29 avr. 2022

611. Révolte

RÉVOLTE

Nous l’acclamions en séduction subtile
Presque mentale,
Spiritualité incontinente
Livrée en chapitres diurnes,
Dénudée de nuit,
Accompagnée des sottises de corps passionnés.

Dans le fond d’un teint épuisé
Nous l'avons attirée,
Tristesse nichée en nous
Au moment opportun,
Douleur d’agoniser dans la révolte
De ses soins éplorés.

Elles serviront ailleurs, nos cuisses musclées
Striées de mépris,
Qu’elles soient acceptées par d’autres,
Généreuses d’une nouvelle porte.
Nous oublierons ses bastions abandonnés
Aux plombages et aux polissages
Voués à restaurer ses bourgeons.
Chair étirée
Au seuil de sa clarté ruisselante
Dans laquelle tarit la source nostalgique
Où nous avons laissé s’exprimer nos peines.

 
Dégoût profond à révolter nos êtres,
Nous allions les traits d’une diablesse
À la cadence de son goût.

Q’elle nous enlève à bras ouverts
Offerts en rédemption,
Qu’elle les ceigne d’une toile
Où nous pulvériserons de nitrate
Les souvenirs originels
De nos vignes de promesses frugales...

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26 avr. 2022

610. Âme (Q)antique



Hé ho, vous m'entendez ?
Je me souviens d'être né et d'avoir renaquis mille fois.

Dans l'entre-temps, au tout début et à la fin de chaque vie, les souvenirs sont forts. Je me souviens de la chaleur du soleil sur mes ailes froissées alors qu'elles se déployaient pour une journée de vol brillante et lumineuse. Je revis l'exaltation de la chasse et l'enfoncement de mes incisives dans la gorge de mes proies - quelle joie c'est de satisfaire ma faim organique. Je me souviens aussi de l'agonie d'être une proie, car bien sûr, tout doit s'équilibrer à la fin. Mon cœur a pompé du sang froid à travers des serpentins sinueux et a battu son rythme à sang chaud depuis les profondeurs de l'océan.

Comme vous, je suis la somme d'un million d'expériences.

Il est vrai que la renaissance sanglante et désordonnée dans le monde en tant qu'humain m'étourdit à chaque fois. Le choc de l'union quand l'âme rejoint le corps. L'expulsion violente par l'utérus, le canal de naissance. La sensation saisissante de l'air sur la peau, après un âge de flottement éthéré. Le halètement instinctif, ce premier gémissement mortel. Et donc ça recommence, et je suis là au début d'une nouvelle vie.

Toi et moi ne sommes pas ici ensemble par hasard. Le karma attire les âmes avec la persistance d'une rivière vers l'endroit auquel elles appartiennent. Pour ceux qui ne sont pas encore assez enrichis par la souffrance, le destin trouve toujours un moyen de rendre les choses justes. J'ai vécu ma part de vies troublées, et j'ai surtout appris à les transcender en servant mon but avec patience et compassion. Le karma est aussi indéniable que la gravité, et nous devons exister en harmonie avec elle. C'est ainsi que se tissent la chaîne et la trame de l'univers.

Quand il fut temps de recommencer, je fus attiré par ma mère par-dessus tout. De manière irrémédiable. Pire même, inexorable. Tel un AVC, une thrombose ou une myocardite par un triple-vax. Quel modèle fut établi pour nous, je peux pas encore le dire. Tandis qu'elle développait l'amalgame miraculeux de poussière d'étoiles et d'eau qui est devenu mon corps, je l'entourai de mon énergie jusqu'à ce qu'elle brille. Puis j'ai sombré, aussi sûr qu'une ancre plongée dans les abysses, dans la minuscule forme infantile qui allait maintenant grandir et me porter à travers cette vie. Je n'ai que quelques jours et j'attends d'être à la fois enseignant et apprenant. J'ai hâte de rencontrer les autres âmes incarnées dont les vies sont liées à la mienne.

Je dors beaucoup. Je rêve des courants colorés de félicité dans la soupe surnaturelle dont nous sommes issus. Je me réveille et l'antique sensation de faim met mon petit corps en rage. Je ne suis pas encore doué pour exercer les voies complexes de mon cerveau, et je me tortille et grogne de frustration. Mon corps est encombrant. Ces débuts sont à la fois familiers et vexants, car je me souviens des restrictions et des plaisirs de la chair. Mes nouveaux sens vibrent à l'odeur et au son de ma mère alors qu'elle me réconforte, et mes yeux immatures apprennent à se concentrer sur son visage. Je m'interroge sur le parcours qu'elle entreprend et sur le rôle que je vais jouer.

Bientôt, tous les souvenirs d'avant s'estomperont et je serai complètement immergé dans le temps et l'espace occupés par mon corps. Je ne connaîtrai le monde qui m'entoure qu'à travers mes sens mortels. J'oublierai la lumière du soleil sur mes ailes et je n'aspirerai qu'à la chaleur du corps de ma mère. Le désir de satisfaire la faim n'apportera que des souvenirs de lait, pas de sang. Il faudra du temps pour réapprendre les rouages ​​du monde naturel. J'aurai un sens simple et fini de moi-même. Je ne saurai plus où le corps devient âme ni où l'âme devient éternité.

Des échos de vies passées émergeront, comme ils le font toujours. Brutal instinct de survivre aux dépens des autres, peut-être. L'humanité peut être aussi laide que sublime. Nous avons tous exprimé de la violence et de l'égoïsme, en particulier dans nos premières vies. Je n'aurai aucune idée d'où viennent ces forces, mais je serai mesuré par la façon dont je les canalise. Je me demande si la sagesse que j'ai acquise persistera assez fortement dans mon subconscient pour l'emporter.

Mais pour l'instant, à peine arrivé, toujours installé dans ce doux écrin de chair, je me souviens de tout. Je suis plus sage que mes parents ne pourraient jamais l'maginer, mais incapable de leur en communiquer un mot.
Mes parents m'ont placé dans tes bras, papy, ravis de nous présenter. Ils sont soucieux de vérifier que le creux de ton coude fragile soutient bien ma tête. Ton étreinte est raide et maladroite, mais elle s'adapte à mon poids.

"C'est un bébé si facile." te dit ma mère.
- Nous lui avons donné ton nom, papa." rajoute mon père. "À ton avis, de qui tient-il ?"
Tu regardes mon visage, tires une expression douteuse. "Eh bien, je  sais pas trop. À vous de me le dire."

Nous nous regardons, mutuellement intrigués, et mes parents sont frappés par notre apparence à la fois sérieuse et sereine. Ils s'émerveillent de la beauté des très vieux berçant les très jeunes. Nous nous ressemblons, toi et moi. Nous avons en commun l'amour de mes parents, et nous faisons symétrie en nous tenant aux deux extrémités opposées de la vie ; comme des serre-livres avec une bibliothèque d'expérience entre nous. Tu soulèves une main osseuse et caresses la courbe de ma joue.

Je vois comment que tu arrives à la fin de ton voyage. Ton corps est devenu une enveloppe, prête à te relâcher dans l'univers. Tu commences à te souvenir de l'océan d'énergie invisible qui nous entoure. Je peux sentir ton désir d'y retourner, ton désir d'être à nouveau libre. Les années ont passé si vite, penses-tu, alors que tu te souviens presque de l'éternité et que tu comprends que ton court laps de temps ici-bas n'est qu'un clin d'œil dans l'éternité.

Mais tu es toujours si fortement attaché à cette vie. Les courants sonores de la douleur dans tes nerfs âgés servent de cordes de cerf-volant, te ramenant constamment à ton corps. Les souhaits et les désirs non satisfaits des années pèsent lourd en toi. Tu as peur, car tu ne peux encore rien voir au-delà. Cela te rend perplexe et résistant. Tu es coincé.

Ce sera alors mon premier objectif. Pour t'aider à te souvenir de ce qui se passe ensuite, pour te rassurer sur le fait que tu pourras lâcher prise dès que tu seras prêt. Je suis ici maintenant, et je réconforterai ma mère et mon père quand tu seras parti.
Peux-tu m'entendre?

