Bienvenue, curieux voyageur

Avant que vous ne commenciez à rentrer dans les arcanes de mes neurones et sauf si vous êtes blindés de verre sécurit, je pense qu'il serait souhaitable de faire un petit détour préalable par le traité établissant la constitution de ce Blog. Pour ce faire, veuillez cliquer là, oui là!

24 janv. 2007

229.La vérité si je mens 2

D’abord, et avant de ré-entamer les débats, je voudrais déposer une petite pensée qui me gonfle le cœur d’amertune. Le fil de la petite Ariane n’a pas fait le poids et s’est brisé, ses jolis yeux se sont éteints jeudi soir, 18 janvier. Et sans mentir, je peux vous affirmer que c’était pas elle qu’avait descendu le Chivas Régal. Que Dieu, s’il existe, pardonne sa pauvre mère effondrée pour ce manque d’attention momentané qui lui coûte aujourd’hui la chair de sa chair. Petite puce, repose en paix, loin de ce monde empli de merde et de soude caustique.


Ceci étant dit et le deuil consommé, revenons à nos moutons. Encore des doutes, hein ? Je vois bien à vos sourcils froncés que mon petit exposé de l’autre jour ne vous a pas totalement convaincus. Que la peur du rouleau à pâtisserie - qui, comme chacun le sait, est aux dames de France et de Navarre ce qu’est une matraque, une batte de baseball ou un Flash ball dans les mains des forces vives Sarkozistes et Front Nationalistes – a encore sur vous l’emprise douce amère d’une mémorable migraine cavitatoire. Mais que cela ne vous arrête pas, mes frères, que cela ne vous arrête pas. Si je sais que je n’ai pas manqué de substance dans mes arguments précédents, j’avoue pourtant que j’ai été loin d’avoir fait le tour du sujet.
C’est pourquoi, aujourd’hui, nous aborderons une autre facette de la vérité et du mensonge. Je veux parler ici des promesses faites et non tenues.

Exemple pratique : Va-t-il vraiment le faire ?

Pour bien vous faire comprendre le processus, j’illustrerai mon propos de ce que le fournisseur d’accés AOL appelle communément la « gestion des désirs » de ses abonnés.
Disons que vous avez promis à votre autre vous de faire quelque chose de particulièrement désagréable et fatigant. Peut-être avez-vous promis de nettoyer les gouttières de sa maison, de tailler sa haie, ou de lui servir de chauffeur, de garde du corps et de mécène pendant toute la durée de ses emplettes dans les boutiques des deux côtés de la rue Bichon. Ou encore de faire ce truc bizarre et compliqué qu’elle adore faire sous la couette, qui implique votre langue et ses petits tétons petons.
Alors bien sûr, quand vous promettez à la femme de votre vie que vous êtes enfin partant pour n’importe quel truc cauchemardesque qu’elle a choisi, elle est toute excitée. Normal.
Il se pourrait même qu’elle en fasse des vertiges.
Mais elle est un petit peu méfiante aussi, circonspecte si vous préférez – vous ne vous laissez habituellement pas embarquer dans ce genre de galère. Pas sans avoir défendu bec et ongles votre tranquillité. Et elle est pas sûre que vous allez vous montrer à la hauteur de ses espérances. Vous, bien sûr, souhaitez éviter ce tas de monstruosités contre-nature à tout prix. Mais on ne peut pas revenir sur une promesse. Alors vous êtes baisé, c’est bien ça ?

