9 juin 2021

506. Voyage en Minivers (chez Lilipute)


Hem, je vous parie trois carrés de chocolat contre dix Louis d'or - et je vous jure que j'ai les chocolats pour backer ce pari - que vous ne croirez jamais qu'est-ce qui vient de m'arriver. 
Et là, je vous jure que j'étais pas saturé de Néo-Codion comme l'autre fois quand que  Marylou m'avait drogué et tout
J'étais sorti pour m'asseoir sur le perron de notre maison pour ma petite demi-heure d'ensoleillement et en retenant, comme je le fais depuis le début de cette pandémie, ma respiration chaque fois que des gens passaient sur le trottoir de l'autre bord de notre portail, tout bien tout comme qu'il avait dit notre ministre Véran à la télé. 

Normalement, je profite de ces temps d'ensoleillement à jouer sur ma guitare des chansons me ramenant aux jours heureux du temps jadis, mais là, j'avais complètement oublié d'apporter ma 'Louisette', du coup je n'avais que mon smartphone sous la main, alors je m'étais juste résolu à regarder devant moi vu que Marylou était partie à la boulangerie en fermant la porte à clé.

Et tandis que je contemplais le vide de la rue de l'autre côté du portail de notre parterre, une petite lueur a attiré mon attention dans une tache de terre sur le ciment de la petite allée menant de notre porte à notre portail. Je me penchai pour regarder de plus près, et il y eut à nouveau cette petite lueur. 
Ce n'était pas une lueur normale comme celle d'un cristal de roche brillant au soleil ou celle d'un éclat de verre ou de métal - c'était une petite piqûre de lumière verte et clignotante.
Intrigué, j'étais maintenant le cul en l'air et à quatre pattes pour regarder de plus près. Et j'ai vu - j'avais peut-être oublié ma 'Louisette' à l'intérieur, mais pas les lunettes grossissantes qui me permettent de voir où que je mets les doigts quand je joue sur le manche de ma guitare -  la chose la plus surréaliste qui soit. De minuscules habitations.
Comme des petites maisons. Mais vraiment minuscules.
Chacune d'environ un millimètre de haut, comme des grains de sable richement sculptés.
Je rêvais ou je regardais le petit projet artistique le plus cool et le plus mignon de tous les temps. En examinant le village microscopique, je remarquai ce qui ressemblait à un gribouillage  fait de grains de mini-poussières se déplaçant, s'agglutinant, se dessinant puis prenant forme sur le ciment à côté du mini-pâté de mini-maisons. 
Une fois le gribouillage terminé, voilà qu'est-ce que ça disait en toutes lettres: APPUIE TON POUCE SUR LE "BITONIO" !

Ouais, bon, ceux d'entre vous qui ont l'habitude de traîner leurs savates dans le coin sauront déjà que je suis pas le genre de mec à me poser trop de questions, quant aux pieds tendres et aux nouveaux venus, sachez que je suis aussi très curieux : 
Maintenant que j'avais pour moi tout le temps du monde pour chercher ce truc - et ouais, sachez que quand Marylou va à la boulangerie, ça peut durer des plombes, parce qu'elle en profite toujours pour aller cancaner à droite, papoter à gauche ou même, tenez-vous bien, pour aller se faire coiffer ou faire de l'aquabike - , j'ai commencé à chercher ce "bitonio" tel un archéologue compulsif et affamé. 
Quelques minutes sans succès, essuyant même mes verres grossissants à trois reprises, jusqu'à ce que je discerne, un petit chouïa en dehors de la zone où se trouvaient les mini-maisons, une petite bandelette argentée de forme ovale collée sur le ciment comme un débris de morceau de papier alu, peut-être deux millimètres de long sur un millimètre de large. 
Faisant attention à ne pas endommager les mini-maisons et les mini-keums qui pouvaient potentiellement vivre dedans, je pressai mon pouce sur ce que je pensai être ce "bitonio".
