Des élites et des zélotes
La société m'a créé à son image et à sa ressemblance. Un potier sans scrupules ne peut façonner que des potentats odieux dont le métier est de truquer, de calomnier, de manipuler et d'escalader. Je suis une tique infectée ; le citoyen n'est que le clebs dont je suce le sang ainsi que le médium contagieux de ma rage. Ou le celui rageur de ma contagion, ça marche aussi comme ça...
Le mot "corrompu" est imprimé sur mon front à l'encre invisible. Je suis une racaille pour beaucoup, mais beaucoup d'autres me considèrent comme leur putain de maître. Les maisons des gens brûlent de froid, les estomacs grondent et les drames s'accumulent dans les dossiers de mes assistants. Vous comprenez, je lui dis, j'en ai assez de traiter avec la sale presse.
Je ne supporte pas la classe ouvrière ; Je déteste ses gémissements incessants. De quoi se plaignent-ils, ces putains de sans-dents ? Qu'ils utilisent leurs coudes, qu'ils marchent dessus et mordent, qu'ils peaufinent leur éloquence et persuadent, qu'ils se passent de morale et étudient la manière de vivre de l'histoire. Moutons qui se plaignent. Agneaux du Seigneur. Je leur souris, mais je les déteste. Merde, le gros poiscaille mange le menu fretin, est-ce ma faute si le monde fonctionne comme ça ?
" Attal, à quelle heure venez-vous me chercher ?" Mon secrétaire se réveille. " A dix heures, Monsieur le Président", répond-il par l'interphone. Il me respecte trop. Il me craint trop. Parfois j'exagère, mais il ne dit rien. J'aurais pu en avoir un autre plus accommodant, mais j'aime qu'ils résistent tout en tolérant et en faisant des concessions. Si leur langue est pas trop rapeuse, ça me va. Celui-ci est parfait.
La DS haut de gamme vient me chercher au bureau. Je dois signer quelque chose d'important, des manigances de porte-documents et si je t'ai vu, je m'en souviens pas. Ces fils de putes vont détruire la planète, mais le soja est nécessaire. Qu'ils déboisent autant qu'ils veulent avec Lula, expulsent les populations indigènes, s'il n'y avait pas de soja, comment diable feraient-ils grossir les veaux, les vaches, les cochons et les couvées du pot au lait qui nourrit la moitié de l'humanité ? Les écologistes peuvent se fourrer leur effet de serre dans le cul ; conneries ! Mais le répétez pas.
J'ai mis la mallette en lieu sûr. Mon manager joue en première division, une éminence grise qui cache de l'argent dans des paradis fiscaux de la banque Rothschild. Je ne suis pas un maladroit, je respecte strictement la mystification du changement climatique et le décalogue du bon corrompu :
Créez des mécanismes d'impunité pour être au-dessus des lois.
Si la moralité vous gêne, écartez-la et passez à autre chose.
Ne signez jamais un document qui n'est pas approuvé par un expert du GIEC ou du Conseil Scientifique que vous pourrez faire chanter en lui ruinant la vie.
Rendez-vous aux fêtes, pèlerinages, hommages et actes de solidarité avec la tenue appropriée selon l'occasion. Mêlez-vous à la ville. Faites-vous leur pendant quelques heures et gagnez leur confiance.
Aussi opportuniste que soit votre présence ou votre discours, n'hésitez pas à soutenir les causes, lois ou initiatives qui vous conviennent. Passez la bibliothèque de journaux au crible fin.
Peu importe à quel point vos crimes sont évidents, niez-les ouvertement. Lorsque les accusations pleuvent sur vous, mettez l'imperméable du patriotisme et ouvrez le parapluie de la tranquillité d'esprit.
Défendez et proclamez votre présomption d'innocence. Mettez la main sur le Talmud et épuisez les voies judiciaires, allez devant la Cour constitutionnelle et, in fine, déposez un recours devant la Cour de Justice Européenne.