Hem… pas nécessairement. C’est là que notre vieille pote l’incertitude se pointe au galop sur sa jument pour vous sauver la mise une fois de plus. Disons que ça fait deux ou trois jours que vous lui avez hypothéqué votre âme contre quoi que ce soit d’infernal qu’elle vous a fait promettre. Maintenant, votre chérie veut vérifier, tenter de savoir si vous aurez le courage d’aller au bout de ses rêves les plus fous, ou si vous allez tenter de filer à l’anglaise la queue entre les jambes.
(Ce qui, évidemment, est le cas.)
Elle vous demande, en toute innocence :
« Alors, mon chat… tu vas bien faire <insérez ici le truc innommable qu'elle vous à fait promettre> ce weekend, hein ouais ? »

Maintenant, vous pouvez pas prétendre que vous n’avez jamais accepté de le faire. Elle vous a entendu le dire, et c’était très clair, y avait pas de parasites, de larsen ou de merdes de ce genre. Si ça se trouve, elle vous a même enregistré à l’insu de votre plein gré sur une de ces putains de micro-cassettes, peut-être même avec la touche ‘record’ du téléphone portable dernier cri que vous lui avez payé pour ses étrennes – vous commencez d’ailleurs à vous mordre les doigts de ce cadeau empoisonné.
Alors pas moyen de vous en tirer en invoquant une perte de mémoire. Sinon, attendez vous à la voir coincer ses quatre lèvres, celles du haut et les deux autres - donc à quatre semaines d’abstinence et de monologue en compagnie de votre ours en peluche.
Mais rappelez-vous : elle vous a pas demandé si vous aviez accepté de faire ce qu’elle vous a fait promettre. Non, ce qu’elle veut savoir, c’est s’assurer –
disons avec une certitude maladive – que vous allez bien le faire ce weekend. Houla, c’est pas du tout la même chose, là…
Considérez ce que vous savez sur ce que ce weekend va apporter d’imprévu dans ses valoches. Je crois pas me montrer trop téméraire en affirmant que vous n'en savez pas grand-chose. Sauf si c’est marqué Karl Lagerfeld sur le socle de votre boule de cristal.
Presque rien en fait.
Vous ne savez pas à quoi va jouer la météo – personne ne le sait d’ailleurs, et ça inclut évidemment ces connards de présentateurs météo de TF1 et comme de ses chaînes ennemies qu’essaient sans relâche et sans succès de nous faire croire le contraire. Donc, si le truc en question qu’elle vous a forcé de promettre dépend du temps qu’il fera, vous ne pouvez rien lui assurer. Là, c’est fastoche. Moi, je pourrais le faire en hiver sur un pied dans le fond d’une barrique qui prend l’eau par houle de suroît bien établie dans l'ouest des Shetland, ce qui vous donne, je n’en doute pas, une toute petite idée sur l’étendue de mes capacités.

Mais si vous y regardez de plus près, vous ne savez pas grand-chose d’autre non plus sur ce que va vous apporter ce weekend à la con. Disons que c’est pour la virée dans les boutiques de luxe de la rue Bichon que vous vous êtes engagés. C’est pas une petite averse ou une petite bruine bretonne qui devrait vous ralentir.
(Quoi que, soyons honnêtes – je parie qu’une tempête de grêle ou un déluge de grenouilles feraient très bien l’affaire. Mais laissons de côté les sales blagues à Moïse pour l’instant. C’est utilisable à la rigueur, mais il existe de meilleurs trucs pour vous sortir de cet imbrogliesque quiproquo.

Retour à votre niveau de confiance sur ce que sera ce weekend. Vous est-il possible de savoir si vous allez faire le truc infect qu’elle vous a fait promettre ? Qui peut dire quand vos jambes vont spontanément se détacher de vos rotules, un nuage d’abeilles tueuses s’abattre dans votre salle de bain, ou le soleil se faire gober par un trou noir en maraude?
Il n’existe aucun moyen de savoir si un ou plusieurs événements de ce genre vont – ou plutôt ne vont pas – se produire. Donc vous êtes parfaitement raisonnable si vous répondez à votre tendre mais sceptique poupette :
Tu sais, honnêtement, je ne sais absolument pas si je pourrai faire ça ou pas ce weekend.’
Encore une fois, pas un mensonge. Et, si vous avez le cul bordé de nouilles, assez frustrant et assez vague pour vous en sortir la tête haute et tout entier. Après avoir entendu ce genre d’argument et de réponse trois ou cinq fois, votre femme / amante / copine significative / belle mère - se fera une idée, et réalisera que vous n’allez probablement pas faire ce truc horrible après tout. Gestion des désirs sans recours à des non-vérités. Félicitations. Voyez comme c’était facile ?