"Je ne sais pas de qui il tient," conclus-tu. "Mais je vois une vieille âme derrière ces yeux."

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20 avr. 2022

609. Trilogie Hold Up-On-Out: Décryptage d'un génocide



La Trilogie
HOLD-UP - HOLD ON - HOLD OUT 

HOLD UP (2h47m)
Hold-Up : Retour sur un chaos est un film documentaire indépendant conspirationniste français sorti le 11 novembre 2020 sur Vimeo. Il est produit par Pierre Barnérias, Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé. Il met d'abord en avant des controverses autour de la pandémie de Covid-19 telles que l'utilité des masques, du confinement, des traitements comme l'hydroxychloroquine, pour développer dans une seconde partie la théorie d'un complot mondial qui aurait créé la maladie à coronavirus 2019 pour éliminer la moitié de l'humanité et asservir les survivants.
Malgré l'arrêt de la diffusion sur Vimeo, le film est partagé de manière virale sur les réseaux sociaux. Les médias et les universitaires critiquent quasi unanimement son "conspirationnisme", du fait des nombreuses "fausses" vérités vérifiables et vérifiées qu'il contient et de ses conclusions "complotistes". Il participe à ce titre à la réinformation sur la pandémie de Covid-19.

HOLD ON (2h30m)
La suite du film documentaire de Pierre Barnérias sur la crise COVID ( Full HD )
Après Hold up, voici le 2ème volet de la trilogie Hold Up, Hold On, Hold Out de Pierre Barnérias.

HOLD OUT (2h24m)
HOLD OUT 3ème et dernier volet de la série de Pierre Barnérias sur la "Plandémie" Covid 19
Censuré sur Youtube. Après le détonnant HOLD UP puis le révélateur HOLD ON, voici donc HOLD OUT, le dernier volet de la trilogie d’enquêtes réalisées par le collectif de journalistes indépendants CITIZEN LIGHT.
Ce 3ème et dernier volet de la trilogie est réalisé par CitizenLight, un collectif citoyen de journalistes indépendants.

Pierre Barnérias est journaliste, réalisateur et directeur de la photographie, connu pour ses documentaires courageux sur des sujets trop peu médiatisés ou trop peu débattus dont l'incontournable et l'historique documentaire Hold-Up, sorti en 2020 et qui sera à la une des médias pendant plusieurs semaines et qui aura même un écho international. D'origine bretonne et auvergnate, issu d'une famille nombreuse, Pierre passe tout d'abord une maîtrise de droit privé à l'université Panthéon-Assas et, après un grave accident, il intègre l'école européenne de journalisme de Bruxelles. Journaliste depuis 23 ans, Pierre BARNERIAS a travaillé aussi bien en presse écrite qu'en radio et télévision. Lors d'un travail sur le terrain, il a découvert quelques conflits, comme la guerre en ex-Yougoslavie, la guerre du Golfe et l'Irak. Il a aussi présenté les journaux d'information, notamment sur France-Info puis sur RTL2 (rédacteur en Chef). Ouest-france, France 3, TF1, LCI, France 2, France-info, Europe1, sont ses anciens employeurs. Il a produit et réalisé une cinquantaine de documentaires et magazines dont certains ont été primés dans des Festivals Internationaux. Il souhaite apporter une information positive qui donne envie d'agir, une information nouvelle qui nous donne des clés pour comprendre notre monde, et d'une façon générale l'histoire des religions.


À voir ou à revoir


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18 avr. 2022

608. La danse du Démon


" Hey, ho, Dieu t'es là ? C'est moi Luc… tu sais, l'Antéchrist..."
Ouais, je sais, c'est une prière bizarre, mais c'est la mienne. La même chose que je demande tous les matins avant de me mettre à danser pendant exactement 6 minutes.
La danse du diable se déroule tous les matins à 6 h 06. Et je dois la danser sur un tempo de 6 demi-temps, genre Fandango ou Bolero. Sarabande à la limite en cas de mauvaise nuit de sommeil ou si j'ai de la fièvre. Mon Père a toujours pris toute cette histoire de 666 très au sérieux.
"Je sais que toi et mon Père ne vous entendez pas trop. Il a vraiment merdé… les choses ont foiré et je n'ai pas fait tellement mieux moi-même. Mais au moins, j'ai empêché la fin du monde."

Mais peut-être que Dieu ignore mes prières. Je veux dire, pourquoi qu'il écouterait le fils du Diable, l'être désigné et destiné à provoquer la fin des temps ? Vraiment, personne ne m'a jamais réellement écouté pour une raison quelconque qui m'échappe, un motif qui me glisse entre les doigts.
Je plaisante, c'est parce que je suis un démon. Enfin peut-être. Je suis pas totalement sûr.
Le fait est que je ne ressemble pas totalement à un démon. Je veux dire, j'ai pas de cornes et mes cheveux blonds et soyeux ressemblent plus à ceux d'un enfant de chœur ou d'un chérubin comme y en a sur les plafonds du Vatican. J'ai une carrure souple, donc je suis pas hyper fort comme Belzébuth. On m'a dit que c'était mes yeux qui dérangeaient le plus les gens. Des iris ambrés profonds avec des reflets dorés brillants, censés être magnifiques pour tromper les humains autour de moi.
Ce sont aussi mes yeux qui ont fait comprendre à ma famille que la malédiction s'était réalisée. Six générations d'attente après une affaire louche dans un trou de Picardie, le sixième enfant d'un sixième enfant est né avec des yeux impies.
Comme je l'ai dit, Papa aime vraiment le truc des chiffres.

Dring. Dring. Dring !
L'alarme de mon téléphone a sonné dans ma poche comme tous les matins.
Sauf que ce matin, je suis ni à la maison ni dans la salle de bain ni dans un placard, donc je vais devoir danser en public.
À l'arrêt de bus. Qu'est rempli de monde en plus de ça.
J'ai sorti mes écouteurs de ma poche et me les suis enfoncés dans le trou des oreilles, espérant qu'en agissant comme si que j'écoutais de la musique, les gens supposeront peut-être que je répéte une danse pour une comédie musicale ou quelque chose dans ces eaux-là.
L'heure sur mon téléphone indique 6 h 05. Moins de 60 secondes avant que le destin du monde ne retombe dans mes chaussettes.
Je déteste les dernières secondes plus qu'autre chose. Au cours des dernières années, depuis que j'ai commencé à occuper un emploi sans futur chez McDonald, je me suis toujours demandé si empêcher la fin du monde en valait vraiment la peine.

Ne vous méprenez pas, je veux pas tout détruire, mais cette stupide danse - la plupart des danses à 3 ou 6 temps sont des danses folkloriques, vous le saviez ? - m'avait vraiment mis sur une voie tragique. Entre le travail, une série d'amitiés troublées - les rendez-vous ne semblaient jamais tout à fait à l'heure ou pointilleux - et une famille violente qui pensait qu'elle pouvait me faire renoncer au mal.

Vraiment original, non ? Je les ai tous détestés. Laisser leur monde se terminer était tentant, mais ça justifierait alors toutes leurs peurs à mon sujet.

6h06
Showtime. Je commence à compter dans ma tête alors que je traîne mes pieds sur le trottoir fissuré.
1-2-3-4-5-6
Je débute avec quelques pas de base, me tournant de temps en temps pour plaire à mon cher vieux Papa qui doit me regarder depuis là-haut. Il m'a donné mon seul et unique avertissement quand j'avais 11 ans,  en me disant que traîner les pieds n'était pas suffisant. Avec le recul, je me demande si c'était Sa façon à lui de me témoigner Son indulgence. Ça, ou alors c'était Sa façon subtile de me torturer davantage.

" Drôle de beat merdique, mon frère ! "
Un jeune noir qui attend le bus vient de commencer lui aussi à remuer les pieds, semblant imiter ce que je fais. Son sourire est pur et innocent, n'ayant assurément pas la moindre idée de ce avec qui ou quoi il vient de se mettre à fricoter.
Non.
Faire tourner le monde est la première partie de la malédiction. La deuxième partie dit que quiconque entre dans la danse avec moi sera condamné s'il ne meurt pas dans les six minutes suivant mon dernier pas.

