20 janv. 2006

132.Pas besoin d'oeillères!

Une énorme quantité d’organismes vivants passent au cours de leurs vies par une métamorphose tout en sachant qu'il existe plusieurs styles de métamorphoses. .
Ce sont - le plus souvent mais pas exclusivement - des périodes de changements dramatiques dans l’anatomie, la physiologie et dans la forme de vie elle-même (Michael Jackson et Ophélie Winter n’entrent pas dans cette catégorie). 
Ces changements surviennent à l’état embryonnaire et de larve et ce jusqu’à l’age adulte. Souvent, ils surviennent au passage de la puberté. Je veux parler ici, en tant qu’ancien capitaine de pêche, de la sole ou du flétan. Du halibut, comme le nomment les anglo-saxons. Des poissons plats moins connus sous le nom de pleuronectidés . Ils ne sont pas tous les mêmes – il s’agit d’une famille comprenant plus de 500 espèces différentes – soles, plies, limandes, limandes soles, flétans et flétans noirs, alèses, turbots… etc.) -, certaines d’entre elles ayant un important impact économique - vérifiez auprès des marins pêcheurs du golfe de Gascogne mais plus particulièrement encore auprès de ceux de Flandre et de Hollande chahutant ces bestioles en les chalutant en mer du Nord. La plupart de ces espèces sont extrêmement gouleyantes ( miam-miam ), comme extrêmement nutritives ! Mais qu’ont-elles en commun, toutes ces espèces, à part le fait qu’elles sont de fort mauvaises nageuses et qu’elles passent leur temps couchées sur le côté au fond de la mer en espérant que de la nourriture va leur passer sous et près du bec. Et oui, vous avez bien lu, ces idiotes ont les deux yeux du même bord si bien qu’elles ne voient jamais ce qu’elles mangent ! Elles vivent couchées sur le côté - le droit ou le gauche suivant les espèces - de leurs corps aplatis. Une seule espèce peut choisir le côté qu’elle préfère (la plie d’où nous tirons d’ailleurs ce jeu vieux comme le monde nommé plie ou casse). Si elle se met sur le côté droit, c’est une plie disons ‘normale’. Si elle choisit la gauche, elle devient une plie cynoglosse. (Comme quoi, déjà à ce niveau là, si on est de gauche, on vous montre du doigt !) Et si vous n’êtes pas cap’ de vous en souvenir le jour de l’examen de biologie marine, vous n’aurez pas votre brevet de captain’ de pêche ! 
Néanmoins, chez toutes ces espèces, durant la métamorphose, l’œil qui se retrouve côté fond migre vers celui se trouvant côté surface pour prendre définitivement position près de l’œil initialement opposé. Pour cette raison, les poissons plats ont les deux yeux situés du même côté de la tête (ce qui n’a rien à voir avec un choix politique, je vous rassure.) 
Mais pourquoi se couchent-elles sur le côté en premier lieu me direz vous ? On pense au résultat d’une trop haute pression s’appuyant sur leurs ‘épaules’ dans les fonds marins et à la fuite aux prédateurs. Pression et oppression. La métamorphose survient durant le premier mois de leurs vies. Quand elle sort de son œuf, la larve de sole n’est pas plate, elle est symétrique, se tient bien droite, nage activement et chasse du plancton. Au bout d’un mois lui vient l’envie de se transformer en poisson plat, de se vautrer sur le côté, de ralentir sa cadence et de changer de régime alimentaire. Les changements anatomiques qui surviennent alors sont connus, la glande thyroïde secrète les hormones qui régulent tout ça et on a identifié 2 gènes - Nodal et PitX2 - engagés dans la danse. Manque plus qu’à isoler le facteur qui fait que les trois - hormone et gènes – dansent sur le même tango. Y a bien des années de ça, Franz Kafka écrivit à Prague un conte terrifiant et génial sur l’oppression sociale, nommé la Métamorphose. Pratiquement dans le monde entier, on fait lire ce bouquin aux enfants. En général, les gosses ne comprennent pas tout car c’est un conte assez profond. Certains politiciens même ne comprennent pas tout. Depuis, un autre auteur de ‘science-fiction’ a eu cette idée lumineuse que nous, êtres humains, sommes en réalité des larves qui, sous certaines conditions, nous métamorphosons pour prendre la véritable forme adulte de notre espèce. Il y a quelques années, Gunther Grass écrivit Le Turbot’, (prix Nobel de Littérature) dans lequel un vieux poisson plat couvert de cicatrices, nous cont(r)e l’histoire de l'humanité.