Et je pourrais continuer comme ça jusqu’à la saint Glinglin, les mecs, mais je pense que vous êtes assez perspicaces pour avoir capté le truc arrivés à ce paragraphe. Vous avez pas besoin que je vous explique comment éviter de l’accompagner à l’opéra (Pouvez vous définir exactement ce que c’est que ‘l’opéra’ ? Nan.), ou de dépoussiérer votre chambre (Êtes vous vraiment le propriétaire de sa chambre ? Vous pensez-vous en mesure de pouvoir la dépoussiérer complètement, sans omettre la moindre particule ?).
Ou comment vous en sortir quand elle vous a pris sur le fait en train de renifler ses petites culottes dans le panier à linge sale (‘Hey, j’étais pas là quand tu les a achetées, ma louve, comment je pouvais savoir que c’était les tiennes, hein dis, franchement ?)

Hum, bon… d’accord, celle là approche un peu trop de ma vie privée. Je pense que je viens juste de vous donner un tantinet trop d’informations sur la façon dont je passe mes dimanches après midi.
(C’est un véritable challenge que de remplir les temps morts entre mes deux matchs de rugby télévisés du dimanche. Estimez vous heureux que j’ai un loisir, okay ?)
Donc, je vais considérer ma tâche accomplie pour aujourd’hui et couper mon PC pour la nuit. J’espère que mes lecteurs auront trouvé quelque chose d’utile dans mes confidences. Et en périodes de doute, les mecs, rappelez-vous seulement de notre défunt ami Gabin poussant la chansonnette : la seule chose qui est toujours vraie – Je sais – et nous savons - qu’on ne sait jamais.
Et ça, c’est hyper super trop difficile à contester ou contredire, pas vrai, ma louve les filles ?

15 janv. 2007

228.L'a mérité si je mens...


S’il y a quelque chose que j’ai appris après plus de 13 de mariage, c’est que l’honnêteté est d’une importance primordiale. Il faut toujours dire la vérité à sa femme ou son mari, quelles que soient les circonstances ou la situation.
Hem… mais rien ne vous empêche de prendre d’abord votre temps avant de décider quelle sera cette vérité. Tout est relatif, après tout.
C’est là que certains bouquins de philo que j’ai lus prouvent leur efficacité.
Voyez-vous, un nombre incalculable de personnes extrêmement réfléchies ont cru – et ont pris le temps et fait l’effort de confirmer, logiquement – qu’il règne un certain nombre d’incertitudes dans ce monde pervers. Et c’est cette incertitude qui me permet (non, je déconne ma louve – qui permet à un certain nombre de maris, de copains ou de fiancés) de dire à la fois la vérité tout en se démerdant pour éviter qu’elles ne leur tapent sur la tronche avec leurs sacs à main ou leurs talons pointes à aiguilles.
(Ou pire, avec un de ces trucs de cuisine – comment ça s’appelle déjà ? « Un rôtisseur ? Un grilleur ? Bref, de toutes manières, ces putains de trucs sont hyper lourds et hyper durs ! C’est comme si on vous balançait une culasse sur le coin de la gueule.)

