4 juin 2008

325. C'est clean d'être cradingue!


Quelque part, la crasse me plait. Je veux dire par là qu’elle fait vraiment chauffer à blanc les pistons de la synopsis au cœur de mes cylindres. Quand j’étais môme, il était fréquent de me voir rentrer à la casbah couvert de merde. Les poches emplies de cailloux et autres insectes, je me tenais devant la porte d’entrée, plaidant devant ma mère pour qu’elle me laisse rentrer avec un orvet lové autour de l'avant-bras, me pissant presque dessus tandis que je me battais avec elle pour lui faire piger que ce dernier rêvait depuis toujours de vivre dans une boîte à godasses dans le fond de ma chambre. 

J’oublierai jamais les protestations hurlées, les batailles perdues avant de finir le cul dans une bassine, pataugeant dans une eau troublée par les restes de mes ébats aventureux de la journée. On souffrait beaucoup à cause de l’hygiène à cette époque, surtout pour ceux d’entre nous qui passions le plus clair de notre temps dehors, privés de télé comme des Play-Stations à venir. 
Quand j’y repense et que j’essaie de quantifier les coupures, égratignures, genoux et autres coudes écorchés sans compter les bosses et bleus innombrables, ça me stupéfait d’essayer d’esti-deviner combien d’entre nous sommes – ou serons - encore vivants au moment où vous lirez ça.

En tant que gamins, il était normal de nous inoculer de force la pensée qu’il était nécessaire de nous laver les pognes avant de passer à table. De nous laver les paluches en rentrant de l’école. De nous les laver à la moindre suspicion que quoi que ce soit de ‘sale’ puisse les avoir touchées car le monde était un endroit ‘sale’ et malveillant empli de germes, de pestes, de gales et de virus tous dédiés à notre destruction ! 
L’attitude même qui sans aucun doute se trouva au cœur de la recherche et du développement de nouvelles antibiotiques, de savons anti-bactériologiques et autres agents de stérilisation de destruction massive. 
Mais en dépits de ces efforts surhumains de la part de l’humanité, les gosses rentrent toujours couverts de crasse à la maison. Leurs pifs morveux continuent d’éjecter leurs mucosités à la face de leurs camarades dans l’abandon muco-nasal le plus total, et quelque part au moment où vous lirez ça, un gamin de sept ans et demi aura oublié qu’il y a à peine une heure, il ôtait de la merde de clebs de sa Reebok gauche avant de gratter quelques secondes plus tard une autre mucosité dans le coin de son œil droit avec son index du milieu.

Contrairement à la notion conventionnelle, le monde est en fait un endroit étonnamment propre, sain et bienveillant. Tout ça me rappelle ce dicton immémorial : « Et Dieu créa la marie-jeanne poussière donc elle peut pas faire de mal » Exact. 
Ce que plein de monde ne réalise pas, c’est que la Terre est conçue pour prendre soin d’elle-même. Pour chaque abominable bactérie renégate qu’on a pu identifier, il en existe le centuple qui font gratuitement des heures sup’ pour nous conserver, vous et moi, en bonne santé, et ce, même lorsqu’on est couverts de boue. 
Alors qui c’est qu’on essaie de tromper là ? Nous sommes tous faits de boue. Une boue hyper raffinée, version über-organique pour être sûr, mais nous ne sommes tous, néanmoins, que de gros sacs de boue ambulants. 

On dirait qu’il existe cette notion, vieille de quelques millénaires, impliquant que si nous pouvions en quelques sortes nous éloigner du monde naturel, nous commencerions à grappiller quelques centimètres en direction de l’immortalité. 
Ce qui débuta en tant que clôtures pour tenir à l’écart les hyènes et autres saloperies de ce genre de nos lieux de fornication a évolué en pare-feux incluant des unités centrales d’air conditionné, impénétrables même pour les bestioles les plus minuscules que l’Autre a mises sur Terre. Nous tremblons de peur à la vue d’une araignée, nous recroquevillons en présence d’un surmulot et nous grimaçons à l’idée d’aller faire du camping comme si c’était une punition.
Dans le même temps, nous bombardons nos entrailles de médicaments ‘idiots’ tels la pénicilline, qui sont incapables de faire la différence entre le bien et le mal, et qui, en conséquence, tuent toutes les bactéries, saintes ou damnées.

Et tout ça au nom de quoi ? La sécurité ? Le confort ? La durée de vie ? Et combien, s’il y en a, de ces objectifs avons-nous atteints avec notre mode de vie urbain ? 
Nous crevons à vitesse grand V tandis que nous pompons à nous en arracher les poumons sur nos clopes, avalons à pleins seaux des produits bitumés de fructose et aspirons à plein poumons les gaz d’échappements de nos concitoyens chaque fois que nous nous déplaçons de la pharmacie du coin à celle de l'esthéticienne. 
Nous nous séparons de notre pognon pour des injections de Botox comme si l’on pouvait se louer un peu d’éternité même quand on a déjà reçu notre pré-avis d’éviction. Viagra, Rogaïne, Cryogéniques, Muta-géniques, clonage, silicone, jusqu’où allons nous aller ? 
La crasse n’est pas l’ennemie. Les germes ne sont pas l’ennemi. Les petites bêtes rampantes ne sont pas nos ennemies.

Essayez donc quelque chose de différent pour une fois. Allez planter quelque chose, mais n’utilisez pas de pelle, juste vos doigts. La prochaine fois que vous verrez un cancrelat chez vous, laissez le vous grimper sur le bras et vérifiez qu’il ne vous veut pas de mal, puis portez le délicatement dehors au lieu de le massacrer. 
Essayez de passer une semaine entière à ne boire que de l’eau plate. La prochaine fois que vous aurez besoin de vous rendre à l’épicerie du coin, allez-y à pinces. Si vous devez absolument prendre votre bagnole et qu’il fait chaud, baissez les vitres et coupez l’air conditionné. La prochaine fois que vous choperez un coup de froid, n’allez pas voir le toubib, extirpez-le à coups de tisanes et de frictions . Embrassez-vous plus souvent, tout le monde se salue, mais il n’y a rien de plus sincère qu’une embrassade à bras le corps. 
Et puis relax max et maxettes, les germes sont essentiellement bons. Croyez le ou non, les bactéries sont nos plus vieilles cousines dans l’arbre d’Eden.