17 sept. 2006

209. Deux poids, trois mesures...


Je suis entrain de perdre ma guerre domestique.
Si vous êtes célibataires, si vous ne vivez pas jour et nuit avec quelqu’un et n’avez nulle part ailleurs où vous réfugier à part l’endroit où vous et cette personne lavez votre linge sale, alors vous n’avez pas la moindre idée de ce que je veux dire quand je vous parle de guerre domestique.

Vous n’entravez rien aux batailles quotidiennes concernant le tour de qui ce sera aujourd’hui de faire la vaisselle, ou pourquoi une magnifique pile de paire d’assiettes peut sembler aussi droite que la tour de Pise pour l’autre partie, ou, combien important… ou dirai-je plutôt combien vital, le contrôle absolu de la télécommande du téléviseur peut devenir si vous souhaitez passer une soirée pénarde.

Vous ne savez rien des échauffourées thermostatiques gagnées ou perdues selon la proximité ou non d’une couverture chauffante sur votre sofa, et vous n’aurez jamais la moindre idée de comment le fait de concéder la moindre petite victoire à votre autre vous – comme par exemple qui va lever son cul pour fermer la fenêtre – pourrait causer votre chute et vous transformer en eunuque imminent.
Et tout ça devient de plus en plus imminent en ce qui me concerne avec chaque jour qui passe.
Tout ceci devint tout à fait clair pour moi une certaine nuit de la semaine qui vient de passer tandis que j’étais confortablement assis dans le canapé entrain de mater un match de foot et que Marylou décida de m’y rejoindre.
Et par « m’y rejoindre », je veux dire qu’elle me rampa littéralement dessus, s’introduisit par moult gymnastiques entre mon corps torturé et l’accoudoir du canapé contre lequel j’étais moi-même accoudé en premier lieu, qu’elle me poussa en se tortillant les fesses et les épaules jusqu’à ce que finalement elle trouve sa place avec sa tête sur mes cuisses et ses gambettes balancées par dessus l’accoudoir de tout à l’heure, pour enfin m’envoyer un direct du gauche dans l’estomac avec sa nuque jusqu’à ce celle ci soit tout à fait confortable.
Et c’est à ce moment là que sa tête choisit de se mettre à causer.

Maintenant les mecs, repensez à votre jeunesse quand vous pensiez que votre père était un abruti. Souvenez vous, quand votre mère lui parlait ou lui ordonnait de faire quelque chose et qu’il n’avait jamais l’air d’entendre ce qu’elle disait. 
Et plus tard, il vous demandait tout le temps de lui répéter ce que votre mère venait de lui dire parce qu’il s’en souvenait plus. 
Ben je pense pas que c’était parce que votre père était si abruti que ça, je pense qu’il s’agissait plus d’un instinct de survie parce que dès que Marylou a commencé à causer, soudain, comme par enchantement, j'entendais plus rien de ce qu'elle m'disait.
Comme par magie.
L’instant précédent, elle déblatérait sur un truc dont je n’avais rien à secouer, comme par exemple combien elle se faisait chier parfois au bureau de poste, ou sur la belle robe qu’elle avait vue en solde dans la boutique de marque de la rue Bichon ou sur autre chose d’aussi sensationnel, et la seconde suivante j’entendais plus rien de ce qu’elle me contait sinon la voix de Thierry Roland ou de son ami Largué racontant comment Marseille était entrain de botter le cul du PSG.
Comme je viens de vous le dire, féérie et magie pure.

Voyez vous, à un moment donné, la louve intestine interrompit ses inepties et commença à s’endormir. Sur mon ventre, rappelez-vous.
Et ça commença à devenir un petit peu inconfortable. Pour moi je veux dire. Ne voulant pas la réveiller trop virilement, je lui tapotai gentiment l’épaule en lui demandant d’aller s’allonger plus loin car si c’était confortable pour ses petites fesses et sa petit tête, et ben ça devenait tout le contraire pour les miennes.
Sans même déplacer ne serait-ce que le moindre gramme de son anatomie, Marylou me répondit, « Je suis tellement bien et tu fais un si bon oreiller que je pense que je vais rester où que je suis jusqu’à la fin de ton match ».
Ce qui m’amena à cogiter.
Voyez vous, si c’était elle qui avait été assise à regarder confortablement une de ses émissions favorites - genre un défilé de mode de Jean Paul Gauthier ou un truc vaporisant dans ces eaux là - et que je m’étais pointé et m’étais incrusté dans le canapé comme elle venait de le faire, et que je m’étais mis à me servir de son corps comme d’un oreiller, et que je m’étais mis à lui causer de trucs dont elle n’a rien à secouer - genre la beauté sensuelle des lèvres pulpeuses de Sophie Marceau ou la couleur des gazelles que je croise habituellement dans les ports bordant l’atlantique sud – comme elle venait de le faire pour moi, eh ben je pense pas qu’elle aurait été aussi compréhensive et complaisante que moi.
Et en plus, pour pas être en reste, si son corps ressentait autant d’inconfort que le mien en cet instant là, avec sa nuque me perforant l’estomac, et qu’elle me demandait de m’arracher et que je ne le faisais pas, je suis pratiquement sûr et quasiment trois-quarts certain qu’elle se serait mise en colère et qu’on aurait eu une espèce de dispute où elle m’aurait traité d’insensible, d’indélicat ou autres termes incommensurables connus seulement d’elle, de sa cervelle et de son vocabulaire. En d’autres termes, elle aurait cru qu’elle pourrait s’en tirer avec ce genre de comportement tandis que moi, je le pourrais pas.

Tout compte fait, elle aurait appliqué deux poids, trois mesures, comme le gouvernement de l’état sioniste ou les hommes politiques en vogue de la francozone. Incroyable, non ?
Alors je me suis dit que c’était tout à fait anticonstitutionnel. En fait, ça m’a tellement fait cogité les neurones que j’ai pas pu m’empêcher de lui expliquer mon raisonnement. 
Je lui ai expliqué dans les détails et sans fioritures ma position, et qu’elle ne devrait pas pouvoir s’en tirer à si bon compte avec ce type de comportement, et qu’est ce qui pouvait bien lui faire croire qu’elle le pouvait et pas moi ?
Et vous savez ce qu’elle a osé me répondre, la volage ? Elle a ouvert ses beaux yeux bleus, m’a regardé depuis le creux de mon estomac en souffrance et m’a répondu texto : « Mais parce que je suis belle et que tu m’aimes plus que tout, mon gros chat. » Puis elle a refermé ses jolis yeux.
Point, set et match. Je vous l’avais dit, foutu de chez foutu je suis…