22 nov. 2024

977. Dans la certitude, abstiens-toi !


DANS LA CERTITUDE, ABSTIENS-TOI !

L'air était ni chaud ni froid. Mais il soufflait en bourrasques comme si qu'il éternuait. Une seconde de calme, la seconde suivante un vent puissant, envoyant les feuilles d'automnes dans un tourbillon de bruns, de jaunes, d'oranges et de cramoisis. Le vent à cette époque de l'année laissait ceux qui étaient curieux se demander quel type de jour, hiver précoce ou été implacable qui s'éternise, ce dernier apporterait. Mais froid ou chaud, l'air laissait toujours derrière lui une traînée de muscade et de cannelle. Octobre apporte beaucoup de choses, mais surtout il apporte du changement.

Les journalistes qui se rassemblaient devant les grilles du manoir Kermadec attendaient depuis midi, le crépuscule approchait et la raison pour laquelle ils avaient été appelés n’était toujours pas connue. Perceval Cosmao de Kermadec, le propriétaire de la grande maison de style géorgien de la rue Bodélio, avait brusquement appelé toute une floppée de reporters, de gratte-papiers et de journalistes à l’extérieur de son manoir majestueux pour être témoins de « la découverte la plus incroyable de toute l’histoire humaine ». Ils étaient donc là, à attendre, à regarder le ciel gris se couvrir de traînées violettes et rouges comme des coups de pinceau dans la toile céleste. Ce sentiment était partagé par la douzaine de journaleux qu'attendaient là depuis près de 6 heures. 

Le correspondant local du journal régional arriva avec des thermos de cidre chaud pour ses confrères agités. Des rumeurs commencèrent à se faire entendre quant à la raison pour laquelle la presse avait été convoquée. Et 'convoqué' était généralement le terme approprié quand on parlait de Kermadec. La famille Cosmao de Kermadec est étroitement liée à l'histoire de la ville depuis sa fondation en 1123. La plupart des quartiers nord-ouest de la ville ainsi que celui de l'hôpital avaient été achetés au domaine des Kermadec en 1834. Perceval de Kermadec souhaitait depuis son plus jeune âge ne pas être perdu dans l'histoire familiale de la grande lignée des Cosmao. Les Cosmao avaient fourni d'éminents hommes d'État, des amiraux, des peintres, des philosophes, des hommes d'affaires, des révolutionnaires et même un musicien. Mais Perceval, lui, avait opté pour la science. 

Ce n’était pas la première fois que Perceval faisait appel à la presse pour voir sa dernière découverte. La première fois, il n'avait que 16 ans, il avait montré un ensemble de membres artificiels articulés qu’il avait fabriqués pour sa petite sœur qui, un an plus tôt, avait perdu l’usage de ses jambes à cause de la polio. Ensuite, il y avait eu un majordome motorisé, capable d’accomplir n’importe quelle tâche qu’on pouvait lui demander. Puis ce fut le tour de plantes qui ne nécessitant ni eau ni soleil, mais qui pouvaient pousser de la graine au fruit mûr en un peu moins d’une semaine. Des pilules pour faire repousser les cheveux, un sérum pour rendre votre chien plus intelligent, des lunettes pour voir le futur, une petite boîte en cuivre qui pouvait communiquer avec les morts et un remède contre la vérole (ce qui fut plus tard démystifié comme n’étant qu’un traitement à court terme) – toutes ces découvertes, ainsi que quelques autres découvertes plus ou moins extravagantes, conduisirent à la convocation des journalistes. Il n’était que rarement question de savoir s’ils devaient venir ou non, selon lui, s’ils manquaient ça, c'est leur avenir dans la presse qui serait foutu. 

Le cidre de pomme chaud contribua grandement à apaiser le malaise que beaucoup d'entre eux ressentaient en se tenant devant les grilles. Beaucoup n'avaient pas remarqué que les lampadaires étaient allumés ou que les habitants des maisons de l'autre côté de la rue allumaient des bougies pour les fourrer dans des citrouilles. Le crépuscule s'éternisait et la patience commençait à s'épuiser. Qu'avait-il pour eux aujourd'hui ? Du lait qui ne périmait pas ? Une machine qui contrôlait le temps ? Peut-être une machine volante capable d'atteindre une autre galaxie ? Toutes les idées étaient possibles quand on pensait au professeur Cosmao de Kermadec. 

Il faisait presque nuit lorsque les portes du manoir s'ouvrirent. La foule se tut lorsque Perceval sortit sur le perron. Il portait un costume marron et un gilet assorti, avec une chaîne de montre en or. Comme d'habitude pour ces événements, Perceval portait son haut-de-forme en peau de castor qui lui donnait fière allure. Une rafale de vent souffla un tourbillon de feuilles devant lui comme si c'était prévu. Il fit son premier pas, ses pieds écrasant quelques unes de ces dernières. Il s'arrêta et passa sa main dans l'entrebaillement de la porte et une main blanche et brillante s'avança vers la sienne. Une silhouette suivit la main, d'un blanc éclatant, exagérée par les nuances orange et grises du ciel crépusculaire. Cette silhouette était vêtue d'une robe blanche flottante, avec de longs cheveux blancs argentés flottants également. Les mains et la tête de la silhouette étaient évidentes, mais le manque de mouvement de sa robe laissait à penser que cette silhouette flottait plutôt qu'elle ne marchait.  

Perceval et la silhouette s'approchèrent du podium monté là pour l'occasion. Les journalistes furent repoussés en arrière par l'ouverture vers l'extérieur des portes de la propriété lorsque le propriétaire des lieux appuya sur la télécommande, puis comblèrent rapidement l'écart des deux battants qui s'élargissait dès que ce fut sûr. Il prit un moment pour laisser à la foule le temps de s'imprégner de la silhouette à ses côtés. Perceval, étant lui-même d'une stature assez grande, était éclipsé par cette dernière atteignant près de 2,50 mètres de haut et dégageant une blancheur éclatante, en fait pas tant une lueur qu'une aura. 
Les caméras commencèrent à photographier cette grande silhouette. De près, les spectateurs pouvaient voir clairement son visage. Réunis devant les portes pendant plus de 6 heures, certains des rédacteurs les plus astucieux que le grand-ouest avait à offrir se trouvaient là, mais aucun ne parvenait à s'entendre sur l'apparence du visage de cette silhouette. Beaucoup se débattirent avec leur crayons et leurs calepins pour en faire une description, pour ensuite en chercher une différente ou une meilleure avant de lui jeter un autre coup d'œil. Dans la description la plus conservatrice, la silhouette était banale. Ce qui veut pas dire qu'elle était laide ou banale, loin de là. Lorsque la foule contemplait le visage de ce personnage mystérieux, elle ressentait de la beauté et du bonheur en elle. Un sentiment de jubilation et de bien-être jaillissait en elle comme celui d'un bébé qui regarde sa mère dans les yeux pour la première fois. Elle ressentait de la chaleur mais ne pouvait toujours pas donner de description. 

