19 déc. 2007

293. Télé Réalité


Il fut un temps où la Science Fiction était un médium qui permettait aux écrivains d’explorer les questions les plus difficiles auxquelles était confrontée l’humanité. 
Les auteurs pouvaient y développer indirectement les dilemmes éthiques et moraux sans crainte de récriminations, parce que techniquement parlant, ils ne faisaient pas référence à notre monde, ou à quoi que ce soit de réel – ou plutôt de connu – sur notre planète. 
Pour la plupart d’entre eux, des auteurs, tels qu’Asimov, Bradbury, LeGuin, Van Vogt, Orwell, Heinlein, Rand, Vonnegut et beaucoup d’autres de cette période, tissèrent des contes fascinants sur ce que pourrait devenir notre monde si nous ne prêtions pas garde aux décisions que nous prenions, et bien que le futur était souvent d’un sombre aspect, il y avait toujours de l’espoir.

Tandis que je suis assis ici à taper ça à vous dire que nombre de ces histoires furent échafaudées en tant que mises en garde humanitaires, le plus que j’y pense, le plus que je me rends compte que ce qui fut à l’origine pondu pour encourager la précaution se révèle en tant que prophéties. 
Okay, on ne se ballade pas encore en voitures volantes comme dans le 5ème élément, la main de l’homme n’a pas encore posé le pied sur Mars, mais ôtez le clinquant et le séduisant, ôtez la "Science" de ces romans et ce qu’il nous reste ne sont que les descriptions effrayantes du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, et pourtant, en dépit de ces prédictions, nous avons permis aux choses de se développer en ce qu’elles sont aujourd’hui. 
Comment est-ce possible ?

Je pourrais comprendre si les signes annonciateurs s’étaient limités aux œuvres de Fiction, parce que la nature même des œuvres de fiction est que les histoires elles-mêmes sont fictives. 
Toutefois, les livres d’histoire regorgent de longues litanies de mises en gardes cachées, et nos systèmes d’éducation présentent celles-ci en tant que faits, pas en tant que fictions. 
Nos gosses sont élevés à coups de négativité historique globale: Assassinats, peines capitales, peuples conquis, dictateurs, exodes, génocides, putshs, épuration ethnique, racisme, esclavage, tyrannie, guerre, etc… 
Pas une seule fois, mais à plusieurs reprises répétitives, cette représentation négative de l’histoire humaine se voit renforcée à chaque niveau.

Ce serait pas si mal en fait, si l’empilement de ces informations tragiques sur la psyché de nos gosses se traduisait au final en quelque chose de positif : apprendre des erreurs passées et ne pas les reproduire, mais c’est pas tout à fait ce qu’y se passe, je me trompe ? 
Le climat du monde actuel, ce sont les affaires comme d’habitude, comme il en a toujours été.
Un monde de chiens bouffant d’autres chiens, reposant sur la consommation de masse atteinte à travers la mise en esclavage économique subtile de plus grande partie de la meute.

À la limite, je me demande même quel est le but de nos gouvernants et de leurs systèmes d’éducation actuels quand ils enseignent à nos enfants que ces genres de concepts sont négatifs lorsque ils sont mis en application. 
Le système capitaliste libéral fleurit sous ce genre et grâce à ce genre de pratiques, de façon immorale, se développant avec vigueur comme on pouvait s’y attendre.
Alors pourquoi je m’en ferais, hein ? 

Pourquoi les grands auteurs se sont-ils toujours exprimés à l’encontre du chemin que nous suivons? 
Pourquoi est-ce que les livres d’histoire regorgent d’exemples exposant les déviances et les défauts de notre comportement ? 
Pourquoi que les philosophes perdent-ils la vue au fil du temps, gribouillant à la chandelle – ou en se brûlant les yeux en bloggant sur des écrans d’ordinateurs – l’éthique de l’être humain ?
Quelle motivation y a-t-il à tenter de conduire l’humanité vers une obscure et sombre mare de vérité, lorsque tout le monde refuse de s’y abreuver ? 

Ouais, ben la réponse me semble assez évidente, et bien moins hautaine que les idéaux que nous devrions poursuivre. 
La raison, c’est l’espoir.
L’espoir qu’éventuellement, les gens écouteront et discuteront entre eux des idées mêmes que tant d’auteurs ont élaborées au fil des siècles pour encourager leurs semblables. 
Espoir de nous voir avancer de manière plus constructive, de nous voir nous éloigner du matériel, de nous en tenir au spirituel. 
Espoir qu’un jour l’amour prendra le pas sur le pognon ; la création sur l’accumulation. 
L’espoir que nos enfants feront ce voyage, éclipsant nos petites priorités futiles et brisant les chaînes qui nous lient à toutes ces conneries.