13 oct. 2020

440.Le placébo de l'abricotier

Assis sur la plage les pieds dans l'eau au sec à Landrezac, je suis à l'abri de ma petite tente gonflable, protégé des rayons ultraviolets pâlichons filtrant de temps en temps entre deux nuages - et qui ne réchauffent que dalle - comme des embruns occasionnels et mouillants poussés par un ciel de traîne, pianotant inspiré tel un virtuose malado-compulsif sur le clavier de l'écran de mon nouveau Samsung 8.
 
J'adore écouter le bruit des vagues roulant sur la grève et mater tous ces gens "normaux" batifolant, discutant, se promenant, s'échappant de leurs vies de boulot "normales", avec l'Atlantique pour toile de fond, surréalistes avec leurs masques à la con leur recouvrant le visage de l'arête du pif au bas du menton. Pas clairs, ces gens là, pourquoi qu'ils se cachent ? 
Et pendant ce temps, je squatte bien à l'abri du auvent de ma Vidaxl XL, - j'ai aucune idée pourquoi qu'ils l'appellent XL à moins que ce modèle ait été conçu pour la vente à des pygmées ou autres nains de jardin - ainsi, je suis en quelques sortes distancié géographiquement et physiquement ainsi qu'isolé de ce monde de par mon attitude. 
Il est même possible que je puisse paraître un rien distant et mystérieux avec mon bandana noir perché sur le crâne et ma paire de Rayban. Il est peut-être même plus possible encore que certains promeneurs masqués en déduisent que je suis frappé d'un syndrome de crainte solaire - c'est vrai que j'ai un peu la peau fragile de ce côté là -. Ou peut-être en déduisent-ils que je ne suis au pire qu'un excentrique qui ne sait pas encore comment on met un masque, - que ce dernier se porte plus bas - ou même pourquoi pas un wanabe corsaire perdu hors de son époque et de passage dans leur présent ? 
Plus probablement, ils doivent m'ignorer complètement et j'en ai rien à secouer de toute manière.

La nuit dernière, j'ai rêvé à mon défunt Samsung 7 que j'aimais tant. Il s'escrimait à me susurrer des mots comme s'il voulait me faire comprendre quelque chose d'une grande importance, d'une importance primordiale. Je savais que j'étais au royaume des songes, comme je le sais toujours quand je rêve, et je fis un effort conscient afin de me souvenir à mon réveil de ce qu'il me disait. Mais quand je me réveillai, le peu d'information qu'il m'avait transmis s'était évaporé dans les méandres de ma mémoire. 
La majeure partie de mon rêve était pourtant intacte mais le segment capital dont je souhaitais me souvenir le plus n'était plus là. C'est la seconde fois en deux semaines que ça m'arrive. Ça commence à devenir frustrant mais je pense que si c'est vraiment important, il reviendra de nouveau me parler en songes de ce qu'il veut me communiquer jusqu'à ce que ça pénètre suffisamment profond dans ma caboche pour que je m'en souvienne à mon réveil.

La brise marine est tellement rafraîchissante, parfumée de l'iode et de cette senteur indescriptible si particulière à l'océan. Elle insuffle son esprit aux tréfonds de mon cœur et de ma conscience et je balance mentalement mes vœux dans les vagues à la recherche d'une promesse de guérison primitive. 

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