Je pourrai pas décrire avec précision qu'est-ce qui s'est passé ensuite, mais je vais tâcher de faire de mon mieux pour pas vous décevoir. 
Imaginez si le sol sous vos yeux ressemblait soudain à un tourbillon liquide qui tournait furieusement, combiné à une sensation de chute libre, combiné à l'ensemble de votre champ visuel se réduisant plus qu'à un brouillard gris flouté, combiné avec la pire nausée de votre vie. 
Imaginez toutes ces combinaisons recombinées en juste une seule combinaison recombinée carabinée et vous aurez à peu prés une vague idée de quoi qu'est-ce que je parle...

Et puis, aussi vite que tout ce bazar avait commencé, tout ce bazar s'est arrêté. Je me suis recroquevillé pendant quelques secondes en essayant de reprendre mon souffle, et quand j'ai ouvert les yeux, je n'étais plus devant chez moi.
J'étais dans une sorte de village champêtre, entouré de grandes cabanes en rondins et d'un groupe de hippies qui me toisaient pendant que je les regardais, toujours à quatre pattes. L'une de ces personnes m'a dit : " Est-ce que ça va ? 
- Ben je me sens pas trop mal, mais j'ai de graves hallucinations. "
Ils ont tous commencé à se congratuler, à s'embrasser et à me saluer. Assez cocasse tout ça, je me suis dit: Bah ouais, avouez que dans ce genre de situation, vous vous seriez plus attendus à tomber genre sur Humpty-Dumpty ou la Reine Rouge que sur une bande de clodos de Woodstock...
"Vous êtes médecins ?" j'ai demandé.
"Il pense qu'il a le virus", a déclaré l'un d'eux, et ils ont tous éclaté de rire. 
Une femme souriante à taille de guêpe - mais gironde partout aux autres endroits que les plus pervers d'entre vous matez en général - a fait taire la petite foule et a dit : " C'est bon, retournez travailler, tout le monde. Je vais lui faire son briefing." Les autres sont partis et la belle plante femme souriante m'a souri. "Je suis Lilipute.
- Salut Lilipute. Si je m'attendais ! Est-ce que j'ai le coronavirus ?” j'ai demandé.
- Tu n'as pas de coronavirus", m'a-t-elle déclaré. "Tu es juste minuscule. Nous t'avons réduit à 1/10 000ième de ta taille normale. Tu n'as déménagé nulle part, tu as fait du sur-place mais t'es juste devenu beaucoup plus petit.
- Putain !", je me suis exclamé.
- Oui, j'imagine que c'est une façon de voir les choses et que ça doit être dur à avaler", a-t-elle déclaré en fronçant un sourcil et en recouvrant le décolleté plongeant de sa tunique de ses bras d'albâtre. " Laisse-moi tenter de te clarifier les choses. Il existe différents niveaux de vie humaine, pas seulement celui auquel tu es habitué. Notre niveau est exactement 1/10 000ième de la taille du tien. Dans ton niveau, les gens mesurent environ 1,70m. Ici, nous mesurons environ 0,17 millimètre. Nous dirions 170 micromètres de haut, mais je sais que dans ton monde, les micromètres ne signifient pas grand-chose. "
Je l'ai regardée. "Vous êtes entrain de me dire que je mesure plus que 0,17 millimètre en ce moment ?
- Exact," me répondit-elle. " Environ la moitié de la taille d'un de vos acariens, ou à peine plus grand que la largeur d'un cheveu humain de ton monde. Une personne de ton monde avec une très bonne vue pourrait à peine t'apercevoir si elle regardait de très prés avec une bonne loupe. Et tu vois cette maison là-bas ?" Elle pointa du doigt une grande maison à trois étages. " À l'échelle à laquelle vous êtes habitués, elle ferait environ 10 mètres de haut. Ici, elle a à peu près la taille d'un millimètre cube, la taille d'un grain de sable sur le trottoir. Certaines de nos maisons ont en fait été sculptées dans des grains de sable."
