24 mars 2023

740. Vis et Boulons


VIS ET BOULONS

Les cris étaient si perçants que le son traversa la cacophonie estivale des tondeuses à gazon et des aboiements de chiens tel un tir mortier de feu d'artifice décidé à gâcher la journée d'un CRS. Quelques enfants poussèrent des cris à proximité tandis qu'ils jaillissaient de sous la pluie d'un tourniquet d'arrosage. Mais il n'y avait pas à s'y tromper. Claire hurlait de douleur. Claire criait parce que Claire était en train de mourir.

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L'été atteignait son apogée et plafonnerait maintenant régulièrement à une température constante de vingt-cinq degrés et au-delà. Pour la fête du village, le maire avait demandé à ses administrés que les pelouses privées soient fraichement tondues et le marchand de glaces sur le quai au dessus de l'écluse battait son plein. Thierry se dirigeait vers le bord du canal pour aller pêcher avant que Mickaël ne se réveille. 
Mickaël était le meilleur ami de Thierry et ils passaient tous les jours ensemble chaque été. Seulement Mickaël dormait quasiment jusqu'à midi. C'était quelque chose que Thierry ne pourrait jamais faire. Alors, il pêchait. Il avait toujours l'impression que ça le rendait plus adulte. Avoir la réputation d'un "lève-tôt" alors qu'il sortait tout juste de quatrième avec sa bouille couverte d'acné . Il savait que c'était pas vraiment le cas. Pourtant, bien sûr, il se disait que c'était tout à fait le cas.

Le plomb fit un plouf résonnant lorsqu'il toucha l'eau. Thierry utilisait ce nouveau leurre que son grand-père avait suggéré, une bidule étrange ressemblant à de la guimauve au néon qui sentait salement le pneu Michelin et l'air vicié. Il aimait pouvoir suivre des yeux l'appât dans l'eau trouble et était quasiment sûr d'être certain que le poisson pouvait également le voir assez facilement. Le jeune garçon s'interrogea sur les appâts, comment quelque chose qui promettait une mort certaine était si facile à voir venir.

" Comment que ça va, grand-père ?" Mickaël claqua son cul sur le talus poussiéreux envoyant de minuscules boulettes de terre et de cailloux dans l'eau. Les poissons se dispersèrent. Thierry soupira et se tourna vers son meilleur ami.
" Pas grand chose, ça mord pas pour l'instant. J'entame juste ma routine matinale." Il s'exprimait avec sa meilleure imitation de voix de grabataire, qui ressemblait à une habituée à dire régulièrement "fiston" ou "mon ptit gars". Mickaël commença à jeter sans réfléchir des pierres dans l'eau, décidant pour eux deux que Thierry avait fini de pêcher.

" Alors, dans quoi qu'on s'embarque aujourd'hui ?" poursuivit Thierry avec une certaine ferveur qui impliquait de l'empressement. Habituellement, sa routine matinale réelle consistait à écouter les idées à moitié dingues de Mickaël qui les feraient sûrement fondre ou, pire, les laisseraient pour morts. Et puis, calmement et habilement, Thierry dissuaderait son ami de ces plans à la con, soucieux d'éviter les conflits, à la manière d'un cardiologue opérant à cœur ouvert.

" C'est marrant que tu me demandes ça. J'ai déjà une petite idée." Mickaël sourit d'un sourire énigmatique. Thierry n'allait pas aimer l'idée. Mickaël semblait savoir qu'il aurait besoin de le convaincre, et pour aggraver les choses, il semblait s'être préparé à ça.

" Je t'écoute." fit de son mieux Thierry pour masquer l'appréhension dans sa voix.
" Brendan Le Fur et ses connards de cousins étaient près du terrain de sport ce matin. Je les ai vus en chemin." 
Mickaël se leva et Thierry prit ça comme un signal pour faire de même. Il remballa sa boîte à pêche et tous deux se retournèrent pour sortir de la berge du canal.

Thierry avait du mal à retenir sa désapprobation. Brendan Le Fur était un connard complet. Tout le monde au collège le savait. Ce n'était pas seulement le fait qu'il vendait de la drogue pour sa mère ou qu'il battait son beau-père jusqu'au coma en lui tapant dessus avec une chaise de cuisine ; c'était qu'il souriait toujours à Thierry comme s'il savait quelque chose que les autres ne savaient pas. Il lui parlait, jetait son bras par-dessus son épaule et l'appelait mon pote. Thierry n'avait jamais laissé entendre que c'était quelque chose qu'il voulait. Mais Brendan n'avait jamais vraiment semblé prêter attention à ce que les gens voulaient.