" Mesdames, messieurs", commença Perceval, " ce n’est un secret pour personne que je vieillis. Dans quelques semaines, ce sera mon 85ème anniversaire et, quand je mourrai, je laisserai cette terre sans aucun héritier susceptible de perpétuer mon héritage." 
C’était vrai, Perceval avait passé la majeure partie de sa vie tellement absorbé par les progrès de la science, de la technologie et de la race humaine qu’il n’avait jamais pris le temps de profiter de l'instant présent et de trouver une partenaire appropriée avec laquelle copuler pour se reproduire. Un enfant peut offrir un regard sur l’avenir. Ce sont eux qui portent votre héritage. Mais Perceval, ayant passé la plupart de sa vie en seul à seul avec la science, n'avait rien voulu laisser de côté. 

" Étant d’une curiosité perpétuelle, je voulais savoir ce qui m’attendait. Que se passe-t-il après la mort ? Où allons-nous, qui voyons-nous ? Je me suis consacré à la recherche de cette vérité." 
Il avait en effet consacré beaucoup de temps et d’énergie à essayer de répondre à la question que la religion théorise depuis des millénaires : après la mort vient l’au-delà. Commençant modestement et en faisant des recherches, il avait assisté à de nombreuses séances, en avait même tenu quelques-unes chez lui. Il avait consulté divers chefs religieux et professionnels de la santé. Il avait voyagé dans les sites les plus sacrés du monde entier pour essayer de trouver une explication plausible. Il avait passé beaucoup de temps en Suisse à travailler avec des physiciens théoriciens du CERN, désireux de déchiffrer les théories sur le transfert d’énergie. Enfermé chez lui pendant des mois et des mois, Perceval avait appliqué toutes les connaissances qu’il avait acquises au cours de ses voyages. Et maintenant, en cette nuit de fin octobre, il révélait sa dernière découverte au monde. 

" L’automne est la période transitoire de l’année. Les plantes comme les animaux comprennent que cette période de l’année est celle de la préparation à la mort en hiver et à leur renaissance éventuelle au printemps. L’automne est le moment idéal pour se débarrasser du passé afin de se tourner vers l’avenir. Nous devons accepter l’inévitabilité de notre mort, mais en sachant ce qui nous attend, nous pouvons nous préparer au voyage." 
La troupe de journalistes était naturellement inquiète et confuse quant à la direction que Percival voulait prendre avec son discours. Ses allocutions révélatrices avaient tendance à être décousues de fil conducteur, mais on pouvait suivre la logique de sa découverte. Mais maintenant, alors qu’il parlait de mort et de renaissance avec un géant brillant de 2,50 mètres debout à côté de lui, ils étaient déconcertés. 

" Après un temps considérable, des efforts innombrables et une conviction inébranlable en mes croyances, moi, Perceval Cosmao de Kermadec, je me tiens ici devant vous avec la preuve de l’existence d’une vie après la mort." 

Cette déclaration provoqua un certain émoi dans la foule, et immédiatement les questions commencèrent à se frayer un chemin jusqu’au podium. 

Il continua : " En utilisant une technologie avancée de ma propre conception, j’ai créé une machine capable non seulement de scruter l’au-delà, mais aussi de s’y promener et d’en revenir. Je me suis retrouvé à marcher dans le plan éthéré, me prélassant dans le palais de Dieu." 
Les questions venant de l'audience se firent de plus en plus pressantes à chaque phrase prononcée par Kermadec. Normalement, la foule des journalistes laissait Perceval terminer ses présentations avant de commencer à poser des questions, mais cela devenait trop fantastique pour qu’ils restent tranquilles. Beaucoup d’entre eux commencèrent à reconstituer le lien entre le discours et l’étrange silhouette qui se tenait silencieuse à côté de Perceval. " Est-ce un ange ?" demanda finalement le plus téméraire.

" Oui, en effet", répondit fièrement Kermadec, " je vous assure qu'il il s'agit bien d'un ange, son nom est RâsMoudjinn. Lors de mon dernier voyage, RâsMoudjinn s’est approché de moi, curieux de savoir d’où je venais et comment j’avais réussi à arriver là."

L'attention se détourna alors de Perceval et les questions se dirigèrent vers RâsMoudjinn. Les journalistes ne furent pas surpris de constater que RâsMoudjinn comprenait et parlait parfaitement le français. Parmi les nombreuses questions qu'ils lui posèrent, il put répondre à quelques-unes.

" Le paradis est-il vraiment un paradis ?
- Oui, je pense que c'est un paradis, on n'y manque jamais de rien et c'est le plus bel endroit de tout l'univers."

" Vivez-vous sur un nuage ?
- Certains d’entre nous vivent dans les nuages, mais beaucoup vivent en contrebas, sur une surface verdoyante. Les collines s’étendent à perte de vue, traversées par des rivières fraîches et propres.

" À quoi ressemble Dieu ?
- Je n’ai jamais rencontré Dieu.

" Pouvez-vous voler, avez-vous des ailes ?"
RâsMoudjinn étendit ses bras sur le côté, et sa robe flottante s'anima comme si un vent soufflait en dessous, le soulevant à 3 mètres au-dessus du podium avant de revenir au sol. 

La foule fut submergée à ce moment-là et Perceval tenta de les calmer. En vérité, c'était la première fois depuis longtemps qu'une de ses inventions ou découvertes suscitait autant d'enthousiasme de la part du monde de la presse. Il conclut la conférence de presse et ramena RâsMoudjinn à l'intérieur du manoir. 

L'obscurité était alors totale et la température avait considérablement baissé, comme c'est souvent le cas au milieu de l'automne. Les journalistes commencèrent à se disperser, leurs spéculations et leurs gros titres étouffés s'élevant au-dessus du bruit des tas de feuilles sèches qu'ils piétinaient. 

Comment le monde allait-il réagir à la présence d'un ange du paradis ? Quelle allait être la réaction humaine face à la preuve qu'il existe un autre niveau après la mort ?

Kermadec passa les premiers jours à savourer la célébrité que lui avait valu sa dernière découverte. Il était sur la couverture de tous les journaux et magazines, le sujet principal de tous les journaux du soir. Et chaque jour, son message se propageait de plus en plus loin des limites de la ville, de la province et du pays lui-même. Il reçut des lettres, des emails, des appels téléphoniques, des demandes d'interview et des télégrammes du monde entier. Angleterre, Allemagne, Russie, Etats-Unis, Israël, Inde, Iran, Chine, Égypte, Éthiopie, Arabie Saoudite, Brésil - tous posaient les mêmes questions. L'interrogeant sur la légitimité de sa prétention à l'au-delà et à l'existence de l'ange RâsMoudjinn ; il répondait toujours de la même manière : « Le paradis est aussi réel que mon manoir, mais bien plus grandiose, et l'ange est aussi réel que vous et moi, mais en beaucoup plus sublime ».

Perceval se réveilla le septième matin du septième jour et s'assit à sa table de petit-déjeuner avec vue sur le jardin à l'arrière du manoir. Il réfléchit à toute la bonté qu'il avait apportée au monde. Il pensa à tous les gens effrayés, à tous les malades et à tous les mourants, et à la façon dont ils devaient être rassurés de savoir qu'ils se réveilleraient au paradis. Il pensa à tous ceux qui étaient sur le point de perdre un être cher, mais au lieu d'éprouver du chagrin, ils pouvaient ressentir de la joie en sachant que leur parent, leur conjoint ou leur enfant partait dans un endroit meilleur, et être sûrs que c'était vrai. 