- Attendez," je l'ai arrêtée " j'ai très peur des acariens. J'ai écrit un article entier à ce sujet une fois. Y a-t-il des insectes géants par ici ? 
- Oui et non. Il n'y a pas d'insectes dans notre village car nous avons tapissé le périmètre d'un poison qui tue tous les insectes qui s'approchent trop près. Mais je m'aventurerais pas trop loin des maisons si j'étais toi - à environ trois centimètres d'ici, tu traverserais cette barrière et tu tomberais sur des choses que t'aimerais pas trop.
- Et des insectes volants, y en a ? " je demandai avec appréhension.
-  Oh, je n'ai pas encore mentionné le temps." me fit-elle en ignorant ma dernière demande de précision. " D'accord, le temps ici passe 100 fois plus vite qu'il ne le fait à votre niveau. Le temps augmente inversement avec la racine carrée de la différence de taille. Donc 1/10 000ème de la taille signifie un temps 100 fois plus rapide. Ainsi, lorsqu'un insecte volant commence à descendre sur notre village, notre équipe de défense dispose de plus d'une minute pour gérer la situation. Ils tirent un jet d'air comprimé sur l'insecte qui le détourne de nous. Même chose pour les chiens. Tous les un an ou deux, un chien va venir nous pisser ou nous chier dessus. L'équipe de défense garde une trace de chaque chien qui passe. À 1/100e de la vitesse de notre monde, nous voyons d'abord le chien s'approcher au ralenti une dizaine de minutes avant qu'il ne soit sur nous, et au moment où le chien qui va pisser ou caguer lève sa patte au-dessus de nous, nous avons eu tout le temps de tirer les bâches anti-gravité qu'on déroule sur tout le village et qui recouvrent tout, les mêmes bâches que nous utilisons chaque fois qu'il va pleuvoir ou neiger.
- Content de le savoir. Mais pourquoi que je suis arrivé ici ?
-  Bon, j'allais te l'expliquer. Après un débat houleux dans le village, nous avons voté pour faire venir ici quelqu'un de votre monde, car nous voulions vous montrer quelque chose. Nous avons essayé d'attirer l'attention de quelqu'un dans votre monde pendant trois de vos semaines. Cela fait presque six ans ici. C'est pourquoi tout le monde était si excité de te voir.
- Comment que avez-vous attiré mon attention ?
- Avec ça." Elle me désigna un tube sur le toit d'une des maisons qui ressemblait à un grand télescope. " C'est un laser super puissant que nous avons essayé de faire briller dans les yeux des gens tandis qu'ils passent aux abords de notre village. Mais personne ne l'avait jamais remarqué. Jusqu'à aujourd'hui. Loin à l'horizon, nous avons empilé des rochers sous la forme de lettres qui épelaient les instructions, et tu t'es montré juste assez curieux pour te pencher et pour les lire. Nous t'en sommes très reconnaissants.
- Qu'est-ce que c'était que ce "bitonio" dans les instructions ? 
- Regarde donc à tes pieds !"
Je me tenais sur une plaque métallique ovale de la taille d'une piscine. " Ceci est notre station trans-niveaux. Lorsque tu as pressé ton pouce dessus, elle t'a réduit à notre niveau.
- Attendez." J'ai levé les yeux vers elle. " Est-ce que je vais vivre ici maintenant ? "
Elle a ri. " Ne t'inquiète pas. Nous te renverrons dans ton monde dans quelques instants. Maintenant, viens avec moi."
J'ai suivi Lilipute jusqu'à l'autre côté du village. J'ai regardé autour de nous. Tout le monde me regardait. Certaines personnes m'ont fait des signes de main.
"Qu'est-ce que c'est?" j'ai demandé à Lilipute, en montrant ce qui ressemblait à une feuille de couleur s'étirant dans le ciel.
- C'est ta maison. Tout ce que tu peux voir d'ici est la première rangée de pierres. Cette bande de lumière dans le ciel est le mortier entre la première et la deuxième pierre dans le mur."