Maintenant, messieurs, observez comment fonctionne ce truc pour dire toute la vérité et rien que la vérité. Ça pourrait vous faire l’économie de plein de maux de tête et de frais médicaux. 
Souvenez-vous, pour qu’une déclaration soit ‘vraie’, tout ce que vous avez à faire, c’est de vous convaincre vous-même qu’elle est vraie – et regardez les choses en face : on n’a pas la science infuse, si vous voyez ce que je veux dire.
Alors voici comment vous servir de la ‘vérité’ pour faire durer votre mariage. Je caresse l’espoir que ça puisse vous donner des idées pour sauver le votre comme j’essaie de sauver le mien.
Exemple : C’est toi qu’a fait ça ?
Disons que vous rentrez à la maison un soir, avant votre autre vous, et que vous tombiez sur une bouteille de Chivas Régal au frais dans le frigidaire. 
Quelle surprise ! 
Et disons en plus que ça a été une rude journée, que vous vous êtes un peu énervé avec votre contrôleur fiscal et que vous avez trouvé trois PV sur votre pare-brise juste en sortant de chez lui, que vous avez giflé l’impudente agente municipale qu’a eu l’audace de s’en prendre à votre innocente guimbarde, suite à quoi vous avez passé 3 heures en garde à vue à vous faire cogner dans le gras du bide par trois flics puant la vinasse.
Alors quoi de plus naturel, je suis sûr que tout le monde vous comprendra, si vous décidez de vous en taper un pour vous calmer. Puis un autre, pourquoi pas, vos nerfs ont été mis à rude épreuve. Et encore un autre, tant qu’à faire, tant et si bien qu’à la fin et avant que vous ayez plus soif – la boutanche est décalquée. Plus de Chivas. Cool. La vie est, hips, coole.

Maintenant, votre femme rentre de son bureau de Poste, et - parce qu’elle le vaut bien mais aussi parce qu’elle est joyeuse et de bonne humeur - elle décide qu’elle a envie d’un petit drink on ze rocks en tête à tête en compagnie de son coquin de mari. 
Elle ouvre le frigidaire, et trouve… ben zut alors : un cadavre de Chivas Régal !
Mais elle sait bien qu’il y avait une bouteille de Chivas pleine là ce matin, et pour cause, c’est elle qui l’y avait mise pour fêter vos 13 ans de mariage. 
Alors à tous les coups, ce qu’elle va faire, c’est se diriger vers vous, où que vous soyez assis (ou rétamé, ça dépend comment vous tenez le Chivas), et là, elle va vous dire, ses petits poings serrés comme des étaux et fermement calés sur ses jolies hanches rebondies :
" Hey, Philippe, qui c’est qu’a bu toute la bouteille de Chivas ? "
- Qui qu’a descendu la bouteille de Chivas ? "
Qui ? Bonne question. Bon, houla, mollo mollo, une p'tite minute là, ne répondez pas tout de suite, les mecs – prenez le temps de réfléchir sérieusement et en profondeur avant de répondre.
D’abord, soyons clairs, la question n’est pas spécifique. De ‘quel’ Chivas qu’elle cause en premier lieu ?
En plus d’être clairs, soyons aussi justes avec elle – les journées sont tellement dures au bureau de Poste, les clients récalcitrants, les papis durs d’oreille, les dragueurs qui puent le Ricard, les clodos de la rue Bichon qui viennent pisser devant le guichet, elle a probablement pas toutes ses idées en place. 
Elle pourrait parler de n’importe quelle bouteille de Chivas et Dieu sait si doit y en en avoir tout plein tout plein de par le monde. Tiens, je parie que rien que dans le Morbihan à l’instant où je vous cause, doit y en avoir au moins 235, si c’est pas plus. Vous pouvez pas être vraiment sûr et absolument certain d’avoir bu la bouteille dont elle parle, correct ?

Bon, même si elle vous a demandé si c’est vous qu’avez bu la bouteille de « Chivas qu’était dans le frigo » - vous pouvez pas non plus être sûr qu’elle parle du même frigo. Moi, je connais plein de frigos, rien que sur mon navire, y en a au moins huit, neuf…, dix, disons neuf et quelques. 
Et franchement, la bouteille dont elle parle pouvait se trouver dans n’importe lequel d’entre eux. Qui saurait le dire sans être sûr de pas se tromper ni sans se méprendre ?
En plus, vous devez vous poser la question suivante, vite vite avant qu’elle devienne suspicieuse sur qui se passe dans votre sale petite caboche avez-vous vraiment bu le Chivas ?