Ses pensées se tournèrent ensuite vers lui-même. Comment serait-il reconnu pour un tel exploit ? Des récompenses ? Bien sûr. Un grade de Chevalier de la Légion d'Honneur, d'Officier, de Commandeur ? De l'argent, des terres, des titres ? Certainement. Des diplômes honorifiques ? Oh, j'aurai une chaire honorifique dans chaque université majeure de la planète !, pensa-t-il, peut-être même un prix Nobel ! 
Mais son bonheur et sa bonne humeur furent de courte durée. Son petit déjeuner arriva en même temps qu'une pile de journaux. Il les déchira, comme un enfant ouvrant un cadeau, impatient de voir quels éloges allaient lui être adressés ce matin là.

Une à une, Perceval tourna les pages avec une hâte croissante, jetant le Ouest-France , saisissant le Télégramme, jetant celui-ci pour saisir le Figaro , puis le Parisien, puis le Monde, et ainsi de suite. Il les parcourut tous d'un bout à l'autre, et ce n'était rien d'autre que la même chose. Son nom avait diminué jusqu'à ne plus devenir qu'une simple note de bas de page, quelque chose qu'un journaliste ajouterait pour donner du contexte à son article. Une poignée d'articles indiquaient que presque toutes les églises, synagogues et mosquées affichaient une augmentation record de leurs troupeaux. On supposait que la preuve de la vie après la mort avait fait renaître la peur chez les gens, les incitant à protéger à nouveau leurs âmes. 

De nombreux autres articles montraient un côté plus sombre du phénomène. Quelques jours plus tard, une manchette disait « SUICIDE EN HAUSSE ! ». C’était vrai, il s’était attendu à ce que cela se produise, mais pas aussi rapidement ni en si grand nombre. Le nombre de décès par suicide dans le monde avait augmenté de 300 % seulement trois jours après l’annonce internationale de la nouvelle, et la tendance était à la hausse. 

Mais la Une de presque tous les journaux traitait de l'histoire la plus sombre et la plus dangereuse : la guerre. Les chefs religieux du monde entier s'étaient tous ralliés à la découverte de Perceval. Après tout, qu'était une religion sans l'incertitude de l'au-delà ? Les religions reposaient sur la foi de personnes selon laquelle leur dieu était le berger qui la conduirait à la vie dans l'au-delà. Or, Perceval et RâsMoudjinn avaient perturbé tout ça. Cette perturbation avait déclenché puis attisé une flamme sur des broussailles sèches, provoquant une vague incendiaire de feux de forêt sur toute la planète. La Troisième Guerre mondiale avait commencé et c'était une guerre sainte. 

RâsMoudjinn le rejoignit à la table. Ils avaient parcouru le domaine tôt le matin, mais ils étaient revenus pour le petit-déjeuner.  C'est RâsMoudjinn qui brisa le silence le premier. 

" Quelque chose te dérange, Perceval, tu as la mort sur le visage."

Kermadec lui relata les suicides, la guerre et montra à RâsMoudjinn la première page du Parisien , une photo d'un char israélien tirant sur une église à Bethléem. 

" Qu'est-ce que ça signifie ? Pourquoi votre espèce s'infligerait-elle elle-même cela ? demanda RâsMoudjinn.
- À cause de moi, à cause de toi, parce que les humains ne supportent pas de connaître la vérité sur quoi que ce soit, ils préfèrent rester dans le noir, réconfortés par ce qu'ils pensent être réel, répondit Kermadec.
- Mais quelle vérité connaissent-ils, quelle vérité sur moi pourrait causer toute ces morts, ces meurtres et cette haine. Je suis juste RâsMoudjinn, je ne suis rien, tu es apparu de nulle part et je suis parti avec toi. Que suis-je pour avoir provoqué ça ?
- Tu es un ange, tu viens d'un endroit où nous, les humains, aspirons à nous élever. Nous passons chaque jour de notre vie sur cette Terre à penser à ce qui se passera quand nous mourrons. Et maintenant que nous le savons, nous voulons aller chez toi. Nous voulons rejondre ton paradis. Raison pour laquelle nous nous déchainons et nous entretuons.
- Mais je ne suis pas un ange, qui c'est qui t'as dit àa ? Et l’endroit d’où je viens ne s’appelle pas le Paradis. Je suis RâsMoudjinn de la planète BarHaTîn. Toi, humain, es apparu chez moi. Je t'ai vu une fois, puis une autre fois, et une troisième fois, j’ai pensé te dire bonjour… et nous voici. Je suis profondément désolé pour la confusion."

Perceval resta sans voix, il sentit son cœur s'arrêter. Qu'avait-il fait ? Non seulement il avait détruit l'humanité, une civilisation qui existait depuis des dizaines de milliers d'années, et tout cela était dû à une erreur de jugement. Que pouvait-il faire maintenant, dire à tout le monde que c'était un extraterrestre ? Non, cela pourrait provoquer encore plus de chaos. Il ne pouvait pas laisser le monde se dévorer de cette façon, tuer et mourir à cause de fausses croyances. Perceval trouva la seule solution logique qu'il pouvait trouver. 

Il appela ses contacts à la station de radio et se précipita sur place en TGV. Il n'avait pas le temps de faire sa fanfare habituelle de découverte, mais il avait juste besoin de passer à l'antenne. Il s'assit devant un micro et a prononça ces mots à destination monde entier: 

" Chers amis humains, c’est avec beaucoup de regret que je dois admettre qu’il y a une semaine, ma révélation à toute l’humanité de l’existence d’un ange et du paradis était un canular. Ce n’était pas un ange, et je n’ai pas plus d’informations sur l’au-delà que n’importe qui sur cette planète. Je suis désolé."

Et là-dessus, il rendit son micro et rentra chez lui. RâsMoudjinn était là qui l'attendait.

Désemparé et impuissant, Perceval s'effondra dans un fauteuil à oreilles dans la pièce principale à côté du hall d'entrée. Il ne savait plus où donner de la tête. Toute sa vie, il avait été un Cosmao, ce qui signifiait quelque chose. Et dans cette ville, il était un habitant du coin, pas un héros, mais plutôt une célébrité. Il était respecté, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais maintenant, il était un imposteur, un charlatan, un charlatan, un charlatan de cinéma. Surtout, il était détesté dans le monde entier, car la nouvelle de son canular se répandit dans tous les nouveaux télégrammes d'ici aux antipodes. Il n'avait nulle part où aller. Même dans son propre manoir, une protestation grandissante s'amassait devant ses portes. Il était prisonnier sur cette planète. 

RâsMoudjinn, toujours silencieux dans un coin de la pièce, attendait un moment pour faire une suggestion. Perceval devait voyager avec lui. Il n'avait nulle part où aller sur Terre alors pourquoi ne pas essayer un autre monde. Il avait construit cette machine, qui s'est avérée être un portail entre les planètes, pour explorer l'inconnu, peut-être que le moment était venu d'explorer.

Sans réfléchir, Perceval et RâsMoudjinn montèrent alors dans sa machine et avec quelques bips et boops, un tourbillon de vent, une explosion d'énergie, les deux étaient partis, aucun des deux ne fut jamais revu. 

Quant à l'humanité, la nouvelle du canular se répandit rapidement et l'effusion de sang au nom de Perceval Cosmao de Kermadec et de RâsMoudjinn prit fin. Les humains étaient à nouveau sains et saufs, vivant de nouveau entre doute et certitude.