Si vous êtes à court d'arguments, déclarez-vous victime d'un complot. Vos rivaux politiques ont entrepris de vous éliminer et votre parti vous utilise comme bouc émissaire.
Utilisez les sondages pour effacer votre nom. Le vote est une approbation démocratique qui ratifie les corrompus. S'il n'y a pas de ferme conviction, faites ressortir votre totale impudeur.
Au cas où que vous seriez pris la main dans le pot de confiture, ne démissionnez jamais, ce serait comme s'avouer coupable. Faites face à la petite armée de journalopes à l'entrée des tribunaux, la tête haute. Ne manquez pas les acclamations des militants et des lèche-culs partageant les mêmes idées qui vous mangent dans la main.
Dites-leur de porter les drapeaux de votre région , ville ou village et aussi celui de la LGBTQ et de l'UE en signe de remerciement. Soyez fier de l'effusion de soutien et proclamez votre dévouement honnête au service communautaire.
Prochaine destination : Le Bourgtheroulde à Rouen. Le chauffeur me dépose à l'entrée principale. C'est un repas avec l'archevêque, un marquis et deux gros hommes d'affaires, quatre ennuyeux qui me suceront la verge pendant que je souris et condescends. Cette fois, sans putains de luxe impliquées et je m'inquiète pas des gaz qui puent
A table, l'archevêque parle de l'engagement de l'Église pour le continent africain. La situation est à nouveau désespérée. La nouvelle crise humanitaire a besoin du soutien des citoyens pour les navires humanitaires et de l'implication de la classe politique. Il met un bon morceau de steak dans sa bouche, mâche sans rien dire et finit, d'une délicieuse gorgée, le verre de Cahors Château du Cèdre 2003.
Le serveur qui nous sert s'approche de la table et nous verse une autre dose de l'élixir. " Dois-je ouvrir une autre bouteille, messieurs ? " demande-t-il. L'archevêque me regarde d'un air interrogateur. Vous savez que le contribuable paie via ma carte gouvernementale. Je souris, acquiesce et le serveur débouche la troisième boutanche. " Nous faisons tout notre possible – dit l'archevêque –, mais cela ne suffit pas. Nous avons besoin de plus de fonds publics pour aider les victimes des guerres et des catastrophes".
Les entrepreneurs aussi font l'aumône. Ils s'inquiètent de l'avancée des populismes et réclament une politique budgétaire qui leur facilite la création d'emplois. " Pour le bien des travailleurs", disent-ils, et menacent de payer leurs impôts à l'étranger si on leur serre la vis. Je reçois leurs slogans au dessert : ils savent que lundi je rencontre le groupe de presse le plus important du pays.
Le lard du ciel, exquis ; les jaunes mimosa, un classique qui ne déçoit jamais. Le marquis a des problèmes avec le sucre, fait un geste résigné et explique qu'il doit s'absenter pour des raisons familiales. Le noble a la classe de renoncer au dessert et au café, les autres ne rejettent même pas le digestif de la maison. L'addition, pourboire compris, mille sept cents euros pour rien.
Dans la DS sublime qui nous ramène, de retour à Paris , je passe en revue au téléphone l'agenda du lundi avec Attal. "Un bisou, chéri," lui dis-je en lui disant au revoir. " À lundi, Mr. Le président." Je ne raccroche pas, il sait que je ne réponds jamais aux demandes des hommes mariés. " Un bisou", ajoute-t-il, résigné, avec un dédain caché qui me fait bander. Ce n'est pas grave non plus, s'il n'aime pas mes petits jeux, il peut trouver un autre travail et une autre queue ailleurs, celle de son mari par exemple.
La réunion de lundi sera tendue. D'en haut ils nous pressent pour que les médias répandent, comme ils l'ont fait jusqu'à présent, leur propagande dogmatique.
