15 janv. 2021

463. La Tactique du Diable

 

 Voici un extrait de "la tactique du diable" de C.S Lewis, écrit en 1942. 
Malgré la date de son écriture, il est étonnant de constater la description quasi parfaite de notre réalité d'aujourd'hui. 
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Un jeune diable : "Comment avez-vous réussi à envoyer autant d'âmes en enfer ?
Le vieux diable : Avec la peur !
- Bon travail ! De quoi avaient-ils peur ? Guerre ? Famine ?
- Non, d'une maladie !
-N'ont-ils pas été malades ? N'étaient-ils pas en train de mourir ? N'y avait-il pas un remède ?
- ils sont tombés malades, ils sont morts, il y avait un remède.
- Je ne comprends pas...
-Ils ont accidentellement cru que la seule chose qu'ils devaient garder à tout prix était la VIE ! Ils ne s'étreignaient pas, ne se saluaient pas, ils s'éloignaient l'un de l'autre. Ils ont renoncé à tout contact humain et à tout ce qui était humain ! Ils ont manqué d'argent, ils ont perdu leur emploi, mais ils ont choisi de craindre pour leur vie, même s'ils n'avaient même pas de pain. Ils croyaient tout ce qu'ils entendaient, lisaient les journaux et croyaient aveuglément tout ce qu'ils lisaient. Ils ont abandonné leur liberté, ils n'ont jamais quitté la maison, ils ne sont allés nulle part. Ils n'ont pas rendu visite à des parents et amis.
Le monde est devenu un grand camp de concentration avec des prisonniers volontaires. Ils ont tout accepté ! Juste pour survivre à un autre jour misérable... Ils n'ont pas vécu, ils sont morts tous les jours ! C'était facile de prendre leurs âmes misérables ... "

C.S. Lewis - "Lettres de Berlicche / The screwtape letters" - 1942
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En lisant ça, on peut se dire, à tort ou à raison, que rendu à ce point,  il n'y a plus grande surprise à attendre de la vie. 

On peut penser qu'à présent, la vie a perdu toute capacité à nous surprendre. Notre propre histoire faite de moments qui ont fait une différence ou ont eu un sens le confirme. 
En fin de compte, on peut en arriver à la conclusion que peu importe à quel point on essaie d'imaginer ou de prédire l'étape suivante, il y aura toujours place à l'imprévu pour améliorer nos prévisions. Scuzez-moi, j'ai le Q qui me démange.

On s'approche d'un autre de ces moments cruciaux où une décision importante doit être prise, on la sent déjà sur nos orteils et nous irritant les talons. Dans quelques jours, le verdict déterminera des questions aussi importantes que la ville où on vivra, les prochaines personnes que nous rencontrerons ou celles qu'on ne rencontrera jamais, les expériences avec lesquelles nous nourrirons le scénario de nos vies et les histoires qui en sortiront. On comptera nos petits-enfants. Le seul inconvénient est que, faute d'éveillés parmi nous, cette décision ne semble plus être entre nos mains.

Je me souviens d'un collègue de marine marchande qui m'avait raconté entre deux lichées de rhum arrangé que la raison pour laquelle il avait rencontré sa femme était qu'il lui avait manqué le quart de la moitié d'un demi-point au concours pour aller étudier dans l'école qu'il avait souhaité intégrer. N'étant pas admis, il s'était résolu à passer le concours de l'école d'hydrographie  et que c'était grâce à ce premier échec qu'il avait rencontré dans un bouge de Port of Spain la Cimarron  qui allait devenir sa partenaire durant les dix prochaines et heureuses années de sa vie.

Alors pourquoi se mettre en colère contre les échecs ou se lamenter sur les déceptions du présent ? Quel est l'intérêt de s'accrocher à ce que nous pensons être le mieux pour nous et à souhaiter que tout redevienne comme avant ?
Lorque tout le monde se précipite vers le bord de la falaise, celui qui se barre dans la direction opposée peut paraître fou...
Alors peut-être est-il plus sensé de ne pas nous en soucier et de nous laisser emporter par la main prévoyante qui a tout prévu et qui finira par nous conduire à l'origine des meilleurs moments de nos vies. Pour chaque chose, ne dit-on pas que les meilleurs plans sont l'imprévu ?

Q

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