11 juin 2006

182. J'ai besoin d'nouvelles baskets

Ce post ne vous est pas gracieusement offert grâce à l'appui financier de "NIKE"

Les baskets que je porte aujourd’hui sont tellement fatiguées et usées jusqu’à la corde que les clodos suintant de vermine du bon quartier de Saint Paterne m’arrêtent souvent dans la rue du même nom pour me proposer des pompes de rechange sorties tout droit du secours catholique. Les lacets sont tellement distendus à force de les relacer qu’ils traînent sur le sol quand je me balade, même quand je fais des nœuds gordiens. Et les semelles sont tellement usées que je laisse les empreintes de mes orteils dans le sable humide quand nous marchons sur la plage pour cueillir des palourdes, Marylou et moi.

J’ai acheté ces baskets il y a prés de deux ans au Texas. Maintenant elles sont vieilles et ont atteint l’age de la retraite. Si elles avaient investi avec plus de discernement quand elles étaient neuves, elles auraient pu prendre leur retraite beaucoup plus tôt avec une belle pension. Mais l’ont-elles fait ? Non.
Comme la plupart des baskets, elles n’ont jamais réellement pensé à l’avenir et maintenant elles en payent le prix.



Mais voyez vous, j’ai désormais les yeux sur une paire de baskets toutes neuves. Elles sont trop de la balle. Elles sont chatoyantes, brillantes et sexy, elles tentent de me séduire chaque fois que je passe devant la vitrine de la boutique où elles sont exposées. Avec leurs semelles épaisses, couleurs vives et coques de cuir pimpantes et rutilantes, elles se moquent de ma vieille – mais confortable - paire de Converses ravagées. J’en arrive à haïr mes vieilles amies juste à cause de leur vue. J’en arrive à les haïr et je les blâme pour toutes les gamelles que je me suis prises ou que j’ai failli me prendre à cause de leurs lacets qui traînent et des bleus que je me fais aux orteils chaque fois que je me cogne sur un objet contondant au niveau du sol. Il m’arrive même parfois de les injurier en public, c’est vous dire. Je les accuse même chaque fois que de belles pétasses aux jeans à ras la foufoune se foutent de ma dégaine en me montrant du doigts à leurs copines.


Alors maintenant, je veux absolument ces nouvelles pompes sexy. Et oui, je tiens pas à arriver sur mon nouveau navire vêtu comme un clodo.
« Change z’en ! » me dit mon moi profond. « Tu mérites mieux que ça. C’est sûr, ces vieilles connes ont fait l’affaire dans le temps, elles ont eu du rebond, du style, et même du panache. Mais qu’est ce qu’elles ont fait pour toi dernièrement, hein ? Elles t’ont fait te viander lamentablement la gueule quand t’étais sur le point de frimer la parfumeuse de la rue Bichon pendant que ta louve se lamentait dans son bureau de poste en rêvant au cadeau que t’allais lui faire pour la fête des mère. Tu crois pas que tu mérites mieux que ça ? »


Oui. C’est vrai. Je mérite mieux que ça et je vais le prouver en me payant ces nouvelles Sneakers. C’est peut-être pas grand-chose, mais peut-être que l’achat de ces nouvelles pompes changera ma vie. Peut-être vais-je enfin trouver mon style perso. Peut-être que tout ce dont j’ai besoin pour balourder cette vieille image glauque que j’ai de moi, devenir une rock star et gagner le prix Nobel, c’est de cette nouvelle paire de pompes. Avec ces nouvelles grolles, je pourrai devenir fameux, riche et beau. Ou, plus vraisemblablement, je serai rien qu’un cousin de plus avec une paire de Nike horrible faite en Asie du Sud Est par des gamins sous-payés et exploités mais au prix sur gonflé parce qu’y aura marqué Nike dessus.