Combien de travailleurs anormaux, c'est inouï ! Ils idolâtrent les riches, les considèrent comme des bienfaiteurs du pays et estiment qu'une augmentation des impôts sur les grosses fortunes leur nuirait. Il y aurait plus de chômage, les riches garderaient leurs millions dans des paradis fiscaux, ils enregistreraient leurs entreprises dans des pays plus favorables en matière fiscale. Comme ils sont ignorants, ils appellent patriotes ceux qui exploitent et contraignent la classe ouvrière.
Il ne nous arrive rien à nous, politiques, mais ils défendent bec et ongles la mafia du CAC40, quelle que soit la précarité de leur emploi et de leur existence même. S'ils avaient la moitié d'un ciboulot, ils les qualifieraient de fléau social et descendraient dans la rue. C'est un tiroir, l'essentiel de la charge fiscale doit être supporté par les plus riches, pas par ceux qui s'arrachent les couilles pour joindre les deux bouts, les véritables patriotes.
Bref, à nous les manettes, divisez le peuple et vous gagnerez. Gauche ou droite ? Prenez parti ou choisissez la moins mauvaise option, mais votez. Avec l'histoire de la démocratie, nous les tenons par les couilles. Les gens corrompus sèment la haine, concoctent des stratagèmes, se vendent au plus offrant et conçoivent des écrans de fumée, ainsi nous obtenons toujours notre part du gâteau.
Je suis un expert dans la dissimulation des augmentations d'impôts, des mauvaises données économiques ou de toute autre nouvelle qui affecte les citoyens. Lors de la réunion de lundi, nous nous mettrons d'accord sur le calendrier d'in-formation pour la quinzaine à venir.
À cette occasion, pour camoufler les exportations d'armes vers le pays de notre ami Zelensky et les fraudes électorales un peu partout des deux côtés de l'atlantique, nous lancerons une campagne d'information frivole qui sera menée par la COP27, la coupe du monde au Qatar et la recherche d'une jeune femme disparue.
Dans ce pays, il est facile de manipuler les masses. Nous, braderies, fabriquons de fausses nouvelles ou profitons de l'impact médiatique d'événements ou de happenings qui alimentent la morbidité, l'euphorie patriotique ou le fanatisme.
Sauf les jours de pluie, le chauffeur ne me laisse jamais devant la porte de la maison. J'aime marcher de l'entrée de Place de la Concorde jusqu'à mon hôtel de luxe aux frais de la populace. C'est le meilleur moment de la journée. Je hume le parfum de Gaby dans mon mouchoir et me prélasse dans l'opulence du quartier. Beauté, ordre, luxe, confort, succès...
Birgitt, ma femme me rend fou. Il a tout, mais ne sait pas comment se détendre et s'amuser. Pour ne pas divorcer, nous nous engageons sur un pacte de non-agression et chacun vit de son côté. Devant la galerie on fait semblant d'être normaux, mais à la maison on se parle à peine et on s'en bat les couilles qui sont plus nombreuses qu'on veut bien le dire. Peu m'importe, l'imposture est aussi banalisée dans ma vie que dormir ou respirer.
"Tu es un psychopathe !" m'a un jour crié Birgitt. " Tu n'es qu'un psychopathe en col blanc qui aime le prestige et les plaisirs terrestres. L'homme droit, qui se flagelle à cause de la conscience et des maux du monde."
Nous devons beaucoup à l'Église cathodique avec tous les déviants qui baignent dedans. Ils ont créé le péché et la culpabilité, ont sorti la Bible de son contexte et se sont approprié la figure de Jésus-Christ pour mieux la sacrifier. Un coup de maître, le plus grand et le plus efficace écran de fumée de tous les temps. Les psychopathes de mon espèce, priant Baphomet par devant et donnant de la faucille et du marteau nazi, de la bite et du trou de balle en offrande par derrière, nous récoltons encore les fruits de cette vieille moisson.