Honnêtement, danser tous les matins est la partie la plus facile.
Convaincre les gens qui sont prêts à danser en public au hasard, vous savez ceux qui aiment les flash mobs, de ne pas le faire, eh bien c'est une autre paire de manches.
"C'est vraiment plus un numéro de solo, mec", je lui dit.
L'adolescent hausse les sourcils. Il fourre ses mains dans la poche ventrale de son sweat à capuche. J'imagine qu'il est le mastard de la cour de son lycée, le prince Dreadlock , probablement destiné à décrocher une bourse en sport-études.
Là encore, peut-être qu'il renversera une pom-pom girl le soir de la remise des prix, ruinant ainsi toute chance qu'il aurait pu avoir d'un succès significatif. Il trouvera soit un travail sans avenir, soit un travail sans âme, peut-être vendre de la peinture écaillée au citron pour rafraîchir les huîtres.
Vraiment, qui sait.

"Ouah mec, t'es sérieux ?"
Peut-être qu'il est déçu, mais je préfére lui refiler une déception chorégraphique plutôt que des droits diablitoniques. Je peux pas contrôler la réaction des gens à ma danse hétéroclite à 6 demi-temps, mais je peux au moins essayer de les dissuader de mourir.
La dernière personne à avoir dansé avec moi a fini par se prendre une LBD dans l'œil gauche en plus de s'être cassé la cheville droite lors de la grande pause dansante pas loin des Champs de l'Élysée
Le pire était à quel point elle avait été publique. Elle tapait dans l'une de ces performances vouées à l'échec en direct à la télévision. Danse avec les Stars ou un truc comme ça. Les spectacles en direct sur scène sont destinés à être visionnés lorsque vous pouvez voir la scène. Une partie de moi se demande encore si la personne derrière sa série d'échecs télévisés avait dansé avec moi quand j'étais plus jeune.
"Désolé mec, c'est mieux si tu me laisse danser seul."
Sa surprise se transforme en air renfrogné. Offenser quelqu'un a généralement deux manières de se conclure. Soit la personne s'éloigne, ignorant à quel point elle s'est approchée du mal à l'état pur, soit elle le prend comme un défi et continue à danser avec moi malgrè tout.

Ses yeux plongent dans les miens, le premier signal de ce qui va probablement être la seconde option. Il est sur le point de signer son contrat avec mon Père. Bien que je ne pense pas être mauvais, je me demande quelle sera sa malédiction.
Il est jeune donc ce sera quelque chose de traumatisant qui s'en suivra. Peut-être qu'il va perdre un ou une testicouille dans une terrible baston de quartier. Ce qui réduirait-il de moitié ses chances d'avoir des gosses ? Voilà qui devrait faire plaisir aux Zemmourmen.  
Mais est-ce que ça fonctionne vraiment comme ça ? Les voies de mon Père sont impénétrables. Connaissant les malédictions, Dreadlocks a aussi autant de chances de devenir plus viril encore, ce qui l'obligerait à renouveler toute sa collection de faux calbutes Calvin Klein made in China.
Il prend une profonde inspiration, soufflant et gonflant la poitrine. OK, s'il veut me combattre pour avoir essayé de l'épargner, peut-être qu'il mérite une malédiction.
"En fait, je m'en tape, mec."
Ah, Dieu merci, il abandonne ! Je suis trop trop fort !
Puis il rigole: "Je vais faire mon propre numéro!"
Il commence alors à faire des singeries inspirées des années 50, qui lui donnent l'air d'appartenir à une comédie musicale stupide qui a été jouée et rejouée de Broadway à Vladivostok. Ses potes sont pliés de rire.
D'après ce qu'il me dit ensuite, j'ai dû laisser apparaitre un air désolé sur mon visage.
"Ouah. Je savais pas que les petits blancs prenaient la danse silencieuse tant au sérieux. Qui aurait pu penser que vous soyez aussi nuls même dans ce domaine."

Ses mouvements de danse sont passés de moqueurs à intimidants. Je parle de break-dance là, de swag hip-hop des années 1990. Cet adolescent dégingandé est plus gaillard qu'un gardon shooté au PCP juste sorti de l'eau.
J'entends les chuchotements aléatoires des gens qui attendent le bus autour de nous. Je suis sûr que nous sommes le clou de ce spectacle improvisé. Moi, le mauvais danseur qui ne fait que traîner des savattes, protégeant la vie de tous ceux qui le regardent et au-delà. Mes mouvements de swing de 3 temps à 6 demi-temps sont les seules choses qui peuvent empêcher leurs vies de se transformer en un enfer littéral et infernal.
Ensuite, ce grand marmule de 18 ans qui saute, verrouille puis se laisse retomber. Entrant dans différents rythmes avec des mouvements d'épaules brusques, ne servant que peu ou pas de but à personne d'autre qu'à lui-même.

Ouais, ma demande était bizarre mais je fais que tenter de le protéger. Il ne fait que booster son propre ego. C'est un égoïste.
"Tu vas le regretter." je plaide.
Je sais pas trop comment fonctionne cette partie de la malédiction, mais je me dis que moins il dansera avec moi, moins la colère de mon Père sera sévère.
" Ah bon ? Et c'est quoi que je vais regretter ?"
L'intensité de sa danse s'est ralentie tandis qu'il s'avance vers moi, ses amis l'entourant alors qu'ils se préparent à "me donner une leçon". Mec, ça fait vraiment cliché.
"Hopolopolop, je cherche pas d'ennuis ni à te manquer de respect. Tu peux tout simplement pas comprendre ce que signifie danser avec moi."

Ta vie est condamnée si tu continues à danser avec moi !
C'est ce que je voulais lui dire, mais je doute fortement qu'il me croie.
"Je reçois pas d'ordres de clampins qui bossent chez McDonald." me dit-il en pointant un doigt sur ma poitrine revêtue d'un tshirt professionnel floqué du M de cette boîte de merde.

Il fronce les sourcils avec un air d'autorité. Je réalise qu'un non n'est pas une réponse pour lui, surtout si ce non est balancé par des personnes qu'il ne respecte pas. Enseignants de la République. Flics de la Bac. Des gens décents quoi.
Je me mords la lèvre, continuant toujours mon numéro de danse en solo. Je peux continuer à lui parler durement, espérer qu'il arrête de danser et empêcher tout l'avenir démoniaque qui l'attend au virage.
D'un autre côté, je peux juste le laisser danser. C'est son choix de danser. Je ne l'ai pas fait. Le seul choix que ce black n'a jamais eu dans la vie est le goût qu'une certaine petite cuillère peut laisser dans la bouche  des bébés à la naissance. Je suis sûr que son karma est détraqué depuis sa venue au monde de toute manière.
Mais, le laisser danser serait-il le moment qui me lancera sur le chemin de mon Père ? Si je l'abandonne, cela voudra-il dire que je vais finalement moi-même abandonner ?  Et qu'en sera-t'il de tous les autres?

Tous les autres…

Il commence à fulminer parce que j'ai pas répondu. Les poings serrés, la mâchoire saillante, il a le feu dans les yeux. Il ne lui faudrait qu'une seconde pour m'allonger bien raide et arrêter ma danse.

Et si la danse du Diable se terminait avant la fin des six minutes ?
Apocalypse.
Je lui fais signe de la tête, évaluant mes options une dernière fois. Lui ? Moi ? Le monde ?
" Alors, tu vas me laisser danser oui ou merde ? "
Je regarde mon téléphone. L'horloge est passée à 6h10.
"Tu sais quoi… fais comme tu le sens, mec, je m'en lave les mains."

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15 avr. 2022

607. Que signifie être humain ?

 

"Les choses ne seront plus jamais les mêmes maintenant..." dit-il en s'appuyant contre la rambarde, lui confiant tout son poids, peut-être même y-compris celui super-lourd qui pesait sur son esprit. Il portait une épaisse moumoutte noire, celle que je lui avais achetée il y a quelques années. Je me suis demandée un instant pourquoi qu'il ne me l'avait pas proposée, vu que ça caillait grave.