Nous avons pénétré dans un petit bâtiment et sommes entrés dans une pièce avec une longue table blanche au milieu. Lilipute se tourna vers un mur sur le côté de la pièce, et soudain le contour d'un carré se forma dans le mur. Le carré s'est extirpé du mur dans la pièce et a louvoyé vers le sol jusqu'à ce qu'il soit parallèle au carrelage. Lilipute a sorti un outil ressemblant à une pince à épiler de sa poche et a soigneusement pincé ce qui ne ressemblait à rien de visible à quelques centimètres au-dessus de ce petit carreau.
Elle s'est approchée de moi. "Ouvre ta paume."
Elle a mis sa pince à épiler au dessus de ma main et y a laissé tomber quelque chose de la taille d'un grain de sable. J'ai levé la main pour le regarder. C'était rougeâtre et flou.
"Qu'est-ce que c'est?" j'ai demandé.
- SARS-CoV-2. Ce que vous appelez « Coronavirus » "
J'ai jeté cette saloperie de l'autre côté de la salle. "Putain, mais c'est quoi ce bazar ?"
Lilipute a rigolé, touché le carreau, et l'objet minuscule a volé à travers la pièce jusqu'à sa place au-dessus du carreau.
"Ça ne peut pas te faire de mal ici. Les virus de votre monde sont bien trop gros ici pour causer des dommages à nos corps. "
Je la fixai, essayant de gérer la situation. " Depuis quand connaissez-vous le coronavirus ? Et comment en avez-vous… obtenu un exemplaire ?
- Oh, nous savons tout de votre monde. Votre niveau évolue si lentement par rapport au nôtre que votre technologie est en retard sur la nôtre. Nos outils nous ont permis de surveiller votre monde depuis les jours de votre préhistoire. Quant à savoir comment nous avons obtenu une particule de coronavirus, nous ne l'avons pas obtenue, nous l'avons fabriquée.
- Quoi ? Vous avez créé le coronavirus ? 
- Oui, enfin avec un peu d'aide de nos amis du sous-sol. Suis-moi."
Une fois de plus, j'ai suivi Lilipute, encore une fois abasourdi par les formes de son postérieur, cette fois hors du bâtiment en direction d'une zone clôturée à l'extérieur. Lorsque nous nous sommes approchés, une porte dans la clôture s'est ouverte et à l'intérieur, nous nous sommes tenus ensemble au bord de ce qui ressemblait à un cercle de terre aride.
Lilipute ouvrit la main. Le petit virus était parfaitement posé au creux de sa paume. "Le SARS-CoV-2 est un coronavirus de taille standard, d'environ 120 nanomètres de diamètre. 120 nanomètres est ridiculement petit dans votre monde, mais dans le nôtre, vous pouvez le faire rouler entre vos doigts aussi facilement qu'une crotte de nez.
- Cool… laissez-moi  réfléchir là-dessus une petite minute.
- Attends, je peux t'expliquer ça mieux que ça. Dans votre monde, c'est une analogie de taille parfaite : SARS-CoV-2 égale grain de sable et  grain de sable égale maison. . Dans les deux cas, la relation est de 1 à 10 000, ce qui est aussi la relation de notre monde avec le vôtre. Dans votre monde, ta maison est immense, un grain de sable est minuscule et ce coronavirus est incroyablement microscopique. Dans le nôtre, le virus est minuscule, un grain de sable est assez gros pour y vivre et votre maison fait la taille d'un continent. 
- Ouais, jusque là, ça tient la route. Rien d'illogique là-dedans.
- Maintenant, de quoi est fait un virus ? D'atomes. Et les atomes ont un diamètre d'environ 0,1 nanomètre, soit environ 1/1 000ème du diamètre d'une particule de SARS-CoV-2. C'est petit même pour nous. Un atome est presque aussi petit pour nous qu'un virus l'est pour vous. Construire un virus nécessite une ingénierie et des outils incroyablement complexes qui peuvent interagir avec le champ quantique. Nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes.
- Alors comment --
- Regarde à tes pieds !"