" Brendan me fout les foies, mec. Comme une merde de zombie." Thierry dit cela avec désinvolture. Quelque chose d'aussi simple ne devrait pas révéler trop de peur.
" Bien sûr que c'est une merde craignosse. Mais l'été dernier, il était le moyen le plus simple d'obtenir de la bière et des clopes. Même toi tu peux pas le nier. En plus, il nous a aussi vendu ce DVD porno super hot. Je me souviens pas de t'avoir entendu te plaindre à ce moment-là." 

Mickaël rigola tout seul. Puis il frappa Thierry du plat de la main dans le dos pour le sortir de sa consternation.
C'était vrai. Thierry avait développé une légère dépendance à la nicotine depuis l'été précédent. Il y avait jamais vraiment trop pensé. Et s'empiffrer de bière à une fête commençait vraiment à être la chose la plus cool à faire. Mais il n'avait jamais considéré ça comme quelque chose qui décrivait le personnage de Brendan. Pourquoi ne pouvait-il pas se servir de ce mec tout en le considérant comme le connard qu'il était ?

"Eh bien, qu'est-ce que tu veux faire avec Brendan de toute façon?" Il sut que c'était une erreur au moment où il posa la question. Il avait montré de l'intérêt. Mickaël l'avait ferré profond dans les gencives maintenant.
" Il parait qu'il a un jeu.
- Un jeu ?" Il le dit avec incrédulité. Comme si Mickaël n'était pas sur le point de lui parler d'un jeu de société. Mais c'était le cas.
" Tais-toi, mec. Ouais, un jeu. Apparemment, il l'a obtenu de son cousin, et ce cousin l'a lui même trouvé dans une vieille maison abandonnée du côté de Caden. Il était enfermé dans un coffre ou quelque chose comme ça. Il l'a trouvé après que cette maison ait été abandonnée." 

Mickaël lui fit signe de remonter la rue. C'était la direction du terrain de sport. La même direction que la maison de Brendan Le Fur

" Pourquoi qu'ils ont abandonné la maison ?" demanda Thierry soudain intéressé. Il ne pouvait plus le nier maintenant.
" Le vieux qui vivait dedans a été retrouvé mort et sans héritiers. Ils l'ont retrouvé dans la cuisine. Il avait été entassé dans un petit placard. Ses deux jambes et ses deux bras étaient cassés et pliés pour qu'il puisse rentrer dedans." 

Mickaël sortit une boîte de réglisse mentholée et s'en remplit la bouche jusqu'à la douleur. Ses yeux se fermèrent et il dut pencher la tête en arrière pour contrôler sa salivation. Thierry ne le crut pas à propos du vieil homme. Mickaël avait toujours aimé lui faire peur quand ils étaient petits. C'était pas différent maintenant.

"On dirait que t'as passé plus qu'un petit quart-d'heure avec Brendan." siffla Thierry avec une pointe de jalousie.
- Et alors. Je suis resté un peu coincé avec lui l'autre soir. C'est pas la question. Apparemment, ce jeu est effrayant. Comme une variante de planche Ouija ou quelque chose dans ces eaux-là." 

Mickaël pouvait à peine parler sans baver. Alors il se pencha un peu plus en avant et choisit de parler tout en bavant.
" Et tu veux y jouer ?" Thierry haussa les sourcils.
- Non, mon pote. On a tous les deux envie d'y jouer."

La maison de Brendan Le Fur ne sentait ni la rose ni la cigarette. Thierry pensa à ça parce que ça sentait quelque chose. C'était sale et ça avait une odeur de fumée mais c'était pas une odeur de cigarette. Thierry aurait souhaité que ce soit le cas. La mère de Brendan n'était pas à la maison. Ce dernier était au sous-sol, déjà blotti autour d'un petit box avec ses deux cousins, les connards, Grégory et Yannick. Les murs étaient encore lambrissés de bois sombre, et Thierry reconnut le tapis à poils longs jaunissant comme le revêtement de sol d'origine de ces maisons. Le sol de son grand-père était le même. Mickaël entra le premier, et Thierry le suivit à contrecœur, descendant dans le sous-sol sombre.

" Il était temps, putain de femmelettes." Brendan ne perdait jamais de temps pour développer son charme. Il appliqua un coup rapide à chacune de leurs épaules, puis conduisit Thierry et Mickaël jusqu'à la table basse.
 