Essayons d’imaginer que vous concédiez le fait que le Chivas en question était bien le Chivas que vous êtes entrain de cuver – mais vous le niez, les mecs ; là ce que je suis entrain de tenter de vous expliquer est purement hypothétique – mais imaginons qu’on parle bien du même Chivas, comment pouvez vous être vraiment sûr et ab-so-lu-ment certain de l’avoir bu ?
C’est là que les bouquins de Philosophie dont je vous causais là-haut tout à l’heure volent à votre secours tels Superman, le 7ème de cavalerie, Sarko & ses boyz et SOS chiens battus réunis. 
Il existe une école de pensée expérimentale qui pose le problème suivant : Pouvons nous être vraiment réellement certains de vivre la vie que nous pensons vivre ?
Est-ce vraiment votre image là dans le miroir ?
Le miroir est-il bien là ?
Est-ce vraiment un miroir?
Est-ce bien moi qui commande ‘ce’ navire, conduit ‘cette’ bagnole ou qu’a bu ‘ce’ putain de Chivas ?
N’est-ce pas du moins possible après tout que nous ne soyons rien de plus que des cerveaux désincarnés dans une cuve quelque part, stimulés électroniquement de milliards de micro-façons toutes les pico-secondes afin de nous faire croire que ‘nous’ serions ce que ‘nous’ croyons que ‘nous sommes ?
Quelqu’un peut-il réellement se targuer de pouvoir prouver le contraire sans l’ombre du moindre de doute ?

Hey ho, j’entends plus rien là, y a quelqu’un dans les huniers ?

Mettons ça de façon plus familière, Ô vous mes amis de la drogue Hollywoodienne – comment savoir si l’on ne fait pas partie de la ‘Matrice’ à Matrix ou quelque chose dans ces eaux-là ? 
Chacun d’entre nous vivant ‘sa’ vie, alors que réellement tout ce que nous faisons, c’est faire trempette dans une bulle remplie de gélatine rose fluo quelque part, ‘rêvant’ nos expériences dans l’existence.
Vraiment, votre femme peut-elle vous garantir que c’est pas ce qui est entrain de se passer ?
Car moi, je vous le jure, même sous la torture, je le pourrais pas.
Ce qui rend, sinon sournoise, du moins absolument franche et honnête votre réponse à sa question quand je lui répond :
« Ben, mon bébé, hips… je sais vraibent pas gui c’est gu’a bien pu boire cette boudeille de Chibras, j’en ai bas la boindre idée, même pas la blus pruneuse. Ça debeure un bysdère total qui débache, hips… mon enchendement. »

Voilà, je suis sûr que vous commencez maintenant à saisir la puissance de cette technique. Soyez vrai envers vous-même… mais seulement une fois que votre moi est convaincu de la plus ridicule des choses que voulez faire croire à votre autre vous.
Super, hips, non ?

5 janv. 2007

227. Me, myself and I: Come d'hab', Doc!


Bon, je vois bien, à la vitesse d’escargot à laquelle défile mon compteur depuis que je suis en rade sur mon navire que le dicton se justifie : Quand le chat n’est pas là, les souris pointent pas leurs museaux près de la souricière. Mais bon, on vient de passer en 2007 alors je me suis dit que pour vous ragaillardir un petit peu, fallait que je vienne vous exciter les neurones. Donc acte
:

C’est pas ma faute si je suis comme ça. Non, c’est pas ma faute, c’est juste celle à mon alter ego qu’arrête pas de m’embrouiller. J’ai une dualité exacerbée, ma mère arrêtait pas de me le rabâcher. Marylou, qui m’adore comme trente six mères, n’a pas traîné pour prendre le relais…

« Hey, Captain’, tu vas passer pour un charlot si tu ramènes ta fraise là-bas nipé comme ça. »
Je regarde mon reflet dans la glace de l’armoire de ma cabine. Qu’est ce qui m’veut ce con, y’m’va très bien ce T-Shirt noir imprimé ‘ECILOP’ en grosses lettres blanches des deux côtés.
« Mais non, vieux snobard, ça va jeter, te fais donc pas d’bile. »