J'ai regardé par terre. Elle m'a poussé vers le centre du cercle de terre, puis m'a fait stoppé net.  "Regarder de plus près !"
Je me suis penché aussi bas que j'ai pu, les fesses en l'air et les genoux au sol et j'ai tendu les yeux. Incroyable ! Un minuscule clignotement de lumière verte ! 
Un autre mini-monde microscopique.
"Est-ce --"
- Ouais. C'est le niveau en dessous de nous. Donne-moi ton pouce."
Elle a soigneusement placé la particule virale sur le sol. Puis elle a guidé ma main vers le sol, mettant nos deux pouces en contact avec un petit point métallique. Un nouveau bitonio.
Tourbillon. Chute. Grisaille. Nausée. Misère...

J'ai fini par maîtriser mes tremblements et arrêter de baver de trouille et j'ai ouvert les yeux. Dans toutes les directions, aussi loin que je pouvais regarder, s'étendait un plan brumeux d'un bleu violacé. 
J'ai également commencé à me rendre compte que je n'étais ni debout ni à quatre pattes sur quoi que ce soit mais que je flottais dans je sais pas quoi.
Après plus d'une minute à me demander qu'est-ce qui se passait dans ma vie, une partie du ciel s'est assombrie. Cette région sombre du ciel s'est réduite et est devenue de plus en plus définissable jusqu'à ce qu'elle se condense en Lilipute flottant juste à côté de moi.
" S'il vous plaît, ne me laissez plus jamais seul !", je lui fis.
- Désolée, mon pouce a touché le coussin une fraction de seconde plus tard que le tien. Le temps passe 100 fois plus vite ici que là-haut, je croyais que t'avais déjà compris ça lors de ton premier changement de niveau.
- Hem, d'accord, où c'est qu'on est, maintenant ?
- Nous sommes à l'extérieur de ta maison. Rappelle-toi !
- Alors, quelle taille faisons-nous ?
- Nous avons fait le même type de saut que tu as fait lorsque tu es passé de ton monde au mien – nous avons diminué à 1/10 000ième de notre taille précédente. Tu mesures donc maintenant 17 nanomètres. Si tu te tenais au bord de la coupe transversale d'un cheveu humain de ton monde, il te faudrait environ deux heures pour le traverser en courant.
- Jésus Marie Joseph !
- Le temps ici passe maintenant à 100 fois la vitesse du temps dans mon monde, ce qui signifie qu'il passe 10 000 fois plus vite que la vitesse du temps dans le tien. Tu pourrais passer un an ici et moins d'une heure serait passée dans ton monde.
- Ouah, je comprends, un peu comme dans Inception ? 
- Non, je crois pas que c'était dans ce film. De toute façon, rien ici ne fonctionne comme dans nos mondes respectifs. Regarde donc comment que le sol est tout éthéré et violacé ?
- Je comprends pas.
- Il n'y a  pas vraiment de sol, et tout n'est pas vraiment de cette couleur. Mais quand on est si petit, il n'y a plus d'objets solides au sens où on l'entend. Et nos yeux sont désormais beaucoup trop petits pour percevoir les différentes couleurs du spectre de la lumière visible.
- Alors, qu'est-ce que c'est que tout ce bazar ?
- Je ne comprends pas vraiment non plus. Mais les gens qui vivent ici ont des moyens incroyablement avancés de manipuler le champ quantique afin que nous puissions nous sentir comme des humains intacts, flottant sur place, voyant le violet. Ils l'ont mis en place de cette façon parce que c'est quelque chose que nous pouvons comprendre. 
- C'est gentil de leur part. Où qu'il sont-ils tous de toute façon, ces nano-liliputiens ?
- Le fait est qu'ils n'aiment pas notre monde, et ils n'aiment encore moins ton monde. Ils n'interagissent avec nous que de temps en temps, lorsque c'est nécessaire, mais ils ne vous permettront jamais ni à quiconque de votre monde de les voir ou de savoir quoi que ce soit sur leur mode de vie. C'est en fait la première fois que quelqu'un de votre monde est autorisé à descendre ici, à part Coluche , qui vit ici depuis 1986.