Des aiguilles de pins des landes saupoudraient la terre sableuse qui composait le sol éclairé par les lumières sortant de notre salon, presque comme des pépites de pistaches sur une crème prâlinée. 
Nous nous tenions ensemble sur le porche en bois, de petits éclats résineux jaillissaient entre les planches dont était fait le balcon sous nos pieds. Je me suis rapprochée de lui, en équilibre sur la plante des pieds, ce qui a provoqué des craquements incohérents qui se sont répercutés dans le calme de la nuit,
"Ne t'approche pas, putain de merde."
Il tendit sa main gauche vers moi, m'arrêtant dans mon élan. Sa main droite pinça son arête nasale, ses yeux se fermèrent. Sa voix était grossière, comme s'il avait bu du crack, ou fumé du Jack Daniels. Peut-être même les deux.
"Je comprends pas." dis-je finalement, les mots semblaient épais dans ma bouche, comme si je venais d'être tirée d'une sieste prise le matin pour me réveiller au beau milieu de la nuit.

Des hirondelles trissaient au sommet de leurs nids, tout était noir sauf nous, la lumière jaune de l'intérieur du chalet éclairait nos silhouettes qui se fondaient en ombres sur le sol. Il rit de façon maniaque, se tournant vers moi avec un sourire forcé,
" Bien sûr que non… bien sûr…, qu'est-ce tu pourrais comprendre de toute manière ? "
Le vent s'est levé, soufflant dans ses cheveux hirsutes, toujours bruns, mais plus longs que la dernière fois que je l'avais vu. Il était de taille moyenne, sans distinction et une allure têtue comme c'est pas permis, mais ses yeux étaient vaillants, verts luisants, et perçaient à travers moi. Et pourtant, ils avaient peur.

"Tu n'es même pas elle, qu'est-ce tu pourrais savoir ? Bon Dieu... t'es même pas humaine." Il leva les mains en l'air et les rabattit sur son jean. Il a toujours eu l'habitude de gesticuler. Puis, en même temps qu'il avait une conversation privée avec lui-même, il sortit une cigarette et son briquet de sa poche, "Ils ne m'ont jamais dit que ça allait être comme ça... ils ont dit que ça serait réaliste, genre à quoi elle voudrait ressembler..." 
Il marmonnait à travers sa cigarette maintenant allumée, illuminant son visage pendant un moment avant que tout ce que je puisse voir soit une traînée de fumée s'échappant dans le vent, derrière lui,
" Non mais qu'est-ce que tu racontes? Je suis moi là, je suis là". Je souris et fis un autre pas en avant, me sentant toujours à mille pas de lui.

Même avec son briquet désormais éteint, je pouvais voir qu'il se tenait la tête entre les mains, et je pouvais dire, à la façon dont ses épaules commençaient à trembler, qu'il pleurait. Je pouvais à peine discerner une longue cicatrice sur le côté de son visage ; je me suis demandée d'où qu'elle venait. 
Sans hésitation, je me jetai presque sur lui, enroulant mes bras autour de son corps et le tenant fermement, entendant son cœur battre même à travers ses couches de vêtements. Pourquoi que je pouvais pas sentir sa chaleur ?

Presque immédiatement, il m'a écartée de lui, " T'approche pas, éloigne-toi de moi ! Arrête d'essayer de me convaincre que t'es ma femme ! Tu lui ressembles peut-être beaucoup, mais en même temps t'as rien à voir avec elle." cria-t-il en me poussant sur le côté dans une tentative infructueuse de se débarrasser de ma présence. Avec succès, je me rattrapai à la rambarde, mais non sans m'arracher la peau sur un clou rouillé qui sortait malencontreusement du bois. Il n'avait jamais voulu rénover l'endroit, toujours obsédé par ce "look vintage des années 80"
j'ai haleté: "Merde Vincent, regarde qu'est-ce que tu viens de me faire ! Je me suis coupée. Qu'est-ce que qui se passe dans ta tête ?"
Il me regarda enfin, les larmes gelant sur son visage, son nez rougi.
Pourquoi n'avais-je pas froid ? J'ai regardé ma main, attendant que le sang coule le long de l'entaille que le clou venait de faire, "Vincent... pourquoi que je saigne pas ?" J'ai levé les yeux d'un air maniaque, mais ses yeux avaient l'air aussi effrayés que les miens.
Sous l'entaille, y avait pas de sang ni de muscle, mais des engrenages, de l'acier et de minuscules fils colorés qui brillaient de manière irisée, clignotant d'un rouge vif en gigotant, avant de se mettre à réparer lentement l'entaille à la manière de mini-aiguilles à tricoter, comme une machine.
" Vincent, qu'est-ce qu'y se passe ?" Je trébuchai, palpant ma chair, me grattant de plus en plus fort, jamais de toute ma vie je n'avais autant souhaité voir mon corps pisser du sang.

La voix de Vincent se brisa, "Tu veux dire... t'es pas au courant ?" 
Je me suis avancée vers lui, et ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai réalisé qu'avec le mouvement de mes membres, un son mécanique et inconscient pouvait être perçu, faisant tic-tac comme une horloge dans mon corps, si on pouvait encore appeler ça un corps. 
J'entrai robotiquement à l'intérieur de la lueur dorée de notre cuisine, ses yeux me suivant mais ses pieds restant sur place. 
Mon regard s'est arrêté sur des publicités éparpillées dans le salon, accompagnées de bouteilles de bière et d'albums photo jonchant le sol. Au moment où j'ai réglé la sono dans ma caboche d'un cri de sopranette à un bourdonnement grave des plus bassytons, mon souffle s'est arraché de mes poumons après avoir lu les premiers titres que j'ai pu trouver:
" Faites revivre vos proches avec des greffes neuronales révolutionnaires: Intelligentes et Artificielles !" c'était écrit.
"Neuro..transplantations cérébrales..", marmonnai-je tout en traçant les lettres encrées en gras avec mes doigts. Pour une raison quelconque, les journaux étaient encore publiés, je suppose que le monde aime les choses qui devraient être laissées de côté.
"...vos proches laissés derrière..." marmonnai-je à nouveau, regardant lentement notre portrait de famille qui se tenait debout et sans prétention sur la table de la cuisine, une épaisse couche de poussière se déposant sur la vitre. Je l'avais toujours nettoyé chaque semaine, alors pourquoi était-il si poussièreux…?  
Vincent traversa lentement la porte vitrée, la fermant doucement derrière lui. Ses mouvements étaient raides mais posés. Hésitant, il dit : " Quel était le nom de notre enfant à naître ?" 
Comme s'il ne voulait pas que je donne la bonne réponse, espérant peut-être qu'il aurait raison. Il devait toujours avoir raison.
" Samuel. " J'ai répondu tout aussi doucement, craignant que peut-être je ne le sache pas en fait, et il aurait eu raison tout ce temps : " Nous avons un fils qui s'appelle Alex, nous nous sommes mariés le 16 novembre, nous sommes allés en Andalousie pour notre lune de miel, et tu as toujours secrètement  souhaité que j'ai des cheveux bruns parce que ça t'aurait rappellé ta première petite copine ! Est-ce suffisant pour toi, Vincent, ou tu veux que je m'étende plus ? Oh... et puis ferme la porte, ça fait rentrer l'air froid, même si pour moi, ça n'a apparemment aucune espèce d'importance, n'est-ce pas, Vincent ?"

Je peux même pas commencer à décrire à quoi ressemblait son visage. Il semblait qu'il était en conflit, entre ressentir de la peur et de l'amour, et ces deux choses ne peuvent pas coïncider, semble-t-il, parce que si c'était le cas, ils m'auraient tout simplement laissée mourir, n'est-ce pas? Je n'arrivais toujours pas à comprendre comment que cette cicatrice était arrivée là.

