30 juil. 2006

187. Francopholie

Alors voilà, j’ai un nouveau mot favori. Et ce mot n’est ni oui, ni non ni peut-être. Mais vous le trouverez quand même dans le dictionnaire. Mon nouveau mot favori est ‘néanmoins’.
Pourquoi ‘néanmoins’ me direz-vous ? Eh bien parce que ce mot est plein de ressources. Quel que soit le sujet de discussion, un ‘néanmoins’ proprement balancé signifie :
« Je vous entends bien. Votre argument est cohérent, intelligent et politiquement correct. Votre logique est sans faille. Mais franchement, je n’en ai rien à foutre de ce que vous pouvez bien me sortir pour essayer de me prouver que j’ai tort. »
C’est spectaculaire. Inarrêtable. [celui là n’est pas dans le Dico]. C’est l’équivalent en un seul mot de « Cause toujours, tu m’intéresses ! » du Médef, ou de « Parle à mon cul, ma tête est malade » de Patrick Sébastien ou du célèbre « Nanananananana ! » de cette pétasse de Florence Stirbois. Et utilisé à bon escient, c’est le dernier mot d’un argument. Mais permettez moi de vous le démontrer.

Disons que vous êtes délégué syndical et que vous ayez une suggestion à faire à votre patron afin d’améliorer les conditions de travail et le moral au bureau. Mais une fois de plus celui-ci vous envoie sur les roses, et pas de la façon comique à laquelle vous vous attendiez. Imaginons la conversation :
Vous : Mais qu’y a-t-il de mal à ce que nos secrétaires nous fassent des massages relaxants en milieu de semaine ? Dîtes moi une seule raison qui s’y oppose ?
Votre patron : Ecoutez, ce serait sexiste. Et de fort mauvais goût. Les féministes nous boycotteraient. Puis il y a l’aspect juridique. Nos secrétaires ne sont ni formées ni expertes. Et… si je lis bien vos propositions… en particulier celles faisant allusion aux parties de vos anatomies plus spécifiquement tripotées lors de ces massages, [ou massées lors de ces tripotages ?], tout cela me parait loin, très très loin d’être hygiénique. Et très possiblement illégal…
Vous : Néanmoins ?

Ou encore : Disons par exemple que vous faites partie de la ligue des Droits de l’homme et que vous ayez une suggestion à faire au Président de la République de votre pays pour boycotter tout ce qui vient ou tout ce qui est en partance pour Israël, l’état Sioniste et raciste installé en Palestine entrain en ce moment même de massacrer des populations civiles dans le sud Liban. - Putain, mais c'est à croire que les soldats de Tsahal sont côtés en bourse ou quoi, je croyais que la loi du Talion c'était œil pour œil et dent pour dent??? Là c'est plus de 25 dentiers par ratiche si je suis bien... - Mais celui ci se montre un peu tiède sur ce sujet épineux pour lequel il conserve un silence assourdissant et essaie de vous faire perdre vos moyens. Imaginons la conversation lors d’un talk-show télévisé :
Vous : Mais qu’y a-t-il de mal à exercer ce genre de pressions sur la Knesset, on l’a bien fait pour pour le régime d’Aparheid en Afrique du sud ?
Votre président : Hem, eh bien, réfléchissez, mon cher concitoyen ! Haïfa est un lieu de villégiature fort apprécié de nombre de nos compatriotes, tout comme l’est Bethléem pour de nombreux chrétiens surtout à l’époque, comme vous ne l’ignorez pas, de la Nativité. Les gens voulant s’y rendre déserteraient à leur détriment professionnel et économique nos compagnies aériennes ainsi que nos aéroports nationaux en faveur de compagnies et aéroports étrangers disons, heu… plus conciliants.
Vous : Néanmoins ! Mais qu’y aurait-t-il de préjudiciable à boycotter les oranges de Jaffa et autres produits importés de ce pays ? Ou encore à boycotter la présence d’Israël aux JO de 2008. Donnez moi une bonne raison de ne pas le faire ?
Votre président : Argh, hem… aucune assurément. Toutefois, hem… ce pourrait être considéré comme, euh… un acte hostile par une partie non négligeable d'une certaine communauté et de certaines institutions présentes sur notre sol et vous n’êtes pas sans ignorer l’impact important que…euh,… hem, ces dernières peuvent avoir sur le, hem… résultat des élections à venir…
Vous : Patate hyper chaude, si je comprends bien, hein prézident? Néanmoins ?

