21 avr. 2009

339. Fight Club



Sans douleur, sans sacrifice, nous ne serions rien. Voici votre douleur – voici votre main en feu. Ne la traitez pas de la manière dont la traitent les morts.
Nos pères étaient notre image de Dieu. S’ils n’étaient pas à la hauteur, quelle image nous ont-ils donné de Dieu ? Vous devez considérer la possibilité que Dieu ne vous aime pas. Qu’il n’a jamais voulu de vous. Qu’en toute probabilité, il vous déteste. Nous sommes les enfants non desirés de Dieu. Alors soit! D’abord, vous devez abandonner. D’abord vous devez apprendre – pas la peur -, mais apprendre qu’un jour vous allez mourir.
Ce n’est qu’une fois que l’on a tout perdu qu’on devient libre de tout faire.(Extrait) 

Ce film est complètement déjanté – dans le bon sens si vous voulez mon avis – comme les beuglantes des Wampas ou autres Marylin Manson, sa bravade " qu’est ce que j’ai à perdre de toutes façons ? " nous dit assez de sales vérités pour assumer une vision prophétique. Sa rage sans compromission m’a titillé un neurone en cette période de crise économique – mais de soulagement pour la couche d’ozone, et Fight Club est devenu un de ces films qui parle à – et pour – toute une génération de gens aliénés engluée dans des structures corporatives, cibles de commerciaux, affamée de communauté et d’objectifs transcendants. Avec son refus - au cul les conséquences - de vivre une vie de merde ordinaire, Fight Club aborde sans peur la folie furieuse. 

Le narrateur anonyme vole de ville en villes, enquêtant pour le compte d'assureurs de constructeurs de bagnoles sur des accidents mortels impliquant des défauts de construction dans leurs véhicules. Et priant avec ferveur pour que son avion se crashe ou s’empale en vol dans un autre zing afin de le délivrer de sa narcolepsie spirituelle. 
 Il obtient son crash sous la forme d’un certain Tyler Durden – Brad Pitt - un alter-ego sauvage dont l’abandon téméraire des voies de la civilisation le tire brusquement de sa catalepsie et l’initie au côté sombre de la vie – en l’occurence une société secrète où les mecs se mettent torse-poil et se frappent sur la gueule jusqu’au sang. 
Prends ton temps, nous dit le film, chope le à la gorge, c’t’enfoiré, et écrase lui sa sale gueule sur le béton jusqu’à ce qu’il demande pitié. A un certain niveau, Fight Club semble ôter toute verticalité à la philosophie du “Vivre à donf !” qui domine tellement notre culture, même si cette philo est totalement suicidaire mais défendue becs et ongles par nos dirigeants et leurs bailleurs de fonds, forgeant un lien assez trouble entre l’auto-actualisation et le fascisme. « Semble. » Voyez-vous, car c’est pas de la tarte de définir ce que ce film essaie de nous dire – selon les schémas de l’authentique mode post-moderne, chaque fois qu’on pense atterrir quelque part, on se retrouve avec un uppercut dans les gencives qui mine complètement les ébauches de conclusion qu’on pensait avoir devinées à l’aide d’une nouvelle couche ironisante, un autre « mais… »

C’est dense et la mouture de ce film n’a pas dû être facile. Le scénario révèle et ne s’efforce de dévoiler ses plus profondes vérités qu’après mûres réflexions, discussions, argumentations et multiples visionnages. Un film à voir et revoir en DVD et à discuter autour d’un shilom au café Philo pour ceux qui ont pas suivi ce qui vient d’être dit. Aussi violent que puisse paraître ce film à première vue, Fight Club semble pourtant figurer sur la liste des favoris de nombreux Chrétiens cinéphiles. Je pense que c’est parce que ce film est contre tout ce que Dieu déteste, il est contre la culture même que toute Eglise se devrait de critiquer – relisez Jérémie : " Certaines choses doivent être complètement détruites avant que du neuf ne puisse être reconstruit." " Et il fut ordonné aux prophètes de détruire. " 

Les institutions, peut-être. L’amour propre, peut-être aussi. Le besoin de possession, peut-être encore plus. Alors j’ai applaudi ce film pour son message de vérité, de colère et de destruction. Nous ne sommes pas ce que nous possédons. 
Nous avons besoin d’autre chose. Nous sommes en colère parce que nous nous sentons ignorés et nous avons raison. Tout un tas de trucs a besoin d’être détruit – y compris moi, ma fierté, l’amour que j’ai de mes possessions – si ça peut aider à ma régénérescence. C’est le mot, c’est une histoire de régénérescence – une pulsion de mort, aussi douloureuse soit elle, pour apporter une possibilité de renaissance. 
Et de fait, ce film est saturé de clichés religieux, paroles bibliques, musique sacrée – mais où ai-je la tête ? sauf les Pixies bien sûr au générique, zique que nous tapons, moi et ma fille sur nos grattes respectives quand nous souhaitons taper un bœuf -. 
Ne laissez personne vous dire qu’elle sait exactement ce que voulait dire Jésus lorsqu’il disait " Le Royaume de Dieu souffre de violence et les hommes s’en sont emparés ", mais je pense qu’il s’agissait d’une bataille désespérée et sans compromis qu’il tentait de livrer pour se débarrasser du Royaume de Ce monde et en établir un nouveau. 
Et il y a quelque chose de similaire dans Fight Club. Les évangiles se devaient d’apporter de mauvaises nouvelles avant de tourner casaque – que nous devons dévoiler les noirceurs de ce monde avant d’extrapoler vers ce qui pourrait être juste, avant de trotter allègrement vers l’Eden. Le véritable appel de l’artiste – comme celui du Prophète ou du prêcheur – nous est donné dans le Roi Lear : « Disons ce que nous ressentons, pas ce que nous devrions dire. »

Fight Club reflète ce que nombre d’entre nous pensons ces derniers temps. Même s’il n’est pas si bon que ça pour nous en indiquer la voie – ses propositions semblent hors de portée pour le commun de nous autres, - fabriquer de la nitroglycérine avec de la cellulite de bonnes femmes et j’en passe. 
Mais un scénario n’a pas besoin que de strictes procédures : Tout prophète n’a pas la solution. Si vous avez une idée, je suis toute ouïe. 
Finalement, je dirai que ce film ne nous dit pas vraiment quoi faire avec les multinationales - saboter leurs communications? avec les politiciens, les pendre haut et court? Tout ce que ça nous dit, c'est de laisser parler notre colère et ça, je suis partant. 
Quand vous voulez.