- Alors pourquoi que je suis autorisé à être ici ? 
- Vaut mieux que je te montre ça. "
Lilipute a tendu le bras devant elle, et ouvert sa main tournée vers l'extérieur. Sa paume s'est illuminée et lorsqu'elle l'a fait, un objet géant d'apparence bizarre s'est révélé devant nous. " Ceci ", déclara Lilipute, "est le SARS-CoV-2. Ici-bas, il fait la taille d'une maison."
J'ai levé les yeux vers le vaste virus devant moi. Cela ne ressemblait en rien à ce qu'il était quand c'était un grain de sable flou posé dans ma main. C'était transparent, comme une méduse massive, à la structure complexe, en forme de sphère. Il y avait une sorte de mouvement furieux à l'intérieur de la transparence, mais je ne voyais rien de spécifique bouger. C'était déroutant. 
Lilipute me fit signe de m'approcher du virus. Elle a pris ma main et a placé ma paume sur la surface presque invisible du virus. C'était un peu comme palper une grappe de raisin, sauf qu'au lieu de raisins, ça ressemblait plus à des grains de tapioca comme celui que me faisait ma mamie - et ces boulettes de tapioca vibraient si vigoureusement qu'on avait l'impression de subir de micros électrochocs, comme ce qu'on ressent quand qu'on pose la langue sur les deux languettes cuivrées d'une pile Wonder.
C'était une sensation entre le jouissif et le désagréable, ni tout à fait douloureuse ni tout à fait délicieuse, mais une sensation super étrange.
" Arrache-z'en une" m'a dit Lilipute. 
Il m'a fallu plusieurs essais pour réussir à crocher dans l'une des boulettes, car elles étaient « glissantes » (excusez-moi mais j'ai pas trouvé de mots plus appropriés pour décrire mon ressenti et vous donner une idée générale),  et quand j'ai finalement réussi à en extirper une, ce fût avec beaucoup de résistance. Quand je l'ai retirée de la masse, cette boulette en a entraîné plusieurs autres à sa suite avec elle, et plus j'avais tiré fort, plus elle avait vibré de façon féroce et furieuse. 
 Enfin, la petite salope s'est détachée de la masse  et j'ai regardé ce que je tenais dans la main: c'était un atome.
Lilipute sourit en croisant les bras et en se déhanchant. « Cool, non ?
- Trop de la balle. Je peux le garder ?
- Bien sûr, emballe le bien serré surtout."

J'étais tellement émerveillé par tant de merveilles que  j'en avais temporairement oublié à quel point que j'étais confusément confus et empli de confusion.
- Attendez, expliquez-moi pourquoi que vous me montrez tout ça ? "
Elle s'est tournée vers moi. "Comme je te l'ai dit, à cause de la façon dont passe le temps...
- Votre monde existe depuis bien plus longtemps que le mien ?  C'est bien ça ? 
- Oui. Et ce monde dans lequel nous sommes maintenant existe depuis bien plus longtemps encore que le mien. Ils en savent beaucoup plus sur tout que nous, et ils peuvent faire des choses que nous ne pouvons même pas commencer à comprendre. Ce qu'ils peuvent faire est tellement au-dessus de nos têtes qu'ils ne peuvent même pas nous l'expliquer. Et nous avons une longueur d'avance sur votre monde. Pendant longtemps, aussi avancé que fût ce monde, il a compté sur nous pour préserver notre monde pour sa propre survie. Il existe sur une parcelle de terre dans notre village. Si notre village était détruit, ils le seraient avec lui. Mais il y a quelque temps, ils ont mis au point la technologie pour être indépendant de l'emplacement, ce qui signifie qu'ils peuvent se déplacer instantanément n'importe où dans l'univers. Nous n'avons pas encore cette technologie. Nous avons essayé d'apprendre d'eux, mais nous ne pouvions pas saisir suffisamment les idées fondamentales pour les développer nous-mêmes. Nous sommes donc coincés dans notre emplacement.
