15 janv. 2007

228.L'a mérité si je mens...


S’il y a quelque chose que j’ai appris après plus de 13 de mariage, c’est que l’honnêteté est d’une importance primordiale. Il faut toujours dire la vérité à sa femme ou son mari, quelles que soient les circonstances ou la situation.
Hem… mais rien ne vous empêche de prendre d’abord votre temps avant de décider quelle sera cette vérité. Tout est relatif, après tout.
C’est là que certains bouquins de philo que j’ai lus prouvent leur efficacité.
Voyez-vous, un nombre incalculable de personnes extrêmement réfléchies ont cru – et ont pris le temps et fait l’effort de confirmer, logiquement – qu’il règne un certain nombre d’incertitudes dans ce monde pervers. Et c’est cette incertitude qui me permet (non, je déconne ma louve – qui permet à un certain nombre de maris, de copains ou de fiancés) de dire à la fois la vérité tout en se démerdant pour éviter qu’elles ne leur tapent sur la tronche avec leurs sacs à main ou leurs talons pointes à aiguilles.
(Ou pire, avec un de ces trucs de cuisine – comment ça s’appelle déjà ? « Un rôtisseur ? Un grilleur ? Bref, de toutes manières, ces putains de trucs sont hyper lourds et hyper durs ! C’est comme si on vous balançait une culasse sur le coin de la gueule.)

Maintenant, messieurs, observez comment fonctionne ce truc pour dire toute la vérité et rien que la vérité. Ça pourrait vous faire l’économie de plein de maux de tête et de frais médicaux. 
Souvenez-vous, pour qu’une déclaration soit ‘vraie’, tout ce que vous avez à faire, c’est de vous convaincre vous-même qu’elle est vraie – et regardez les choses en face : on n’a pas la science infuse, si vous voyez ce que je veux dire.
Alors voici comment vous servir de la ‘vérité’ pour faire durer votre mariage. Je caresse l’espoir que ça puisse vous donner des idées pour sauver le votre comme j’essaie de sauver le mien.
Exemple : C’est toi qu’a fait ça ?
Disons que vous rentrez à la maison un soir, avant votre autre vous, et que vous tombiez sur une bouteille de Chivas Régal au frais dans le frigidaire. 
Quelle surprise ! 
Et disons en plus que ça a été une rude journée, que vous vous êtes un peu énervé avec votre contrôleur fiscal et que vous avez trouvé trois PV sur votre pare-brise juste en sortant de chez lui, que vous avez giflé l’impudente agente municipale qu’a eu l’audace de s’en prendre à votre innocente guimbarde, suite à quoi vous avez passé 3 heures en garde à vue à vous faire cogner dans le gras du bide par trois flics puant la vinasse.
Alors quoi de plus naturel, je suis sûr que tout le monde vous comprendra, si vous décidez de vous en taper un pour vous calmer. Puis un autre, pourquoi pas, vos nerfs ont été mis à rude épreuve. Et encore un autre, tant qu’à faire, tant et si bien qu’à la fin et avant que vous ayez plus soif – la boutanche est décalquée. Plus de Chivas. Cool. La vie est, hips, coole.

Maintenant, votre femme rentre de son bureau de Poste, et - parce qu’elle le vaut bien mais aussi parce qu’elle est joyeuse et de bonne humeur - elle décide qu’elle a envie d’un petit drink on ze rocks en tête à tête en compagnie de son coquin de mari. 
Elle ouvre le frigidaire, et trouve… ben zut alors : un cadavre de Chivas Régal !
Mais elle sait bien qu’il y avait une bouteille de Chivas pleine là ce matin, et pour cause, c’est elle qui l’y avait mise pour fêter vos 13 ans de mariage. 
Alors à tous les coups, ce qu’elle va faire, c’est se diriger vers vous, où que vous soyez assis (ou rétamé, ça dépend comment vous tenez le Chivas), et là, elle va vous dire, ses petits poings serrés comme des étaux et fermement calés sur ses jolies hanches rebondies :
" Hey, Philippe, qui c’est qu’a bu toute la bouteille de Chivas ? "
- Qui qu’a descendu la bouteille de Chivas ? "
Qui ? Bonne question. Bon, houla, mollo mollo, une p'tite minute là, ne répondez pas tout de suite, les mecs – prenez le temps de réfléchir sérieusement et en profondeur avant de répondre.
D’abord, soyons clairs, la question n’est pas spécifique. De ‘quel’ Chivas qu’elle cause en premier lieu ?
En plus d’être clairs, soyons aussi justes avec elle – les journées sont tellement dures au bureau de Poste, les clients récalcitrants, les papis durs d’oreille, les dragueurs qui puent le Ricard, les clodos de la rue Bichon qui viennent pisser devant le guichet, elle a probablement pas toutes ses idées en place. 
Elle pourrait parler de n’importe quelle bouteille de Chivas et Dieu sait si doit y en en avoir tout plein tout plein de par le monde. Tiens, je parie que rien que dans le Morbihan à l’instant où je vous cause, doit y en avoir au moins 235, si c’est pas plus. Vous pouvez pas être vraiment sûr et absolument certain d’avoir bu la bouteille dont elle parle, correct ?