Vous voyez ? C’est tout ce que vous avez à dire. On ne peut rien rétorquer à un ‘néanmoins’ bien placé. Que pourrait-on d’ailleurs y opposer de pire que le déroulement des élections à venir ? C’est comme un accusé de réception à tout ce qui vient d’être dit tout en le renvoyant au point de départ. C’est génial.

Encore un peu sceptiques ? Je vais vous montrer comment j’ai utilisé mon nouveau jouet avec ma femme - Eh, espèces de pervers, je parle de ‘néanmoins’ dans ce post, pas de sexe à pile. Alors virez moi ces regard lubriques de vos faces baveuses, espèces de dépravés! - pas plus tard qu’il y a deux mois un soir qu'elle rentrait du boulot après s'être tapé deux heures supplémentaires à cause d'une erreur de caisse - c'est que ça rigole pas à la Poste!

Marylou : C’est pas vrai ! Dis moi pas que t’es encore resté vautré dans le canapé à fumer la moquette toute la journée ?
M56 : Euh… hein ? euh si, mmmf, woao, je crois bien…
Marylou : T’es vraiment lamentable. Fainéant! T’as donc rien d’autre à foutre? Je me demande vraiment comment t’as réussi à me convaincre de me marier avec toi.
M56 : Moi non plus ...néanmoins !
Marylou : RhoooO mon chat, embrasse moi, je t’adore !

Et voilà le travail. Un tout petit mot et vous sauvez votre mariage. C’est gratuit, les mecs. N’hésitez pas à l’utiliser. C’est aussi bon pour vous les filles, d’ailleurs. Vous aurez toujours le dernier mot. C’est super. C’est génial. Plus même, c’est inoui. Mais ça va, vous me remercierez plus tard.

Une façon encore meilleure d’utiliser le mot ‘néanmoins’ pour clore une dispute ou un conflit, c’est de l’utiliser judicieusement et en coupant sans parcimonie votre opposant encore dans le processus d’étayer ses arguments. Là, ça devient tout simplement jouissif. Imaginez vous l’utiliser …disons au tribunal. Peut-être même durant votre propre procès.
Le juge: Monsieur, vous avez exposé sur internet un tas d’ordures sublimes à l’origine de troubles psycho-socio-émotionnels dans une frange non négligeable de la population. Une tendance très claire à un manque flagrant de respect envers le consensus établi …
Vous : Néanmoins !
Le juge : …euh… et je ne vois que trop, hem… aucune raison de ne pas vous inculper dans cette affaire…
Vous : Néanmoins ?
Le juge : …hem…, euh… et de vous condamner à la peine maximale prévue par la loi compte tenu du mépris dont vous avez fait preuve envers nos représentants élus et notre système de cast..., de crass…, de c…
Vous : Néanmoins ?
Le juge : Je… euh, eh merde ! Hors de ma vue, monsieur! Affaire suivante !

Vous voyez ? Gardez toujours quelques petits ‘néanmoins’ dans votre porte monnaie et vous ne serez plus jamais pris en défaut. On pourra vous dédaigner, on pourra vous poursuivre en justice, vous pourrez passer une nuit ou deux en garde à vue. Mais on ne prouvera plus jamais que vous ayez pu avoir tort.
Quoi ? Encore sceptiques ? Néanmoins!
Ouais, enfoirés. C’est bien ce que je pensais.