- Devant chez moi ?
- Ouais. Nous avons migré ici dans les années 1800 lorsque nous avons déterminé que ce serait un bon emplacement pour interagir avec votre monde, si jamais le besoin s'en faisait sentir. Nous ne sommes pas non plus les seuls dans votre monde. Il y a beaucoup de villages comme le nôtre dans différentes parties de ton monde. Une fois que nous nous sommes connectés avec toi, les autres ont cessé de signaler leur position. Il n'y a aucune raison pour que plus d'un d'entre nous ne soit révélé à votre monde. Pendant la plupart du temps, la Terre était un foyer sûr et stable pour notre monde. Mais au cours du siècle dernier, votre monde a progressé de façon exponentielle en technologie mais en stagnant en sagesse. Vous avez rapidement acquis des pouvoirs énormes mais vous vous comportez toujours comme des primates myopes. La voix de la sagesse est là, mais elle est piétinée par les partis politiques, les religions et les nations trop embourbées dans des conflits aveugles pour lever la tête et voir la situation dans son ensemble.
- C'est drôle que vous disiez ça, Lilipute. En fait, j'écris tout un tas de trucs là-dessus sur mon blog...
- Oh, nous le savons. Nous avons fait nos recherches sur tous ceux qui vivent dans votre voisinage afin que nous sachions comment communiquer avec la personne que nous amènerions chez nous si nous attirions enfin l'attention de quelqu'un. C'est pourquoi je parle français et que je le parle de la même manière étrange que toi tu le causes. Ton petit blog au raz des pâquerettes peut-être marrant des fois, même si que c'est rare, même si ça nous a pris une éternité pour le lire et pas mourir d'ennui, mais il aura un effet limité. Ton monde s'obstine à grandir. Et dans le processus de vous détruire, nous pensons que vous nous détruirez également.
- Alors vous essayez de nous tuer avec une pandémie ?
- Si nous voulions vous tuer, vous seriez tous morts maintenant. C'est une option que nous espérons ne pas avoir à utiliser. Nous étions autrefois comme vous et nous sympathisions avec votre lutte. Nous avons créé ce coronavirus pour qu'il atterrisse dans une certaine zone sensible - pas assez dommageable pour détruire votre monde, mais assez grave pour provoquer une crise mondiale longue et effrayante. À moins d'une attaque extraterrestre, c'était la seule chose sensée qui pouvait faire en sorte que tous les humains de votre monde se sentent comme s'ils faisaient partie d'une même équipe contre un ennemi commun. La première et la plus cruciale étape sur la route d'une espèce durable est la révélation que vous êtes vraiment une seule équipe, seule dans un univers sombre et dangereux. Nous espérons que le virus pourra vous aider à vous pousser dans cette direction.
- J’ai l’impression qu’il y avait une meilleure façon de faire ça. 
- Nous aurions probablement pu y réfléchir un peu plus avant de le balancer dans ce labo de Wuhan. 
- Ouais parce que ça se passe assez mal là-haut, je sais pas si vous êtes au courant...
- Oui, nous le sommes. De toute façon, nous ne pouvions pas créer le virus nous-mêmes. Il est déjà assez difficile de créer quelque chose d'aussi petit et complexe qui implique une construction atomique et subatomique, mais nous voulions que le virus soit précisément aussi nocif qu'il l'est. Nous avions besoin d'aide. Le niveau en dessous de nous est moins vulnérable à votre monde que nous ne le sommes, mais pour des raisons dont je ne suis pas tout à fait sûre, ils pensent également que vivre dans un écosystème à plusieurs niveaux peut être important à l'avenir - ils partagent donc nos intérêts. Ils ont accepté de construire le virus pour nous. 
-  Comment avez-vous réussi à faire entrer le virus dans notre monde ? j'ai demandé.