Bon, même si elle vous a demandé si c’est vous qu’avez bu la bouteille de « Chivas qu’était dans le frigo » - vous pouvez pas non plus être sûr qu’elle parle du même frigo. Moi, je connais plein de frigos, rien que sur mon navire, y en a au moins huit, neuf…, dix, disons neuf et quelques. 
Et franchement, la bouteille dont elle parle pouvait se trouver dans n’importe lequel d’entre eux. Qui saurait le dire sans être sûr de pas se tromper ni sans se méprendre ?
En plus, vous devez vous poser la question suivante, vite vite avant qu’elle devienne suspicieuse sur qui se passe dans votre sale petite caboche avez-vous vraiment bu le Chivas ?

Essayons d’imaginer que vous concédiez le fait que le Chivas en question était bien le Chivas que vous êtes entrain de cuver – mais vous le niez, les mecs ; là ce que je suis entrain de tenter de vous expliquer est purement hypothétique – mais imaginons qu’on parle bien du même Chivas, comment pouvez vous être vraiment sûr et ab-so-lu-ment certain de l’avoir bu ?
C’est là que les bouquins de Philosophie dont je vous causais là-haut tout à l’heure volent à votre secours tels Superman, le 7ème de cavalerie, Sarko & ses boyz et SOS chiens battus réunis. 
Il existe une école de pensée expérimentale qui pose le problème suivant : Pouvons nous être vraiment réellement certains de vivre la vie que nous pensons vivre ?
Est-ce vraiment votre image là dans le miroir ?
Le miroir est-il bien là ?
Est-ce vraiment un miroir?
Est-ce bien moi qui commande ‘ce’ navire, conduit ‘cette’ bagnole ou qu’a bu ‘ce’ putain de Chivas ?
N’est-ce pas du moins possible après tout que nous ne soyons rien de plus que des cerveaux désincarnés dans une cuve quelque part, stimulés électroniquement de milliards de micro-façons toutes les pico-secondes afin de nous faire croire que ‘nous’ serions ce que ‘nous’ croyons que ‘nous sommes ?
Quelqu’un peut-il réellement se targuer de pouvoir prouver le contraire sans l’ombre du moindre de doute ?

Hey ho, j’entends plus rien là, y a quelqu’un dans les huniers ?

Mettons ça de façon plus familière, Ô vous mes amis de la drogue Hollywoodienne – comment savoir si l’on ne fait pas partie de la ‘Matrice’ à Matrix ou quelque chose dans ces eaux-là ? 
Chacun d’entre nous vivant ‘sa’ vie, alors que réellement tout ce que nous faisons, c’est faire trempette dans une bulle remplie de gélatine rose fluo quelque part, ‘rêvant’ nos expériences dans l’existence.
Vraiment, votre femme peut-elle vous garantir que c’est pas ce qui est entrain de se passer ?
Car moi, je vous le jure, même sous la torture, je le pourrais pas.
Ce qui rend, sinon sournoise, du moins absolument franche et honnête votre réponse à sa question quand je lui répond :
« Ben, mon bébé, hips… je sais vraibent pas gui c’est gu’a bien pu boire cette boudeille de Chibras, j’en ai bas la boindre idée, même pas la blus pruneuse. Ça debeure un bysdère total qui débache, hips… mon enchendement. »

Voilà, je suis sûr que vous commencez maintenant à saisir la puissance de cette technique. Soyez vrai envers vous-même… mais seulement une fois que votre moi est convaincu de la plus ridicule des choses que voulez faire croire à votre autre vous.
Super, hips, non ?