Les pensées et les souvenirs envahissaient ma tête alors que je montais les escaliers, jusqu'à mon miroir, jusqu'à la dernière évidence qui prouverait que j'étais ce qu'il pensait que j'étais. Preuve que ce n'était pas une grosse farce comme on en filme parfois pour des émissions de télévision. Le miroir était poussiéreux, mais d'un seul coup de pouce qui ne me ressemblait même plus, tout a soudainement cliqué dans ma tête comme dans celle d'un Archimède sortant de sa baignoire.

Je me suis longuement regardée. Je n'ai pas bougé et j'ai rien dit. Tout ce que j'ai entendu, ce sont les pas de Vincent qui se précipitait derrière moi. 
Je me ressemblais, oui, légèrement. J'avais des cheveux blonds qui tombaient en cascade devant ma poitrine et ma taille était la même. Je le sais, car Vincent devait toujours se pencher un peu pour m'embrasser, et mes vêtements étaient les mêmes, la robe noire que je portais à chaque fête qui couvrait maintenant un corps que je pouvais à peine reconnaître. 
Ma peau était lisse comme du silicone, mais dure comme de l'acier et mes yeux étaient bleus, mais ils ressemblaient à ceux d'une poupée, essayant seulement d'imiter ce que c'est que d'avoir l'air humain. Une poupée. J'ai rigolé, "Ils ont oublié la tache de naissance sur ma joue, t'as remarqué ?" 
La silhouette essoufflée de Vincent me fixa à travers le reflet du miroir : " Ils ont oublié beaucoup de choses en fait, Vincent... les gens qui m'ont fait ça, les scientifiques ou quoi que ce soit... ils ont oublié mes taches de rousseur et mes muscles... mes yeux-  
Il m'a coupée, " Héloïse… c'est vraiment toi ?" Je crois que c'est la première fois que j'entendais mon nom s'échapper de ses lèvres depuis des lustres, apparemment j'avais dû dormir longtemps après tout.

Je ne pouvais rien faire d'autre que m'effondrer sur le sol, regardant mes mains, qui maintenant n'avaient plus de cicatrice, plus de durillons ni de bosse d'écrivain, ou quoi que ce soit, mais devant elles sur le tapis, il y avait des taches fanées de quelque chose... peut-être du vin rouge ? 
Ça n'avait pas d'importance. À l'intérieur, je criais, s'il y avait un moyen de me tuer, je l'aurais fait, mais le fait est que la définition même de ce que ça signifiait d'être en vie a été remise en question à ce moment-là, "Pourquoi tu m'as fait ça." demandai-je en le regardant droit dans les yeux. Il s'est étouffé, s'appuyant sur le cadre de la porte de notre chambre pour se soutenir. Il était fort, mais il tremblait et il pleurait... au moins il pouvait encore faire ça.

Une petite voix calme s'éleva de l'obscurité derrière lui : " Maman, maman ! T'es revenue ?" Mes yeux ont rencontré le petit garçon dont les yeux ressemblaient tant à ceux que j'avais eus, et j'ai pleuré. Il n'y avait pas de larmes, mais j'ai essayé, et je me suis assise là et j'ai pleuré tandis que Vincent s'approchait lentement du miroir et le tournait dans le sens opposé. Il a toujours été réfléchi. "Que signifie être humain ?" pensai-je alors qu'un rouge clignotant brillait dans le coin de mon œil, signifiant que j'étais presqu'à court de batterie.

J'admirais l'homme que j'avais épousé pour son soutien, en supposant qu'il me voyait toujours comme son épouse, mais quelque chose en lui était différent, quelque chose de sinistre et de calculateur. 
Ses yeux allaient et venaient, entourés de son teint pâle tandis que je jouais avec les faux-plis de la moquette tachée d'hémoglobine séchée. 
L'homme qui m'avait ramenée à la vie cachait quelque chose, et je savais que ça avait à voir avec la cicatrice sur son cou et le sang sur le tapis, et peut-être même avec la raison de ma mort en premier lieu. 
Mais alors que je commençais à contempler ce scénario avec les yeux d'une robote et l'esprit d'une humaine, ma vision se voila, avec une brume rouge sombre clignotante filtrant à travers ma vision. 
Mes bras tombèrent mollement sur mes côtés et ma tête s'affala en arrière avant que je puisse dire un autre mot. 
Les yeux de Vincent n'auraient pas pu me regarder avec plus de peur tandis que je perdais le pouvoir sur moi-même et sur mes propres actions. 
Alors que je sombrais dans l'oubli avec l'espoir d'être rechargée, je me demandais si je le serais un jour ; et vu le regard dans les yeux de mon mari, je fus remplie d'une terreur incommensurable face à un homme qui n'arrivait pas à décider s'il allait à nouveau tuer sa femme ou s'il allait la garder en état de marche.

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12 avr. 2022

606. L'Extase



Laisse-moi te parler d'un truc, mec. Les opportunités me collent à la peau. Elles m'imbibent l'odorat comme une flaque d'essence fraichement versée et qui attend juste son allumette. Je les renifle, tu comprends ?
Je suis un homme d'affaire. Et tu sais c'est quoi que je renifle ces derniers temps ? 
Les cigarettes électroniques, mec. Le marché à la plus grande croissance dans les 27 pays de l'UE. C'est un fait. Fact-check le si tu me crois pas.

Les gens se les arrachent. Spécialement les militaires. Pas de problème de flamme, ou de lueur pouvant trahir ta position. C'est un marché en croissance comme c'est pas permis.
Mais la cigarette électronique n'est pas la mine à fric que tu crois. On ne l'achète qu'une fois. Ce qui paye, c'est les recharges de fluide. C'est ça que t'arrêtes plus d'acheter une fois que t'as croché dans l'hameçon. Comme les cartouches d'imprimantes, mec. Ou les jeux de Playstation.
J'ai une écurie complète de chimistes, mec. Des mecs que j'ai connus au collège mais qui trainaient pas comme moi dans les rues le soir tombé.

On a commencé à cuisiner tout un tas de recettes. Nicotine mentholée. Nicotine à la cerise. Même de la nicotine au tabac. Trop de la balle !
Ah, puis on est tombé sur la mine d'or. Tu vois, je parcourais le quartier un soir, avec ma e-cibiche, et c'est là que ça m'a traversé l'esprit. Pourquoi rien que de la nicotine ?
Et pourquoi pas de la caféine, mec, de la caféine !  On a fait connaître au monde entier la cigarette électronique à la caféine. C'était nous. Moi et mon écurie. En exclusivité. Les mecs de l'Otan en sont devenus fous. Surtout les pilotes de chasse.

Mais c'était que le début. Tu vois, mes chimistes ont de la suite dans les idées. Alors ils ont profité de la crise sanitaire pour penser à une nouvelle ligne. On l'a proposée a des gens très spéciaux de chez Pfizer et Moderna qui se sont tout de suite montrés interessés. Pour des vaccins qui se fument ou un truc dans ces eaux-là.
Mais ils veulent pas nous laisser le contrôle de la production. Ils ont juste besoin qu'on leur fournisse le parfum sublime.

Alors on est sur ce nouveau coup. 
Du MDMA, mec. Dilué à basse concentration, ça s'appelle de l'Ecstasy. Un petit buzz cool et mielleux. Les gens prendront leurs doses et en redemanderont, mec !
Je t'explique le coup. Je sais qu'y a 60 palettes d'une tonne de MDMA stockées dans un entrepôt à Mariupol. Sorties des tunnels après que les tchétchènes ont nettoyé les saloperies nazikrainiennes qui s'y planquaient comme des rats. Les Tchétchs à Kadyrov sont de fiers combattants, mec, mais y z'y connaissent rien en chimie ni en gardiennage.
J'ai juste besoin que tu me les sortes de cet entrepôt. 10 millions de roubles, mec. Cash. Plus toute la vodka et les shlyukhi que tu voudras.
Alors, t'en dis quoi, tovaritch ?