" Alors c'est ça, votre jeu infâme ?" Mickaël baissa les yeux et Thierry emboîta le pas. " VIS et BOULONS ?" 
La façon dont il le dit était incontestablement condescendante, et il pouvait à peine croire qu'il avait même parlé. Mais Thierry venait clairement de traiter Brendan de con, tout simplement avec le ton de sa voix.
" C'est pas moi qu'a baptisé ce jeu, connards." riposta Brendan sans perdre une seconde. 

Thierry fut surpris d'entendre ce qu'il pensait être de la douleur dans la voix de Brendan.
" Désolé. Je voulais juste dire que je pensais que c'était censé être effrayant ou une merde comme ça." répondit-il, estimant qu'il avait assez bien remédié à la situation.

" Et ça l'est !" Brendan s'installa sur le canapé taché contre le mur du fond. " Mon cousin dit que oui, et c'est pas un putain de menteur. Il dit que c'était comme si ce jeu avait été taillé pour lui. Que ça lui a foutu une trouille d'enfer." 
Brendan se servit une bière chaude qu'il sortit d'entre les coussins. Après avoir déplacé son regard vers le haut des escaliers, il fit signe aux garçons, leur demandant apparemment s'ils en aimeraient une.

Thierry se tourna vers Mickaël pour une sorte d'approbation. Mais c'était inutile. On disait jamais non à Brendan quand il payait sa bière. Après quelques minutes, les quatre se retrouvèrent agenouillés sur le tapis à poils longs et humides, blottis autour de la table basse, buvant leurs bières tièdes, regardant Brendan ouvrir la boîte du jeu.

Cette dernière était d'un blanc uni avec seulement les trois mots en lettres noires au centre du couvercle: 

VIS ET BOULONS 

Il n'y avait aucun logo de marque ou de fabricant ni aucune description du jeu sur la boîte, ni quoi que ce soit d(autre.

" Qu'est-ce qu'il voulait dire, ton cousin en disant comme si que ce jeu avait été taillé pour lui ?" Thierry se sentit plus à l'aise. Il savait pas s'il se souciait de l'opinion de Brendan Le Fur, ou peut-être que c'était juste la bière. Mais il était à l'aise en posant la question.

" Il l'a jamais expliqué, non ?" Yannick venait finalement de parler. Il sirota sa bière rapidement après avoir glissé cette réflexion. Brendan offrit un léger hochement de tête en réponse. Thierry était à peu près sûr que Brendan ne s'en était jamais expliqué.

Le plateau de jeu glissa proprement et tomba sur la table basse avec un léger souffle d'air, comme une plume, presque en apesanteur. Quatre petits personnages métalliques faits de vis et de boulons tombèrent sur la table après lui. Brendan retourna la boîte, mais rien d'autre n'en sortit.

" C'est tout ?" demanda Mickaël, incrédule.

Thierry n'entendit pas la réponse de Brendan. Il était distrait par la petite figurine métallique qui avait atterri devant lui sur la table. Debout, face à lui, regardant apparemment son visage, se tenait un petit bonhomme portant ce qui semblait être une casquette rouge et noire du Football Club de Rennes. Thierry ramassa la figurine. Il dut la saisir fermement, ses mains tremblant tandis qu'il la tenait. Il retourna la figurine entre ses doigts pour mieux l'observer. Le personnage portait un t-shirt avec le logo squelettique des Social Distortion enfoncé dans le métal. Le squelette ivre était indubitable. C'était le même t-shirt que Thierry lui-même portait et qu'avait appartenu à son propre père. Il tenait la figurine au niveau des yeux. Il était sûr que les quatre autres garçons avaient remarqué la même chose à propos de leurs figurines. Il ôta sa casquette du FC Rennes et Brendan leva les yeux.
" Jouons." déclara ce dernier.

Il y avait pas de dés et y avait pas de règles. Quatre chemins commençaient aux quatre coins du plateau et tourbillonnaient en spiralant vers le centre de ce dernier. À cet endroit, en caractères noirs et gras, c'était marqué:  

GAGNE ET TU SAURAS

Les chemins se composaient de petites sections noircies sur fond blanc, vraisemblablement des espaces sur lesquels se déplacer, comme sur des cailloux posés dans l'eau pour traverser une rivière à pieds-secs.

" Je suppose qu'on avance d'une marque à la fois." fit de son mieux Mickaël pour paraître confiant.
" Je vais y aller en premier." fit rapidement Brendan avant d'avancer sa figurine d'une case en un grand geste.

