21 sept. 2006

210. Ça roule pour moi...


Quoi de neuf chez vous aujourd’hui? Rien?
Ben en ce qui concerne ma pomme pas grand chose non plus en fait à part le fait que j’ai une fois de plus la mâchoire en compote grâce au tripatouillage de mon maxilliaire inférieur par mon enfoiré de khmer rouge de dentiste nazi pas plus tard que ce matin.
Et tandis que je me dirigeais à pince pour mon rendez-vous de 11 heures vers son salon de torture exotique, d’un pas traînant, tentant tant bien que mal de vaincre la marche arrière vers laquelle semblaient à tout prix vouloir se diriger mes baskets pouraves, voilà t’y pas que je me retrouvai dans une de ces situations de merde comme j’en raffolais tant quand j’étais plus jeune et que j’avais de bonnes dents, genre celles qui vous les font grincer.
Et pas sous la roulette du nazi cité plus haut.
Le genre de situation qui vous donne envie de benner vos poubelles par la fenêtre ou de vous enterrer tête la première sous un tas de coussins épais.
Donc je marchais le long du port de plaisance en direction de la tanière de cet enfoiré pour m’en faire dévitaliser une de plus parmi la longue série prévue de longue date, quand j’aperçus un groupe de jeunes venant de la direction opposée.
Deux mecs et une nana qui ressemblait aux deux premiers. Un des larrons affichait ce regard suspicieux qui dit, « Je suis un mauvais garçon, et j’adore ça. » Il portait aussi sous le bras un paquet de journaux publicitaires gratuits.
Tandis que cette troupe se rapprochait, je le sentis venir. Ils causaient fort et s’esclaffaient de brusques risées de joie sinistre.
Celui qui portait les journaux demanda à la vieille qui me précédait d’une dizaine de pas si elle voulait un journal gratos. Ce à quoi elle répondit poliment « non. » et le jeune lui rétorqua, « Pas de blème, je t’en donne un quand même. » Sur ce, il lui en balança trois ou quatre exemplaires dans le dos et entre les omoplates.
Je pense que la vieille était trop choquée pour réagir parce qu’elle se retourna même pas et continua sa bonne femme de chemin. Elle tira juste un poil sur son col pour le remonter et progressa de son pas traînant. Je ne réagis pas non plus. Quelque chose en moi me disait, « Laisse les aller, et peut être qu’ils te laisseront tranquille. » Même si mon autre hémisphère voulait défendre l’honneur bafoué de la dame.
Mais je savais par mon expérience passée, que mes remontrances ne feraient qu’exciter leur belligérance.
Alors vînt mon tour de croiser ces oiseaux de proie. Tandis qu’ils se rapprochaient, j’essayai d’afficher le regard le plus téméraire et le plus endurci qui soit. Le genre de regard qui dit, « Si vous m’faîtes chier, j’vous écrabouille les vertèbres. »
Ce regard aurait pu fonctionner dans la cour d’une école primaire de banlieue chic mais pas ici dans la rue où je n’étais rien qu’un pèlerin de plus en route pour la torture. Aussi quand le porteur de journaux arriva à ma hauteur avec son regard menaçant, je compris illico que j’allais y avoir droit.
- « Hey m’sieur » qu’y me dit, « Tu veux un journal ? »
- « Non, » je lui dit, en espérant l’effrayer par ma réponse froide comme un frigidaire. Mais c’est moi en fait qu’avais les chocottes. La trouille d’être humilié en public. Effrayé de ma réaction si jamais l’animal décidait de me canarder ses journaux dans le dos. Merde les mecs, foutez moi la paix. Siouplaît.
Il n’y eut pas de réponse de sa part. Tout ce que j’entendis, c’est le rire de quelques mouettes et la voix d’un mec en contrebas sur un canote demandant à quelqu’un de lui passer un seau. J’y avais échappé. Ces connards n’allaient pas se la jouer avec moi. J’étais invincible. Comme Superman.
Bang ! C’est le bruit que fit la liasse de journaux en m’atterrissant sur la nuque. Le tout très vite suivi d’une explosion de rires joyeux.
- « Putain, le shoot à trois points, Kaya! » s’exclama la gonzesse, amenant instantanément ma pression sanguine en zone critique.
Nom de Zeus, j’allais pas laisser ces branleurs s’en tirer comme ça. Fallait que je sauve la face.

- « Hey ! », que je leurs dis, en m’agenouillant pour ramasser le tas de journaux, « C’est quoi votre problème ? » Ah, quelle inspiration !!!
- « Hey, c’est quoi notre blème ? » me répondit en écho l'un des rufians, faisant de son mieux pour imiter Vincent Cassel dans la Haine de Kassowitz.- « Renvoies si t’as des couilles ! » me cracha la gonzesse prête pour la guerre.
Ça rigolait de partout si j'ose dire. Le bas de ma nuque suait comme un robinet qui fuit. Je trouvai rien à répliquer. Zip. Nadazéro. Une partie de moi voulait les charger comme un taureau enragé sous PCP, l’autre savait que toute action serait futile. Sinon dangereuse. Je serrai même pas les poings; en fait, la seule chose que je trouvai à serrer furent mes dents et ma rondelle.
Alors je leur balançai un dernier regard méprisant avant d’en faire de même avec le paquet de journaux dans une corbeille qui se trouvait là puis je repris ma marche désormais effrénée en direction de chez mon tortionnaire.
Impatient que j’étais de me retrouver en territoire amical sous le réconfort de sa délicieuse roulette.