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9 avr. 2022

605. La Dame du Lac et le Protecteur



Les yeux de Sir Lancelot dit l'Andromaque l'Indormiaque clignotent, puis s'ouvrent.
"Encore?" demande le chevalier.
"Encore", répond la Dame du Lac.
Sire l'Indormiaque a des traits sombres et basanés avec des cheveux épais et tressés, des pommettes saillantes et des yeux noirs comme l'encre de seiche d'un mandarin. Sa force, ses compétences et son apparente immortalité ont fait de lui le chevalier le plus craint, le plus craignos et le plus respecté du royaume.
Comme chacun l'ignore pas, quand c'est trop, c'est Tropico, alors avec ses cheveux ambrés qui tombent tels des chasseurs torrents alpins sur ses épaules, ses yeux verts chatoyants et une silhouette à couper le souffle même d'un eunuque, la Dame du Lac est d'une beauté trop piquante. C'est pour ça qu'elle existe que sous la forme d'une apparition transparente comme  inoffensive et est considérée comme une sorcière.
"Comment que je suis mort ce coup-ci ?  il lui demande.
- Le dragon cracheur de feu d'Argoat t'a écrasé avec sa queue. Elle t'a cassé toutes les teco. L'un d'eux t'a transpercé le cœur. Aussi avec sa queue. Je n'ai pas pu te sauver, mon khouya."
Lancelot se redresse lentement en gémissant. "Parfois, tu parles si bizarement.
- Tu dois avoir un sacré sens de l'humour pour vivre dans cette excuse de royaume remplie de bouses et de maladies, répond la Dame du Lac.
- Combien de morts cela fait-il que ça fait que j'ai endurées ? "
La surface transparente du lac de la Dame du Lac se rapproche. Il se sent réconforté par son sourire.
"Je crois que ça en fait vingt-quatre en quarante-cinq ans si je me fie à tous mes doigts, mais tu en as eu deux au cours des six derniers mois. Tu devrais être plus prudent, Indi.
- Ou quoi? Je vais mourir?
- Détends-toi, Indiot. C'est le roi Sorgos qui est en train de mourir. Il a promis de nous libérer de notre vœu, et contrairement à nous, il peut pas vivre éternellement.
- On n'aurait jamais dû conclure un tel accord", dit-il.
- On n'avait pas le choix.
- Je crois qu'il faut tenir parole. Mais je veux mourir comme tout le monde."

Bellamy, l'écuyer de Sire Lancelot, âgé de dix-huit ans, se précipite dans le couloir menant à la chambre de son maître. Garçon courageux et désireux d'être chevalier, Bellamy se méfie de l'emprise de la Dame du Lac sur son seigneur.
Il frappe frénétiquement à la porte. N'obtenant aucune réponse, il fait irruption.
Dame Vert-Lahyène  (non mais qu'est-ce que le nom de cette salope de néo-nazie castratrice vient foutre dans cette histoire ???) Lacanaille lui fait face, montrant les dents telle une lionne translucide et protectrice, ses cheveux coulant comme les flammes d'une oriflamme, ses yeux transparents brulifumants de colère.
Bellamy trébuche en arrière, se recroquevillant en se couvrant les yeux.
"Arrête d'effrayer le garçon," crie l'Indormiaque.
"Veuillez pardonner mon intrusion", dit Bellamy. "Le roi Sorgos est mort et sa fille, la dauphine, exige votre présence immédiate.
- Enfant gâtée", commente Dame Lacanaille.
Lancelot s'habille rapidement. "Reste ici", ordonne-t'il à Dame Lacanaille qui fulmine tranquillement tel un volcan sur le point de péter tandis qu'ils sortent.
"Elle me déteste", se lamente Bellamy alors que les deux hommes se dirigent vers la salle du trône.
"Dame Lacanaille déteste tout le monde.
- Pas Vous. Puis-je vous demander pourquoi que vous appelez votre compagne Dame 'Lacanaille', et non Dame du Lac comme nous le faisons tous ?
- Les couples sont autorisés à se familiariser davantage les uns avec les autres.
- Alors c'est une vraie femme ? demande Bellamy, les yeux aussi incrédules que ses oreilles.
- Oui, et elle est mienne.
- Vous m'avez dit une fois que vous n'êtiez pas de cette contrée, Sire Lancelot, mais pas comment vous êtes arrivé ici", dit Bellamy. "Comment se fait-il que vous soyez venu servir la maison de Mordor ?
- Je me suis retrouvé dans le plein milieu d'un lac. Je me souviens pas comment que je suis tombé dedans ou quoi que ce soit avant ça. Tout ce que je sais, c'est que j'étais tout mouillé. J'ai rapidement pris conscience que je savais pas nager, alors j'ai pensé qu'il serait pas plus mal et dans mon intérêt de rejoindre le rivage. J'avais tort. J'ai rencontré quatre des chevaliers du roi Drachi, le Téméraire de Mordor, entrain de trousser une bergère. Je leur ai balancé de l'eau du lac pour tenter de tempérer leurs ardeurs mais rien n'y fit. J'ai réussi à m'emparer de l'épée de l'un d'eux et je les ai tués tous les quatre.
- Et donc, le roi Drachi vous a fait chevalier et a fait de vous son protecteur.
- Non. Le roi a vu ce qui s'était passé et a envoyé quatre autres hommes pour me trucider. J'en ai tué deux autres, mais l'un d'eux s'est ramené par derrière et m'a enfoncé son épée dans le dos.
- Et lorsque vous avez récupéré de ce coup traître et saignant, le roi a fait de vous son protecteur.
- Non. Je suis mort avant.
- Pour la première fois !", dit Bellamy.
- On m'a dit plus tard que c'était à ce moment-là que Dame Lacanaille est tombée du ciel et dans l'eau. Quand elle a émergé du lac et m'a vu étendu là mort, elle est devenue furieuse, menaçant de tuer toute l'armée du roi. Mais le roi Drachi le Téméraire n'avait pas peur. Il lui a dit qu'il l'avait déjà vue et qu'il savait comment la détruire. Elle m'a ressuscité, et en échange de sa vie, nous avons conclu un pacte avec le roi Drachi selon lequel je servirais la maison de Mordor jusqu'à ce qu'ils me libèrent. C'est alors que le roi a fait de moi son protecteur.
- Vous avez l'air de regretter votre accord. Je ne peux pas penser à un plus grand cadeau que d'être immortel.
- Vraiment, Bellamy ? Aimeriez-vous voir tous ceux que vous connaissez vieillir tout en restant jeune ? Et si vous aviez des enfants, pourriez-vous les enterrer ? Aimeriez-vous subir les blessures les plus graves possibles, mourir à l'agonie, puis vous réveiller de nouveau... et encore... et encore ?
- Ah bah ouais, c'est pas faux... Alors, vous avez renoncé au droit de mourir juste pour honorer votre parole?
- Et par amour, Bellamy. L'amour d'une femme que je ne peux pas toucher."
Sire Lancelot et Bellamy s'arrêtent devant la porte de la salle du trône.
"Pensez-vous que la reine vous accordera votre liberté ? demande Bellamy.
 -Je suis plein d'espoir. Vous êtes pratiquement prêt à assumer mes fonctions.
Ils s'inclinent en entrant dans la salle du trône.