Aucun d'eux n'était sûr de ce qui l'attendait. Si on l'avait demandé à n'importe lequel des garçons, ils auraient ressemblé à de parfaits idiots, incapables de concocter même la tentative la plus ridicule de feindre de savoir à quoi ils jouaient.

Le jeu décida pour eux. Sous la figurine de Brendan, quelque chose dont ils étaient sûrs qu'il n'était pas là il y a un instant, bien qu'aucun d'entre eux ne l'admette, se trouvait un petit morceau de papier épais glissé sous la base de la figurine. Brendan pencha la tête au dessus du plateau et se saisit du bout de papier:

SORS LE CHIEN

Il le lut une fois dans sa tête et fronça les sourcils. Ensuite, il le relut à haute voix. Un aboiement sonore se fit entendre quelque part à l'étage. Les quatre d'entre eux se regardèrent face à face, comme cherchant confirmation que leurs oreilles ne leur avaient pas joué un tour.

" Tu parles d'un truc." commenta Greg pendant que Brendan allait au rez-de-chausée ouvrir la porte à son clébard.
" Assez flippant." reconnut ce dernier à son retour. Son regard original de confusion et peut-être de peur céda la place à un sourire joyeux. " Yannick, à ton tour." Brendan jeta sa canette vide puis plongea son bras dans le canapé, son épaule appuyée contre le coussin, cherchant une autre canette planquée.

Yannick pencha ses épaules en avant et agrippa prudemment sa pièce. Il la fit glisser vers l'avant, s'assurant de la maintenir fermement contre la planche, comme si elle y était maintenue magnétiquement. Puis il retira le bordereau qui apparut aussitôt sous sa figurine du tableau. Souriant, il le lut à haute voix;

ENTRE DANS LE CANAPÉ

Son sourire s'estompa. Ils étaient confus. Au moins tous sauf Brendan.
" Putain de merde, mec." Brendan bondit d'excitation.
" Quoi? Qu'est-ce qui va pas ?" Thierry fit de son mieux pour paraitre calme.
" Cette saloperie sait. C'est dingue." Brendan leur expliqua ensuite que le canapé était un canapé-lit. Un matelas fin et un cadre soigneusement repliés sous les coussins. Seulement le canapé de Brendan n'avait plus de matelas. Son frère aîné avait vomi dessus en terminale, et après que la mère de Brendan l'eut foutu à la jaille, ils ne l'avaient jamais remplacé. Le canapé était depuis lors une coquille creuse. À une certaine époque, c'était devenu l'emplacement favori du champion de cache-cache de la maison. Maintenant, il servait juste de cave à bière tiède.

Brendan lança les coussins en l'air. Thierry les regarda retomber sur le sol hirsute ; ils semblaient tomber au ralenti. Comment étaient-ils si calmes ? Le jeu, il savait des choses. Il était inutile de protester. Au moment où il se ressaisit, Yannick était déjà en train de s'installer dans le canapé, un sourire hilare lui barrant le visage. Ils restèrent assis quelques instants. Trois idiots fixant un idiot recroquevillé dans un canapé évidé. 
Ensuite, Mickaël le vit. Le bout de papier de Yannick. L'instruction qu'il avait négligemment jetée par terre lisait maintenant autre chose. Mickaël attira l'attention des autres et la lut à haute voix:

REPLACEZ LES COUSSINS

Ils se mirent tous à rigoler. Tous, sauf Thierry. Il était content de n'avoir jamais ri ce jour-là. Il se tenait juste là, immobile, telle une statue, telle sa petite figurine de métal. Il ne bougea pas. Il demeura immobile tandis que les deux autres repositionnaient les coussins. Il resta immobile quand ils entendirent tous l'unique cri étouffé provenant de sous les coussins. Il se tétanisa lorsque Brendan arracha de nouveau les coussins et découvrit que Yannick avait disparu, le canapé à nouveau vide, à l'exception de quelques canettes de bière tiède.

La gendarmerie récupéra Yannick quelques heures plus tard sur le bord de la route des Fougerets à l'extérieur du bourg. Il était à poil et couvert de sang. Serrés dans sa main droite, lui déchirant la peau, se trouvaient les restes écartelés d'une canette de bière.