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20 nov. 2024

976. Mandat de Trump: En avant toutes sans perdre de temps !


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MANDAT DE TRUMP: EN AVANT TOUTES SANS PERDRE DE TEMPS !

On assiste à quelque chose que j'aurais jamais imaginé voir de mon vivant. Ou, d'ailleurs, de n'importe quelle vie, mais surtout après ces cinq dernières années, c'est juste tout simplement époustouflant...

Le président élu Donald Trump a annoncé les noms des personnes qu'il compte nommer à son cabinet, dont les membres contribueront à la mise en œuvre de ses priorités peu après l'investiture le 20 janvier prochaîn. Les annonces sont faites de différentes manières, non seulement par son équipe de transition, mais aussi sur sa plateforme de médias sociaux, Truth Social, et par le biais de fuites distillées dans la presse.
Même ceux qu'ont voté contre lui doivent admettre que ce qui se passe actuellement est sans précédent.
La liste des secrétaires et ministres qu'il a nommés n'est qu'un exemple parmi d'autres, car elle ressemble à rien de ce qu'on a vu jusqu'à présent. Nombre d'entre eux ont été ciblés, calomniés et dénigrés par les élitistes de la classe de Davos de toutes parts, y compris par les chiens d'attaque des sphères politiques, des médias et de l'État policier US comme dans tous les pays du G7 et la quasi-totalité de ceux de l'UE, France en tête.
Je veux parler en particulier de Robert F. Kennedy Jr (santé & alimentation), de Matt Gaetz (Procureur Général des États-Unis remplacé au pied levé par Pam Bondi), et de Tulsi Gabbard (Directrice des 17 agences de renseignement et de sécurité) ? Vous voyez qu'est-ce que je veux dire, hein ouais ?
Ensuite, vous voyez les antécédents. Des conservateurs traditionnels et des libéraux classiques... d'anciens démocrates, des populistes convaincus, de fervents  libertariens... tous se rassemblent au sein d'une coalition comme qu'il y en a jamais eu dans la politique américaine. La philosophie de la Diversité, de l'Équité et de l'Inclusion, ou DEI, des quatre dernières années est mise au rencard, remplacée par l'idée de faire appel à ceux qui sont particulièrement qualifiés pour faire avancer la vision facilement définissable de Trump: Redresser l'économie. Rechercher la paix. Se refaire une santé. Protéger les gosses. Assécher le marais... enfin.

À ce propos, je sais que de nombreux « experts » autoproclamés (des deux « côtés ») disent qu'il y a aucune chance que beaucoup d'entre eux soient confirmés par le Sénat US, mais... eh ben, c'est pas si simple. Trump a pas seulement gagné, il a remporté un mandat absolu. Il a remporté le vote populaire en nombre de voix, le collège électoral et le Sénat... tout en réussissant à conserver la Chambre des Représentants. Il peut à peu près nommer qui qu'il veut, et si certains Républicains lui disent « non », ils devront en répondre devant la majorité des électeurs.
Ils devront répondre à une majorité du peuple américain... et les américains ne sont plus vraiment tolérants à l'égard des manigances de la politique habituelle.
Vous savez, Trump pourrait bien réussir. Surtout si ça signifie de l'essence et des œufs moins chers, la fin des guerres perpétuelles, des aliments plus sains, l'éradication du trafic d'enfants et de la pédocriminalité ainsi que le grand nettoyage de Washington.
Les américains sont tous partants !

Bien sûr, il ne s'agit encore que de la période des « fiançailles » (Ils en sont pas encore à la lune de miel), et il y a donc encore beaucoup de chemin à parcourir. En outre, aucun « leader », quel qu'il soit, ne va tout régler ; en fait, tout ce qu'il peut faire, c'est renverser légèrement la vapeur pendant un moment ou deux. Seul le temps pourra dire ce qu'il adviendra exactement, mais au moins maintenant ce temps leur appartient...
Plus que toute autre chose, c'est de temps dont ils avaient besoin.

Je suis sûr que nombre d'entre vous auraient choisi de pas voter, et je comprends leurs raisons ; moi, je l'aurais fait, parce que je crois que là c'était important. Je l'aurais fait surtout en raison de préoccupations locales, qui sont généralement la raison pour laquelle les américains se rendent à l'isoloir.
Aux USA, ils ont les bureaux de l'État, les gouverneurs nationaux, les Shérifs de comtés, les procureurs d'état, les lois locales. Ces choses-là sont importantes. Y a qu'à regarder la merde qu'un gouverneur woke-mondialiste tel Gavin Newsom a fait à la Californie.
Pourtant, lors de cette élection, nombre d'américains se sont investis dans ces élections nationales comme ils l'avaient jamais fait, parce qu'ils ont vu ce qui était écrit sur les mur. Imaginez si les politiciens - démocrates ou républicains - qui conduisent l'agenda mondialiste avaient gagné ? Toutes les trucs que je dénonce dans ce blog depuis des années seraient devenues la sombre réalité.


Le peuple américain a maintenant le temps de se préparer. Ces types du Forum Économique Mondial disparaîtront pas du jour au lendemain comme par magie - ils vont tenter de revenir en force, et ils seront voraces. Oubliez pas qu'ils étaient à une élection de réaliser un rêve vieux de quatre millénaires, et qu'ils l'ont vu s'envoler au dernier moment. Tout ça les fait pas rigoler et ils reviendront.
Mais MAINTENANT, le temps joue en faveur du peuple, et avec lui une pause dans la chute libre vers la tyrannie mondialiste. Bien que je sois plein d'espoir pour ce qui pourrait arriver, je suis également réaliste ; ainsi, je vois pas tout ça comme un « sauvetage » (j'ai jamais cru que quelqu'un viendrait nous « sauver »), mais plutôt comme un « répit »... afin qu'on puisse faire ce qui est nécessaire pour nous sauver nous-mêmes.
C'est pourquoi il faut mettre à profit les quatre prochaines années pour faire tout ce qu'on sait être nécessaire lorsqu'« ils » reviendront. Trouver une commune rurale où on puisse se sentir chez soi. S'impliquer davantage dans les activités de la communauté et établir des contacts avec des personnes par l'intermédiaire d'organisations locales basées sur des activités.

Apprendre à jardiner avec ce qu'on a, développer la volonté de privilégier l'essentiel au détriment du frivole, apprendre à connaître TOUS nos élus locaux. En d'autres termes, faire les derniers préparatifs, pour être prêts à vivre hors de leur vil « réseau » de dépendance basée sur l'usure, la malbouffe et la toxipharmacopée... pour une vie saturée de Liberté.

18 nov. 2024

975. La Grande Esplicassion


LA GRANDE ESPLICASSION

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"De nombreux démocrates on réfléchi à la manière de naviguer dans un avenir sombre, le parti étant incapable d'empêcher Donald Trump de mener à bien une transformation de droite du gouvernement américain. D'autres se sont tournés vers l'intérieur, cherchant à comprendre pourquoi la nation US les avait rejetés. Ils ont parlé de la désinformation et de la lutte pour communiquer la vision du parti dans un environnement d'information réduit inondé de propagande de droite » - Le New York Times
      
Le 27 juillet 1794, les membres non fous de la Convention Républicaine française, ou organe législatif national à Paris, se retournèrent soudainement contre le leader jacobin enragé Maximilien Robespierre et renversèrent son groupe tyrannique au pouvoir, qui avait tué 40 000 de leurs concitoyens dans l'orgie paranoïaque connue sous le nom de « Règne de la Terreur ». Le lendemain, Robespierre se rendit à son propre rendez-vous avec le « rasoir national » et la réaction thermidorienne commença !
À propos, dans l'une de leurs nombreuses actions visant à désorganiser la société française, les Jacobins avaient changé le calendrier, rebaptisé tous les mois et fait passer les semaines de sept à dix jours (pour éliminer le dimanche comme jour de repos sacré dans leur croisade contre Jésus-Christ et l'Église). C'est ainsi qu'est né Thermidor, le mois du milieu de l'été. C'était qu'une petite partie de leur programme proto-communiste, mais on peut y voir la saveur de leur extrémisme radical.

