6 oct. 2006

214. Les couloirs du temps (Une autre réalité)



Cette p'tite histoire ne vous est pas gracieusement offerte grâce au soutien financier des "MONTRES CASIO"


Einstein nous a dit que le temps était relatif. Il semblerait qu’il défile de plus en plus vite. De nouveaux produits arrivent dans nos vitrines tous les jours. La technologie avance à pas de géant et on perd la mémoire des petits gestes simples du passé. D’ailleurs voyez de quoi j’ai été le témoin en descendant la rue Bichon pas plus tard qu'un peu plus tôt tout à l'heure, juste à peine quelques minutes avant tout de suite:

« Monsieur ! », l’interpella le jeune homme quand le vieux atteignit le passage piéton.
« Oui, vous désirez ? »
Le jeune scruta autour de lui, l’air mi-étonné, mi-apeuré et continua à voix basse : « Voyez vous, je suis un voyageur spatio-temporel et je suis revenu du passé il y a à peine vingt minutes et j’aimerais… »
« Du passé ? », le coupa le vieux, « Vous avez bien dit du passé ? »
Il sourit tristement « Oui. Je sais bien que vous n’allez pas me croire, que vous allez me prendre pour un fou… »

Ma curiosité légèrement émoustillée, je détaillai le jeune un peu plus attentivement : la vingtaine, taille moyenne, longiligne, survêtement Adidas, paire de Nikes, petit sac à dos en bandoulière, cheveux châtain et bouclés.
« Du passé, d’accOoord – Et ? », demanda le vieux.
« Eh bien, comprenez moi, je suis un peu perdu, je voudrais savoir comment marchent ces trucs, comment on les règle, enfin avec quel bouton quoi… »
« Pas de problème, mon garçon. Mais d’abord, dites moi, en quelle année se trouve votre présent si c’est pas trop vous demander ? »
« En 2257, monsieur. »
« Vous m’en direz tant ! Et de quelle année du passé rentrez vous, si c’est pas indiscret ? »
« Je reviens du 21ème siècle, monsieur. De 2006 ! »
« Mais NOUS sommes en 2006 ! »
« Ben je sais bien… mais c’est que la machine du temps se plante parfois, il se peut qu’ils se soient trompés de quelques mois ou de quelques trimestres dans mon transfert. »
« Ah oui. J’avais pas pensé à ça. Mais de quel mois revenez vous dans ce cas ? »
« Du mois d’octobre, msieur. »
« Vous vous foutez de ma gueule ? On EST au mois d’octobre ! – Essayons d’être précis, vous revenez de quel jour exactement ? »
« Du vendredi 6, msieur. »
« Hmmm…, non mais attendez, là, mais c’est aujourd’hui, vous vous foutez VRAIMENT de ma gueule si je comprends bien ? »
Le jeune sursauta, le regard surpris, presque effrayé, m’interrogeant du regard. Le vieux lui saisit le poignet gauche : « Regardez », lui dit-il en lui montrant la Casio flambant neuve que le jeune portait à son poignet, « C’est votre montre qui retarde. La date est bonne mais il est quinze heures trente et si mes yeux me trompent pas, votre montre indique neuf heures trente. Vous avez 6 heures de retard ! »
Il le toisa en soulevant un sourcil réprobateur et s’éloigna les mains dans les poches en marmonnant que décidément il y avait vraiment de plus en plus de tarés dans cette bonne vieille ville de Vannes.
Le jeune resta immobile au bord du trottoir, observant sa montre qu’il tapotait de l’index puis il s’adressa à moi comme s’il me prenait à témoin :
« C’est bien ce que j’essayais de lui faire comprendre, à lui comme aux autres, mais que voulez vous ! » D’une main furieuse, il rabattit ses cheveux en arrière, « Y a déjà plus personne qui se souvient comment qu'on remet à l’heure ce nouveau modèle déjà dépassé que je viens d’acheter ce matin y a tout juste une demi-heure… ».