8 mai 2008

315. E.rosion des responsabilités


Il y a pas si longtemps que ça, je divaguais sur
l’anonymat en vigueur sur l’Internet. Disons que ce faisant, je compilais et arrangeais mes pensées en préparation de ce que je m’apprête à vous dire un peu plus bas. Traitement de pensée si vous préférez. De toutes manières, je crois que j’en ai terminé avec elles sur le sujet aussi ai-je décidé de vous les soumettre. 
J’ai viré la crème solaire comme les trucs qui ne sont pas de moi pour vous aider à ne pas me traiter de plagiste plagiaire, et je pense que c’est ce que je ferai à partir de l’avenir chaque fois que je voudrai poster un billet officiel finalisé. Oh, et maman, si tu lis ça, ce dont je doute fortement, que puis-je rajouter d’autre que tu ne saches déjà? Alors sans plus de mots inutiles :

E-rosion des responsabilités

A travers les âges, les hommes se sont multipliés et ont conquis l’unicité qui fait d’eux des êtres uniques de ce côté du miroir. Nous avançons avec intuition au travers de l’inconnu et possédons la bosse de la créativité qui nous démarque des autres espèces connues de tous.
De tous nos traits, il en est un qui surpasse tous les autres et c’est notre capacité à communiquer en utilisant les méthodes les plus variées qui soient. 
Depuis peu de temps, ceci se traduit par l’utilisation du Net. Que ce soit au travers de Blogs, d’E-mails ou de forums, nous communiquons, et bien que cette technologie relève du miracle pour certains d’entre nous, il est primordial d’en comprendre la nature et les conséquences qui peuvent surgir de leur utilisation.

Le Net nous offre le choix de l’anonymat qui nous permet de balancer des trucs qu’on ne balancerait normalement pas si notre audience nous connaissait en personne, et pourtant c’est ce dégagement de toute responsabilité qui menace d’éroder, et je dirais même de ronger la décence et le respect mutuel.
De plus en plus souvent, nous nous retrouvons sur les chapeaux de roues sur les rails de la vie et nous choisissons de communiquer via E-mails. 
On se dit qu’un E.mail est plus rapide, plus pratique, en bref, qu'en véritable TGV, il nous fait gagner du temps. Mais ce que l’on prend rarement en ligne de compte est peut-être l’ambiguïté du message lui-même et peut-être même son côté émotionnel, et peu importe l’éloquence avec laquelle nous tentons d’articuler ce qu’on a à dire, une grande part du sentiment qui l’anime se perdra dans son interprétation.

Non seulement sommes nous pressés d’envoyer nos messages frénétiques, mais nous ne prenons plus le temps d’accorder le respect adéquat aux destinataires de ces derniers. Comme l’explique ma Louve qui lit mes mails quand je suis en mer et qui regrette mes vieilles bafouilles d’antan, l’E-mail a non seulement changé notre vitesse de communication, il a aussi changé nos manières d’écrire.

Je m’en rends bien compte, surtout quand je communique avec vous. Avec le sujet de mes posts fréquemment centré sur des sujets aussi craignos que la religion par exemple. Vous pourriez penser que je devrais me montrer extrêmement prudent et circonspect dans le choix de mes mots, nous sommes des individus tellement différents dans nos effusions ! Pourtant, il me semble que parfois je saute aussi vite du coq à l’âne que mes doigts de bâbord à tribord sur mon rafiot clavier.

Nous prenons comme offense personnelle l’utilisation de chaque verbe et bien que parfois nous sachions très bien à quel genre de tarés je m’adresse, il semblerait qu’une anonymité émotionnelle dans nos échanges nous prive de notre dignité sociale, et de nombreuses façons, ces messages sont une forme de total manque de respect.
En tête à tête par contre, il semblerait que les divergences s’estompent. Pas plus tard que l'autre soir, j’en parlais avec le père tunisien et barbu d’un pote à mon pilou et qui faisait la peinture de la chambre de ma punkette-gothiko-hard-rockeuse de fille. Aucun problème pour trouver un champ commun où nous mettre d’accord sur nos désaccords ! Et ceci est dû à l’absence d’interférences extérieures issues du fossé numérique.

Malgré toutes nos différences, nous en arrivons à une compréhension mutuelle largement basée sur la disponibilité de subtilités telles que l’expression faciale ou corporelle, les nuances de ton et de teint et les inflexions qui font partie intégrante de l’interaction humaine dans le monde réel et qui nous aident à réaliser que certaines réponses sont plus bénéfiques que notre imagination veut bien nous le faire croire à la seule lecture d’un texte vidé de son contenu émotionnel.

A part les emails, il existe aussi les forums et nombre d’internautes sont familiers avec ceux-ci: Y en a plein et sur n’importe quoi sur AOL Neuf. Je suis quasiment sûr d’être certain que nombre d’entre vous sont venus un jour ou l’autre enrichir de leur prose un débat en ligne. Bien que ces derniers entraînent le même genre de fausses interprétations que les Emails, les forums rajoutent une couche au dilemme en permettant à des voix anonymes de se cacher sous le voile d’un pseudo également anonyme. La communication électronique est susceptible de mé-compréhensions et peut entraîner de rapides escalades des hostilités.

Ayant passé pas mal d’années à lire et à poster des messages dans différents forums, je suis assez familier avec le décalage existant entre mes pensées telles que je les poste et leur interprétation par mes semblables une fois qu’elles sont en ligne. 
Ce ne sont pas seulement mes mots puérilement sortis de leurs contextes, mais le fait que je rende le même genre d’injustice aux auteurs des posts précédant le mien. Pourquoi est-ce que je me sens obligé de juger un inconnu en me basant simplement sur une de ses déclarations flottant dans l’immensité du vide cybernétique ? 
Je pense que la réponse réside en chacun de nous mais est parfois un peu obscurcie entre notre besoin de communiquer et de nous faire entendre et l’anxiété et l’abattement issu du fait de la prise de conscience de la trivialité et de l’ineptie de ce moyen de communication dépourvu même d’un semblant d’intimité.

Parfois, la frustration associée à ce manque de clarté dans l’expression est si grande que nous nous flagellons mutuellement tels des Zorros cinglants à grands coups de fouets. Je sais que je m’en suis moi-même rendu coupable en maintes occasions. 
Certains expliquent que c’est comme si nous pouvions dire au monde entier ce que nous ressentons, et en nous créant un nom d’écran nous pouvons le faire en toute impunité, et que les gens sont beaucoup plus volubiles lorsque leur identité est cachée.

Nos réserves personnelles ont tendance à fondre en l’absence de responsabilité et nous laissons alors libre cours à nos démons. 
Il est vrai que nous vivons dans une société basée sur la liberté d’expression, et certains sujets, bien que valides et sérieux, seront abordés avec plus de sécurité s’ils le sont sous couvert de l’anonymat – remember Salman Rushdie là… - mais nous devons veiller à ne pas abuser de ce manque de responsabilité dans la poursuite égoïste d’une autosatisfaction personnelle.

Ils sont déjà suffisamment nombreux ceux qui manquent déjà de respect à tout le monde même dans la rue. Si nous ne faisons pas gaffe, nous courons le risque de ronger un peu plus les liens fragiles qui nous unissent au travers de l’anonymat du Net.