Les Woke Démoncrates de ces derniers temps étaient les Jacobins des USA, et l'élection du 5 novembre 2024 marque le coup d'envoi de la réaction thermidorienne de l'Amérique. Les fous ont été renversés et ce pays attend désormais le rétablissement des normes culturelles et juridiques. Finie la sexualisation des enfants, finie l'inondation de criminels mutants à la frontière américaine, finie la censure furtive de la parole publique, finie la guerre juridique créative, finies les femmes sur les champs de bataille, fini le racisme « antiraciste » sur les lieux de travail, finie la prise de contrôle de la vie privée de chacun par les services de renseignement. Imaginez le tableau !

De nombreux mystères persistants sur la manière dont tout ça s'est produit - et même sur ce qui s'est passé exactement - restent à éclaircir par la loi et par l'histoire. C'est probablement parce qu'une grande partie de la révolution éveillée a été provoquée par des manipulations mentales de pointe dans le laboratoire d'opérations psychologiques de l'énorme bloc d'intelligence. Ce blob, vous le comprendrez les doigts dans le nez, était devenu une colossale opération de racket avec de nombreuses branches et des racines toujours plus étendues, et il jetait ses sortilèges sur la population pour protéger ses intérêts - qui, bien sûr, impliquaient d'énormes flux de revenus.
Son sort le plus puissant fut sans doute la manipulation des émotions des femmes, l'exploitation du psychodrame féminin comme moteur de la discorde sociale de masse comme on l'a vu chez nous depuis mai 68. Dans une nation de pères absents, d'enfants abîmés et de relations hommes-femmes brisées, Donald Trump a été dépeint comme l'archétype ultime du papa tyran pour détourner l'attention du public de la tyrannie réelle qui se développe sous la direction des services de renseignements américains et de leurs acolytes mondialistes. Exemple concret : Le RussiaGate, une hystérie de longue date d'accusations fabriquées, un fabuleux pot-pourri de ragots scabreux, conçu aux plus hauts niveaux du gouvernement US dans le but exprès de ruiner le premier mandat de Donald Trump. La « chasse aux sorcières » était exactement le terme approprié.

De nombreux autres psychodrames ont suivi, tous artificiellement concoctés par diverses branches du blob de l'état profond : les destitutions #1 et #2 ; "l'émeute" du 06 Janvier au Capitole concoctée et provoquée par le FBI et la fausse enquête sur ce même 06 Janvier à la Chambre des Représentants tenue par l'infâme sorcière Pelosi qui a suivi ; le déploiement de fausses affaires criminelles et civiles inspirées par le Département de la Justice qui ont immobilisé Donald Trump dans les salles d'audience tout au long de l'année. Trump dans les salles d'audience tout au long de l'année, et surtout la présentation par les médias hostiles et collabos de toutes ces choses comme une grande frénésie éternelle de femmes à l'écran criant après la figure du père, Donald Trump, comme des adolescentes hystériques et boutonneuses en proie à des fuites de perturbations hormonales.

Les électeurs, soumis à des années d'agitation, ont fini par voir, à travers tout ce psychodrame induit, comment ils étaient manipulés, et le 5 novembre, ils se sont finalement révoltés. Leur dilemme a probablement été illustré par l'absurdité de voir des hommes pratiquer des sports féminins - envoyer des ballons de volley-ball sur la tête des filles, les frapper en pleine poire sur le ring aux JO de Paris, les humilier dans les couloirs de natation - et, surtout, d'être impuissants à faire quoi que ce soit, parce que les responsables de « Joe Biden » avaient dit qu'il devait en être ainsi, peu importe qu'est-ce que vous pensiez et ressentiez à propos de ce que vous voyiez.

Le New York Times, le guide de la "bien-pensance" du blob de l'état profond mondialiste, avertit son lectorat de moins en moins nombreux d'accros au psychodrame que Donald Trump va maintenant se défouler sur la noble bureaucratie qui gère si bien les choses dans ce pays. Comme d'habitude, le NYT, comme le Monde ou Libération, induit en erreur et désinforme. Il s'agit des griefs de la nation qui a vu sa loi et sa culture transformées en de nouveaux ordres de méchanceté qui laissent la vie quotidienne aux États-Unis, mais pas que, pervertie, déshonorée et grotesquement modifiée.

Donald Trump a donc choisi un cabinet qui effraie l'état profond à mort - pour de bonnes raisons. Leur objectif est de désarmer et de démanteler systématiquement ce blob. Il s'agit d'une équipe de guerriers sérieux et intelligents qui ne plaisantent pas, en particulier Matt Gaetz (Procureur Général au Département de la Justice DOJ), Tulsi Gabbard (Supervision de toutes les 17 agences de renseignement incluant la CIA, la DIA, le FBI et la NSA), Robert F Kennedy Jr (Santé & Alimentation), John Ratcliffe (Directeur de la CIA) et Tom Homan (Contrôle des frontières et Immigration), Mike Waltz (Directeur adjoint à la Sécurité), Marc Rubio (Politique étrangère), Pete Hegseth (Ministre de la Défense DOD), Elsie Stefanik (Ambassadrice aux Nations Unies), Lee Zeldin (Environnement), Elon Musk (Efficacité gouvernementale DOGE), Susie Wiles (Porte-parole de la Maison Blanche) et Vivek Ramaswamy (Efficacité gouvernementale DOGE avec Elon Musk). Brendan Carr (à la FCC - Commission de régulation des Telecoms Radio TV Internet etc), Chris Wright (Le climatoseptique à l'Energie)  Et le nouveau directeur  du FBI n'a pas encore été nommé mais tout porte à croire que ce sera Kash Patel.) 
On peut se demander comment que le blob compte se défendre contre une telle équipe de super-héros patriotes, mais vous pouvez être sûrs que la Bête acculée tentera de résister jusqu'à son écrabouillage total.

On est nombreux à penser que les deux récentes tentatives d'assassinat contre le président élu étaient des opérations commanditées par l'état profond et les mondialistes. Tout le monde s'attend à ce qu'ils essaient à nouveau. Mais il est possible que le système américain ait encore assez de mojo pour s'auto-corriger. Un grand nombre de fonctionnaires ont beaucoup d'explications à fournir. Il semble qu'ils y seront contraints, y compris les responsables de la santé publique comme Anthony Fauci ou Olivier Véran chez nous et ses copains qui nous ont apporté le Covid-19 et les vaccins ARNm obligatoires, inefficaces et nocifs.