On arrive donc au ‘Picardie’ de Pointe Noire pour ce réveillon de la Saint Sylvestre. Et c’est plein de marins, de matafs de toutes les nations comme on pouvait s’y attendre - surtout croates à la peau moîte (il y a presqu’autant d’ex-yougos sur les rafiots que têtes de noeud immaculées à l’UMP, c’est vous dire) -, c’est plein de lampions et de guirlandes, et plein de gazelles à peau d’ébène. Ça saute de partout, Saga Kikongo, ambiance Kouilou, la Ngok, bière locale qui fait gonfler le bidon et le Gin Tonic, magicien des matins qui déchantent, qui coûlent à flots.

Sauf que les sauteries où vous ne connaissez quasiment personne peuvent s’avérer intimidantes.
Je peux pas rester dans l’entourage de mon équipage croate toute la soirée – à essayer de comprendre les mots placés entre les Kurva, les Kurac et les ‘Pichku materinu – comme une espèce de mère poule autour de ses canetons - ou serait-ce l’inverse - ou pire encore, j’exagère rien, vous me connaissez, comme un tournevis sans manche.

Tant bien que mal, j’arrive tout de même à faire resurgir du fond de mes souvenirs quelques uns de ces arts martiaux sociaux dont je me servais si bien du temps de l’Hydro à Saint Malo, je m’enfonce dans la fosse aux lions, prêt à faire jouer mes talents de grand prêtre du romantisme hexagaulois exacerbé.

Et qu’est ce qui devait m’arriver me tombe sur la gueule sans crier gare: juste alors que je commence à me sentir un chouïa plus confortable en compagnie d’une plantureuse congolaise en extase devant mon T-shirt et mon porte feuilles, mes yeux trahissant leur émerveillement devant les siens de biche époustouflante, deux hanches parfaites et le paquet de strass sur sa poitrine qui lui donne cet air tellement véridiquement subliminal, vlà que se ramène cet immense Dalmate bronzé et aux épaules démesurées débordant d’un débardeur noir avec le sigle… ‘FBI’ imprimé dessus en grosses lettres blanches!!!

Ajoutez à ce phénomène une sirène technicolor sur le biceps gauche et la dague des forces spéciales yougo-slaviennes sur le bras de l’aut’ bord.

Fuckin’hell, je l’ai dans le cul trop profond ce coup là.
Ouane more time.

« Et ouais, barre toi. Je t’avais prévenu de pas t’mettre ce putain de T-shirt à la con.
Mais tu m’écoutes jamais, regarde toi main’nant, regarde la situation désopilante dans laquelle tu viens d’te mettre avec tes bras de has-been tout blancs grêlés de tâches de rousseur ! Tu vas passer le reste de la moitié de ton réveillon à passer pour un poseur minable face à ce géant. »

« Hey, tu sais quoi, toi ? »
« Quoi ? »
« Tu m’gonfles. Je t’arrache de ce putain de trou. »
« Super, je veux pas qu’on me voit avec toi dans c’t’habit de clown de toutes manières. »
« … Hem, how’zit goin’ ? » nous interrompt poliment le géant de tout à l’heure en se détournant un instant de mon ex - future fiancée.
« Heu, me ? Just fine, I was just going to get going, » je lui dis.
« Oka positivo. » qu’y m’répond. « Au fait, je aimer beaucoup ton T-Shirt, la police ça impressionner toujours beaucoup les pichkas. »
« Hvala, merci, » je lui retourne. « C’est un cadeau de la mienne. » Puis je lui souhaite le bonsoir, la bonne année - qu’il aille se faire mettre au Kossovo – et tout et tout puis je me dirige vers la sortie et les rades des quais de Boscongo. Putain de Saint Sylvestre de merde. Encore heureux que ma louve a pas vu ça…


Mais elle perd rien pour attendre, la cocotte…