11 avr. 2005

38. Un convoi de cartons gris

Vous apprenez les règles, ce ne sont que des règles. Toute cette merde sur la syntaxe et la ponctuation, ces plans pour trouver un job ou construire une famille, toutes nos idées sur ce qu'est l'homme et ce que fait la femme- ça disparaît avec la mort. Et vous mourrez! Quelque part sur la grand-route, vous tomberez dans l'oubli . Dans mille ans ou dans quelques jours, mais soyez en assurés! 
Mais vous avez le présent. L'instant parfait pour jouer avec des règles, de jouer à ces jeux - avec leurs règles, de les examiner, les mettre en lumière pour mieux les percer - et de réfléchir sur l'ensemble. Posez vous des questions comme: " Pourquoi jouer à ce jeu ?", " Pourquoi ces règles me semblent-elles si importantes ?" Vous êtes peut-être étudiants, ou ouvriers. Ou peut-être pensez-vous simplement être à l'université ou à l'usine. 
Pause. 
Considérez la possibilité que peut-être tout ceci n'est que du pipot. Les humains ont inventé les autoroutes ainsi que le mot "autoroute". Il n'y a pas toujours eu des mots pour dire les choses. Et les choses créées par l'homme n'ont pas toujours été là. Il n'y a aucune raison de croire que ce que les hommes ont crée continuera d'exister dans quelques centaines d'années. Des bombes H peuvent pleuvoir demain sur nos institutions les plus chéries, on s'en foutrait de qui serait président parce qu'on serait morts, probablement vitrifiés. 
Je pense que nous sommes d'une extrême fragilité quand nous pensons que nos présidents et gouvernants peuvent nous sauver d'autres présidents et d'autres gouvernants. Ce doit être un autre de ces jeux que nous jouons pour éviter de confronter nos peurs de l'inconnu. Nous enseignons des règles à nos enfants sans leur suggérer que ces règles ne servent à rien finalement, et les gosses grandissent en espérant, et même en répétant, des situations dans laquelle la plateforme maîtresse de la situation ne peut exister que parce que les hommes ont réussi à remiser leurs capacités à se poser des questions et se sont mis à créer des choses manquant de fondements. 
C'est comme si le dogme qu'on nous colle aux talons dans notre jeunesse nous pénétrait et croissait en nous comme un cancer, déformant notre humanité tandis que nous affalons nos têtes, et puis nos corps dans de tristes cartons gris. Les couvercles scotchés au dessus de ces cartons sont notre mort en tant qu'êtres pensants. Et quand ceci arrive, tout ce qui reste, c'est un silence poussiéreux accompagné de temps en temps du grincement du tapis roulant tandis que nos cartons défilent en cercles interminables dans une usine abandonnée. Debout, les mecs, vous ne vivez pas. 
Réveillez-vous ! Réveillez-vous !