Il y a tout lieu de croire que l'explication peut avoir lieu dans le cadre de procédures correctes, conformément à la loi : auditions, grands jurys, tribunaux. Les USA disposent déjà de lois contre le racket, l'abus de pouvoir, la fraude électorale, la corruption, les poursuites abusives, la sédition, la trahison et la conspiration en vue de commettre tous ces crimes dont certains contre l'humanité. Attention : tout ça est différent d'une guerre juridique, qui consiste à inventer des crimes ou à en simuler et à fausser les procédures. On va avoir droit à une démonstration de la différence entre le droit tout court qu'est correct et la guerre juridique via un droit militarisé qu'est rien qu'une saloperie
Voilà qui devrait avoir un effet salutaire sur l'esprit national des USA et sur le reste du monde. Et ça devrait motiver ce reste du monde à s'atteler à la réparation des dommages causés à nos différents pays.

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Mais c'est pas parce qu'on a le momentum qu'il faut s'arrêter en si bon chemin, au contraire. Banzaï !!!

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15 nov. 2024

974. Gardiens des Livres


GARDIENS DES LIVRES

Paresseusement vautrée dans son canapé en velours cramoisi, Berthe posa son café tiède sur l’énorme tapis à côté d’elle et retourna à son livre électronique. Des carillons éoliens tintaient dans son jardin de pavillon de banlieue envahi par la végétation, une légère bruine de pluie chatouillait les fenêtres. 
Au cours des vingt dernières années, Berthe avait planifié sa retraite avec minutie. Certains de ses amis avaient prévu des voyages en ligne autour du monde, d’autres faisaient le tour de planètes dont Berthe avait jamais entendu parler. Ses plans étaient plus simples. Des nuits tardives, des grasses matinées encore plus tardives frisant presque le début d'après-midi  et des livres. Les restes de ses journées seraient les mêmes, à part quelques interactions humaines obligatoires. Dormir, lire, dormir, lire. Le paradis.

Elle avait pas relu 'Des Souris et des Hommes', le chef d'œuvre de Steinbeck, depuis qu'elle était adolescente et s'était étonnée de se souvenir de tant de passages, de mots et de sentiments. Pas seulement du livre mais de la personne qu'elle avait été quand elle l'avait bouquiné pour la première fois. 

Comme la musique, les livres pouvaient faire d’elle une voyageuse temporelle. La ramenant, l’espace d’une fraction de seconde, à la sensation d’être cette jeune femme. L’odeur d’un déodorant vanillé, la sensation de grattage des collants rugueux à l’école, le tumulte intérieur des bouleversements hormonaux, la sérénité profonde d’avoir encore des parents. 
Alors qu’elle se souvenait des mots qu’elle avait lus, elle passa une milliseconde dans sa maison familiale. Lorsqu’elle essayait de capturer l’instant, de l’allonger, de prolonger la belle et douloureuse nostalgie d’être celle qu’elle était alors, elle s’évaporait tout simplement. Mais lorsqu’elle s’autorisait à simplement lire, à continuer, les souvenirs les plus fugaces enveloppaient tout son corps et suintaient à travers son âme. 

Mais vers la fin du livre, le voyage dans le temps s’arrêta. C'est pas que des passages lui devinrent totalement inconnus, mais plutôt comme s'ils étaient soudain devenus plus lointains. Alors qu’elle approchait de la fin, quand George et Lennie posèrent la première pierre de leur nouvelle maison sur le terrain qu’ils avaient acheté ensemble, elle se souvint de quelque chose de plus récent. 

La semaine précédente, après avoir terminé le 1984 d'Orwell, elle n'était pas arrivée pas à comprendre ce qui avait cloché dans le fait que Winston et Julia s'échappent ensemble de l'univers de Big Brother pour finir par élever des moutons sur une île au large du Connemara. La semaine avant cette dernière, Roméo et Juliette avaient réuni leurs familles afin d'annoncer la naissance de leur deuxième bébé. Et trois semaines plus tôt encore, lorsque la belle Aurore de Nevers tombait profondément amoureuse de Passepoil tout en faisant du gringue à Cocardasse. Elle avait lu toutes ces histoires dans sa jeunesse. Certaines plus d'une fois. Mais leur fin semblait en contradiction avec ses souvenirs. Leur fin semblait être née de nouveau. Elles étaient satisfaisantes, c'est sûr, et vraiment pleines d'espoir. Mais elles étaient en quelques sortes vides, non seulement de ses souvenirs mais aussi de profondeur et de sentiments. 

Elle savait pourquoi, bien sûr. Les Gardiens des Livres. Il y a des décennies, il y avait eu une menace de guerre civile, ou du moins un terrorisme très réel entre endormis et indormiaques, lorsque les autodafés de livres avaient commencé. L'émotion suscitée des deux côtés avait été incendiaire et une multitude de gens se retrouva prise dans une guerre morale et philosophique. 

Pour certains, la littérature était ce qu’elle était et ses récits inédits avaient une valeur indéniable : une sorte de capsule temporelle, capturant non seulement les événements des jours qu’ils exploraient, mais aussi les attitudes de la société et même des auteurs. Pour d’autres, le contenu et les opinions étaient profondément troublants, offensants et dérangeants : il n’y avait pas de place dans la société pour des opinions attristantes et peu éclairées qui pouvaient contrarier. 

Berthe n’avait choisi aucun des deux camps pendant toutes ces décennies, trop occupée par son travail pour vraiment s’engager et confiante que les bonnes décisions seraient prises en son nom. Les gardiens de la littérature, en fin de compte, prenaient les décisions. Mais aurait-elle dû y prêter plus attention ? 
En permettant que les livres de sa jeunesse soient remasterisés, avait-elle perdu non seulement les livres eux-mêmes, mais aussi la porte d’entrée vers la personne qu’elle avait été lorsqu’elle les avait lus pour la première fois. Et, plus inquiétant encore, toute cette retraite n’était-elle qu’un plan pour revivre sa vie à travers les livres qu’elle avait lus autrefois ? Parce que si l’on considère que ça faisait des années, des décennies même, que sa vie ne lui avait pas permis de lire un livre, il n’y avait peut-être pas grand-chose à revivre. 

Au moment où qu'elle commençait à rassembler ces pensées déconcertantes, sa montre se mit à vibrer doucement puis à lui causer. 
" Tu sembles souffrir d’une petite turbulence émotionnelle", déclara le thérapeute fantôme planqué dans la tocante. " Souhaites-tu que nous en parlions ?
- Non, pas maintenant.
- Comme tu voudras. Je suis là si tu as besoin de moi. On pourrait peut-être faire une petite promenade ?
- En fait, une promenade serait une bonne idée", répondit Berthe, une idée bouillonnant derrière son pariétal. " Où se trouve la bibliothèque la plus proche ?
- La bibliothèque la plus proche est à 2,8 kilomètres. C'est la bibliothèque municipale de Montrouge", répondit sa montre. 
- D'accord. Super. Mais où se trouve l'endroit le plus proche pour voir de vrais livres ?
- La Bibliothèque Nationale de France ou BNF se trouve rue Vivienne dans le 2ème Arrondissement de Paris. La BNF propose un certain nombre d'expositions intéressantes qui permettent aux visiteurs d'en apprendre davantage sur les livres imprimés. Elle se trouve à 7.2 km d'ici.
- Parfait, planifie-moi le trajet."

Il lui fallut 4 heures et 22 minutes  pour atteindre les portes de la BNF. Son corps vieillissant n’avait plus aucune vitesse, mais son endurance restait inébranlable. Lorsqu’elle arriva sur place, elle y fut accueillie par deux gardes armés. 

