la pièce de son air lancinant tandis que de son autre main, elle caresse ce qui ressemble à un godemiché virtuel se trouvant dans son sac à main. Toutes les lumières s’éteignent, à l’exception du seul spot dirigé sur son fauteuil.]
Memories can wait
(There’s a party out there all the time)
[Et tandis que la chanson s’égraine, Cristalle B36 s’abreuve de larmes virtuelles.]