- C'est marrant. Tu devrais imaginer le truc de notre point de vue. Si tu étais de notre monde, tu réaliserais que le monde que nous envisageons de changer pour le meilleur est une planète d'un diamètre d'une Unité Astronomique, remplie de gens mesurant 18 kilomètres de haut, des gens si grands que les avions de notre monde pourraient accidentellement voler dans leurs narines. Imagine maintenant que tu te tiens sur cette planète, plus petit qu'un de leurs acariens, pinçant entre tes doigts quelque chose de la taille d'un grain de sable à ton échelle, tu trouves ton chemin jusque sur l'une des dents de la taille d'un terrain de football de ces géants et tu lances le grain de sable dans sa trachée d'un kilomètre de large. Et cela est censé changer la trajectoire de leur avenir. Cela te semble impossible ?
- Et alors ?
- Et alors ? Avec quelques manœuvres très astucieuses, nous avons réussi à balancer notre petite particule dans la bouche d'un chercheur malchanceux, et cela a fait l'affaire. Soit dit en passant, nous étions en train de mourir quand vous l'avez blâmé sur un pauvre pangolin.
-  Il semblait coupable. Je ne comprends toujours pas pourquoi que vous m'avez amené ici.
-  À l'origine, nous n'avions pas prévu de révéler cette histoire à votre monde. Mais après avoir regardé les choses se dérouler pendant les premières semaines, nous ne voyons pas assez l'effet que nous espérions. Peut-être que si votre monde apprend qu'il existe d'autres mondes – des mondes qui ont réussi à triompher dans le jeu de la sagesse – cela permettra aux voix sages de se lever avec un peu plus de courage dans cette lutte et dans les défis encore plus grands qui les attendent. . C’est un long plan, mais ce sont des moments désespérés.
- Ouais, bah je suppose que ça vaut la peine d'essayer. J'ai déjà retranscrit sur mon smartphone tout ce qu'y faut pour poster dans mon blog tout qu'est-ce que j'ai appris de vous.
- Et si ces enculés de Zuckerberg et de Bill Gates le permettent, tweete le message et envoie-le à ta liste de diffusion et tout et tout ! 
- Hmm, d'accord.
- Prêt à retourner devant ta porte ? Il ne s'est passé que 27 secondes depuis que t'as rétréci...
- Okay. Allons-y, j'ai une petite envie de pisser, je voudrais pas provoquer un déluge ou un tsunami par ici !"

Lilipute et moi, on s'est déplacés au sommet du grand bitonio ovale et métalique. " Je vais multiplier ma taille par 10 000 et la tienne par 100 millions comme ça tu rentreras chez toi direct sans repasser par chez moi. Ce qui est une bonne chose car le changement de niveau vers le haut est beaucoup plus chiant que le passage vers le bas.
- Génial !
- Prêt ?
- Hopolopolop, attendez encore une petite minute, j'ai une dernière question...
- Oui ?
- Combien qu'y a de niveaux ?
- Personne n'en est certain. Les personnes de ce niveau atomique nous disent qu'elles connaissent au moins un niveau en dessous d'elles, bien qu'elles ne nous en diront pas plus. Et personne ne semble connaître les niveaux supérieurs au vôtre. Votre monde y réfléchit, avec tous vos discours multivers. Nous travaillons toujours sur celui-là aussi.
- Si jamais vous le découvrez, vous me ferez savoir hein ouais, ça serait un scoop, je pourrais être riche comme Roth -- 
- On verra quand on y sera. Chaque chose en son temps."

Nous avons touché le métal avec nos pouces. Et me revoilà au pays des concombres masqués. Ce que vous venez de lire est l'article de blog le plus rapidement écrit de l'histoire de l'univers, d'ailleurs je crois que je vais le soumettre au Livre des Records Guiness. Zéro seconde et 83 centièmes chrono (0"83/100ème). 
Je vous parie trois autres carreaux de choco Mordez-moi le fion ou l'arrière-train si vous pensez pouvoir faire mieux que moi si ça vous chante !

Mais seulement avec vos mini-nanoscopiques petites dents du deuxième sous-sol, je veux dire...

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