" Je suis juste venue pour visiter", expliqua Berthe avec étourdissement et comme pour s'excuser, sa peur de l'autorité la surprenant comme celle d'un enfant. 

Ils ne répondirent pas, estimant que vu son grand âge, elle serait pas une fauteuse de troubles. L'intérieur du bâtiment semblait encore plus grand et majestueux qu'il ne paraissait de l'extérieur et la plus grande partie était dédiée à divers révolutionnaires qui s'étaient battus, parfois même littéralement, pour que les classiques soient préservés. 
Elle passa devant les monuments commémoratifs de ces personnes avant-gardistes qui avaient consacré leur vie à s'assurer que la politique ne détruise pas les grandes œuvres littéraires qui, bien que souvent profondément problématiques, avaient eu une énorme influence sur les livres et, plus important encore, sur les jeux, les films et les expériences électroniques que les gens passaient tant de temps à apprécier aujourd'hui. 

Un homme sévère avec un bandeau de borgne se tenait derrière un comptoir dans le fond d'une pièce caverneuse, faisant glisser les pages d'un livre électronique avec dédain. 

" Bien le bonjour monsieur. Hem, avez-vous des livres imprimés ? demanda Berthe nerveusement. 
- Que recherchez-vous exactement ?" grommela ce dernier, détournant à peine l'œil de son écran. 
" Des Souris et des Hommes, de John Steinbeck."

L'homme pointa un œil poignardesque sur elle et haussa le sourcil correspondant.

" Nous avons la version électronique. Elle est téléchargeable. Vous n'aviez pas besoin de venir jusqu'ici pour ça, vous savez ?
- Non, je veux le livre lui-même. Je veux pouvoir le tenir entre mes mains.
- Non, il n’en reste plus.
- Quoi ? Aucun ? Que voulez-vous dire ?
- Il n'en reste plus. Quelques exemplaires originaux de 'Of Mice and Men' à New York peut-être. Ou des collectionneurs ont peut-être réussi à en conserver. Mais nous n'en avons plus, ni originaux ni éditions françaises. Pourquoi le voulez-vous, de toute manière ?"
Il n'y avait pas un gramme de gentillesse au début de son discours, et à la fin il semblait en colère contre l'existence même de Berthe. 

" Avez-vous au moins une version scannée de l’original ?
- Non." L’homme commença à regarder nerveusement vers la porte.
- Où puis-je m’en procurer un exemplaire ?" demanda Berthe, complètement inconsciente du caractère inapproprié d’une telle question.

" Vous êtes venues ici pour causer des problèmes, c'est ça ?", demanda l'homme, sa voix réduite à un grognement. " Vous êtes l'une de ces manifestants ? Hein ? Eh bien, même si nous avions un scan de l'original, vous ne pourriez pas le consulter ici, vous comprenez ? Et de toute façon, nous ne l'avons pas.
- Manifestante ? Oh mon Dieu, non. Pas du tout. Je ne me suis impliquée dans aucune de ces histoires. Je n'ai même pas pris parti. Je pensais que chaque camp avait un point de vue suffisamment raisonnable pour être honnête", balbutia Berthe, le visage rougissant de honte. Sa montre se mit à vibrer mais elle appuya discrètement sur un des ses boutons pour la faire taire.

" La BNF n'est qu'un musée, d'accord ? Que ça vous plaise ou non, ces livres qui ont existé et n'existent plus, ils faisaient partie du monde. Une partie importante autrefois. Et vous avez quand même réussi à faire ce que vous vouliez, n'est-ce pas ? Vous avez vos versions aseptisées, sans violence et avec des fins heureuses. Vous avez généré vos foutues révisions par l'IA et vous avez tout gâché pour nous tous", bégaya-t-il, la larme à l'œil. 

Berthe se demanda si la montre du borgne ne s'était pas mise elle aussi à vibrer...
" Je suis vraiment désolée. Je crois que vous m'avez mal comprise. Je suis désolée. Je vais partir..., je vais juste m'en aller"

Et elle s'enfuit, même si son allure d'escargot pouvait pas vraiment être qualifiée de fuite. Elle héla un taxidrone qui volait par là et fut chez elle en moins de quinze minutes, en sueur et mortifiée. Elle porta ses mains à sa bouche. Sa montre tremblait à sa place et elle activa le son pour lui permettre de déverser son inquiétude.

" Berthe, tu sembles souffrir d’un trouble émotionnel intense. Peut-être qu’une sieste pourrait calmer les choses", suppliait-elle doucement. 
- Non. Je veux un autre livre. Madame Bovary, je veux lire Madame Bovary.
- Flaubert ! Excellent choix si je puis me permettre. Madame Bovary t'attend sur ton ebook.
- Raconte-moi l’intrigue.
- Madame Bovary est une histoire d’amour évocatrice qui se déroule en Provence. Elle raconte l’histoire d'Emma et de Charles, une bourgeoise de la ville et un médecin pharmacien de campagne cocaïnomane et dealer, qui tombent amoureux malgré leurs différences sociales. Emma, quant à elle est nymphomane, elle adore se faire trousser par des marins ramassés sur le vieux port de Marseille sous le regard voyeur de son coquin de compagnon.
- Mazette ! Et que se passe-t-il à la fin ?
- Emma et Charles se détournent de plus en plus des normes sociales et se marient. Charles gagne sa fortune grâce à des trafics d'opium  intelligents avec des marins chinois et ils vieillissent ensemble dans le stupre et la luxure dans leur mas provençal. Il meurt après avoir inhalé de l'arsenic qu'il avait pris pour  de la coke au grand âge de 97 ans. Emma lui survivra quatre ans et mourra d'un infarctus durant une partouze avec un équipage bigarré de marins  chypriotes et philippins.
- Quelle est la fin de l'original ?
- Je ne comprends pas la question.
- Le livre original. Ils ne vieillissent pas ensemble dans l'original, n'est-ce pas ?
- Je suis désolé, je ne comprends pas la question."

Berthe ne comprenait pas pourquoi son cœur battait si fort, ses paumes se serraient, une sorte de rage douloureuse l'envahissait.

" Est-ce que Madame Bovary a été réédité ?
- En 2089, un certain nombre de révolutionnaires se sont battus pour mettre un terme aux autodafés et aux piratages de livres qui duraient depuis plusieurs années. Ces révolutionnaires, connus sous le nom de « Gardiens des Livres », travaillèrent sans relâche pour trouver une solution aux problèmes créés par ces ouvrages dans leurs formes originales. Leur solution, une re-mastérisation astucieuse de nombreux classiques, a permis de préserver ces livres pour les générations à venir.
- Quels problèmes causaient ces livres ?
- Beaucoup de ces livres provoquaient des turbulences émotionnelles qui pouvaient être préjudiciables à l’esprit humain."

