1 août 2020

421. Counasse de végane


Notre dîner romantique s'était bien passé jusqu'à ce que je fasse tout foirer. Comme d'hab. Je l'avais amenée à l'Artemis Grill entre Raffles Wharf et le temple de Thian Hock Keng. Au 140ème étage, le toit du New CapitaGreen, érigé en 2102 sur les gravats de l'ancien. La vue sur le centre de Singapour et sa marina était imprenable. Lorsqu'il y avait pas trop de brouillard, on pouvait même voir le vieux Chinatown et le faîte du toit du temple de la dent de Bouddha émergeant entre deux autres buildings. 
Cette nuit là, la vue était spectaculaire, et on apercevait même dans le nord-est la triple spire de l'astroport de Paya Lebar. Avec tous les gratte-ciels déversant des tonnes de confetti réfléchissants voltigeant autour des murailles de verre tels des lucioles pour le nouvel an chinois,  une véritable fantasmagorie visuelle.
Elle avait les yeux écarquillés, n'en croyant pas ses divines pupilles émerveillées tandis qu'on grimpait en direction de la voûte céleste dans l'ascenseur panoramique. 
Elle parut également ne pas en croire ses divines papilles tandis qu'elle commençait à déguster son steak, facilitant la descente de langoureuses gorgées de Château Lafitte 2072, un nectar frisant lui aussi le divin. Je la regardais en savourer chaque bouchée. Son décolleté descendait presque jusque là où qu'y fallait, me faisant déjà rêver au dessert. 
Lorsqu'elle eut fini d'avaler l'ultime morceau de viande qui traînait encore, un peu isolé, dans son assiette garnie d'échalotes cuites au miel de Belitung et de quartiers de tomates confites, elle leva son verre. "À une merveilleuse soirée," me fit-elle, en penchant la tête de côté, m'invitant de son divin menton à lever le mien tout en me minaudant un regard de biche apprivoisée  comme seules savent en balancer les félines qui le sont aussi.
"Une soirée qui ne fait que commencer," rétorquai-je. Elle sourit et nous nous envoyâmes une ultime gorgée pour sceller notre accord prometteur. Je sentis mes tripes se nouer délicieusement. Voilà près de 6 mois que j'avais eu les yeux sur cette charmante hôtesse - à la finition parfaite jusqu'au bout des orteils - , depuis qu'elle m'avait renversé un café brûlant sur les cuisses dans la passerelle d'astrogation de notre vaisseau intergalactique lors de notre transit depuis Bételgeuse.
Elle fit tourner le vin dans son verre, laissant de gouleyantes traînées vermeilles en teinter les parois.
 "Je n'aurais jamais imaginer manger un jour un steak aussi savoureux," m'avoua-t'-elle.
- Ah ! Évidemment, bien sûr que non, tu viens d'avaler de la viande authentique et véritable pour la première fois de ta vie ! "
Elle me balaya les yeux d'un regard horizontal. "Ben voyons, je vais te croire sur parole, coquin de commandant !"
- Non, vraiment. Je t'assure. Pas de la bio-chim cultivée en cuve. Ils n'utilisent que des produits naturels dans cet établissement."
Elle reposa son verre avec fracas. 
Je pensais l'avoir impressionnée. Ce repas aurait dû lui coûter au bas mot deux mois de salaire. Avec tous ses pourboires.
" Je te jure, de la véritable viande de bœuf poêlée à l'ancienne. Mise au monde,  élevée et attendrie à Kobé. Un des trucs les plus authentiques en provenance du Japon, le même poids sur la balance que les geishas, le saké ou Pikachu."
Elle se fit pâle tout à coup. 
" Mais c'est dégueulasse." glapit-elle, "Dis moi que c'est pas vrai !" Elle se leva brusquement, renversant sa chaise en arrière. "C'est tout simplement dégoûtant..., ho, tu m'écœures..."
Elle fut prise de nausée et se dirigea en vacillant vers les toilettes.
Quel con, non mais quel con ! Quand je pense que je nous avais réservé une suite avec jacuzzi et quatuor de musique de chambre pour le restant de la nuit, juste en cas... 

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