La reine Annie est assise sur un grand trône d'or. Les pieds en l'air, les orteils en éventail, la monarque de douze ans ressemble à une poupée barbante assise dans une chaise haute.
Petite et légère avec des boucles blondes bouclées et des traits pâles innocents, Annie, qui adore les sucettes, est souvent perçue comme une enfant, mais son intelligence, sa maturité et ses yeux bleus perçants disent tout le contraire.
"Laisse-nous", dit-elle à Bellamy.
Soulagé, Bellamy expire, sortant rapidement.
"Je me souviens quand j'ai réalisé que tu étais l'homme le plus puissant du monde, Sire Indormiaque. J'avais quatre ans. C'était après la bataille des bois de Quintin. Tu as sauvé à toi seul trente de nos hommes piégés par les Galloroms, et tu étais fièrement assis sur ton cheval. Tu m'as soulevée et m'as assise devant toi sur ton destrier sans même me tripoter et tu m'as dit: "Vous êtes en sécurité maintenant." Nous avons traversé le village ensemble et tout le monde lançait des fleurs à la future reine et à son protecteur.
- Ce fut un moment de grande satisfaction.
- Maintenant, alors que je monte sur le trône, je veux me sentir à nouveau en sécurité. Et je le ferai quand tu prendras place à mes côtés à côté de moi.
- Votre père m'a promis qu'à sa mort, je serais libéré de mon vœu.
- Il ne lui appartenait pas de faire cette promesse. Lorsque mon grand-père, Drachi le Téméraire est décédé, vos services ont été transmis à mon paternel. Maintenant, avec la mort de mon père, le roi Sorgos, la décision de mettre fin ou de continuer ton service me revient.
- Alors, vous n'honorerez pas la dernière promesse que votre père m'a faite ? 
- Tu ne pourras jamais être remplacé car tu es irremplaçable.
- Je suis entrain de former mon successeur.
- Bellamy ? Ce doux efféminé, c'est rien qu'un freluquet de damoiseau.
- Et vous êtes une reine de douze ans. Mais parce que vous avez été correctement préparée, vous serez un jour une cheffe encore plus grande que votre père."
La future reine Annie soupire. " Qu'on m'apporte immédiatement des sucettes!"
"À l'anis" précise-t'elle. " Tu mérites de connaître la vérité. J'ai peur, Sire Lancelot. Le duc Typhon d'Ourigan a ouvertement déclaré qu'il pensait qu'une enfant ne devrait pas régner. Je sais qu'il complote contre moi. Je pourrais être assassinée avant même de monter sur le trône. J'ai besoin de toi, Indi."

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Les quatre conspirateurs se rencontrent au château du duc Typhon d'Ourigan, avec l'intention de mettre fin au règne de la reine Annie avant qu'il ne commence.
Petit, trapu et bedonnant, Typhon d'Ourigan aux cheveux d'anthacite et aux yeux silex doit sa richesse à sa nature rusée. Il a convaincu son frère compatissant aux cheveux blonds, le duc Willie Willie de Tempesta, de le rejoindre, affirmant que le renversement de la reine Annie profitera à tout le monde. 
Attirés par les promesses d'or et de terres, Dupond et Dupont de Nemours, une paire de cousins ​​barbus, sans sourire et brutaux du coté de là-bas, se sont également engagés à aider Typhon d'Ourigan à renverser la nouvelle reine.
"Vous n'avez pas été très subtil quant à nos intentions", dit Willie Willie.
- Je crois que c'est Sire Lancelot l'Indormiaque lui-même qui a dit:" Le chemin le plus facile vers la victoire est le plus évident ", répond Typhon.
Dupond est d'accord. "C'est maintenant qu'il faut frapper, avant que le peuple ne se mobilise autour de l'enfant.
- Mais comment?" demande Willie Willie. "Elle a Sire Lancelot, l'arme la plus puissante du royaume, à sa disposition. Comment vaincre une créature qui ne peut pas être tuée ? "
Typhon sourit avec confiance. "Nous n'avons pas besoin de le tuer, seulement de le neutraliser."

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Tous les nobles du royaume assistent au somptueux couronnement de la reine Annie. Une immense table à manger avec des fruits frais, du pain, de la viande, des fleurs exotiques et des sucettes à l'anis a été dressée et domine la pièce. 
Les murs de la salle sont décorés des armoiries colorées des familles présentes. Une bande de ménestrels se produit tranquillement en arrière-plan, tandis que la garde de la reine, vêtue d'armures d'argent poli, se tient au garde-à-vous près de la grande porte.
La reine Annie se déplace dans la pièce, une robe blanche et fluide l'enveloppe. Elle est accompagnée de deux servantes affables et affalées qui semblent gênées de la dominer d'une tête et demie.
Bellamy est à ses côtés alors qu'elle parle avec les nobles et leurs épouses, ses yeux parcourant la pièce, sa main posée sur le pommeau de son épée rutilante.

Les d'Ourigan, les Tempesta et les Nemours occupent un coin de la pièce, saluant prudemment ceux qui s'approchent et parlant en messe basse avec les alliés potentiels.
Les portes massives s'ouvrent. Sire Indormiaque se tient dans l'embrasure, resplendissant de noir.
Les invités halètent et restent bouche bée à la vue de Dame Lacanaille.
"Elle est aussi belle qu'on me l'a rapporté. Plus encore, déclare Willie Willie, la gueule ouverte telle une palourde à marée haute.
"Ne laissez pas sa splendeur vous mettre sous son charme", répond Typhon. "Elle est une apparition. Un tour perpétré par Lancelot l'Indormiaque.
- En est-tu sûr? C'est peut-être bien l'inverse, objecte Willie Willie
- Ce que je sais, c'est que notre plan réussira. C'est tout ce que j'ai besoin de savoir."

Sentant la réticence de Dame Lacanaille à entrer dans la pièce, Lancelot lui tend la main.
"Non! Rappelez-vous, nous ne devons jamais nous toucher !
- Parfois, il n'y a rien d'autre que je préfèrerais faire", répond-il.
Les invités s'éloignent de Lancelot et de sa Dame alors qu'ils se déplacent dans la pièce.
Une jolie servante aux cheveux corbeau croise leur chemin, portant des chopes.
"Donne-m'en une ! ", dit Dame Lacanaille. "La foule me rend nerveuse. Et quand je suis nerveuse, je me transforme en éponge."
La serviteuse sourit. "Je ne vous comprends pas, madame, mais si c'est de boisson dont que vous avez besoin, je suis à votre service. Mais une apparition peut-elle tenir une chope ?
- Pas de problème, ma poulette. Et je suis pas un fantôme ", répond la Dame du Lac.
La chope voltige de la main de la servitrice dans la poigne flottante de Dame Lacanaille. Elle boit goulument.
" Mmm. Goûte-moi ça, Indi."

Dame Lacanaille termine sa chope tandis que Lancelot amorce à peine la sienne. Elle fait léviter sa chope vide en direction du regard de la rafraichisseuse ambulante. "Une autre, s'il vous plait."
Elle remarque l'expression maussade de son Indormiaque. " Encore entrain de bouder sur la décision d'Annie ? C'est une fête, Indiot. Fais au moins semblant de t'amuser."
Remarquant à quel point la pièce est devenue silencieuse, Dame Lacanaille se retourne, regardant les gens autour d'elle. Les invités reculent, fuient son regard, regardent ailleurs.
" Espèces d'abrutis médiévaux ! Est-ce que je montre trop de décolleté ? Est-ce que je parle trop zarbiment ? Alors pourquoi que tout le monde me regarde comme si que j'avais trois têtes ?
- Peut-être parce qu'ils peuvent voir à travers toi," lui chuchote l'Indormiaque.
- Je suis pas une curiosité. Je suis pas un ectoplasme. Je suis une femme!
- Belle et bandante en plus," ajoute Sire Lancelot, espérant apaiser sa colère. " Mais nous devons faire face à la vérité, Dame Canaille. Il n'y a personne comme toi dans le Royaume. Et personne comme moi.
La servante revient. "Alors buvons à être des parias", dit la Dame du Lac. Retirant la chope de la main de la servitrice, elle l'avale rapidement.

Typhon se tourne vers les autres. " On dit que le pouvoir de détruire la Dame du Lac passe d'un Mordor mâle à un autre. Maintenant, nous possédons ce pouvoir."
Typhon se dirige vers Sire Lancelot et sa Dame du Lac en s'inclinant.
"En mon nom et au nom des autres invités, permettez-moi de m'excuser pour notre comportement.
- Accepté. Je t'offrirais bien la main de Dame Lacanaille à serrer, mais..."
Typhon rigole et se tourne vers elle. " Ce sera pas nécessaire, gente dame. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous pour cet événement historique.
- Je n'avais pas trop le choix. La petite gonze Sucette m'a ordonné de venir assister à son orgie."
Typhon lui lance un regard confus.
"Elle parle parfois dans sa langue maternelle", propose Lancelot.
"Curieux. J'ai entendu dire que vous continueriez à jouer votre rôle de protecteur, Sire l'Indormiaque", poursuit Typhon. " Vous ne semblez jamais vieillir. Puis-je vous demander quel est votre secret ? "
La servitante revient avec deux nouvelles chopes pour Dame Lacanaille et son Lancelot.
"Évite de trop boire", plaisante ce dernier en prenant la sienne.
Typhon lève sa chope. "Un toast alors, à une vie longue et sereine."