Mickaël et Thierry s'évitèrent pendant des semaines après ça. À l'approche du milieu de l'été, Thierry pensa qu'il devrait tendre la main. Il ne voulait pas que les choses soient gênantes à la rentrée. Alors, il appela Mickaël et l'invita à passer chez lui ce samedi après-midi. Ses parents allaient au cinéma. Un flop monumental bradé au quart du prix normal avec l'autre raclure de Didier Bourdon que sa mère avait aimé du temps des Inconnus. Thierry était d'accord avec une soirée pour lui seul, mais après y avoir réfléchi, il décida de l'utiliser comme une occasion de rafistoler les liens avec son vieux pote.

En moins d'une heure, Mickaël arriva. Et, se promenant derrière lui, avec ce même sourire de merde collé sur son visage, se trouvait Brendan Le Fur.

" C'est quoi ce bordel ?" Thierry ne perdit pas de temps à cacher sa colère. Il se tenait résolument dans le hall. Il ne voulait pas que Brendan soit là et voulait que ce soit aussi clair que possible.
" Calme-toi, Thierry. C'est quoi le problème ?" Mickaël leva les mains en self-défense.

Puis, le cœur de Thierry tomba comme une lourde pierre jetée dans le ruisseau dans le fond de son estomac. Là, sous le bras de Brendan, se trouvait la boîte blanche. Il pouvait maintenant voir les lettres noires sur le côté:

VIS ET BOULONS

" Pas question, mec. Barre-toi d'ici avec ce mec. Et emporte ce putain de truc loin de chez moi." Thierry se tourna pour s'éloigner, mais Mickaël attrapa son épaule. Thierry se libéra et se précipita dans la cuisine. Il entendit Mickaël dire à Brendan de l'attendre là. Puis il entendit Mickaël le suivre.
" C'est quoi le problème, mec ? Écoute, je suis désolé si tu es énervé, mais j'avais déjà prévu de traîner avec Brendan. On se dirigeait vers la maison de Claire Madec. On voulait lui montrer le jeu." 
Mickaël tiqua sur le nom de Claire, sachant que Thierry avait toujours eu le béguin pour elle. Il était amoureux de Claire depuis la fin de l'école primaire.
" Je m'en fous de Brendan." mentit Thierry. " J'arrive pas à croire que tu penses même à rejouer à ce jeu." Thierry tremblait. Il essayait de rester calme mais avait l'impression qu'il pourrait pleurer à tout moment. C'était sérieux. Ils avaient décidé qu'ils n'essaieraient jamais d'expliquer le jeu à leurs parents ou à la police, et s'ils le faisaient un jour, ils seraient tous les quatre enfermés à l'asile de Redon pour avoir même suggéré quelque chose comme ce qu'ils savaient tous être arrivé. Et maintenant, son meilleur ami voulait le montrer à son amour du moment.

" Regarde. On va juste juste lui montrer. Qui a parlé d'y jouer ?" Mickaël venait d'activer le charme. Cela n'avait pas d'importance. Thierry savait qu'il avait perdu. Des années plus tard, Thierry considérerait le fait qu'il savait peut-être alors. Peut-être qu'à ce moment-là, il savait qu'il ne parlerait plus jamais à son meilleur ami.

" Vas-y, mec. Je te parlerai plus tard." Il ne donna jamais à Mickaël la chance de dire quoi que ce soit. Il lui tourna le dos et s'éloigna. Il monta à l'étage et s'allongea en fœtus sur son tapis de bébé qu'il était sûr que personne à part Mickaël ne savait qu'il avait encore.

D'abord, il entendit la porte claquer lorsque Mickaël et Brendan partirent. Puis, son esprit dériva vers les sons des tondeuses à gazon et des enfants qui riaient alors qu'ils couraient vers le marchand de glaces ou sautaient dans l'eau glacée des tourniquets d'arrosage. Puis, il entendit les cris.

Ils avaient joué au jeu. Cette fois, ils avaient fait quatre pas chacun avant les cris. Claire avait joué la première. Sa sœur avait suivi, puis Mickaël et Brendan. Au cinquième tour, le jeu avait demandé à Claire d'aller dans le placard. On raconte qu'elle a crié pendant près d'une heure d'affilée. Personne ne pouvait ouvrir la porte de ce maudit placard. Son père essaya le premier. Puis les gendarmes. Puis, finalement, une équipe de pompiers volontaires utilisa des haches pour éclater la porte. Claire avait disparu. Les vêtements, les chaussures et les anciens albums du collège qui étaient là auparavant étaient maintenant couverts de sang. Plus tard, les enfants diraient qu'elle avait eu l'air d'avoir éclaté tel un ballon de baudruche rempli d'hémoglobine.

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