20 mai 2008

321. La pyramide humaine





















C’est une pyramide de corps, chacun d’entre eux grimpant, s’accrochant et s’essoufflant à s’escrimer afin d’atteindre le sommet. L’ayant atteint, le vainqueur s’étire longuement quelques instants, content de lui, avant de se faire balourder dans le vide, remplacé par le nouvel arrivant. Et ça recommence.
Je parle évidemment pas de la pyramide où c'est le plus petit, le plus innocent qui sera porté au sommet comme sur la photo catalane en haut de ce post.
Mais ç'a toujours été comme ça, ça a de tous temps été la nature des structures qu’on dit sociales, mais que je définirais – faut toujours que je redéfinisse – en tant que groupes supérieurs à 2 personnes. Deux personnes peuvent coexister en tant que couple se renforçant mutuellement, symbiotiquement en accord avec les fluctuations du ou de la partenaire, que ces dernières soient platoniques ou érotico-porciniennes.
Mais dès qu’une tierce personne fait son entrée, une pyramide naine prend naissance, et la grimpette, l’accrochage et les essoufflements font inévitablement leur apparition. Le degré de frénésie de la course dépend bien entendu de la qualité des protagonistes impliqués, mais les chances sont démultipliées avec leur quantité. Plus grand sera le groupe, plus grande sera la récompense potentielle au sommet du monticule, donc le plus salace le processus et les méthodes pour y arriver. Même si l’on sait que la rétribution potentielle sera éphémère, et que la plus grande partie du temps passé au sommet le sera à contenir les sous-fifres aspirateurs conspirateurs aspirants successeurs trop zélés grimpant trop vite.

C’est pourquoi je n’aime pas particulièrement les rôles de grand timonier – même si je suis seul maître à bord sur mon rafiot, y a quand même des limites. Au niveau individuel, la plupart des gens sont cools et même agréables, mais dès qu’une troisième personne s’immisce s’installe la lutte de pouvoir pour ne pas être le laissé pour compte qui va toucher le fond pourri de la gamelle.

Je réalise bien la nécessité – pratique – de certaines pyramides sociales, mais je préfère que ce genre d’association soit relax et passager, se formant et se reformant avant que les tensions de leadership ne commencent à frémir dans la casserole comme au PS ou l'UMP. L’alcool servi dans les cocktails élyséens peut s’avérer un bon lubrifiant pour relâcher les tensions inhérentes, mais il peut peut-être aussi conduire à l’ébullition qui fera fondre la pyramide. Cette marge d’incertitude s’inscrit dans l’attirance pour les cocktails et le Champagne et est la raison pour laquelle les sommets des grands groupes en ont fait leur activité favorite. On a tous besoin d’un élément de danger même s’il est domestiqué (pinard et pastis) et relégué en fins de semaines. Je le perçois bien quand je picole et que j’aime ça sur le plan ludique, mais sinon j’estime nécessaire des relations en face à face pour mon équilibre mental. J’aime pas les jeux sociaux quand je suis à jeun (ce qui m’arrive souvent, ne me mé-comprenez pas), c’est juste que j’aime ni les artifices, ni les stars d’un soir ni les marquages de territoires à la mode canine.

Comme je suis sûr que c’est le cas chez nombre d’entre vous, le temps du lycée fut pour moi un processus d’apprentissage assez horripilant à cet égard. Je suis toujours suspicieux envers ceux qui disent avoir adoré leur expérience estudiantine. Le collège, le lycée et la fac, particulièrement le premier, sont les endroits où les pyramides sociales se construisent avec un tant soit peu de sérieux en premier lieu, mais sans les couches d’étiquette rituelle pour amortir les coups qui vous pleuvent sur la gueule. Rester en dehors de la pyramide, c’est, pour étendre la métaphore, se retrouver perdu dans le désert. Le concept d’une vie monastique spirituellement pacifique dans ce désert n’y a pas encore pénétré nos esprits.
Au lieu de ça, c’est la ruée folle pour le sommet de la pyramide, ou du moins éviter de rester cloué au sol. J’ai jamais eu ‘de groupe d’amis’ depuis le collège et je m’en porte pas plus mal. J’ai des potes individuels en divers lieux et contrées éxotiques et je connais assez de gens dans mon entourage proche pour prendre mon pied autour d'une pinte dans la dimension ludique de la pyramide pendant mon temps libre.

Il existe aussi, soit dit en passant, une raison au standard de la monogamie dans la plupart des sociétés. Le polyamour est une pyramide de corps avec l’ajout combustible de sexe et des lubrifiants associés. La marge d’incertitude associée au sexe a certainement un appel viscéral mais rend l’effondrement de la structure quasi certain. La monogamie est préférable, pour le meilleur ou pour le pire. Ce genre de solitude avec ma louve en dessous affriolants, soit dit de nouveau en passant, est ce que je préfère en ce moment...