Berthe savait déjà tout ça. Elle avait été adolescente en 2089, voilà plus de 60 ans aujourd'hui, et se souvenait des célébrations. Au début, il y avait eu des célébrations de toute façon. Un compromis avait été trouvé, la littérature avait été sauvée. Mais au fil du temps, les livres ne furent pas seulement édités pour supprimer les passages offensants, ils devinrent édités pour inclure des fins plus heureuses, pour améliorer les messages et même les paysages, pour adoucir les troubles émotionnels qu'ils pouvaient infliger. De nos jours, la plupart des classiques étaient totalement remasterisés par l'IA ; la promesse était qu'avec les nouvelles technologies, les anciens écrits pourraient être améliorés. Ce qui s'est passé, c'est qu'ils ont été réédités en bouillie fade et sans cœur ou au contraire épicée et exubérante . Les maîtres ont été remasterisés. Des programmes ont exploité les œuvres des auteurs originaux et réécrit complètement les livres. La même voix, prétendait-on, le même style d'écriture, la même prose, la même rhétorique, mais améliorés.

Et il y avait un autre souvenir qui lui revenait à l'esprit. Un souvenir quelque peu honteux. Sa mère dénigrant les Gardiens des Livres à la table de la cuisine. Sa mère et son père se disputant. Des mots que son père avait dits. Quelque chose comme : « Laisse notre fille en dehors de ça, bon sang. C'est qu'une enfant. C'est son avenir, que tu le veuilles ou non, et tu ne peux rien y changer.»

Et puis, autre chose. Quelque chose de doux et de tendre. Couchées sous un abri constitué d'un drap tiré entre son lit et celui de sa sœur aînée. Tenant des livres. De vrais livres. Les lisant furtivement, les lisant dans leurs mains, les pages douces et matelassées. Leur mère, souriante, faisant taire leur petit secret. Lire des livres ; des livres imprimés. Lire les mots temporaires imprimés à l'encre qui un jour s'effaceraient. Ou brûleraient. 

Des larmes coulaient sur le visage de Berthe. Pas des larmes de honte, des larmes de rage. De grosses larmes de souvenirs, celles qui purifient, qui délogent les sentiments et permettent de les retenir. 
Elle retira sa montre et se dirigea vers une commode dans sa cuisine et la vida de son contenu. Puis vers la commode du salon. Sous l'escalier, elle fouilla dans les cartons et les meubles à chaussures. En haut des escaliers, elle fouilla dans sa chambre, son étude et même dans la salle de bains. Finalement, se tenant debout sur une valise pour prendre de la hauteur, elle tendit la main vers la porte du grenier et tira sur l'ouverture, un escalier métallique se déploya en s'abaissant. Elle grimpa les marches en titubant et fouilla avec frénésie dans les cartons de souvenirs mis en attente. Finalement, elle en trouva un. Un livre. Un vrai livre. Elle renifla la couverture, les pages qui avaient été caressées par tant de gens, et les agita entre ses doigts. Elle ne savait pas à quel point tenir un vrai livre lui manquait jusqu'à ce qu'elle ne le puisse plus.
'Prince Noir'. Le livre préféré de son enfance. Celui que sa mère lui avait permis de garder comme un secret. Enfoui sous des vêtements dans lesquels elle ne rentrerait plus jamais et des poupées avec lesquelles elle ne jouerait jamais plus. Prince Noir. L'histoire déchirante d'un cheval. Le livre qui, même si elle ne le connaissait pas pleinement, avait enseigné à la jeune Berthe l'empathie, la compassion et l'espoir. Elle retourna sur son canapé cramoisi avec un certain effort et s'allongea. Et elle le relut. Et ce faisant, des souvenirs refirent surface.

Des souvenirs comme des papillons. Là, mais partis. Réels, mais intangibles. Des sentiments. Des souvenirs de sentiments. La tendresse stoïque de sa mère et de ses ongles striés. La compagnie méprisante de sa sœur et l'odeur de son haleine matinale. La loyauté de sa meilleure amie et ses nœuds dans les cheveux. L'horrible sensation des lundis matins et l'odeur de sa trousse à crayons. Elle était transportée, non seulement dans l'Angleterre victorienne, mais aussi dans sa propre enfance. Son propre esprit d'enfant galopait dans son cerveau vieillissant. 

Elle termina le bouquin vers 3 heures du matin et dormit toute la journée suivante. Lorsqu'elle reboucla sa montre à son poignet vendredi matin, elle entendit les bourdonnements algorithmiques frénétiques concernant son bien-être. Elle les ignora, but un café, se chaussa de chaussures de marche et parcourut à pied les 7 kilomètres et quelques qui la séparaient de la BNF. 

En entrant dans le musée, elle fut satisfaite de voir le fou borgne derrière son bureau. Sans lever les yeux, il lui demanda ce dont elle avait besoin sans se rendre compte qu'il s'agissait de la même fauteuse de troubles qu'était venue le voir quelques jours auparavant.

" J'ai en ma possession quelque chose que je pense que vous aimeriez voir", marmonna Berthe, ouvrant son sac pour révéler la tranche du livre. 

L'homme porta sa main pâle à sa bouche et tenta alors de défaire ce geste de trahison. 

" C'est vraiment un vrai ?" demanda-t-il en chuchotant. 
- Oui", dit Berthe stoïquement. " Il est bien réel.
- Ne le sortez surtout pas de votre sac. Pas ici. Laissez-le sur le dessus de la chasse d'eau dans les toilettes. Revenez le chercher la semaine prochaine", dit-il à voix basse en masquant ses lèvres de la main, ramenant son regard sur son écran après un rapide coup d'œil vers la porte. 

Berthe fit ce qu'il lui avait demandé, ravie par le caractère secret de son livre. Elle rentra chez elle par le chemin le plus court, incertaine de ce qu'il adviendrait du livre, de son destinataire ou d'elle-même. 

Arrivée chez elle, elle retourna au grenier pour tenter d'y trouver d’autres ouvrages, mais elle fit choux-blanc. Elle s’allongea dans le cramoisi de son canapé et se demanda ce qu’elle avait fait tout au long de sa vie professionnelle pour avoir à peine remarqué la fin de la littérature, sans parler d’avoir assisté à sa disparition. 
Tellement occupée. Elle avait toujours été si occupée. Enfin, à 85 ans, elle avait atteint l’âge de la retraite et n’avait plus grand-chose à apprécier. Elle avait manqué une révolution entière avec les yeux grands fermés et avait misé toute sa vie sur le plaisir qu’elle avait pu obtenir de ce que cette révolution avait détruit. Elle avait supposé que ce qui avait été décidé était pour le mieux, mais avait permis à son existence d’être rincée de toute émotion, de toute profondeur. 
Elle avait tendu le poignet lorsque les montres avaient été distribuées pour surveiller les émotions et les pensées. Pourtant, maintenant qu’elle avait du temps pour les émotions et les pensées, il ne lui restait plus rien pour les inspirer.

Elle pleura pendant six jours. Le septième, elle retourna à la BNF, espérant contre tout espoir que son livre l'attendrait au dessus de la chasse d'eau dans les toilettes. Ce ne fut pas exactement le cas. 
Au lieu de ça, il y avait un autre livre, au-dessus duquel se trouvait une note : « Je peux vous rendre Le Prince Noir quand vous le voudrez. Mais pour l'instant, empruntez-celui-ci et rendez-le-moi pour en prendre un nouveau quand vous l'aurez fini. Nous n'en avons pas beaucoup, mais nous en avons quelques-uns. Et c'est beaucoup. »

Sous le mot se trouvait un exemplaire de 'Des Souris et des Hommes' en édition bilingue français-anglais. Taché, corné, scotché. Et avec une fin qui lui rappellerait le parfum de sa mère et la ferait pleurer.

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