Ils boivent. Dame Lacanaille secoue la tête, faisant disparaître et réapparaître son corps transparent.
"J'ai entendu dire que vous prévoyiez de renverser la reine", lance-t-elle à Typhon.
"Quoi? Non! Qu'est-ce qui vous fait dire celà " répond le duc nerveusement.
- Alors vous serez fidèle à la reine Annie ?
- Bien sûr!
- Bien. Alors, veuillez répéter après moi le serment sacré de loyauté et dites-le à voix haute... Panpan Cucu Kimaly Panse.
- PANPAN CUCU KIMALY PANSE !"
Les invités regardent étrangement Typhon en se foutant de sa gueule.
Embarrassé, Typhon s'en va rejoindre ses cousins.
"C'était petit de ta part", dit Sire Lancelot.
"Ce tordu n'en méritait pas moins."

Dame Lacanaille se pique un hoquet, son corps s'évapore puis se recondense. "Cet hydromel est très fort."
Son corps s'estompe, puis réapparait comme un flou flouté.
Oh. Oh !
La  Dame du Lac disparaît complètement, sa chope heurte le sol.
Lancelot vacille, se sentant malade. Bellamy le rattrape alors qu'il s'évanouit.
Typhon se tourne vers ses compagnons conspirateurs. " Le poison a fait son œuvre, messsires. Maintenant, nous devons faire la nôtre. Nous nous déplacerons contre l'armée de la reine dans la matinée. À cette heure demain, je serai roi et vous serez tous très, très riches.

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La reine Annie et Bellamy regardent les forces des deux ducs installer leur camp dans la vallée à seulement un mile du château.
"Les armées combinées des deux ducs et de leurs alliés de Nemours ont mis nos hommes en déroute", dit Bellamy.
"Combien d'hommes nous reste-t-il ?
- Peut-être mille contre quatre fois plus.
- Tu t'en es bien sorti contre toute attente, Bellamy. Sire Indormiaque avait raison ; tu es prêt à protéger le trône. Malheureusement, il semble qu'il n'y aura bientôt plus de trône à protéger.
- Comment va Sire Lancelot ?  demande Bellamy.
- Toujours inconscient. Peut-être mort. Je ne peux pas dire. Et la Dame du Lac nous a abandonnés. Je les considérais comme des dieux, Bellamy. Ils se sont révélés trop humains.
- Si ça peut vous consoler, majesté, le médecin de la cour a dit qu'une seule goutte de ce poison aurait dû suffire à les tuer", dit Bellamy. "Ils en ont chacun bu deux ou trois tasses."
- Ce n'est pas du tout une consolation. Et la servante ?
- C'est grace à elle que nous avons découvert qu'une seule goutte suffisait à la fatalité pour faire son œuvre."

Dame Lacanaille peut sentir son corps clignoter et se flouter.
En se concentrant, elle force sa forme transparente à se stabiliser.
Elle trouve rapidement un pot de chambre, vomit ses tripes dedans.
Serrant sa tête lancinante, elle regarde autour d'elle dans la pièce.
L'Indormiaque est immobile sur le lit.
" Mort à nouveau ", marmonne-t-elle.
La reine Annie et Bellamy continuent de surveiller les activités de l'armée de Typhon dans la vallée.
"Est-ce que c'est de la musique que j'entends ?" demande la reine Annie.
" De la cornemuse. Je déteste la cornemuse.
- Peut-être que la célébration du duc Typhon est prématurée", dit une voix derrière eux.

-----o-----

Les Typhons, les Tempesta et les Nemours trinquent en choquant bruyamment leurs chopes.
"Au roi Typhon d'Ourigan", crie Dupont. "Longue vie au roi!"
Alors que les hommes applaudissent, Willie Willie lève les yeux vers la colline surplombant la vallée.
"Je pense que tu vas avoir besoin de revoir ton  plan, Typhon," dit-il.
Les autres hommes regardent l'horizon.
Sire Indormiaque est assis sur son cheval, regardant l'armée en fête.
La peur insufflée sur les lèvres des soldats inquiets se répand comme une traînée de poudre dans tout le camp.
Les hommes de Typhon lâchent leurs armes et s'enfuient.
Sire Lancelot lève son épée et charge vers le bas de la colline. Un millier de soldats vengeurs le suivent.

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S'inclinant, Sire Lancelot entre dans la salle du trône de la reine. La Dame du Lac se glisse derrière lui.
" Vous nous avez fait venir, ma reine ?
D'un geste de sa petite main, la reine Annie congédie sa cour. Seul Bellamy reste à ses côtés.
"Typhon d'Ourigan et ses compagnons conjurés ont été pendus en plage de Grève. Il a eu un dernier message qu'il a souhaité voir transmis à la Dame du Lac, juste avant que sa pisse ne noircisse le sable. Il a dit: "Panpan cucu qui mal y pense, en effet !"
Pétée de rire, Dame Lacanaille répond; . " Un blague personnelle entre nous, Votre Majesté. On dirait que cette dernière lui a pas porté bonheur.
- Bien dit, je pense… Sire Lancelot, vous avez rallié nos hommes et sauvé le royaume. Vos actions sont dignes de la plus grande récompense que je puisse donner. Vous m'avez demandé si je vous libérerais de votre vœu. Le souhaitez-vous toujours ? 
- Oui votre Majesté.
- Je suis reconnaissante pour votre amitié, vos conseils et votre héroïsme. Je vous libère donc, vous et la Dame du Lac, de votre obligation envers la maison de Mordor.

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Lancelot emballe ses affaires. Se retournant, il regarde la vision scintillante de La Dame du Lac.
"Tu es libre à présent de retourner dans l'éther."
Malgré son apparence aqueuse et transparente, l'Indormiaque peut voir qu'elle pleure.
"Je reste avec toi.
- Pourquoi? Notre devoir envers la Maison Mordor est enfin terminé. La prochaine fois que je mourrai, tu ne pourras pas me ramener à la vie.
- Alors je mourrai avec toi.
- Mais tu es immortelle.
- Non. En fait, toi et moi nous ressemblons beaucoup", dit-elle. "Je suis une exilée envoyée du vingt-quatrième siècle."
Lancelot la toise avec méfiance. "Ceci expliquerait ta façon de parler. Pourquoi as-tu été envoyée ici ?
- J'ai osé aimer un homme. Et à notre époque, c'est contre la loi.
- Qui était cet homme?
- Toi. Et je t'aime toujours. Ton vrai nom est Kaelig Zoldik. Et je suis Meiy Elameida. J'ai trouvé le nom d'Indormiaque dans un blog à la con du début du 21ème siècle. Il m'a plu parce que tu as tendance à endormir les ennemis qui te croisent… de façon permanente.
Le visage transparent de la Dame du Lac commence à se solidifier.
Leurs yeux se verrouillent. Elle se dirige vers lui et tente de l'embrasser.
"Je pensais que tu avais dit que nous ne pourrions jamais nous toucher?
- Cela faisait partie de notre punition quand nous avons été envoyés ici. Tu as été banni en premier. Tes souvenirs de notre vie ensemble ont été effacés, donc tu ne saurais pas qui j'étais, et tu ne réaliserais jamais que tu as les mêmes pouvoirs que moi. Nous étions censés être séparés, mais j'ai supplié notre IA suprême d'être envoyée ici avec toi. Elle a accepté, mais seulement à condition que nous ne nous touchions jamais. Je voulais être avec toi, alors j'ai dit oui, sachant que si nous nous touchions, nous ne serions plus immortels.
Il la tient près de lui. "Alors maintenant, nous allons tous les deux vieillir et mourir ?
- Oui, mais nous le ferons ensemble, et maintenant tripote moi-toute, mon obsédé, je suis toute trempée et je te jure que c'est pas de l'eau du lac..."

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